JdRP Anecdotes PJ : Glissement progressif vers Maléfices
Maléfices est un jeu d’une grande richesse, servi par des règles simples et efficaces. Ces dernières le rendent particulièrement recommandable aux débutants, mais aborder l’univers des jeux de rôle n’est pas toujours une chose facile. Pour cette raison, nous avons demandé à une joueuse (une fois n’est pas coutume ! (...)
) de nous raconter son parcours initiatique, dans l’espoir d’aider un peu les néophytes à exploiter rapidement toutes les possibilités de l’univers magique de la IIIème République. J’avoue que jusqu’à présent je n’étais pas une joueuse fanatique : cartes, dés, jetons, damiers, échiquiers ou plateaux de jeu ne provoquaient pas chez moi ce picotement intense que connaissent bien tous les joueurs avant de commencer une partie. Il faut dire aussi que l’univers du jeu est souvent considéré comme chasse gardée par une grande catégorie de joueurs, du jeune aventurier qui cache son acné juvénile sous son heaume, au magicien sur le retour qui dissimule sa calvitie précoce sous son bonnet étoilé. (...)
Peu nombreux sont les hommes qui vous invitent à leur table de jeu pour participer à leur distraction favorite. Je m’étais donc fait une raison, je n’aborderais jamais l’univers ludique. Jusqu’au jour où... par le plus grand des hasards, je fus invitée à participer à une partie de Maléfices. Premier étonnement, sur cinq joueurs trois personnes appartenaient au sexe féminin. Deuxième étonnement, le meneur de jeu n’en parut nullement contrarié, je dirais même qu’il semblait trouver cela naturel et enfin - oh surprise ! - en une petite demi-heure nous avions procédé à la création de nos personnages et compris l’essentiel des règles. (...)
Par contre, ce que je voudrais vous décrire, c’est cette ambiance particulière qui se crée durant toute une partie de Maléfices . Atmosphère... Cette sorte de mélange subtil de mystère et d’aventure ; cette déformation imperceptible du réel qui fait que parfois l’objet le plus banal change brutalement et prend un aspect menaçant ; ces personnages issus du quotidien (les joueurs eux-mêmes incarnent des personnages de ce genre) qui, sous des apparences anodines - concierge, artisan, médecin etc. (...)
Ici on ne se trouve pas confronté à des monstres qui, il faut bien le dire, par leur répétitivité perdent beaucoup de leur impact, mais à des êtres humains qui, chacun le sait bien, peuvent dépasser en horreur et en abomination n’importe quelles créatures aux yeux pédonculés ! Dans Maléfices , le Fantastique et l’Etrange puisent aux sources les plus profondes de nos terreurs enfantines, ou sont issus directement du vieux fond européen des contes populaires, véritable réservoir de notre inconscient collectif. (...)
De plus, les scénarios publiés s’appuient sur un fond historique et une sérieuse documentation, ce qui permet de mieux camper le décor et de le rendre plus tangible, plus consistant : que ce soit en utilisant une affaire de sorcellerie ayant réellement eu lieu comme pour « Les brasiers ne s’éteignent jamais » , ou en se servant d’un cadre de vie bien réel, comme la vie dans un monastère pour « Délivrez-nous du mal » , ou bien encore en prenant un thème apparemment rebattu comme la chasse au trésor et en lui faisant subir un traitement totalement inédit de nature à dépayser et à prendre en défaut la sagacité des joueurs, comme dans « Enchères sous pavillon noir » . Un des autres avantages de Maléfices , c’est la très grande possibilité de pouvoir incarner son personnage totalement... Après tout, ce type de jeu ne s’appelle-t-il pas Jeu de rôle ? Pourtant, j’ai toujours été surprise par le nombre de joueurs qui n’attachent à cet aspect du jeu qu’une importance relative, alors qu’elle devrait être primordiale ! Or, dans Maléfices , la simplicité des règles permet de consacrer la quasi-totalité du temps de jeu à interpréter son personnage, ce qui a pour résultat de donner à celui-ci un style, une coloration originale lui permettant de sortir des stéréotypes et d’acquérir une personnalité propre. Pour parvenir a ce résultat, permettez-moi de vous donner quelques conseils. Comment créer un personnage pour Maléfices : Je ne vais pas vous parler ici de sa création technique, - pour cela il vous suffit de consulter le livret de règles ou de suivre les explications de votre Meneur de jeu - mais de la façon dont on peut ensuite interpréter ces règles, je dirais même les traduire pour qu’elles puissent correspondre à la « réalité » du personnage, pour que celui-ci ne soit pas simplement une énumération de chiffres correspondant à des capacités mais devienne plutôt un véritable être humain en chair et en os. Un de mes amis, au cours d’une partie,créa le personnage suivant : Giuseppe Mordagne, 25 ans, né en 1875 à Bordeaux mais d’origine italienne, son père vivait à Catane en Sicile ; sans domicile fixe, ancien ouvrier agricole (c’est sur cette base que fut créé son personnage) actuellement chemineau : Constitution : 9 Aptitudes physiques : 17 Culture générale : 6 Habileté : 13 Perception : 12 Spiritualité : 14 Ouverture d’esprit : 9. Jeu du destin : [1] Laboureur +, Centurion +, Juge -, Diable, plus la carte tirée par le meneur de jeu : La Lune Noire. Giuseppe Mordagne est donc né en 1875 à Bordeaux. « Qu’a-t-il donc bien pu lui arriver entre 1875 et 1900, moment où débute la partie ? », pense son créateur... Un rapide coup d’oeil sur le Petit Larousse lui permet de se rendre compte que la Sicile fut occupée par Garibaldi et ses troupes avant d’être rattachée en 1860 au royaume du Piémont. Il décide donc que son père, Roberto avait été garibaldien, donc qu’il partageait les convictions de celui-ci : il avait été pour l’unification de l’Italie et avait lutté à ses côtés contre l’Autriche, puis contre le royaume des Deux-Siciles. Ensuite toujours en compagnie de Garibaldi, son « papa » combattit pour la France en 1870-1871, il fit la connaissance d’une française qu’il épousa et qui donna le jour au petit Giuseppe en 1875. La famille étant pauvre, Giuseppe travailla comme ouvrier agricole. Il eut un accident et fut renvoyé par son patron (ce qui explique le 9 de constitution de Giuseppe) et devint chemineau. Psychologiquement, cela a marqué le personnage, car avant son accident c’était un excellent ouvrier agricole (n’oublions pas que dans le Jeu du destin il a tiré la carte du laboureur positive). C’est d’ailleurs en participant aux travaux des champs (moissons, vendanges etc.) qu’il gagne sa vie au hasard de ses déplacements. Il aurait bien aimé entrer dans l’armée, ce qu’il n’a pu faire, toujours à cause de son accident, car il a un certain sens de la discipline. Gageons qu’il aurait fait un excellent soldat (Giuseppe a également tiré dans le Grand jeu du destin la carte du Centurion positive qui correspond aux métiers des armes). Par contre, au cours de ses voyages, il lui est arrivé d’être considéré par les gendarmes comme un vagabond. Il a peut-être fait un mois ou deux de prison pour cela, le juge devant lequel il a comparu n’étant pas particulièrement clément envers lui (n’a-t-il pas tiré la carte du Juge négative ?). De cet incident, Giuseppe garde un mauvais souvenir, et depuis évite soigneusement de côtoyer gendarmes, policiers et juges... Il a l’accent italien. Il est brun, les cheveux bouclés et adore les femmes (Comme le joueur qui interprète ce personnage d’ailleurs, ce qui n’est pas une critique loin de là, tant d’hommes de nos jours... mais passons je m’écarte du sujet ! (...)
Il est également passionné d’opéra et de bel canto. En ce qui concerne les Aptitudes Intellectuelles, notre ami Mordagne se situe légèrement en-dessous de la moyenne (Culture générale : 6) Issu d’un milieu rural pauvre et fils d’émigrés, il n’est pas allé très longtemps à l’école, préférant se promener dans la campagne pour dénicher des oiseaux ou se livrer aux joies de la pêche et à celles du braconnage. De cette enfance campagnarde, notre joueur en déduit que son personnage possède une parfaite connaissance de la nature et qu’il n’a pas son pareil pour prédire le temps et reconnaître une mésange d’un chardonneret ou bien d’être capable de soigner un animal, ou encore de préparer à l’aide d’herbes médicinales des tisanes et autres décoctions pouvant guérir des maux bénins. Par contre le joueur estime que son personnage sait à peine lire, (et ce avec difficultés) et qu’il a beaucoup de mal à écrire quelques phrases malhabiles, ce qu’il ne fait d’ailleurs qu’en cas d’absolue nécessité. En ce qui concerne ses croyances, il en va tout autrement. (Giuseppe a 14 en Spiritualité). Giuseppe est très sensible à tout ce qui touche au surnaturel. Il n’est ni cartésien, ni rationaliste ; ce n’est pas un catholique convaincu, peut-être est-ce à cause des idées de son père, fervent garibaldien, qui était tout à fait opposé à la religion et à la Papauté. Mais le fait de ne pas être un catholique fervent n’empêche pas Giuseppe de croire en Dieu et peut être encore plus à son redoutable adversaire le Diable pour qui il éprouve quelques penchants. Cela s’explique d’ailleurs par le fait que parmi les lames du grand jeu de la connaissance qu’il a tirées figure le Diable et, s’il ne sait pas exactement ce que cette carte veut dire, (le meneur de jeu ne révèle pas précisément aux joueurs la signification de ces cartes, il propose simplement une piste d’interprétation, nous y consacrerons un paragraphe dans l’article à venir) il peut supposer qu’elle le prédestine envers les forces obscures. Et il ne se trompe d’ailleurs pas, car ce qu’il ne sait pas c’est que le meneur de jeu a tiré comme cinquième carte « La Lune Noire » qui symbolise l’attraction luciférienne de la connaissance interdite et qu’un personnage placé sous ce signe est naturellement attiré par les forces magiques. Cela devait se vérifier par la suite puisqu’au cours d’une aventure, Giuseppe Mordagne devait passer un pacte avec le Diable, ce qui lui procura des avantages immédiats mais l’obligea à rendre certains services au Prince des Ténèbres, ce dont il se serait bien passé ! Mais le Diable n’a pas pour habitude de rendre des services de façon désintéressée, et mieux vaut réfléchir plutôt deux fois qu’une avant de prendre rendez-vous avec lui... Alors, croyez-moi si vous rencontrez au détour d’une partie de Maléfices Giuseppe Mordagne, évitez-le soigneusement, c’est tout le bien que je vous souhaite, car j’ai entendu dire qu’il n’a pas encore fini de payer sa dette et vous pourriez bien faire les frais de l’opération ! Encore qu’il est parfois difficile de le reconnaître, car ce diable d’homme n’a pas pour habitude de se présenter sous sa véritable identité. Votre personnage, cet autre vous-même : J’espère que ces quelques petits exemples vous serviront pour la création de votre personnage. Un second article , plus développé, vous aidera à approfondir la réfléxion sur les divers personnages que l’on peut créer à Maléfices... Vous avez pu constater que cela ne demande pas un travail énorme, nous avons vu que quelques minutes de lecture du Petit Larousse peuvent parfois suffire ! Laissez aller ensuite votre imagination et je suis certaine que tout au long de la partie il vous sera plus aisé d’interpréter votre personnage et de le faire agir en toute situation de façon plus logique et plus conforme à son caractère. Il n’est d’ailleurs absolument pas obligatoire d’attendre le jour où vous allez jouer pour procéder à la création de votre personnage. Vous pouvez le faire tranquillement la veille ou quelques jours avant, par exemple, ce qui vous permettra d’y réfléchir plus calmement et même, si vous le désirez, de procéder à quelques recherches sur l’époque pour mieux « situer » votre personnage dans son environnement. Ensuite, le lendemain, vous n’aurez plus qu’à procéder aux adaptations nécessaires avec votre meneur de jeu (tirage des cartes du Grand Jeu de la Connaissance) pour que votre personnage soit entièrement prêt à jouer. Catherine Rigault. P.-S. NDR : Article initialement paru dans le défunt JD +, un exemple simple destiné à montrer à chacun l’extrême facilité avec laquelle on peut, dès sa première partie, créer un personnage digne d’intérêt... Merci à Catherine Rigault de nous avoir autorisés à reproduire son article.