JdRP Previews : Les 25 premières pages du livre des joueurs
Préambule : A l’ombre des jeux de rôle. Une poignée d’amis, des boissons fraîches, deux jeux de cartes, quelques crayons, une bonne dose d’imagination… voici pêle-mêle les principaux ingrédients pour savourer une partie de Shade. Ce petit préambule s’adresse avant tout à ceux d’entre vous qui ne sont pas encore familiers avec la convivialité des jeux de rôle. (...)
« Jeu » pour le plaisir de partager du temps entre amis en mélangeant collectivement nos imaginaires… Le livre que vous tenez entre vos mains s’adresse à tous ceux qui souhaitent découvrir les inquiétants Ténébrosi qui peuplent Shade. Vous y trouverez la description de Stélénia, notre univers de jeu, telle que ses habitants la perçoivent. Un monde avec sa part de magie et de mystères où nombre de questions n’ont pas encore de réponse. Mais comme chacun sait, les légendes recèlent toujours une part de vérité… Du point de vue technique, cet ouvrage rassemble toutes les règles du jeu et le matériel pour créer, pas à pas, vos héros. Car jouer est resté notre maître mot tout au long de la création de Shade. Quelques abréviations répandues : Comme dans tout loisir, les rôlistes sont friands d’abréviations et de termes techniques. (...)
Nous ne dérogeons pas à la règle en utilisant à tort et à travers certaines d’entre elles pour nous simplifier la vie, reconnaissons-le… PJ : Personnage Joueur. Désigne le personnage interprété et contrôlé par un des joueurs autour de la table. Par opposition aux PNJ. Dans Shade, le joueur joue le Ténébroso mais pas son ombre. MJ : Meneur de jeu. (ou conteur) Deux mêmes termes pour qualifier le joueur qui va conter le scénario aux autres joueurs. C’est également lui qui gère le déroulement de la partie et incarne les PNJ. Le MJ interprète aussi les ombres des PJ. (...)
Dans une partie de jeu de rôle (que l’on nomme scénario), l’auditoire est au contraire très actif. Ses membres sont appelés joueurs. Joueurs, car ils peuvent, par leurs choix et leurs actions, changer le cours du conte et l’amener vers un dénouement totalement imprévu. Y compris pour le conteur ! (...)
Son jeu consiste à inventer les grandes lignes d’une histoire, faire naître les personnages qui la peupleront, imaginer les lieux où elle va se dérouler… Bref, il lance une aventure. Les autres joueurs, eux, en seront les héros et devront se débrouiller pour la tourner à leur avantage. C’est l’aspect « jeu ». Le MJ doit adapter son histoire aux conséquences des actions des joueurs. Afin d’interagir sur le scénario que leur propose le MJ, les joueurs se créent chacun un personnage dont ils choisissent les traits, les savoir-faire, les passions, le caractère, etc. Un personnage qui va évoluer lui aussi au fil des aventures : c’est l’aspect « rôle ». (...)
Mais vous aurez tôt fait de comprendre la simplicité de ces mécanismes, dès les premières minutes de votre première aventure. L’idéal pour débuter, est encore de jouer avec des rôlistes (appellation générique pour les joueurs de jeu de rôle). Quelques précisions sur les jeux de rôle. Ce qui déstabilise la plupart des novices est qu’il n’y a ni gagnants, ni perdants à l’issue d’une partie. Le MJ n’est pas l’adversaire des joueurs, même s’il incarne leurs ennemis. Car le MJ décrit et incarne tous les éléments du scénario, aussi bien les « méchants » que les alliés des joueurs. Il est à la fois metteur en scène et arbitre de la partie. C’est à lui que revient le dernier mot en cas de situation litigieuse. (...)
Tout est affaire d’imagination. Les descriptions du MJ suffisent à poser une ambiance et les paroles des joueurs suffisent à décrire les actions qu’entreprennent leurs personnages. Des accessoires peuvent aider à renforcer l’atmosphère de l’histoire (comme des musiques d’ambiance, un éclairage tamisé, etc. (...)
Le jeu de rôle n’en demeure pas moins une activité conviviale. Il est impossible d’y jouer sans une poignée d’amis. Le nombre de joueurs minimum est de deux : le MJ et un joueur. C’est ce qu’on appelle un scénario en solo. Le nombre de joueurs conseillé pour une partie de Shade oscille entre 3 et 5 selon les préférences du MJ. Comme vous le découvrirez plus loin dans votre lecture, Shade place le personnage au centre de la narration, en mettant en valeur les spécificités uniques de chacun. Cinq joueurs nous semble être une limite au-delà de laquelle il sera difficile au MJ de consacrer le même temps à chacun, pour approfondir son personnage. Ceci étant, rien ne vous empêche de jouer à plus, si vous vous en sentez la motivation. Motivation, parce que le jeu de rôle n’est pas un loisir apathique, malgré le fait que les rôlistes jouent assis. (...)
Il vous faudra inventer et écrire des histoires, imaginer sans cesse des seconds rôles, des adversaires à confronter à vos joueurs, des lieux anodins et des lieux enchanteurs, rêver à des ambiances…Un MJ de rôle n’a pas la contrainte technique d’un plateau de cinéma ou la contrainte d’un budget ! (...)
En les emboîtant les uns dans les autres, par des causes à effets et des éléments récurrents, vous vivrez une grande épopée, à la manière des sagas romanesques et Shade a été spécialement conçu pour se prêter à cet exercice. Cette introduction succincte n’a pas pour prétention de vous présenter tous les rouages du jeu de rôle, qui se découvrent de toute façon par la pratique plus que par les beaux discours. (...)
Nous en voulons pour preuve ses participants capables de palabrer des heures durant pour « voyager », sans bouger de leur chaise… Espérons simplement qu’elle vous donnera envie d’y jouer et d’entrer à votre tour dans « la grande danse des ombres » de Néolim… Quelques termes spécifiques à Shade : Comme tout jeu de rôle, Shade dispose de ses spécificités… et donc de termes étranges qui les accompagnent. Vous trouverez une explication détaillée de chacun d’entre eux au cours de la lecture de ce livre. Mais vous pouvez d’ores et déjà entendre parler de : Pioche : Action autorisant un joueur, ou le MJ, à piocher une carte pour connaître le dénouement d’une action. La pioche dans Shade remplace les jets de dés de la plupart des jeux de rôle. Talon ou Destinée : Deux termes pour désigner le tas de cartes dans lequel s’effectuent les pioches. Shade utilise en effet deux jeux classiques de 52 cartes et leurs 2 jokers, et non un assortiment de dés comme la plupart des jeux de rôle. Ténébroso (féminin : Ténébrosa / pluriel : Ténébrosi) : Mortel capable de commander son ombre et lui faire réaliser des prouesses magiques. Les joueurs de Shade interprètent tous des Ténébrosi. Stélénia : Nom donné à l’univers connu dans le jeu. Stélénia est à la fois le monde et la personnification de la déesse de la nature. Stélénia se divise en deux îles qui sont la Stélénie (la plus grande et la plus sauvage, dont certaines parties restent inexplorées) et Néolim, l’île servant de décor à Shade. Shade. Vous êtes-vous déjà demandé ce qu’il adviendrait de vous si votre ombre vous quittait ? Que murmurerait-elle sur votre intimité si elle était douée de parole ? Resterait-elle à vos côtés lorsque les nuits sont d’encre ? Vous ne vous posez jamais ces questions absurdes… et sans le savoir vous avez bien de la chance ! Car au-delà de vos songes, il est une terre que les anciens appellent Stélénia : une contrée où les hommes se lèvent, matin après matin, la gorge nouée par l’angoisse sourde d’avoir perdu… leur ombre. Le côté obscur des ténèbres… Un concept que nos cultures a développé pour personnifier la peur de la mort et le mal. Les mythes se reportant à la nuit et aux ténèbres foisonnent tout autour du globe, quelles que soient les cultures et quelles que soient les religions. Ténèbres : un seul mot pour désigner la peur de l’inconnu, la crainte de l’indicible, de l’invisible… de l’incompréhensible. Autrement dit, la peur de ce que l’on ne maîtrise pas ! L’énumération de ces mythes n’est pas l’objet de cette petite introduction : vous ne les connaissez que trop bien, véhiculés sous différentes formes par les arts et les médias, du cinéma à la littérature en passant par la musique. Les ténèbres n’ont heureusement pas échappé aux jeux de rôle qui proposent, à travers différents univers, d’interpréter de multiples agents de l’obscurité. Jouer un enfant des ténèbres n’avait donc rien de novateur. Nombreux sont les jeux qui permettent d’incarner un large panel de créatures de la nuit. En développant Shade, notre credo n’était pas d’offrir la possibilité d’interpréter un nouveau type de créature, mais de reconsidérer les ténèbres en les dépouillant de leurs oripeaux manichéens, avec un regard plus naïf et plus enfantin. Shade puise ainsi ses origines auprès de deux héros injustement boudés des rôlistes : Peter Pan et Lucky Luke. Souvenez-vous de Peter Pan, poursuivant son ombre fugace pour la recoudre à ses chaussures. Et qui ne connaît pas Lucky Luke, le cow-boy qui tire plus vite que son ombre ? Et si, au lieu de se concentrer sur le héros, on se concentrait sur son ombre ? Telle fut l’idée initiale qui nous poussa à écrire ce jeu. Ténèbres et Ténèbres : Dès lors un univers étrange germa de ce concept farfelu. Notre décor de jeu serait un monde dans lequel les ténèbres deviendraient les détentrices de secrets, recourant à un voile opaque de mensonges et d’illusions, que la lumière chercherait à percer de ses rayons inquisiteurs. Restait à concevoir ces fameux secrets et définir les facultés magiques de leurs gardiennes. Ainsi naquit Stélénia, univers mêlant renaissance italienne (période qui nous était chère) à des touches plus insolites et plus exotiques. En ces contrées imaginaires, chaque chose créée, chaque individu qui vient à la vie se voit doté d’une ombre. Du grand empereur à la soucoupe de théière, chaque chose est accompagnée par un double ténébreux. (...)
Or il arrive quelquefois, par le plus grand des mystères, que ce double s’éveille. Voilà pourquoi certaines choses perdent (ou se débarrassent) de leur ombre et qu’il est parfois possible de faire la conversation avec l’ombre d’une charrette à l’accent bourru… La majeure partie des ombres n’ont pas conscience de leur existence. Ces ombres, que l’on nomme « ombres vulgaires », n’ont d’autre choix que de gesticuler en imitant les mouvements de l’« hôte » auquel elles sont attachées. (...)
Ces créatures magiques sont dites « ombres primordiales », car elles incarnent l’essence élémentaire des ténèbres. Elles n’ont de cesse de négocier des miettes de liberté contre quelques tours de sorcellerie. Que cosa dite ? Le petit monde de Shade foisonne de termes et de concepts qui lui sont propres. N’hésitez pas à consulter le lexique qui figure dans les appendices pages 302 et 303. Les Fils des ténèbres : Il existe ainsi des mortels capables de parler à leur ombre, de l’utiliser afin de lui faire pratiquer de la magie ou encore de l’envoyer espionner. Ce sont les terribles Ténébrosi, enfants du Maelström (la mère originelle de toutes les ombres), à la fois craints et recherchés par ceux qui désirent bénéficier de leur magie. Ce sont précisément ces Ténébrosi que Shade vous propose d’incarner. Shade se range dans la grande famille des jeux de rôle à secrets. Cette catégorie propose aux joueurs de percer les mystères du jeu au fil de leurs aventures. Mais le pari de Shade repose sur plusieurs aspects inédits : premièrement, le MJ dispose de tous les tenants et aboutissants des complots et ne découvrira pas les mystères au fil des parutions. Shade : Rivelazioni le livre qui lui est réservé, lui révèlera l’intégralité des secrets du jeu. D’où la précaution de ne pas consulter cet ouvrage si vous pensez ne pas devenir MJ à votre tour, sous peine de perdre tout le plaisir d’un jeu dont l’intérêt premier réside dans la découverte, la surprise et les rebondissements… Ensuite, les personnages sont de glorieux héros, appelés à devenir des agents actifs dans l’obscurification et la protection des secrets qu’ils auront glanés au cours de leurs pérégrinations. Ces secrets dépassent largement l’entendement du commun des mortels et, qui sait, les feront peut-être entrer un jour dans le cercle très fermé des puissances de Stélénia. Le mot de la fin… Il est impossible de parler de Shade sans remercier tous ceux qui, par leurs conseils, leur patience, leurs relectures, leurs critiques… ont contribué à enrichir l’univers, épurer le système de jeu pour en améliorer la jouabilité. Espérons que leurs efforts n’ont pas été vains et que vous prendrez autant de plaisir à arpenter les chemins poussiéreux de Stélénia que nous en avons pris à les tracer… Buona lettura, arrivederci... Les deux tomes de Shade. Shade : la danza delle ombre. Le livre que vous tenez est le premier des deux ouvrages de Shade. Il se consacre aux joueurs, rassemblant l’ensemble des informations nécessaires pour créer et jouer des Ténébrosi. Il offre une vision de Stélénia et de ses mythes telle que ses habitants les perçoivent. Ce qui signifie… que ses secrets ne figurent pas dans la Danza Delle Ombre car il existe des ombres plus puissantes que celles qui accompagnent les Ténébrosi. Shade : Rivelazioni. Ce second ouvrage est réservé aux meneurs de jeu. Ce recueil développe l’intégralité des secrets du jeu. Il détaille les principaux adversaires des ténèbres que sont les anges et les dieux mutilés du Clair-obscur en dévoilant leurs desseins les plus secrets, leurs pouvoirs et bien d’autres choses encore. Shade Rivelazioni dévoile également les secrets les mieux gardés des ténèbres. Les meneurs de jeu y trouveront également tout le matériel pour développer des aventures pour Shade ainsi que plusieurs scénarios pour leur permettre de jouer rapidement et des heures durant. « Pour bien juger de la qualité des Etats dont je viens de parler, il faut faire encore une autre réflexion : savoir si un Prince a assez de pays pour se soutenir lui-même en cas de nécessité, ou s’il a besoin du secours d’autrui. » Machiavel, Le Prince, chapitre dixième. Les Malheurs du vieux Pantalone. Marcello était plus à l’aise derrière un comptoir, à compter des rouelles, que pour négocier dans une chambre d’auberge miteuse avec deux sinistres malandrins. La femme qu’il n’avait jamais vraiment considérée, était un brin de brune sans charme comme on en croisait des centaines dans l’anonymat des ruelles de Trévoletta. Et puis… ce n’était qu’une femme. Plus inquiétant était son ami lombrien, un bellâtre au pourpoint de cuir et aux manches bouffantes fendues de couleurs criardes. (...)
Et pourtant, depuis qu’il ne la considérait plus comme sa servante, voilà qu’elle prenait une surprenante profondeur. Son regard incisif, ses lèvres légèrement narquoises… Mais surtout l’ombre qui creusait son visage en dansant au rythme lancinant du chandelier insinuait qu’elle n’était plus tout à fait humaine. (...)
» Le mignon, qu’elle avait appelé Luciano au début leur entretien, quitta sa place pour ouvrir rapidement la porte de la chambre d’auberge. Marcello aurait juré voir quelque chose de sombre se glisser dans l’ombre. Sans quitter des yeux les convives attablés, Luciano attendit quelques secondes, dos à la porte béante. (...)
De grosses gouttes lui dévalèrent les épaules pour coller le lin de sa chemise à son cou trempé. Il n’aurait jamais dû recourir aux services de « Ténébrosi » ! La femme, toujours elle, prit son inspiration : « On t’a tout dit sur ta tendre épouse ! (...)
Ce n’est que lorsque le mignon enrubanné se retourna vers l’être imaginaire en lui intimant « de la fermer » qu’il la vit, là contre le mur : une ombre aux mêmes rubans qui rengaina l’ombre de sa lame pour croiser les bras de résignation. C’était la première fois que le gentilhomme voyait une ombre primordiale de ses propres yeux ! Une ombre capable d’agir, de parler et de penser indépendamment de son hôte. Il n’aurait pas dû s’en étonner, puisque les dirigeants de son instance lui avaient bien recommandé de n’engager que des Ténébrosi, ces mortels qui manipulent leur ombre. Mais ce genre de rencontre restait toujours étrange la première fois… Luciano reprit : « Donc si je résume, il veut te tuer, il a ta femme, tes maîtres veulent récupérer leur argent. Alors nous, on va tout te dire et on va même t’aider ! — La gentillesse nous perdra ! » reprit l’ombre aux bras croisés. Marcello vit la signora hocher du chef pour que son ombre, à son tour, pivote et assène une gifle silencieuse au bavard. S’ensuivit un étrange spectacle digne d’un théâtre d’ombres dans lequel les deux silhouettes éthérées agitaient leurs mains dans une dispute chuchotée. (...)
— « Nous, si tu es toujours d’accord… », renchérit la femme. « Non mais là je crois qu’il sera d’accord ! » coupa l’ombre de Luciano qui venait de mettre une trêve à sa dispute. « Bref, je disais ! » reprit le concerné sans se laisser décontenancer, « Nous réclamons une rançon à ce bel ostrien qui te cocufie. (...)
Où va-t-il trouver cet argent ? — Eh, il est moins stupide que ce que tu ne le penses, bella dona », lança l’ombre du duelliste qui reçut une nouvelle gifle « ténébreuse » de l’ombre aux formes féminines. « Ton ombre est une plaie Luciano ! », trancha sa propriétaire sans se retourner. « Tu devrais être plus bavard. (...)
« Tu as raison ma belle, la vie avec lui est d’un ennui ! Je vis avec une carpe amoureuse de rapières et qui… » Le lombrien fit volte-face. L’ombre coupa net ses paroles, et s’esquiva en relançant sur-le-champ sa dispute avec l’ombre de la belle. Marcello restait pétrifié. « Bon les enfants… », laissa traîner la signora agacée, « Pouvonsnous reprendre ? (...)
Une « déformation professionnelle », comme il aimait en rire avec ses confrères. Un des maîtres lui avait recommandé les services de ce couple de Ténébrosi. Qui d’autre de plus compétent pourrait suivre une épouse adultère dans les secrets supposés que renfermait l’hôtel particulier du Baron ? (...)
Une voix familière déchira le linceul silencieux de la chambre : « Ben là, moi j’ai bien un avis mais ne croyez pas que les ombres se mêlent d’affaires privées ! L’intimité d’autrui ne nous regarde pas. Mais alors pas du tout ! » répondit l’ombre goguenarde du duelliste en se découpant imperceptiblement sous l’ombre des grands rideaux où elle s’était dissimulée… Chapitre 1 : Ainsi parlent les légendes. A la fois déesse et contrée, Stélénia existe depuis toujours, aussi vrai que le lait est blanc. La vérité est que personne, pas même le plus illustre historien et archiviste, ne peut formellement dire ce qu’était cette terre avant l’arrivée de ceux que nous nommons aujourd’hui « les anciens dieux » car en ces temps immémoriaux, les sydarims en étaient les maîtres incontestés. La déesse-mère, en avait fait ses élus. Elle avait peuplé sa chevelure boisée de gibiers et s’était drapée de fleurs… Elle leur avait légué son sang séculaire, la magie chamanique, afin que ses enfants bénis puissent communiquer avec elle par l’entremise des esprits de la forêt. Mais par-dessus tout, Stélénia leur avait offert une race d’esclaves serviles qui allégeaient leur labeur quotidien : l’humanité. Fiers nomades, les clans sydarims sillonnaient les rondeurs de leur mère pour en récolter l’abondance. Ainsi tournait la roue immuable des siècles… La venue des céléziens (vers -1000 avant le serment des déesses) : Les céléziens apparurent comme par magie, surgis d’au-delà de l’azur en déployant leurs ailes majestueuses de lumière pour se présenter aux petits rois sydarims et à leurs esclaves. Une apparition subite qui devait bouleverser à jamais la quiétude de Stélénia. En échange de dévotion, les anges céléziens leur offraient la puissante magie de l’astre solaire. Nombreux furent ceux qui se détournèrent de la déesse mère pour prier les nouveaux dieux devant tant d’éblouissement. Des céléziens, ils apprirent à forger le métal, à frapper la monnaie pour fonder le commerce, à lire et écrire les lois, à bâtir des sanctuaires fortifiés. (...)
Les plus forts devinrent des mérénides, une race monstrueuse qui n’hésitait pas à violer la déesse par ses charrues, pour en piller les fruits. Les sydarims restés fidèles à Stélénia marchèrent sur les cités pour la protéger ! L’affrontement entre sydarims des villes et sydarims des bois fut lourd de pertes. La déesse ne cessait de reculer, ses forces magiques rongées par la guerre fratricide. Mais à utiliser la magie sans parcimonie, les dieux angéliques réveillèrent une puissance jusqu’alors inconnue : le Maelström. Lové au plus profond des abysses terrestres, un coeur palpitant d’une noirceur insondable libéra les ombres primordiales, élémentaires de ténèbres animés d’une vie propre. Ces ombres rampèrent jusqu’à la surface. La plupart se substituèrent aux ombres anodines de certains mortels. Ces individus dotés d’une ombre divine furent nommés « Ténébrosi ». D’autres, plus rares mais plus puissantes, furent baptisées « ombres fugitives » car elles pouvaient vivre seules, sans s’attacher aux pas d’un hôte. D’une nature diamétralement opposée aux céléziens, les noires créatures murmuraient à leurs Ténébrosi des rêves fous de liberté et d’individualisme. Là où la lumière imposait le totalitarisme d’une pensée unique et communautaire, des noyaux révolutionnaires se constituèrent dans la pénombre des blanches cathédrales édifiées à la gloire de dieux de lumière. Les clans sydarims restés sauvages ne représentaient qu’une menace relative face aux puissantes murailles des cités. Le vrai danger s’avérait être les milliers d’humains : aussi bien les esclaves errants qui s’étaient retrouvés privés de leurs maîtres que les révoltés qui se regroupaient secrètement dans les cités. Au rang de ces affranchis figuraient de terribles hordes barbares qui refusaient la protection des anges tout en perpétuant les coutumes nomades de leurs anciens maîtres. On les nommait Urochs, « fils du taureau » en ladriel (voir marge pages suivantes). (...)
Sombre, car Acheron fut la première des ombres primordiales à faire parler d’elle. Plus que de simples pillards, Acheron, aidé de ses Ténébrosi, avait insufflé aux Urochs les vertus farouches de l’indépendance ainsi qu’un culte solide de la liberté. L’ombre prônait une société égalitaire dans laquelle chaque individu pourrait pleinement s’exprimer sans subir l’oppression d’une caste angélique. (...)
L’idée peut nous paraître élémentaire mais en ces temps anciens les humains, n’avaient jamais eu d’autres choix qu’être esclaves des clans sydarims ou « citoyens », et donc esclaves, des dieux lumineux. Les Urochs étant d’infatigables voyageurs, Acheron répandit ses idées aux quatre vents et devint populaire, ralliant à lui d’autres Ténébrosi et d’autres ombres oeuvrant discrètement pour l’émancipation de l’humanité. Les ruines d’Irizios, la cité céleste, ont conservé leur voile mystérieux. Une source d’inspiration inépuisable pour les artistes, comme en témoigne cette toile de Guliano Verchezzi qui orne la salle du conseil des Doges de Clémence. Une étrange culture : La civilisation ancestrale des sydarims conserve toujours sa part de mystère. Peuple nomade et de traditions exclusivement orales, les sydarims ignoraient tout des arts, des lettres et du travail du métal. De ce fait, les témoignages restent rares et se limitent, pour la plupart, à de simples monticules de pierres baptisés cairns. (...)
Pour le stélénien, le sydarim n’est qu’un barbare primitif avide de sang qui vient piller ses greniers et enlever ses enfants… Un dangereux parasite qu’il faut éliminer ! Les sydarims s’apparentent aux elfes de la plupart des jeux de rôle médiévaux-fantastiques : une silhouette sylphide légèrement plus grande que celle d’un humain, un visage fin aux yeux en amandes, de longues oreilles en pointes… Certes, ce peuple vénère la nature mais la comparaison s’arrête là. Les elfes de Shade sont des barbares pillards primitifs plus proches des orks d’autres univers que des vénérables elfes de Tolkien… Inspiration : les Huns, les indiens des plaines, Conan le barbare de Howard. La première croisade (de -620 à environ -500 avant le serment des déesses) : Les anges de lumière ne tolérèrent pas que des barbares et leurs « dieux ténébreux » puissent perturber l’hégémonie de leur règne. Ils réagirent pour stopper les Urochs, mais bien trop tard ! Avant que les anges n’aient réagi, l’humanité opprimée avait renversé plusieurs seigneurs sydarims. Les forteresses bordant les jungles de Thalie (voir chapitre 3), les plus éloignées géographiquement de Thémée, rendirent les armes sans combattre, se rangeant sans état d’âme sous la tutelle des dieux sombres. Les armées de la lumière engagèrent la première croisade afin d’éradiquer des contrées la noire semence du Maelström. L’ennemi changeait de visage : la menace était bien plus insidieuse que les hordes nomades. « Mais l’ombre ne peut exister sans lumière, et la lumière ne peut qu’engendrer l’ombre » : le conflit était par avance insoluble. La croisade dura tout de même un siècle avant que les céléziens ne reconnaissent les ombres comme leur négatif. (...)
Ce fut le début d’une période de paix, connue sous le nom de « Papillon d’Or » qui vit la reconnaissance et l’apogée des ténèbres. Le Papillon d’Or (-450 à -150 avant le serment des déesses) : Les ombres furent officiellement élevées au rang de divinités par le descendant des Urochs qui fondèrent la plus flamboyante des civilisations de l’antiquité : les tarques. Les dieux sombres enseignèrent à leurs fidèles la subtilité des arts, favorisant la liberté de pensée et d’action et offrirent à l’humanité un précieux cadeau : le don de rêver pendant leur sommeil… Cette période prospère vit pulluler les divinités au sein de panthéons toujours plus complexes. Dieux et déesses des orages, des fleurs, du soleil levant, du métal pour les céléziens… Dieux et déesses des murmures, des abysses, de la philosophie, de la nuit pour les ombres primordiales… Face à la profusion de dieux, chaque peuplade, chaque ville et parfois même chaque village disposait de ses divinités protectrices. Tarques et mérénides prêchaient pour leurs panthéons, si bien qu’il n’était pas rare que dieux des ténèbres et dieux angéliques se partagent pacifiquement les ouailles d’un même territoire, aux frontières de leurs empires. Mécènes, artistes et penseurs d’aujourd’hui idéalisent et redécouvrent après plus de mille ans d’oubli l’âge du Papillon d’Or, période glorieuse de l’art classique et du raffinement qui vit hommes et dieux avancer côte à côte sur les chemins du progrès. Une redécouverte équivalente à l’émerveillement des grands esprits de la Renaissance, sur notre bonne vieille terre, lorsqu’ils se réapproprièrent le paganisme antique, privés qu’ils avaient été par l’Eglise durant le Moyen-Age. Le regard des érudits, voilé d’une douce nostalgie, ne doit pourtant pas nous faire oublier que l’antiquité ne fut pas aussi calme qu’on le prétend. Le Papillon d’Or vit cohabiter deux civilisations que tout opposait. Si les habitants de Néolim surent en tirer le meilleur parti, le mélange culturel s’opéra souvent dans la douleur. (...)
Les rares chroniques qui ont survécu ne mentionnent pas de conflits majeurs, mais tout laisse supposer qu’accrochages frontaliers, assassinats et conspirations rythmaient la vie des anciens. Des dizaines d’ouvrages ne suffiraient pas à conter les exploits des dieux et de leurs héros. Tarques et mérénides, ombres et anges, se partageaient alors Néolim. La disparition de Luna (vers -178 avant le serment des déesses) : Les rois des hommes, pleinement satisfaits de leur puissance, désiraient toujours plus de terres. Ils ébranlèrent leurs fantastiques armées pour étendre leurs empires et répandre le sang des sydarims jusqu’à la dernière goutte et se venger des êtres qui les avaient réduits à l’esclavage des siècles durant. Tarques et mérénides orchestrèrent chacun de leur côté le plus terrible des génocides à l’encontre des enfants bénis de Stélénia. Conscientes que la mort des sydarims, et par là même celle de Stélénia, ne serait profitable à personne, l’ombre et la lumière ne parvinrent pourtant pas à faire entendre raison aux hordes conquérantes. Les dieux furent dépassés par l’ampleur du carnage alors que la déesse-mère, pillée, souillée, pleurait une fois encore le massacre de ses fils. Cette période trouble de l’histoire devint le creuset de nombreuses légendes et la source d’inspiration de moult chansons de geste fort connues des ménestrels. Mais la plus célèbre, la plus tragique et la plus mystérieuse d’entre toutes fut sans conteste la mort de Luna. Luna était une petite déesse ronde, vénérée par les ombres comme le symbole des ténèbres des cieux. Elle trônait depuis l’aube des temps, dansant le long de la voûte céleste. Luna se coucha un beau soir d’été… pour ne plus jamais réapparaître. La lune de Stélénia avait disparu ! La légende raconte comment le clan du corbeau, puissante tribu sydarim, confectionna un sable magique qu’elle lança à la face de la petite déesse. (...)
Les massacres qui en résultèrent sont d’ailleurs un fait attesté, qui n’a rien de légendaire. Hommes et sydarims, déboussolés par la perte subite de l’astre, se muèrent en monstres ivres de rage, sous le regard impuissant de leurs dieux. Personne ne sait à ce jour ce qu’il advint de Luna mais la réponse est sans doute à chercher dans la folie des anciens dieux… Les Anges : Les Céléziens forment une race d’anges proches de ceux que présentent nos grandes religions monothéistes : de majestueux êtres de lumière aux puissantes ailes d’une blancheur immaculée. Répliques parfaites d’hommes ou de femmes, leurs traits sont délicats et leur taille légèrement supérieure à celle des sydarims et des humains. Leur peau d’albâtre, leurs cheveux et leur regard clair semblent irradier la lumière. Une remarque de taille : les Céléziens n’ont jamais d’ombre. Le terme Célézien est le nom véritable de ces êtres. Ange est une désignation plus populaire. Archange désigne les anges supérieurs dans leur hiérarchie. Horadrim désigne les dirigeants les plus puissants, littéralement « ceux qui sont au-dessus des archanges ». (...)
Les langues stéléniennes : Il existe deux grands groupes linguistiques. La première langue, du point de vue chronologique, est le Ladriel, la langue des sydarims. Ce langage est de loin le plus raffiné ! Les sydarims disposent d’une quantité de mots pour désigner un habitant de la forêt, une couleur ou une émotion. Le Ladriel a été traduit et écrit par les Tarques. L’horadrique, la langue des Céléziens, est une langue sans fioritures, comme les anges savent bien le faire. Les artistes qui ont réussi à la rendre un tant soit peu poétique méritent l’admiration de tous. (...)
L’horadrique serait plutôt un mélange exotique de latin et d’allemand : une langue tranchée, gutturale et cérémonielle. Shaïtar ou la mort des anciens dieux : Les légendes racontent comment une poignée d’anges et d’ombres se rendirent au plus profond des forêts pour y rencontrer Stélénia agonisante. Conscients d’être responsables des dangers incontrôlables que faisaient planer les empires humains, une poignée de dieux acceptèrent de se sacrifier dans une union contre-nature d’ombre et de lumière pour enfanter, selon les prophéties, le seul être capable de stopper la furie des hommes. En échange de leur sacrifice, Stélénia s’engagea à éduquer l’enfant jusqu’à ce que sa force lui permette d’accomplir sa destinée. Elle apprit les secrets du soleil et du Maelström pour faire venir à elle de nouveaux guides de l’humanité, plus pacifiques, lorsque les anciens auraient été détruits. Ainsi naquit Shaïtar (l’adversaire en ladriel), le prophète du Clair-Obscur. Shaïtar attendit son heure, bercé par les gémissements de Stélénia. Parvenu à la maturité de son pouvoir, l’enfant devenu dieu saisit sa grande faux et s’en alla moissonner le sang des dieux pour étancher sa haine. Tous les dieux, anges ou ombres, qui croisaient sa route furent mutilés par leur élément opposé, transformés en serviteurs invulnérables du Clair-Obscur. Les adeptes de la nouvelle religion shaïtanique ne cessaient de croître dans le sillage sanguinolent du porteur de la faux. Non contents de priver les mortels de leurs divins protecteurs en les convertissant à la horde impitoyable, les shaïtanistes mettaient un point d’honneur à éliminer implacablement toute trace de civilisation humaine. (...)
Un violent Armageddon ébranla la terre, ne devant prendre fin qu’avec l’anéantissement total des anciens dieux. La déesse Stélénia rappela son fils adoptif. D’une coupe d’hydromel, elle l’endormit contre son sein, mettant un terme à l’Apocalypse. Mais était-ce un terme ou une trêve ? Stélénia s’apprête aujourd’hui à changer de millénaire. Partout, prophètes et fous clament déjà le réveil de Shaïtar et la destruction du monde. (...)
La naissance des flammes et de la Muette (l’an 0 du calendrier actuel) : fin de la guerre. Jugeant le sexe masculin plus violent que le sexe féminin, aussi bien chez les dieux que chez leurs adorateurs, Stélénia fit venir à elle des déesses. Du soleil, elle appela trois jeunes déesses, aujourd’hui nommées les trois flammes : Thémésia, Candélia et Ohmédia, incarnant chacune des aspects symboliques de la lumière. Du Maelström elle appela ensuite trois jeunes déesses. (...)
Elle lui demanda alors de les appeler : mais Sélène était muette. La déesse-mère, excédée, décida que les choses en resteraient là ! Les ténèbres seraient « sous-représentées » dans le nouveau panthéon mais ne pourraient s’en prendre qu’à elles-mêmes. Stélénia fit ensuite prêter aux quatre jeunes divinités un serment de paix et d’harmonie qu’elles devraient respecter tout au long du sacerdoce qui serait le leur pour guider l’humanité en veillant spirituellement et moralement sur elle. Les flammes pourraient enfanter des anges pour les servir, à la condition qu’ils ne soient pas reconnus comme des dieux et ne puissent disposer d’un culte. Il en irait de même pour les ombres primordiales. Sélène pourrait enfanter une ombre par ange créé. Les déesses veilleraient aussi à s’entourer d’un clergé exclusivement féminin et pacifique. Stélénia jugeait les hommes trop violents et incapables de subvenir au bien-être spirituel des communautés. (...)
Pour finir, les déesses s’engagèrent à ce que l’humanité ne transgresse plus jamais les derniers sanctuaires forestiers des sydarims. Ainsi fut prononcé le serment des déesses, point originel des saintes écritures… Mais Sélène, la Muette, se contenta d’acquiescer sans pouvoir jurer ! (...)
La « classe des parvenus », comme on la surnomme péjorativement, est bien décidée à détourner le pouvoir des mains d’un reliquat de noblesse décrépie, usée par les anciennes croisades. Malgré la paix, anges et ombres se livrent toujours une guerre larvée, pour le contrôle des royaumes et des fidèles, en prenant bien garde à ne pas éveiller les mutilés du Clair-Obscur qui rôdent à l’affût de châtiments. Les sydarims, reclus dans leurs sanctuaires, n’ont plus de contact avec la civilisation, si ce n’est sous forme de raids sporadiques… Mais qui peut dire combien de temps durera cette période bénie ? (...)
De funestes rumeurs annoncent le réveil imminent de Shaïtar qui consumera le monde dans un brasier que même le sang ne pourra étouffer ! En Stélénia comme ailleurs, la paix est un papillon coloré aux ailes éphémères… Le shaïtanisme : Cette religion impie soulève la terreur et le dégoût chez les dieux comme chez leurs fidèles. Le shaïtanisme, ou « Clair-Obscur », est une religion initiatique, cachée sous le couvert d’un ésotérisme très hermétique. Ses mystères consistent en la fusion de l’ombre et de la lumière par mutilation. D’où le surnom de « mutilés », octroyé à ses cultistes. Bien que personne ne connaisse les réels pouvoirs des mutilés, les déesses en personne craignent ceux qui se terrent aux limites du jour et de la nuit et qui furent autrefois les anciens dieux. Le shaïtanisme entretient la terreur. Ombres et Anges disparaissent quelquefois, sans laisser aucune trace… Certes, il est un excellent alibi pour les criminels et les marauds les plus sanguinaires qui camouflent leurs forfaits par de macabres mises en scène. Le shaïtanisme n’a aucune existence formelle : pas de temples, pas de chapelles, pas de prêtres. (...)
Les Trois Flammes : Tel est le nom que porte la trinité des déesses de la lumière. A l’instar des anciens dieux, les trois déesses apparaissent sous forme d’anges d’une irréelle beauté dont on murmure que la simple vue peut rendre fou ou aveugle. Les déesses se mêlent rarement à la grande marche du monde, léguant cette tâche à leurs anges et leur clergé. La descente d’une déesse parmi la foule des fidèles est un événement rare. Cela fait plus de 80 ans que Thémésia ne s’est pas montrée dans les cieux de Néolim. (...)
La déesse vivrait recluse dans la plus haute des majestueuses tours ivoirines du palais des Reines Veuves de Thémée lorsqu’elle ne logerait pas au creux du soleil, paradis céleste d’où viendraient les anges. Sélène : Sélène est la déesse suprême des ténèbres. Elle apparaît tantôt sous les traits d’une adolescente, d’une femme ou d’une vieillarde. Son étrange beauté est à la fois attirante et repoussante : la déesse brune est toujours représentée la bouche cousue et les yeux crevés et arbore généralement des cornes de souffrance lui déchirant le dos (voir marge page précédente), à la manière de ses grandes prêtresses. (...)
A la différence des Trois Flammes, et malgré quelques témoignages d’apparitions à des fidèles isolés, Sélène n’est jamais venue se mêler aux mortels, préférant se terrer dans l’obscurité protectrice du Maelström, quelque part dans les profondeurs de Stélénia. Le culte des ténèbres est très répandu parmi les classes populaires. Les prêtresses de la « Muette » dispensent soins et repas aux miséreux (d’où la rivalité notoire entre Sélène et Candélia). Si les puissants affichent volontiers leur foi en la lumière, cela ne les empêche nullement de confier leurs secrets aux noires prêtresses. (...)
Si le culte ne compte que quelques cathédrales dans les grandes cités, il n’est guère de hameau ou de quartier qui n’ait pas une chapelle votive ou un petit temple dédié à la déesse des ténèbres. Ohmédia : Ohmédia est l’aînée de la trinité. Elle est la flamme de justice et de vérité, encore appelée « le dernier rempart », gardienne des savoirs et de la civilisation. Le livre ouvert est son symbole. Son culte est le plus influent des cultes lumineux car Ohmédia est vénérée par la noblesse comme par la bourgeoisie, pour son savoir et sa bénédiction dans les affaires. (...)
Les cathédrales ohmédiques sont de gigantesques complexes labyrinthiques servant de lieu de culte majestueux, mais accueillent également anges, prêtresses, universitaires, comptoirs des arts majeurs, diplomates… Dômes somptueux et voûtes élancées ne sont que les parties visibles de ces énormes constructions qui peuvent s’étendre sur des hectares. (...)
Déesse du feu vengeur et purificateur, elle se délecte d’actions éclatantes et se repaît des fracas du combat. On la surnomme « la flamme jamais vacillante » tant ses prêtresses et ses anges redoublent de zèle et de témérité. Thémésia est la seule déesse à avoir délibérément violé le serment, en rompant ses voeux de pacifisme pour s’opposer à Sélène. (...)
On y forge en son sein les saintes cuirasses et les lames bénies qui arment ses prêtresses guerrières et leurs dévots. Thémésia voue une haine à peine dissimulée aux ténèbres. Voilà pourquoi ses disciples figurent au rang des adversaires des Ténébrosi. Candélia : Candélia est la plus jeune et la plus discrète des flammes. Là où ses soeurs font étalage de leur puissance et leur souveraineté, Candélia préfère l’humilité pour se consacrer à chaque mortel, et le guider par l’harmonie et la compassion dans sa foi en la lumière. (...)
Mais sa pitié et son humilité sont loin d’être du goût de tout le monde. Le temple de Sélène l’accuse d’imiter et pervertir la doctrine des ténèbres. Candélia dérange aussi ses propres soeurs qui n’entendent pas renoncer à leur magnificence pour les prétendues vertus du dénuement de la foi. (...)
L’histoire offre tout l’éclairage pour comprendre les alliances et les rancunes qui perdurent entre vieux empires et jeunes royaumes, entre monarques et cités franches, entre culte lumineux et culte ténébreux… La théocratie mérénide (vers -1000) : Les céléziens fondèrent à Néolim la première des « civilisations » de Stélénia. A condition que, comme eux, l’on fasse abstraction des rares traces de la culture des sydarims. Les mérénides furent les enfants providentiels du soleil, héritiers de la sainte lumière qui les sortit de l’âge de pierre et de la barbarie. (...)
Mais les mérénides étaient aussi de redoutables combattants qui régnaient sans partage sur un empire toujours plus grand à chaque lever de soleil. Leur ferveur était sans limite car les dieux de lumière marchaient à leurs côtés et partageaient leur quotidien. Le royaume mérénide s’étendit du désert des veuves pour gagner l’intérieur des terres. (...)
Les conquérants étaient en proie à une véritable frénésie : le pouvoir appartenait à ceux qui avaient le plus de fidèles… Bien que les dieux angéliques embrassassent le même dogme, ils étaient loin d’être égaux. Seuls les puissants régentaient les cités. (...)
Les clans nomades ne pouvaient résolument pas contenir un ennemi les débordant sur tous les fronts. Les premières cités furent de grandes théocraties que les dieux angéliques confiaient aux seigneurs sydarims convertis. Les citoyens humains (...) Les batailles antiques sont des sources inépuisables d’inspiration pour nombre d’artistes. Ici, Alessandro Rocca dépeint la guerre du Lagoverde qui opposa les légions mérénides aux cohortes du 6ème Roi-Lune à la fin de la première croisade. La piété de maître Rocca (ou sa crainte du Clair-Obscur) l’empêcha de peindre les anges qui participèrent à l’affrontement. Mais la magnificence de la lumière transparaît à travers le soleil transperçant de ses rayons le voile obscur de la nuit. Shade, La danza delle ombre. Livre des joueurs. 1ère édition - Hiver 2010. Crédits : Création originale : Pierre-Olivier Peccoz Directeur de publication : Yann Bruzzo Conception et rédaction : Claire Marchesi, Frédéric Fouladoux et Pierre-Olivier Peccoz Aide à la conception : Matthieu Barrière et Philippe Renevier Relecture : Pierre Gavard-Colenny et Mireille Peccoz Couverture : Marc Simonetti Illustrations : David De Abreu, Damien Venzi, Julien Stacchetti, David Lecossu, Remton, Marc Simonetti et Pierre-Olivier Peccoz Mise en page / Infographie : Julien Stacchetti, Rafaël « Fianosther »Verbiese, Patrick Trempond et Josselin Grange. Crédits photos : © Ph. Favre-Reguillon - Fotolia Remerciements chaleureux : L’esercito dell’ombra : Dom, Alex, Matthieu, Ffx of Borg, Charlotte, Cédric « Inigo Montoya », Yves « Ave Zokoï », Julien « maître Lorenzo », Julie, Phiphi, Nico, Gérald et Pat… Consulenti politici : Tous les vieux camarades de campagne Thomas, Lionel, Yann, Gaby, Marc, Gilles, David, Rémy… Gli agenti della cospirazione : Les grands anciens de la Jouvenco, la condotta du Rabot, sans oublier la commission occulte et corrompue du CJSD et du CDJRU… Gli Professionisti : Dom et l’équipe des contrées du Jeu, Sofi ane, Julien Gerboise co-auteur de RAS, l’équipe du Ballon-Taxi et Yann Bruzzo. Le muse dell’ispirazione : Elizabeth Eyre, Type O Negative, Lucky Luke, George Orwell, Ian Pearces, Dead Can Dance, Nicolas Machiavel, Selenim, Arturo Pérez Reverte, Cradle of Filth, Guy Gavriel Kay, Bloodlust, Umberto Eco, Peer Gynt, Rêve de Dragon, Patrick Pesnot, Ivan Cloulas, Ann Mac Caff rey, Leonardo Benevolo, Marilyn Manson, le beau Zorro, Mary Gentle, Perrault et les frères Grimm, Werewolf the apocalypse, De Cape et de Crocs, Midori Snyder, Peter Pan…