JdRP Aides de Jeu : Plantes vénéneuses et poisons végétaux
Un grand nombre de plantes produisent des composés chimiques qui perturbent le métabolisme humain, exerçant ainsi directement ou indirectement une action toxique. Parmi ces plantes vénéneuses, celles dont l'ingestion de quantités minimes provoque un empoisonnement grave, voire mortel sont peu nombreuses. Puisque forme dangereuse il y a, pourquoi ne pas l'utiliser ? (...)
Les poisons végétaux font parties de ces matières premières. Dès la Préhistoire, les armes portent les traces de poison : les pointes de flèches en bois de cerf présentent un sillon longitudinal dans lequel devait être déversé un mélange toxique selon une technique encore utilisée au XVIème siècle. L'Histoire est également jalonnée d'empoisonnements de personnes gênantes, pour des raisons personnelles ou politiques. (...)
Les alcaloïdes Ils représentent le groupe chimique le plus exploré. Ce sont des molécules azotées, et plus d'un millier sont répertoriés actuellement. 15 à 20 % des plantes à fleur de la planète en contiennent. En médecine, ils jouent un rôle important, comme principes actifs de certains médicaments, malgré l'essor des produits de synthèse. La frontière entre médicament et poison est souvent mince, aussi retrouve-t-on fréquemment les mêmes substances qui servent tantôt à guérir, tantôt à tuer (c'est souvent une question de dosage). (...)
C'est dans ce groupe que l'on trouve également la majorité des drogues hallucinogènes. Citons quelques plantes (et leur principe actif) parmi les plus toxiques : Aconit (aconitine), Belladone (atropine), Jusquiame (hyoscyamine), Datura (scopolamine), If (Taxine)
Les hétérosides Ce sont des sucres complexes. C'est dans le sous-groupe des hétérosides cyanhydriques que ce trouve l'un des poisons les plus dangereux pour l'homme : l'acide cyanhydrique. (...)
Les autres Certaines protéines peuvent être toxiques (graine de Ricin) ou encore des huiles essentielles (toxicité surtout par contact avec la peau et les muqueuses). L'herbier de tous les dangers Faire une liste exhaustive de toutes les plantes toxiques transformerait TnT en une encyclopédie botanique. Je me limiterai à quelques plantes potentiellement mortelles (et principalement à celles des climats tempérés) et à quelques végétaux aux effets surprenants. Aconit Napel (Aconitum Napellus) A tout seigneur tout honneur, nous commencerons par la plante sauvage la plus toxique de nos contrées. L'Aconit est une plante vivace des montagnes et des marais, qui élève en juillet de belles fleurs d'un bleu-violet profond ressemblant à un casque (on l'appelle parfois Casque de Jupiter ou de Minerve). (...)
C'est essentiellement dans sa racine qui ressemble à un navet que l'on trouve de l'aconitine, alcaloïde puissamment mortel qu'aucun remède ou presque ne peut faire passer. Douze grammes de racine (soit environ 0,25 mg d'aconitine) peuvent provoquer la mort. C'était le poison végétal par excellence dans l'antiquité. Selon les écrits d'un disciple d'Aristote, on pouvait doser la substance toxique de telle manière que l'empoisonné ne mourrait qu'après deux, trois, voire six mois, par paralysie progressive. En France, elle a été utilisé au moins jusqu'au XVIème siècle par les militaires qui, en enduisant d'aconit les armes blanches, augmentaient leur pouvoir destructeur. (...)
Plus récemment, ce danger est illustré par la tragique méprise d'un groupe de parachutistes : lâchés au cours d'une opération-survie dans une région sauvage des Pyrénées, ces jeunes gens devaient se nourrir de fruits, graines ou racines trouvés sur le terrain. La consommation accidentelle d'Aconit provoqua une intoxication collective grave et, dans certains cas, mortelle. L'empoisonnement aigu après ingestion se traduit en quelques minutes par une sensation de brûlure dans la bouche, avec engourdissement de la langue, du pharynx et du visage. Apparaissent alors des frissons, sueurs, angoisse, vertiges. Suivent des vomissements torturants, diarrhée et paralysies musculaires. La mort survient en hypothermie par une paralysie respiratoire ou par défaillance cardiaque. L'intoxiqué reste lucide jusqu'à la fin. Grande Ciguë (Conium Maculatum) Elle reste le prototype de la plante vénéneuse. Cinq alcaloïdes, dont la conicine (qui entre également dans la composition de certains curares), combinés aux acides malique et caféique représentent le principe toxique. Le fruit à maturité est de loin l'organe le plus dangereux. La Grande Ciguë pousse souvent au bord des chemins, dans les terrains vagues ou le long de vieux murs. Elle dépasse souvent un mètre de haut, sa tige est tachée de pourpre et elle dégage une odeur vireuse de souris (le froissement de ses feuilles produit par ailleurs une odeur d'urine de chat). (...)
Elle est plutôt utilisée à des fins criminelles ou judiciaires. De toutes les condamnations à la peine capitale exécutées officiellement à l'aide d'un toxique, la plus célèbre demeure sans doute celle de Socrate au début du IVème siècle avant notre ère. (...)
A une majorité confortable de 60 voix (il y a 500 votants), Socrate est condamné par le tribunal des Héliastes à boire la ciguë. Malade, Platon ne peut assister aux derniers instants du maître, mais c'est d'après le récit de plusieurs autres disciples qu'il reconstitue dans Phédon la scène célèbre. Document du plus grand intérêt, notamment par la description des diverses phases de l'intoxication et des effets physiologiques de la célèbre plante aux redoutables pouvoirs : Le sujet commence par éprouver des vertiges et des éblouissements, le mal de tête est intense. Puis apparaissent aux membres inférieurs des troubles nerveux qui s'étendront bientôt aux parties supérieures du corps : les muscles perdent de leur force et la sensibilité cutanée diminue. Pâleur de la face, troubles de la vue, dilatation de la pupille, mouvements spasmodiques sont alors les signes d'une intoxication profonde. Le sujet passe par des phases de respiration difficile et de stupeur. Les téguments se refroidissent et bleuissent. (...)
L'dème, d'abord limité, se généralise aux membres, à la tête; les yeux sont exorbités, rendant le faciès particulièrement tragique. Finalement, après quelques convulsions épileptiques, parfois accompagnées de délire furieux, la mort survient une à six heures après, par arrêt respiratoire. Comme pour Aconit, la lucidité est conservée jusqu'au bout. Finissons avec un petit mot sur la Ciguë Aquatique (Cicuta Virosa), plante des eaux croupies contenant surtout dans sa racine de la cicutoxine, un poison violent. Le problème est que sa racine ressemble au céleri et en plus en a l'odeur. Sa saveur est proche du persil. (...)
L'ingestion de quelques fragments de sa racine suffisent pour provoquer de violentes douleurs dans la bouche, suivies de vomissements, convulsions et coma. En plus de son usage comme poison, la Ciguë Aquatique était considérée au Moyen-Age comme un anaphrodisiaque efficace, destinée avant tout aux ' chastes religieux afin qu'ils puissent d'autant mieux respecter leurs vux. ' Stramoine (Datura Stramonium) Dans le trio des grandes ' Solanacées vireuses ', la stramoine ou ' pomme épineuse ' vient en première position pour sa toxicité, avant la Belladone et la Jusquiame. Comme ses deux cousines, elle renferme trois alcaloïdes : l'atropine, la scopolamine et surtout hyoscyamine. Des mixtures à base de Stramoine ont été employées comme instrument de crime et comme stupéfiant (onguent magique, philtre d'amour, breuvages des Sabbats qui ' faisaient voir le Diable '). (...)
L'infusion de quelques grammes de feuilles de Stramoine chez l'adulte provoque la mort après un délire parfois furieux, des convulsions, une paralysie des membres et un coma. A dose plus faible, elle provoque des vertiges, une migraine, une sécheresse de gorge, des troubles visuels avec dilatation persistante de la pupille et surtout des hallucinations à thèmes fantastiques. Belladone (Belladona) La baie de la Belladone est appelée avec raison Tollbirsche (cerise enragée) par les Allemands et en langage populaire français Guigne de la côte ou Bouton noir. Elle ressemble en effet à une cerise d'un rouge noir, à la saveur agréablement sucrée, s'écrasant facilement entre les doigts. Une dizaine de ces fruits suffisent pour entraîner la mort d'un adulte. L'intoxication collective la plus connue est celle qui, le 1er septembre 1825, atteignit 160 soldats du 12ème régiment d'infanterie. Assoiffés par une longue marche, ils avaient découvert au cours d'une pause des plantes chargées de fruits qui ressemblaient tellement à des guignes que plusieurs imprudents sans expérience les goûtèrent; puis la plupart des soldats les imitèrent... Et bientôt apparaissent les premiers signes d'intoxication : la gorge et les muqueuses se dessèchent, une soif intense s'empare des sujets qui sont pris de nausées et de vomissements, le rythme cardiaque s'accélère. (...)
Certains soldats manifestant des signes d'atteinte psychique, se mettent à chanter, à danser; d'autres, au contraire, sont pris de terreur, hallucinés ou secoués de mouvements convulsifs. Plusieurs présentent une rougeur caractéristique de la face et du cou. Tous ont des troubles de l'accommodation visuelle et leurs pupilles sont étrangement dilatées. Cette dernière propriété, due essentiellement à l'hyoscyamine, est connue au moins de puis l'Egypte Ancienne, où les femmes s'instillaient dans les yeux des préparations à base de Belladone pour rendre leur regard plus éclatant. Cette pratique est aussi à l'origine du nom de cette plante (bella donna = belle femme). (...)
Souvent, nous la trouvons dans nos jardins où elle s'établit surtout sur les tas de compost. Elle est moins toxique que la Stramoine ou la Belladone, et l'empoisonnement par la Jusquiame se traduit plutôt par un assoupissement accompagné d'hallucinations parfois terrifiantes. De tout temps d'ailleurs, on a tenté de faire un usage abusif de la Jusquiame comme drogue hallucinogène. (...)
Il paraît avoir joué dans l'Antiquité un grand rôle parmi les poisons de flèches, utilisé seul ou en association avec d'autres plantes dangereuses. Les gaulois notamment utilisaient des dards enduits d'Hellébore pour la chasse. (...)
Les premiers symptômes qu'ils ressentirent furent une irritation et des brûlures de la langue, un écoulement anormal de salive, une déglutition difficile. L'un d'entre eux suffoquait, la voix rauque: couvert de sueur, il souffrait de troubles musculaires avec sursauts et mouvements convulsifs. Si la dose absorbée avait été plus forte, nul doute que la mort serait survenue dans un tableau dramatique de troubles nerveux avec hallucinations, de difficultés respiratoires et d'hémorragies. L'Hellébore n'en sera pas moins utilisé plus tard en médecine et préconisé contre la folie. (...)
On se souvient, chez La Fontaine, de la recommandation faite par le lièvre à la tortue : Ma commère, il faut vous purger Avec quatre grains d'ellébore. L'Hellébore blanc a été souvent confondu avec l'Hellébore noir, ou Rose de Noël, également toxique mais par des poisons cardiaques. Ricin (Ricinus Communis) Plante des pays chauds où, vivace, elle peut atteindre la taille d'un petit arbre, elle est aussi parfois cultivée en Europe et en Amérique du Nord pour l'aspect décoratif de ses belles feuilles souvent chargées de colorants rouges. Les graines, que l'on peut acheter aisément dans les graineteries, sont en réalité l'un des toxiques les plus faciles à obtenir, en même temps que l'un des plus redoutables : cinq à six graines pour un enfant, vingt pour un adulte représentent une dose mortelle. Mais l'absorption de deux graines seulement suffit à provoquer de multiples troubles, brûlures de la bouche, hémorragies gastro-intestinales, nausées et vomissements, soif intense, diarrhée profuse et parfois sanglante, maux de tête, vertiges. C'est la ricine, mélange protéique complexe, qui est à l'origine de ses troubles. Un fait divers met en scène cette toxine en 1978 à Londres : en plein jour, un tueur à gages muni d'un parapluie truqué bouscule un exilé bulgare. Quatre jours plus tard, l'homme mourrait. Par le bout de son parapluie, l'auteur de l'attentat avait tiré dans la jambe de sa victime une minuscule bille de platine contenant de la ricine. (...)
Dans les années 80, d'autres attentats identiques eurent lieu, notamment dans le Sud-Est asiatique. Cette technique est connue depuis sous le nom de ' parapluie bulgare '. Ce poison végétal n'était pas inconnu ni de Scotland Yard, ni de l'Armée Britannique, qui avait déjà fait des essais avec la ricine. (...)
La liane-réglisse du Jequirity Etonnante plante des Indes, de l'Afrique et de l'Amérique tropicale, la liane-réglisse du Jequirity est remarquable par ses fleurs rouges et surtout ses jolies graines, elles aussi rouge vif et marquées d'une petite tache noire à la base. Ces dernières sont depuis très longtemps récoltées pour faire, entre autres objets de décoration, colliers et chapelets. Graines jolies sans doute, mais voici une observation qui les fera considérer sous un autre jour : Une femme de cinquante-cinq ans a été hospitalisée pour troubles dépressifs. Un matin, alors qu'elle doit quitter l'hôpital pour partir en convalescence, elle se plaint de nausées et de céphalées intenses. (...)
Bien joli chapelet en vérité que des parents lui ont rapporté d'Espagne; avec ses grains rouge corail et noir, luisants et lisses, il est agréable à voir et à toucher. Il s'agit de graines de Jequirity dont la malade n'a heureusement absorbé que très peu du principe actif. Finalement, elle guérira et il n'y aura pas de séquelles. (...)
Mais en aurait-elle absorbé davantage, la mort aurait été inévitable : il suffit d'une moitié de graine bien broyée et mastiquée pour provoquer une intoxication fatale dont les manifestations sont multiples : nausées, gastro-entérites, hémorragies multiples, ballonnement intestinal, convulsions, hallucinations, mydriase, hémorragie de la rétine, hypotension, vaso-dilatation cutanée, collapsus. Le principe actif, l'abrine, est une albumine d'allure peu différente des autres protéines végétales, mais terriblement toxique. Il suffit d'une dose d'un centième de milligramme par kilo de poids corporel pour provoquer la mort. (...)
Même à dose plus faible, on peut redouter des effets irritants sur la conjonctive et des hémorragies de la rétine laissant des séquelles irréversibles. Deux plantes qui brûlent · Le latex blanc de certains Sumacs (variété Rhus Toxicodendron) provoque au contact une dermatite qui se propage rapidement, avec éruption de vésicules et pustules, démangeaisons intolérables. (...)
Vaisseaux lymphatiques et ganglions deviennent sensibles, ce qui fait supposer qu'ils jouent un rôle dans le transport du poison. De petits points rouges apparaissent alors au siège de la piqûre. Gonflant, s'irradiant, ils deviennent érythémateux jusqu'à représenter des lésions proches de celles provoquées par le contact avec des orties. (...)
En outre, le malade est pris d'une intense transpiration et, dans la zone gonflée par l'dème, ses poils se hérissent. Voilà donc brièvement exposées quelques plantes parmi les plus toxiques. Dans un prochain article consacré aux plantes médicilales, nous reviendrons sur certaines d'entre elles, car bien souvent la frontière entre poison et remède est mince. ' La dose seule fait qu'une chose n'est pas un poison ' disait Paracelse.