JdRP Conseils PJ : Créer, puis peaufiner un personnage
On peut le dire sans risquer d’être démenti, Maléfices, dans l’esprit même de ses auteurs, accordait une bien plus large place à l’interprétation du personnage qu’aux règles de simulation elles-mêmes. Cela lui fut reproché par certains... mais lui apporta aussi nombre de joueurs et de Meneurs tout de suite intéressés, puis passionnés par cet aspect ludique très original à l’époque. C’est ce parti-pris de l’interprétation poussée des personnages que se propose d’examiner cet article. 1/ Un parti-pris au départ... Sortir de la spirale « simulationiste tout crin » qui commençait à envahir le jeu de rôle (5 jets de dés avant de pouvoir commencer à se déplacer à cheval - se hisser, monter, tenir en selle, prendre l’ascendant sur le cheval, réussir à attraper les rênes -, j’exagère à peine !), mettre en avant l’interprétation du rôle plus que les règles de simulation fut à la base de la création du « Jeu qui sent le Soufre ». La lecture des explications fournies au tout début du livre de règles de Maléfices est à ce titre très révélatrice : 'Chaque joueur va créer un personnage. Pour ce faire, en se servant des règles du jeu, il va le doter de caractéristiques physiques, intellectuelles, morales, lui attribuer des qualités et des défauts et lui inventer un passé, une famille. Ainsi, petit à petit, ce personnage va prendre vie, devenir un individu à part entière, ayant une existence réelle dans le cadre du jeu. Il va pouvoir alors commencer à vivre des aventures, tirer profit de ses expériences, lier des relations avec les autres personnages qu’il rencontrera au cours de ses pérégrinations, se créer de solides amitiés, ou aussi - tout est possible ! - éprouver quelques rancunes tenaces envers tel ou tel individu. Le jeu de rôle étant très proche de l’expression théâtrale, un bon joueur essaiera de se mettre au maximum dans la peau de son personnage et de « coller » le plus possible à l’univers du jeu. ll va littéralement essayer de faire abstraction de sa propre existence pour ne prendre en compte que la réalité développée dans le jeu (...). L’intérêt d’une partie repose pour une grande part sur la véracité et la crédibilité de l’interprétation des personnages joués. La présence d’un Meneur de jeu va y contribuer, en aidant le joueur à matérialiser son personnage'. Il est très clair ici que le côté théâtral, apporté par le désir de jouer, la fantaisie des joueurs, prime largement sur la stricte simulation apportée par les règles et les jets de dés. Partant de ce constat, les Meneurs de Jeu et les Joueurs de Maléfices ont mis en oeuvre des trésors d’imagination pour parvenir à développer au mieux ce que les anglo-saxons nomment « roleplay » et que, pour éviter l’ambiguïté du terme « jeu de rôle », nous nommerons désormais l’interprétation du personnage. Votre premier personnage ! A la création d’un personnage de Maléfices, avant même les strictes caractéristiques physiques (âge, constitution physique, culture générale...) il convient de déterminer la profession que celui-ci exercera. En effet, elle déterminera de façon non-négligeable les études qu’il a faites ou non, sa tournure intellectuelle, le milieu dans lequel évolue ordinairement le personnage, etc. De même, elle influe sur ce que le personnage - et non le joueur - peut raisonnablement savoir sur tel ou tel sujet particulier. Un bon exemple valant toujours mieux qu’un long discours, il est bien clair pour chacun d’entre nous qu’un professeur d’Histoire spécialisé dans le Moyen-Age aura plus de chance d’avoir entendu parler de telle légende touchant aux Croisades qu’un cabaretier des quartiers populaires de Paris !... Et dès cette toute première étape, il nous faut prévenir nos amies joueuses que, Maléfices étant un jeu réaliste, « tout ne va pas être possible pour elles ! ». Elles comprendront mieux ce que je veux dire en allant un peu plus tard lire avec attention l’article sur la condition des femmes à la Belle Epoque . Je m’empresse d’ajouter que les joueurs et les Meneurs auraient aussi intérêt à y aller faire un tour, cet article historique pouvant donner aux premiers quelques éléments simples leur permettant de nourrir leur interprétation des rapports sociaux, et aux seconds des éléments plus précis concernant les personnages de leurs joueuses et/ou de leurs PNJ féminins... Alors, Maléfices jeu propice à l’interprétation du rôle ? Oui, OUI, OUI ! Et ce, dès le début, dès votre premier personnage... Nous vous incitons pour vous en persuader à aller lire un de ces jours un article destiné à vous montrer par l’exemple l’extrême facilité avec laquelle vous pouvez « donner de l’épaisseur » à votre premier personnage . Maléfices, c’est encore plus que cela... Car même si les aventures du Jeu qui sent le Soufre peuvent souvent s’avérer dangereuses - côtoyer le surnaturel ou de « grands méchants » n’est pas une sinécure ! - un personnage a des chances raisonnables d’y préserver sa vie... pour peu qu’il ne se mette pas systématiquement et « gratuitement » en situation périlleuse ! Outre cette « espérance de vie » intéressante, Maléfices offre dans ses aventures même des possibilités d’aller plus loin dans cette interprétation du rôle qui nous occupe ici. Et vous allez, même si vous êtes débutant, pouvoir très vite, avec Maléfices, améliorer ce qu’on appelle en bon français... le role-playing nous dirons interprétation du rôle . En un mot, vous allez pouvoir très dès vos premières parties interpréter des personnages divers, puisque le jeu et ses scénarios sont ainsi faits qu’ils y invitent tout naturellement ! Des personnages spécifiques... En effet, certains des scénarios écrits pour ce jeu imposent la création d’un personnage spécifique - savant de renom, paysan Aveyronnais, moine cloîtré !... tout est permis ! - ou imposent aux joueurs des personnages préparés d’avance - pour les néophites, on dit « personnages pré-tirés » - pour qu’il soit logique de les voir s’impliquer dans l’aventure... De ce fait, les joueurs incarnent parfois des personnages qui exigent d’eux - mais la contrainte, vous le verrez ou le savez, est loin d’être pénible ! - un minimum de réflexion et de théâtralité pour que les personnages soient crédibles, agissent selon le caractère qu’ils se sont choisi - ou qu’on leur impose ! - et que, par ricochet, la partie soit intéressante... Deux personnages par joueur ? Pas impossible ! De même, le simple fait que les scénarios puissent se dérouler entre 1870 et 1914 amène souvent un joueur à créer un autre personnage parce que celui qu’il incarne habituellement dans les années 1900 serait trop jeune pour une aventure située en 1880... Idéalement, un joueur de Maléfices devrait à mon sens posséder deux personnages « habituels » : un pour jouer de 1875 à 1899, par exemple, et un pour jouer les aventures situées en 1900 et après... Ces deux personnages peuvent être totalement indépendants... Mais rien n’empêcherait, dans certains cas, que ce soit le même personnage, à des moments différents de sa vie... Ou bien le père et le fils, ou encore l’oncle et le neveu. (...)
Je tiens cependant à ajouter, avant de passer aux petits « plus » que nous avons concoctés sur ce sujet, une remarque qui me paraît importante : interpréter un rôle oui, trois fois oui, mais pas dans n’importe quelles conditions ! Autant il peut être amusant pour un homme d’incarner UNE voleuse dans un jeu médiéval fantastique, autant il me paraît délicat à Maléfices d’incarner un personnage qui ne soit pas de son sexe : il est excessivement difficile, dans un jeu réaliste, de s’adresser à un barbu rondouillard en lui donnant du Mme la Baronne sans pouffer... ce qui va totalement à l’encontre de l’effort d’interprétation sur lequel nous dissertons ici... pour tenter d’en montrer toute l’importance dans la réussite d’une partie. Sachez donc résister à la tentation et éviter cet écueil... Le mieux est souvent l’ennemi du bien, dit-on... Croyez-moi, il y a suffisamment de jeu de rôle à développer en jouant un personnage masculin quand on est un homme (et la chose est évidemment valable pour nos joueuses avec les personnages féminins !) sans s’aller jeter dans des situations qui vont d’elles-mêmes détruire l’aspect théâtral... N’est pas Frégoli qui veut ! Vous le voyez, malgré cette restriction, Maléfices, plus encore que d’autres jeux de rôle, vous offre l’agréable possibilité d’incarner d’une aventure à l’autre des personnages fort différents, que vous retrouverez d’ailleurs, vous le verrez, avec joie au fil des aventures... C’est du reste l’un des plaisirs immenses que procure le jeu de rôle que cette possibilité de vivre des aventures au travers de personnages tous originaux dans leur genre... ce qui ne signifie pas forcément qu’ils soient de super-héros ! Je n’suis pas un héros ! On ne le dira jamais assez, et c’est pourquoi je tiens à le rappeler, Maléfices, n’est pas un jeu qui, comme l’Appel de Cthulhu, accueille des Indiana Jones en herbe, prêts à tout pour sauver le monde ; il s’agit davantage de se mettre dans la peau d’un monsieur tout le monde à qui il arrive une tuile, à savoir l’aventure... Les personnages de Maléfices NE SONT PAS des surhommes ni des super-héros. Ce sont « de vrais gens », certes un peu plus curieux, un peu plus ouverts, un peu plus aventureux peut-être que la moyenne de leurs contemporains, mais pas plus ! Surtout pas ! Et il faut qu’il restent des personnages ordinaires, afin que leur destin fictionnel devienne, au fil des aventures, totalement extraordinaire. (...)
Mais ce hasard-là va, sans crier gare, propulser notre brave retraité provincial en pleine Aventure - vous avez noté le grand A ? -. Eh bien, c’est cela, Maléfices , et plus encore... Vous ne me croyez pas ? Tentez votre première partie, nous en reparlerons !... Ajoutons pour être complet, qu’être un « bon » joueur de Maléfices n’exige pas de vous que vous soyez agrégé d’Histoire spécialisé dans la IIIème République. (...)
En revanche, un MINIMUM de connaissances sur la période ne peut pas nuire, ne serait-ce que pour entrer plus facilement dans l’atmosphère si particulière de la Belle Epoque et aussi pour interpréter plus justement le PERSONNAGE que VOUS vous serez choisi... « Hou là là, ça va être difficile, tout ça ! », sont déjà en train de se dire certains d’entre vous, les plus jeunes sûrement, et/ou les moins expérimentés parmi les joueurs. Eh bien NON ! (...)
En effet, il existe quelques « petites choses » auxquelles nous avons réfléchi pour vous aider à créer votre premier personnage... et ceux qui suivront au gré des scénarios ou de vos envies... Elles seront peu à peu placées en ligne, mais vous devez vous en douter, tout cela représente du travail, et ne peut être fait que progressivement... (...)
Quoi qu’il en soit, nous vous mijotons : 1/ Une documentation solide , allant du simple article d’ambiance aux articles plus « pointus », car il nous semble important de redire ici qu’un joueur de Maléfices doit posséder un minimum de culture sur le contexte de la Belle Epoque. Le Meneur est là aussi pour lui communiquer cette culture, grâce à une bonne base documentaire . Ce n’est pas une obligation, certes, mais un conseil, ne serait-ce que pour vous éviter, en pleine scène d’ambiance, de débiter « l’énormité » qui va tout gâcher, (et accessoirement vous faire passer sur une bille, et vous retrouver dans les colonnes des « Perles de nos parties » dans le zine de votre club, et peut-être pire encore ! (...)
Blague à part, savoir éviter les gros anachronismes, les grosses erreurs d’étiquette, et connaître un minimum les problèmes politiques de l’époque ne peuvent pas nuire à votre interprétation du personnage... Et cela peut même être facile, et agréable, que demande le peuple ? ! En effet, s’il veut plus facilement « entrer dans le jeu », un joueur débutant peut se mettre facilement (et agréablement ! (...)
) dans le bain avant la partie, par exemple en visionnant quelques épisodes des Brigades du Tigre, ou en jetant un oeil sur un livre d’illustrations de la Belle Epoque. Il sera temps ensuite d’affiner avec quelques lectures plus sérieuses, ce qui ne veut jamais dire ennuyeuses ! 2/ Une « Liste de professions » envisageables lorsqu’on incarne un personnage de la Belle-Epoque (encore en préparation pour l’instant). En effet, pardon pour cette vérité d’évidence, mais les joueuses ne peuvent pas, si elles veulent rester crédibles, envisager en 1900 n’importe quelle profession. Il fallait bien y réfléchir un minimum. Hermance Velay-Boissard l’a fait pour vous , Mesdames et Mesdemoiselles ! Nous avons donc recensé, à partir des personnages incarnés par nos joueurs, un maximum de professions envisageables, par des femmes, certes, mais aussi par des hommes. C’est un premier point de réflexion au moment du choix... 3/ Quand votre premier personnage sera créé, quand il aura vécu une ou deux aventures, vous pourrez lui donner encore plus « d’épaisseur » grâce à la « Fiche indiscrète de personnage » concoctée par le Club Pythagore de Provins afin de vous faire réfléchir à tout un tas de choses telles que la famille de votre personnage, son itinéraire personnel, ses opinions politiques affichées ou non, et ses éventuels petits secrets... Naturellement, cette fiche n’est destinée qu’à vous et à votre Meneur de Jeu, et ce que vous y inscrirez ne sera pas divulgué sur la place publique. (...)
c’est à dire dans un premier temps à vos petits camarades de jeu... 4/ Une étape encore ? Soit ! Car lorsque vous aurez bien intégré le plaisir d’incarner des personnages variés point trop n’en faut, tout de même, il est intéressant aussi de jouer plusieurs aventures avec un même personnage pour le voir « évoluer » au fil des parties ! quand vous serez un vieux routard du Jeu de Rôle, disais-je, vous pourrez passer à des personnages plus « particuliers », plus « complexes » encore. Mais de cela, nous reparlerons dans un prochain article, dans cette même rubrique. Vous le voyez, Maléfices vous réserve encore quelques bons moments de jeu et d’improvisation, sans parler de ce délicieux frisson qui parcourt parfois l’échine de tous ceux qui ont quelque chose à cacher à leurs semblables !... Bon amusement, bonnes parties, avec les personnages auxquels, j’en suis sûr, vous avez déjà rêvé en lisant ces quelques lignes... Jean-Philippe Palanchini. (...)