L'histoire de Clébard
sur Le Ludiste
C'est une soirée d'automne morne à l'auberge des deux amphores. Dehors la nuit est brumeuse et humide. A cinq pas de la porte, la rue se perd dans un épais coton grisâtre. Oubliées les autres rues de Pôles aux alentours, oubliées les murailles toutes proches qui, la veille encore, dégoulinaient du sang des guerriers tentant, qui de prendre pied sur le parapet pour envahir la ville, qui de repousser les barbares du nord pour protéger leurs foyers. On aurait tout aussi bien pût se trouver n'importe ...Contient : histoire (14)L'histoirede Clébard C'est une soirée d'automne morne à l'auberge des deux amphores. Dehors la nuit est brumeuse et humide. (...)
Après quelques secondes de cette gymnastique une voix masculine aux accents métalliques emplit la salle. - Puisqu'on en appelle au conteur, soit. Que voudriez vous entendre commehistoire? - Unehistoirequi nous change de ces boucheries, répond Pierre avant de baisser les yeux sur sa siffan, craignant de se faire traiter de femmellette par un des mercenaires. - Tu sais, jeune homme, répond l'Arme, il n'y a très peu d'histoire, dans ce bas monde, qui ne contiennent leur lot de sang versé. Et ces histoires là je ne les connais pas. (...)
J'en connais plein et dans toutes la violence s'invite à un moment ou un autre. - Qu'importe. Racontez-nous unehistoired'amour, Copperfangs. Mais si elle est violente cela nous changera des massacres stupides de ces derniers jours. (...)
Elle porte encore sur le visage les stigmates de sa douleur mais son regard se perd fréquemment dans la contemplation des arabesques gravées sur la lame de son Arme, posée devant elle. - Je vois, répond le bouclier, songeur. Dans ce cas là je vais vous raconter l'histoirede Clébard. Toutes les oreilles se tendent alors vers Copperfangs. Tous, même le plus imbibé des pochetrons présents, se sent déjà captivé par la voix de l'Arme, car tel est son talent. (...)
D'ailleurs combien il y a-t'il d'enfants semblables à Clébard de par le monde ? Je n'en ai pas idée, et de toute façon ceci n'est pas leurhistoire. La vie de Clébard, donc, changea lorsqu'il tomba amoureux. Il avait grandi vite et était devenu un adolescent solide, fort, mais toujours aussi laid. (...)
Il ne restait plus aux parents et amis de la victime qu'à pleurer son décès. Vous vous doutez bien que si Clébard était mort dans ce bois cela n'aurait jamais fait unehistoiredigne d'être contée. Clébard survécu. Mieux encore il s'endurcit. Habitué à vivre à moitié comme un animal au village il appris rapidement à vivre comme une bête dans les bois. (...)
Cette femme qui l'écoutait, et qui partageait avec lui le fardeau des monstres, en fut émue et le crut. L'histoiredevait raviver chez elles de cruels souvenirs de déconvenues amoureuses. Elle défit ses liens et lui désigna la sortie du camp - Vas y, sauve toi gamin. (...)
Le bonheur l'étouffait presque. Son Arme était aux anges. Elle allait vivre le dénouement heureux de cette fabuleusehistoired'amour. Anya était terrifiée par ce solide gaillard au visage monstrueux, dressé devant lui, un dieu incarné à la main. (...)
------------------------------------------------------------------------------- L'assistance est médusée et Copperfangs boit leur air consterné comme du petit lait. La plus jeune des filles de joie balbutie : - Mais ce n'est pas unehistoired'amour ça ! Il l'a tuée ! Ils auraient dû vivrent heureux ensemble pour que ce soit unehistoired'amour. Le dieu dans le bouclier éclate d'un rire sinistre. - Pourtant c'est bien unehistoired'amour, petite mortelle. Et complètement véridique de surcroît. Ce jour là Clébard a réalisé que la seule femme capable de l'aimer pleinement et intensément était déjà à son côté depuis plus d'un an. (...)
Depuis lors cette Arme n'a plus accepté d'être portée que par des personnes pour qui elle ressentait des sentiments forts et sincères. Ce n'est pas banal, mais c'est comme ça. Les Armes aussi peuvent aimer. C'est la morale de monhistoire. - Et comment s'appelait cette Arme ? Demande Clarisse, le regard brillant de fièvre. - Je crois que tu le sais déjà, lui répond Gaétan avec un sourire. (...)