JdRP Conseils MJ : De quelques petits conseils pour écrire un scénario
S’il suffit d’une idée pour écrire une lettre, il en va souvent de même pour un scénario de jeux de rôle, à condition évidemment que cette idée soit bonne. Mais il nous arrive parfois d’être à court d’idées, celles-ci ne venant pas toujours spontanément. (...)
Dans ce cas il existe différentes méthodes qui peuvent permettre de remédier à cet état de choses. La lecture de n’importe quel quotidien en est une par exemple. Ouvrons ensemble la page des faits divers de notre quotidien régional, dans le mien je vois aujourd’hui deux petits drames qui, on doit bien le dire, n’ont rien d’extraordinaire... (...)
-------------------------------------------------------------------------------- Premier fait-divers : Drame de la folie à Montboudif Hier soir, au cours d’une crise de démence, Ernest Berk a étranglé sa petite soeur âgée de douze ans, puis a tenté de mettre fin à ses jours. (...)
Appelés par les voisins, les gendarmes se sont rendus rapidement sur les lieux mais n’ont pu s’emparer du dément avant qu’il ne parvienne à ses fins. C’est une bien tragique histoire qui endeuille toute une famille honorablement connue de notre région. Monsieur Louis-Xavier Berk, le père du forcené, venait de prendre sa retraite après avoir tenu pendant plus de vingt-cinq ans la perception de Monboudif, où il était aimé de tous ; qu’il veuille bien, en ces tragiques circonstances, accepter l’expression de notre sympathie la plus sincère. (...)
-------------------------------------------------------------------------------- Apparemment rien de bien passionnant dans ces deux faits divers : le premier concerne un drame de la démence, comme malheureusement il en arrive fréquemment et le second nous décrit comment une vieille maison en ruines finit par s’écrouler, ce qui n’a rien de bien extraordinaire, si ce n’est qu’un berger vraisemblablement simplet ou ivre (ou ivre et simplet) fut le témoin de cet incident. Pourtant une maison rendant l’âme en exhalant de lugubres plaintes, c’est déjà un beau sujet d’histoire fantastique, et de plus les deux articles figurant côte à côte dans la même page du quotidien nous incitent à imaginer que le drame relaté dans le premier fait-divers aurait très bien pu, après tout, se dérouler dans la maison dont il est question dans le second fait-divers. Et voilà que grâce à notre quotidien, notre imagination s’enflamme. Réfléchissons donc : …. Et si plusieurs crimes avaient eu lieu dans cette maison ! Vous voyez que nous avions raison de réfléchir un instant, notre scénario commence à prendre forme. Après tout cette maison est peut-être maudite à cause de cela ? Alors inventons vite trois petites histoires criminelles qui auraient pu avoir lieu au Clos de la Benestrance. Cependant, du fait qu’il s’agit d’un scénario de Maléfices, il faudra chronologiquement les situer à l’époque où se déroule le jeu. Trois petites histoires criminelles Première histoire En février 1896, la famille Marestaing vient habiter le Clos de la Benestrance. La famille se compose d’Albert Marestaing, 45 ans, de sa femme Pierrette, 40 ans et d’Hector Marestaing, le père d’Albert, 70 ans. Composons sur ce canevas un schéma classique d’histoire : Hector, le vieux Marestaing a de l’argent, par exemple. Bien entendu, son fils et sa petite fille convoitent sa fortune et toujours comme de bien entendu, ils ont l’intention de le faire passer de vie à trépas. En août 1896 les époux, pendant la nuit, scient une marche en haut de l’escalier qui mène du rez-de-chaussée aux chambres du premier étage. (...)
On conclut au suicide et Pierrette hérite de son mari puis quitte le pays. De 1898 à 1899, laissons la maison inhabitée. Deuxième histoire : En 1900, c’est la famille Forastié qui reprend la maison. Elle est composée de Jules Forastié, 60 ans, de sa femme Marie, 65 ans et de leurs deux enfants, Joseph, 33 ans et Albertine, 14 ans, une enfant adoptée. Là, inspirons-nous directement du fait-divers paru dans le quotidien. Jospeh Foratié, le fils, est débile (c’est peut-être pour cela que ses parents ont tenu à s’installer dans une maison isolée). (...)
D’où le double avantage de faire de la petite Albertine une demi-soeur : premièrement parce que sans cela sa mère l’aurait eue à 51 ans, ce qui tout de même est un peu limite, et deuxièmement parce qu’ainsi la situation est moins choquante. En 1901 c’est le drame, Joseph tente de violer Albertine. Celle-ci résiste ; fou de rage, il l’étrangle. Cruel dilemme ! (...)
On comprend qu’après tout ce qui vient de se passer, les acheteurs ne se bousculent pas au portillon. Troisième histoire : En 1903, un parisien vient habiter le Clos de la Benesance, il a 24 ans, il se nomme Roland Drover (excusez-moi, je n’ai pas pu résister) et il est d’origine anglaise. C’est un artiste, il écrit et illustre des histoires pour enfants et ne semble nullement impressionné par les sinistres événements qui se sont déroulés dans cette maison. Il aime la région, fait de la photo et adore faire des portraits d’enfants, dont il se sert ensuite pour l’exécution de ses dessins. (...)
Parfois une de ses petites voisines, ravissante enfant de douze ans, vient le voir et il lui offre volontiers à goûter. Avouons-le tout de suite, nous nous inspirons dans cette troisième histoire de Lewis Carrol pour camper le personnage de l’artiste ; mais pourquoi pas, puisque nous avons décidé de puiser notre inspiration aux sources les plus diverses ! (...)
Puisque nous avons décidé de faire entrer cette maison dans la catégorie des lieux maudits, étudions son cas de plus près. Et tout d’abord posons-nous la question essentielle qui consiste à se demander : est-ce un lieu maudit parce que des événements tragiques se sont déroulés dans ses murs ? ou au contraire est-ce parce que ce lieu est maudit que de pareils événements ont eu lieu ? Cela vaut la peine d’y réfléchir, il me semble que la deuxième solution offre de multiples avantages pour le déroulement d’une intrigue. En effet, imaginons un instant que la maison se comporte comme une véritable entité, douée d’une personnalité, et que de plus elle soit particulièrement névrosée, avec des accès de folies homicides, accès qu’elle parviendrait à communiquer à ses occupants... Imaginons maintenant que les personnages des joueurs, pour une raison quelconque, se trouvent dans l’obligation d’y séjourner pour quelques temps (un soir d’orage ils peuvent, leur véhicule étant tombé en panne, être dans l’obligation de se réfugier là par exemple, ou l’un d’eux peut hériter de la maison, ou bien encore certaines rumeurs peuvent leur faire croire qu’un trésor se trouve en cet endroit, etc. etc.). Je vous laisse le soin d’imaginer une introduction à cette histoire. D’ailleurs le but de cet article n’est pas de créer un scénario mais de fournir des éléments pour en construire un selon votre gré. Une fois les personnages de vos joueurs sur place, il vous est possible d’inventer toutes sortes d’éléments tous plus fantastiques les uns que les autres. Essayons d’examiner certaines de ces possibilités : 1 - Dès que les personnages auront pénétré à l’intérieur, la maison fermera automatiquement toutes ses issues et ne les laissera sortir que lorsqu’ils auront résolu les énigmes constituées par les trois affaires criminelles et qu’ils se seront rendu compte que c’est la maison qui est responsable de cet état de choses (en fait, ce que cherche la maison c’est une sorte de psychanalyse). 2 - La maison va fournir petit à petit des éléments pour que les personnages puissent reconstituer les faits ; Ex : La marche du haut de l’escalier grincera lugubrement à une heure bien précise, ceci pour rappeler l’assassinat d’Hector Marestaing (première affaire) ; on entend pleurer une petite fille, assassinat d’Albertine (deuxième affaire) etc. etc. Ainsi, d’indice en indice, les personnages pourront reconstituer les trois drames successifs. 3 - Le spiritisme peut entrer pour une large part dans ce type d’histoire. Il y a eu assez de morts en ces lieux pour que ce genre de pratique soit justifié. Par contre si l’enquête traîne, la maison qui, comme nous l’avons vu, n’a pas très bon caractère, peut s’énerver et cet énervement va rejaillir sur le caractère des personnages (jet d’ouverture d’esprit) et, dans le cas où cela tournerait vraiment mal, on peut très bien envisager que cela se termine par un sanglant pugilat, voire un véritable massacre entre les personnages. De plus, n’oublions pas que les personnages ne pouvant pas sortir de la maison tant que l’énigme n’est pas résolue, ils peuvent tout bêtement mourir de faim. Bien entendu pour protéger cette charmante demeure, il vous faudra rendre impossible toute tentative de défoncer les portes ou les fenêtres ; pics, pioches, etc., peuvent être immédiatement arrachés des mains des petits malins qui tenteraient ce genre de choses par une force magique qu’utilise la maison (par exemple, télékinésie qui pourrait servir à projeter un pot de fleur sur la tête de l’audacieux qui voudrait creuser un trou dans le mur). (...)
Mais je vous laisse libre de choisir et d’inventer tout ce qu’il vous plaira, mon but n’étant ici que de fournir un départ à une histoire fantastique. Je me suis simplement permis de vous livrer les locaux « clef en mains » ; maintenant, à vous de jouer. (...)
-------------------------------------------------------------------------------- Inspirations « Un beau livre, c’est celui qui sème à foison des points d’interrogation » disait Jean Cocteau, et c’est aussi celui qui titille notre imagination et nous ouvre de nouveaux horizons ; alors, pourquoi se priver du plaisir de la lecture et ne pas s’en servir pour bâtir nous-mêmes de nouvelles histoires ? Il existe toutes sortes d’ouvrages qui peuvent servir de base à de bons scénarios. A ce sujet vous pouvez consulter la liste d’ouvrages figurant dans le livret de règles de Maléfices. Prenons par exemple cette histoire véridique que j’ai lue dans un des Guides noirs édités par les Editions Tchou. Ne peut-on rêver plus beau début pour un scénario fantastique ? Cette histoire se passe en forêt de Fontainebleau dans la région du « chêne au chien ». A cet endroit on peut voir un mausolée circulaire qui fut construit en 1870. Il s’agit du tombeau du comte de Chevillard, homme passionné par la chasse qui exigea d’être enterré avec ses chevaux et ses chiens : « ses vieux amis » dit-il en parlant d’eux dans son testament. (...)
Je dois dire que pour ma part, quand il m’arrive de penser à « certains » de mes amis je regarde mon chat avec beaucoup de tendresse. Cependant si le comte de Chevillard s’en était tenu là, l’histoire n’aurait rien de bien extraordinaire... Mais le comte était un original et il exigea de surcroît la chose suivante : « Je laisse mes marbres, mes albâtres, mes colonnes et mes portraits de femme pour l’ornement dudit tombeau et aussi mes statues de marbres, de bronze et de bois. » La famille prit la chose très mal, le fils et la fille du comte attaquèrent le testament et exigèrent « au nom du respect des sépultures » qu’il ne soit pas exécuté. Leur avocat, au cours de sa plaidoirie, s’écria : « Quoi ! ces portraits de femmes autour d’une tombe, c’est le catalogue de Don Juan chanté sur un cercueil ! » En effet le comte avait fait exécuter un semainier mobile que n’ont pas encore inventé les spécialistes de Play Boy et qui permettait au mort d’avoir la visite chaque jour d’une autre compagne d’outre-tombe. (...)
Elle y fut autorisée par un jugement en date du 3 février 1870, jugement rendu par le tribunal de la Seine. On ignore ce que sont devenues les statues des sept maîtresses du comte. A vous de rêver, à partir de là, et d’imaginer le destin de ces sept statues mystérieuses. -------------------------------------------------------------------------------- Conclusion Que les lecteurs qui « passeront à l’acte » et rédigeront des scénarios en se servant des histoires citées ci-dessus n’hésitent pas à nous en faire parvenir, c’est avec grand plaisir que nous en prendront connaissance et que nous en reparlerons. Et maintenant permettez-moi de vous souhaiter d’éprouver ce plaisir merveilleux qui consiste à « inventer » une histoire ; même si cela demande de longues heures de travail et de préparation, cela offre également de grandes joies ; mais je pense que vous le saviez déjà.