Voyage au Centre de la Terre
sur Les Ludopathes
Contient : ciel (25)(...) A force de nous promener sur les rivages verdoyants de la baie au fond de laquelle s'élève la petite ville, de parcourir les bois touffus qui lui donnent l'apparence d'un nid dans un faisceau de branches, d'admirer les villas pourvues chacune de leur petite maison de bain froid, enfin de courir et de maugréer, nous atteignîmes dix heures du soir. Les tourbillons de la fumée de l'Ellenora se développaient dans leciel; le pont tremblotait sous les frissonnements de la chaudière ; nous étions à bord et propriétaires de deux couchettes étagées dans l'unique chambre du bateau. (...)
Mais voici pourquoi son clocher assez élevé avait attiré l'attention du professeur : à partir de la plate-forme, un escalier extérieur circulait autour de sa flèche, et ses spirales se déroulaient en pleinciel. « Montons, dit mon oncle. - Mais, le vertige ? répliquai-je. - Raison de plus, il faut s'y habituer. (...)
Les sommets rugueux des masses trachytiques s'estompaient à l'horizon dans les brumes de l'est ; par moments quelques plaques de neige, concentrant la lumière diffuse, resplendissaient sur le versant des cimes éloignées ; certains pics, plus hardiment dressés, trouaient les nuages gris et réapparaissaient au-dessus des vapeurs mouvantes, semblables à des écueils émergés en pleinciel. Souvent ces chaînes de rocs arides faisaient une pointe vers la mer et mordaient sur le pâturage ; mais il restait toujours une place suffisante pour passer. (...)
XV Le Sneffels est haut de cinq mille pieds ; il termine, par son double cône, une bande trachytique qui se détache du système orographique de l'île. De notre point de départ on ne pouvait voir ses deux pics se profiler sur le fond grisâtre duciel. J'apercevais seulement une énorme calotte de neige abaissée sur le front du géant. Nous marchions en file, précédés du chasseur ; celui-ci remontait d'étroits sentiers où deux personnes n'auraient pas pu aller de front. (...)
Je relevai la tête, et j'aperçus l'orifice supérieur du cône, dans lequel s'encadrait un morceau decield'une circonférence singulièrement réduite, mais presque parfaite. Sur un point seulement se détachait le pic du Scartaris, qui s'enfonçait dans l'immensité. (...)
Je n'eus ni l'envie ni la force de me lever, et, prenant exemple sur le guide, je me laissai aller à un douloureux assoupissement, croyant entendre des bruits ou sentir des frissonnements dans les flancs de la montagne. Ainsi se passa cette première nuit au fond du cratère. Le lendemain, uncielgris, nuageux, lourd, s'abaissa sur le sommet du cône. Je ne m'en aperçus pas tant à l'obscurité du gouffre qu'à la colère dont mon oncle fut pris. (...)
Or, si le soleil venait à manquer, pas d'ombre. Conséquemment, pas d'indication. Nous étions au 25 juin. Que lecieldemeurât couvert pendant six jours, et il faudrait remettre l'observation à une autre année. Je renonce à peindre l'impuissante colère du professeur Lidenbrock. (...)
Hans ne bougea pas de sa place ; il devait pourtant se demander ce que nous attendions, s'il se demandait quelque chose ! Mon oncle ne m'adressa pas une seule fois la parole. Ses regards, invariablement tournés vers leciel, se perdaient dans sa teinte grise et brumeuse. Le 26, rien encore, une pluie mêlée de neige tomba pendant toute la journée. (...)
Il y avait de quoi irriter un homme plus patient, car c'était véritablement échouer au port. Mais aux grandes douleurs lecielmêle incessamment les grandes joies, et il réservait au professeur Lidenbrock une satisfaction égale à ses désespérants ennuis. Le lendemain lecielfut encore couvert, mais le dimanche, 28 juin, l'antépénultième jour du mois, avec le changement de lune vint le changement de temps. (...)
Au moment de m'engouffrer dans ce couloir obscur, je relevai la tête, et j'aperçus une dernière fois, par le champ de l'immense tube, cecielde l'Islande « que je ne devais plus jamais revoir. » La lave, à la dernière éruption de 1229, s'était frayé un passage à travers ce tunnel. (...)
Quand je me vis ainsi en dehors de tout secours humain, incapable de rien tenter pour mon salut, je songeai aux secours duCiel. Les souvenirs de mon enfance, ceux de ma mère que je n'avais connue qu'au temps des baisers, revinrent à ma mémoire. (...)
C'était comme une aurore boréale, un phénomène cosmique continu, qui remplissait cette caverne capable de contenir un océan. La voûte suspendue au-dessus de ma tête, leciel, si l'on veut, semblait fait de grands nuages, vapeurs mobiles et changeantes, qui, par l'effet de la condensation, devaient, à de certains jours, se résoudre en pluies torrentielles. (...)
L'immense caverne du Mammouth, dans le Kentucky, offrait bien des proportions gigantesques, puisque sa voûte s'élevait à cinq cents pieds au-dessus d'un lac insondable, et que des voyageurs la parcoururent pendant plus de dix lieues sans en rencontrer la fin. Mais qu'étaient ces cavités auprès de celle que j'admirais alors, avec soncielde vapeurs, ses irradiations électriques et une vaste mer renfermée dans ses flancs ? Mon imagination se sentait impuissante devant cette immensité. (...)
Que sont les arches des ponts et les arceaux des cathédrales auprès de cette nef d'un rayon de trois lieues, sous laquelle un océan et des tempêtes peuvent se développer à leur aise ? - Oh ! Je ne crains pas que lecielme tombe sur la tête. Maintenant, mon oncle, quels sont vos projets ? Ne comptez-vous pas retourner à la surface du globe ? (...)
Que cette manière de descendre plaise au professeur, parce qu'elle se rapproche de la verticale, c'est possible, mais à moi... En tout cas, il doit y avoir à quelques lieues au vent un phénomène bruyant, car maintenant les mugissements se font entendre avec une grande violence. Viennent-ils ducielou de l'océan ? Je porte mes regards vers les vapeurs suspendues dans l'atmosphère, et je cherche à sonder leur profondeur. Lecielest tranquille. Les nuages, emportés au plus haut de la voûte, semblent immobiles et se perdent dans l'intense irradiation de la lumière. (...)
A dix heures du matin, les symptômes de l'orage sont plus décisifs ; on dirait que le vent mollit pour mieux reprendre haleine ; la nue ressemble à une outre immense dans laquelle s'accumulent les ouragans. Je ne veux pas croire aux menaces duciel, et cependant je ne puis m'empêcher de dire : « Voilà du mauvais temps qui se prépare. » Le professeur ne répond pas. (...)
Cependant une pluie diluvienne continuait à tomber, mais avec ce redoublement qui annonce la fin des orages. Quelques rocs superposés nous offrirent un abri contre les torrents duciel. Hans prépara des aliments auxquels je ne pus toucher, et chacun de nous, épuisé par les veilles de trois nuits, tomba dans un douloureux sommeil. Le lendemain le temps était magnifique. Lecielet la mer s'étaient apaisés d'un commun accord. Toute trace de tempête avait disparu. Ce furent les paroles joyeuses du professeur qui saluèrent mon réveil. (...)
L'existence de mille Cuvier n'aurait pas suffi à recomposer les squelettes des êtres organiques couchés dans ce magnifique ossuaire. J'étais stupéfait. Mon oncle avait levé ses grands bras vers l'épaisse voûte qui nous servait deciel. Sa bouche ouverte démesurément, ses yeux fulgurants sous la lentille de ses lunettes, sa tête remuant de haut en bas, de gauche à droite, toute sa posture enfin dénotait un étonnement sans borne. (...)
Ces êtres animés avaient-ils glissé par une convulsion du sol vers les rivages de la mer Lidenbrock, alors qu'ils étaient déjà réduits en poussière ? Ou plutôt vécurent-ils ici, dans ce monde souterrain, sous cecielfactice, naissant et mourant comme les habitants de la terre ? Jusqu'ici, les monstres marins, les poissons seuls, nous étaient apparus vivants ! (...)
Je m'attendais à voir un cône couvert de neiges éternelles, au milieu des arides déserts des regions septentrionales, sous les pâles rayons d'uncielpolaire, au delà des latitudes les plus élevées, et, contrairement à toutes ces prévisions, mon oncle, l'Islandais et moi, nous étions étendus à mi-flanc d'une montagne calcinée par les ardeurs du soleil qui nous dévorait de ses feux. (...)
Nous avions abandonné la région des neiges éternelles pour celle de la verdure infinie et laissé au-dessus de nos têtes le brouillard grisâtre des zones glacées pour revenir aucielazuré de la Sicile ! Après un délicieux repas composé de fruits et d'eau fraîche, nous nous remîmes en route pour gagner le port de Stromboli. (...)
Un fait demeurait inexplicable, celui de la boussole. Or, pour un savant pareil phénomène inexpliqué devient un supplice de l'intelligence. Eh bien ! lecielréservait à mon oncle d'être complètement heureux. Un jour, en rangeant une collection de minéraux dans son cabinet, j'aperçus cette fameuse boussole et je me mis à l'observer. (...)Jules Verne. Édition du groupe « Ebooks libres et gratuits ». I - Le 24 mai 1863, un dimanche, mon oncle, le professeur Lidenbrock, revint précipitamment vers sa petite maison située au numéro 19 de Königstrasse, l'une des plus anciennes rues du vieux quartier de Hambourg. La bonne Marthe dut se croire fort en retard, car le dîner commençait à peine à chanter sur le fourneau de la cuisine. « Bon, me dis-je, s'il a faim, mon oncle, qui est le plus impatient des ...