JdRP Aides de Jeu : La boxe française
« Notre boxe, c’est exactement la même chose que la boxe anglaise. Excepté que c’est tout le contraire. » Alexandre Dumas C’est au début du XIXème siècle qu’apparaît la savate, redoutable méthode de défense qui permet à un individu entraîné de faire face à la violence urbaine qui sévit à Paris. Ce nouveau style de défense, basé sur le coup de pied, convient très bien en effet aux rues tortueuses et sombres de la capitale. D’ailleurs, pendant un certain temps, on peut même dire que deux types de techniques vont se développer en parallèle en France : la savate dans le nord, le chausson dans le Sud. Alors que dans le chausson, seuls les pieds sont utilisés, en savate, il est possible de frapper avec les pieds et les mains ouvertes ou mains plates. La savate est alors surtout utilisée par les voyous parisiens. Michel Casseux est l’un des premiers à tenter de codifier ces techniques, fréquentant abondamment pour cela les faubourgs et les bals mal famés. Heureuse symbiose des classes, Casseux, surnommé « le Pisseux », fixe les premières règles de ce sport et l’institutionnalise en ouvrant une salle vers 1820 dans le faubourg de La Courtille. En gilet rouge, l’éminent professeur de la rue donne la réplique au marquis de Noailles et convertit Eugène Sue à cette « lutte aux armes naturelles, le plus beau développement de la vigueur humaine, qui peut servir, quand descendent de la Courtille, sabouleurs, francs-mitoux, et autres escarpes de barrières pour passer le bourgeois à la savate, lui « peindre les hublots », lui « tirer une pinte de clairet » ». Parmi les élèves du « Pisseux », on trouve aussi un dénommé Jean-Antoine Charles Lecour qui, montrant des aptitudes réelles, devient en 1830, à vingt-deux ans à peine, professeur de savate. Il tient alors une salle rue du Faubourg Montmartre. Lors d’une visite outre-Manche chez Lord Seymour, il rencontre Owen Swiff qui, parce que c’est un habitué du ring, malheureusement pour le jeune Français, fait rapidement preuve de supériorité dans l’assaut. Loin de se laisser décourager par cette défaite, Lecour décide de prendre des leçons avec un autre boxeur Anglais, un certain Adams. Il a alors l’idée d’allier la boxe anglaise à la savate pour profiter des avantages de l’une de l’autre, formant ce que l’on appelle, dès lors, la boxe française. Si à l’origine les méthodes d’attaque et de défense, enseignées par les maîtres de la savate, se composent de tous les coups utilisables en combat de rue - percussions de la tête, des mains, des poings, des avant-bras, des coudes, des genoux, des jambes et des pieds auxquelles venaient s’ajouter des techniques de saisies, de clés, de ramassements, de passements de jambes ou d’enfourchements, complétées d’immobilisations et de projections - la boxe française devient alors un « noble art », attirant dans ces salles d’entraînement des célébrités comme Théophile Gautier, Alexandre Dumas ou bien Eugène Sue, qui déclare alors : « Un homme instruit en boxe française se défend des pieds et des mains, et frappe avec les quatre membres comme avec quatre fléaux. » Mais le véritable « père » de la boxe française est pour beaucoup Joseph Charlemont qui, né en 1839, s’initie en 1860 à ce sport. En 1877, il publie le premier livre technique sur le sujet : « La boxe française, traité théorique et pratique ». Convaincu de l’efficacité de sa méthode, il l’enseigne d’ailleurs à son fils, Charles. En 1899, après avoir publié « L’Art de la boxe française et de la canne, nouveau traité théorique et pratique » et pour départager les deux formes de joutes, l’anglaise et la française, il organise à Saint James Hall ce qui deviendra le combat culte de cette fin de siècle : le champion de boxe anglaise, Jerry Driscoll contre son propre fils, Charles Charlemont. Alors que le Français est légèrement malmené lors de la première reprise, au début de la seconde, il place son coup favori, un chassé croisé à la poitrine qui envoie Driscoll s’aplatir contre le mur. Le Français remporte le combat et la boxe française s’impose sur le devant de la scène pugilistique. A une délégation de sportsmen passablement jaloux, Alexandre Dumas explique gravement que « notre boxe, c’est exactement la même chose que la boxe anglaise. Excepté que c’est tout le contraire ». La suite est malheureusement moins glorieuse. L’hécatombe de professeurs Français pendant la Grande Guerre laisse le champ libre à la boxe anglaise. A tel point que quelques années plus tard, tout le monde ou presque oubliera que Georges Carpentier lui-même, champion d’Europe de boxe anglaise, a commencé sa carrière en 1907 par la boxe française. Un peu de technique. L’entraînement d’un boxeur : « Un boxeur s’entraîne comme un cheval. Le sujet doit se lever à 06h00 et se coucher à 21h00. Au sortir du lit, il prend un oeuf cru, sans défaire le jaune, dans un demi verre de Xérès. Puis, il fait une promenade de trois kilomètres avant de déjeuner et une autre après. Les promenades au pas doivent être entremêlées de petites échappées de deux cents mètres à toute vitesse pour amener une suée que l’entraîneur sèche immédiatement en frottant énergiquement le pugiliste. Après cette promenade, on doit se livrer à un exercice modéré, tel que bêcher la terre, faire rouler une brouette, sonner des cloches. Pour l’alimentation, les spiritueux, le lait, les soupes, les ragoûts et les aliments épicés les viandes grasses sont rigoureusement interdits. L’entraîné ne doit point fumer ni entrer dans les endroits où l’on fume. Il ne doit point être marié et l’entraîneur doit coucher dans sa chambre pour interdire l’accès à toute femme. » Article de Charles de Matharel publié dans Le Siècle le 16 août 1847. La bibliothèque idéale du parfait boxeur : Ce simple petit échantillon de la littérature pugilistique de l’époque montre à quel point la savate et la boxe ont été importantes dans la pratique de ce que l’on n’appelait pas encore les « sports de combat ». Ces ouvrages peuvent encore être trouvés chez certains bouquinistes - malheureusement à des prix souvent prohibitifs - ce qui permettra aux MJ « fortunés » et joueurs motivés d’entretenir leur forme, compensant par la pratique de ce beau sport les écarts diététiques qu’entraînent souvent les parties de jeu de rôle... Avis aux amateurs donc !