Voyage au Centre de la Terre
sur Les Ludopathes
Contient : mer (106)(...) Il est vrai qu'à la troisième, on lit le mot « tabiled » de tournure parfaitement hébraïque, et à la dernière, les vocables «mer», « arc », « mère », qui sont purement français. » Il y avait là de quoi perdre la tête ! Quatre idiomes différents dans cette phrase absurde ! (...)
Quel rapport pouvait-il exister entre les mots « glace, monsieur, colère, cruel, bois sacré, changeant, mère, arc oumer? » Le premier et le dernier seuls se rapprochaient facilement ; rien d'étonnant que, dans un document écrit en Islande, il fût question d'une «merde glace ». Mais de là à comprendre le reste du cryptogramme, c'était autre chose. Je me débattais donc contre une insoluble difficulté ; mon cerveau s'échauffait, mes yeux clignaient sur la feuille de papier ; les cent trente-deux lettres semblaient voltiger autour de moi, comme ces larmes d'argent qui glissent dans l'air autour de notre tête, lorsque le sang s'y est violemment porté. (...)
Aperçois-tu Reykjawik, sa capitale ? Oui. Bien. Remonte les fjords innombrables de ces rivages rongés par lamer, et arrête-toi un peu au-dessous du soixante-cinquième degré de latitude. Que vois-tu là ? - Une sorte de presqu'île semblable à un os décharné, que termine une énorme rotule. (...)
- La comparaison est juste, mon garçon ; maintenant, n'aperçois-tu rien sur cette rotule ? - Si, un mont qui semble avoir poussé enmer. - Bon ! c'est le Sneffels. - Le Sneffels ? - Lui-même, une montagne haute de cinq mille pieds, l'une des plus remarquables de l'île, et à coup sûr la plus célèbre du monde entier, si son cratère aboutit au centre du globe. (...)
Mais cette monotonie n'eut pas le temps de ma fatiguer, car, trois heures après notre départ, le train s'arrêtait à Kiel, à deux pas de lamer. Nos bagages étant enregistrés pour Copenhague, il n'y eut pas à s'en occuper. Cependant le professeur les suivit d'un oeil inquiet pendant leur transport au bateau à vapeur. (...)
A dix heures un quart les amarres furent larguées, et le steamer fila rapidement sur les sombres eaux du Grand Belt. La nuit était noire ; il y avait belle brise et fortemer; quelques feux de la côte apparurent dans les ténèbres ; plus tard, je ne sais, un phare à éclats étincela au-dessus des flots ; ce fut tout ce qui resta dans mon souvenir de cette première traversée. (...)
Dans son impatience, je crois qu'il poussait le wagon avec ses pieds. Enfin il aperçut une échappée demer. « Le Sund ! » s'écria-t-il. Il y avait sur notre gauche une vaste construction qui ressemblait à un hôpital. (...)
1 Puis je pris un plaisir d'enfant à parcourir la ville ; mon oncle se laissait promener ; d'ailleurs il ne vit rien, ni l'insignifiant palais du roi, ni le joli pont du dix-septième siècle qui enjambe le canal devant le Muséum, ni cet immense cénotaphe de Torwaldsen, orné de peintures murales horribles et qui contient à l'intérieur les oeuvres de ce statuaire, ni, dans un assez beau parc, le château bonbonnière de Rosenborg, ni l'admirable édifice renaissance de la Bourse, ni son clocher fait avec les queues entrelacées de quatre dragons de bronze, ni les grands moulins des remparts, dont les vastes ailes s'enflaient comme les voiles d'un vaisseau au vent de lamer. Quelles délicieuses promenades nous eussions faites, ma jolie Virlandaise et moi, du côté du port où les deux-ponts et les frégates dormaient paisiblement sous leur toiture rouge, sur les bords verdoyants du détroit, à travers ces ombrages touffus au sein desquels se cache la citadelle, dont les canons allongent leur gueule noirâtre entre les branches des sureaux et des saules ! (...)
Audessus de ma tête passaient des nuages échevelés, et, par un renversement d'optique, ils me paraissaient immobiles, tandis que le clocher, la boule, moi, nous étions entraînés avec une fantastique vitesse. Au loin, d'un côté s'étendait la campagne verdoyante ; de l'autre étincelait lamersous un faisceau de rayons. Le Sund se déroulait à la pointe d'Elseneur, avec quelques voiles blanches, véritables ailes de goéland, et dans la brume de l'est ondulaient les côtes à peine estompées de la Suède. (...)
» Vers le soir la goélette doubla le cap Skagen à la pointe nord du Danemark, traversa pendant la nuit le Skager-Rak, rangea l'extrémité de la Norvège par le travers du cap Lindness et donna dans lamerdu Nord. Deux jours après, nous avions connaissance des côtes d'Ecosse à la hauteur de Peterheade, et la Valkyrie se dirigea vers les Feroë en passant entre les Orcades et les Seethland. (...)
Le 3, le capitaine reconnut Myganness, la plus orientale de ces îles, et, à partir de ce moment, il marcha droit au cap Portland, situé sur la côte méridionale de l'Islande. La traversée n'offrit aucun incident remarquable. Je supportai assez bien les épreuves de lamer; mon oncle, à son grand dépit, et à sa honte plus grande encore, ne cessa pas d'être malade. Il ne put donc entreprendre le capitaine Bjarne sur la question du Sneffels, sur les moyens de communication, sur les facilités de transport ; il dut remettra ses explications à son arrivée et passa tout son temps étendu dans sa cabine, dont les cloisons craquaient par les grands coups de tangage. (...)
La Valkyrie se tint à une distance raisonnable des côtes, en les prolongeant vers l'ouest, au milieu de nombreux troupeaux de baleines et de requins. Bientôt apparut un immense rocher percé à jour, au travers duquel lamerécumeuse donnait avec furie. Les îlots de Westman semblèrent sortir de l'Océan, comme une semée de rocs sur la plaine liquide. (...)
A partir de ce moment, la goélette prit du champ pour tourner à bonne distance le cap Reykjaness, qui ferme l'angle occidental de l'Islande. Lamer, très forte, empêchait mon oncle de monter sur le pont pour admirer ces côtes déchiquetées et battues par les vents du sud-ouest. (...)
La ville s'allonge sur un sol assez bas et marécageux, entre deux collines. Une immense coulée de laves la couvre d'un côté et descend en rampes assez douces vers lamer. De l'autre s'étend cette vaste baie de Faxa, bornée au nord par l'énorme glacier du Sneffels, et dans laquelle la Valkyrie se trouvait seule à l'ancre en ce moment. (...)
« Je vous approuve fort, monsieur Lidenbrock, dit-il, de commencer par ce volcan ; vous ferez là une ample moisson d'observations curieuses. Mais, dites-moi, comment comptezvous gagner la presqu'île de Sneffels ! - Parmer, en traversant la baie. C'est la route la plus rapide. - Sans doute ; mais elle est impossible à prendre. (...)
Or, comme l'eider ne choisit pas les rocs escarpés pour y bâtir son nid, mais plutôt des roches faciles et horizontales qui vont se perdre enmer, le chasseur islandais pouvait exercer son métier sans grande agitation. C'était un fermier qui n'avait ni à semer ni à couper sa moisson, mais à la récolter seulement. (...)
Les géographes l'ont divisée en quatre quartiers, et nous avions à traverser presque obliquement celui qui porte le nom de Pays du quart du Sud-Ouest, « Sudvestr Fjordùngr. » Hans, en laissant Reykjawik, avait immédiatement suivi les bords de lamer. Nous traversions de maigres pâturages qui se donnaient bien du mal pour être verts ; le jaune réussissait mieux. (...)
Les sommets rugueux des masses trachytiques s'estompaient à l'horizon dans les brumes de l'est ; par moments quelques plaques de neige, concentrant la lumière diffuse, resplendissaient sur le versant des cimes éloignées ; certains pics, plus hardiment dressés, trouaient les nuages gris et réapparaissaient au-dessus des vapeurs mouvantes, semblables à des écueils émergés en plein ciel. Souvent ces chaînes de rocs arides faisaient une pointe vers lameret mordaient sur le pâturage ; mais il restait toujours une place suffisante pour passer. Nos chevaux, d'ailleurs, choisissaient d'instinct les endroits propices sans jamais ralentir leur marche. (...)
Là les chevaux furent rafraîchis ; puis, prenant par un rivage resserré entre une chaîne de collines et lamer, ils nous portèrent d'une traite à l'» aoalkirkja » de Brantär, et un mille plus loin à Saurböer « Annexia », église annexe, située sur la rive méridionale du Hvalfjord. (...)
Quelle que fût l'intelligence de nos chevaux, je n'augurais pas bien de la traversée d'un véritable bras demeropérée sur le dos d'un quadrupède. « S'ils sont intelligents, dis-je, ils n'essayeront point de passer. (...)
Je compris parfaitement la nécessité d'attendre un certain instant de la marée pour entreprendre la traversée du fjord, celui où lamer, arrivée à sa plus grande hauteur, est étale. Alors le flux et le reflux n'ont aucune action sensible, et le bac ne risque pas d'être entraîné, soit au fond du golfe, soit en plein Océan. (...)
Les chevaux marchaient bien ; les difficultés du sol ne les arrêtaient pas ; pour mon compte, je commençais à devenir très fatigué ; mon oncle demeurait ferme et droit comme au premier jour ; je ne pouvais m'empêcher de l'admirer à l'égal du chasseur, qui regardait cette expédition comme une simple promenade. Le samedi 20 juin, à six heures du soir, nous atteignions Büdir, bourgade située sur le bord de lamer, et le guide réclamait sa paye convenue. Mon oncle régla avec lui. Ce fut la famille même de Hans, c'est-à-dire ses oncles et cousins germains, qui nous offrit l'hospitalité ; nous fûmes bien reçus, et sans abuser des bontés de ces braves gens, je me serais volontiers refait chez eux des fatigues du voyage. (...)
Ces fûts droits et d'une proportion pure supportaient une archivolte, faite de colonnes horizontales dont le surplombement formait demi-voûte au-dessus de lamer. A de certains intervalles, et sous cet impluvium naturel, l'oeil surprenait des ouvertures ogivales d'un dessin admirable, à travers lesquelles les flots du large venaient se précipiter en écumant. (...)
En sortant du presbytère, le professeur prit un chemin direct qui, par une ouverture de la muraille basaltique, s'éloignait de lamer. Bientôt nous étions en rase campagne, si l'on peut donner ce nom à un amoncellement immense de déjections volcaniques ; le pays paraissait comme écrasé sous une pluie de pierres énormes, de trapp, de basalte, de granit et de toutes les roches pyroxéniques. (...)
Si ce torrent n'eût pas été arrêté dans sa chute par la disposition des flancs de la montagne, il serait allé se précipiter dans lameret former des îles nouvelles. Tel il était, tel il nous servit fort ; la raideur des pentes s'accroissait, mais ces marches de pierres permettaient de les gravir aisément, et si rapidement même, qu'étant resté un moment en arrière pendant que mes compagnons continuaient leur ascension, je les aperçus déjà réduits, par l'éloignement, à une apparence microscopique. (...)
A sept heures du soir nous avions monté les deux mille marches de l'escalier, et nous dominions une extumescence de la montagne, sorte d'assise sur laquelle s'appuyait le cône proprement dit du cratère. Lamers'étendait à une profondeur de trois mille deux cents pieds ; nous avions dépassé la limite des neiges perpétuelles, assez peu élevée en Islande par suite de l'humidité constante du climat. (...)
La couche était dure, l'abri peu solide, la situation fort pénible, à cinq mille pieds au-dessus du niveau de lamer. Cependant mon sommeil fut particulièrement paisible pendant cette nuit, l'une des meilleures que j'eusse passées depuis longtemps. (...)
Les ondulations de ces montagnes infinies, que leurs couches de neige semblaient rendre écumantes, rappelaient à mon souvenir la surface d'unemeragitée. Si je me retournais vers l'ouest, l'Océan s'y développait dans sa majestueuse étendue, comme une continuation de ces sommets moutonneux. (...)
- Je veux dire que nous avons atteint seulement le sol de l'île ! Ce long tube vertical, qui aboutit au cratère du Sneffels, s'arrête à peu près au niveau de lamer. - En êtes-vous certain ? - Très certain. Consulte le baromètre. » En effet, le mercure, après avoir peu à peu remonté dans l'instrument à mesure que notre descente s'effectuait, s'était arrêté à vingt-neuf pouces. (...)
- Eh bien, d'après mes observations, nous sommes arrivés à dix mille pieds au-dessous du niveau de lamer. - Est-il possible ? - Oui, ou les chiffres ne sont plus les chiffres ! » Les calculs du professeur étaient exacts ; nous avions déjà dépassé de six mille pieds les plus grandes profondeurs atteintes par l'homme, telles que les mines de Kitz-Bahl dans le Tyrol, et celles de Wuttemberg en Bohème. (...)
Le 11 et le 12 juillet, nous suivîmes les spirales de cette faille, pénétrant encore de deux lieues dans l'écorce terrestre, ce qui faisait près de cinq lieues au-dessous du niveau de lamer. Mais, le 13, vers midi, la faille prit, dans la direction du sud-est, une inclinaison beaucoup plus douce, environ quarante-cinq degrés. (...)
« Je ne me trompais pas, dis-je ; nous avons dépassé le cap Portland, et ces cinquante lieues dans le sud-est nous mettent en pleinemer. - Sous la pleinemer, répliqua mon oncle en se frottant les mains. - Ainsi, m'écriai-je, l'Océan s'étend au-dessus de notre tête ! - Bah ! (...)
- Alors il faut que je sois fou, car j'aperçois la lumière du jour, j'entends le bruit du vent qui souffle et de lamerqui se brise ! - Ah ! n'est-ce que cela ? - M'expliquerez-vous ? - Je ne t'expliquerai rien, car c'est inexplicable ; mais tu verras et tu comprendras que la science géologique n'a pas encore dit son dernier mot. (...)
- Nous embarquer ! » Ce dernier mot me fit bondir. Quoi ! nous embarquer ! Avions-nous donc un fleuve, un lac, unemerà notre disposition ? Un bâtiment était-il mouillé dans quelque port intérieur ? Ma curiosité fut excitée au plus haut point. (...)
Mes yeux, déshabitués de la lumière, se fermèrent brusquement. Lorsque je pus les rouvrir, je demeurai encore plus stupéfait qu'émerveillé. « Lamer! m'écriai-je. - Oui, répondit mon oncle, lamerLidenbrock, et, j'aime à le croire, aucun navigateur ne me disputera l'honneur de l'avoir découverte et le droit de la nommer de mon nom ! » Une vaste nappe d'eau, le commencement d'un lac ou d'un océan, s'étendait au delà des limites de la vue. (...)
C'était un océan véritable, avec le contour capricieux des rivages terrestres, mais désert et d'un aspect effroyablement sauvage. Si mes regards pouvaient se promener au loin sur cettemer, c'est qu'une lumière « spéciale » en éclairait les moindres détails. Non pas la lumière du soleil avec ses faisceaux éclatants et l'irradiation splendide de ses rayons, ni la lueur pâle et vague de l'astre des nuits, qui n'est qu'une réflexion sans chaleur. (...)
Mais qu'étaient ces cavités auprès de celle que j'admirais alors, avec son ciel de vapeurs, ses irradiations électriques et une vastemerrenfermée dans ses flancs ? Mon imagination se sentait impuissante devant cette immensité. Toutes ces merveilles, je les contemplais en silence. (...)
Parmi ces ruisseaux, je reconnus notre fidèle compagnon de route, le Hans-bach, qui venait se perdre tranquillement dans lamer, comme s'il n'eût jamais fait autre chose depuis le commencement du monde. « Il nous manquera désormais, dis-je avec un soupir. (...)
Pendant une demi-heure, nous errâmes dans ces humides ténèbres, et ce fut avec un véritable sentiment de bien-être que je retrouvai les bords de lamer. Mais la végétation de cette contrée souterraine ne s'en tenait pas à ces champignons. Plus loin s'élevaient par groupes un grand nombre d'autres arbres au feuillage décoloré. (...)
Oui, c'est bien une ménagerie, car ces ossements n'ont certainement pas été transportés jusqu'ici par un cataclysme. Les animaux auxquels ils appartiennent ont vécu sur les rivages de cettemersouterraine, à l'ombre de ces plantes arborescentes. Tenez, j'aperçois des squelettes entiers. Et cependant... - Cependant ? (...)
Je cherchais alors à percer les brumes lointaines, à déchirer ce rideau jeté sur le fond mystérieux de l'horizon. Quelles demandes se pressaient sur mes lèvres ? Où finissait cettemer? Où conduisait-elle ? Pourrions-nous jamais en reconnaître les rivages opposés ? Mon oncle n'en doutait pas, pour son compte. (...)
« Voilà bien le flot qui commence, m'écriai-je. - Oui, Axel, et d'après ces relais d'écume, tu peux voir que lamers'élève d'une dizaine de pieds environ. - C'est merveilleux ! - Non, c'est naturel. - Vous avez beau dire, tout cela me paraît extraordinaire, et c'est à peine si j'en crois mes yeux. (...)
Mais si les océans ne sont, à proprement parler, que des lacs, puisqu'ils sont entourés de terre, à plus forte raison cettemerintérieure se trouve-t-elle circonscrite par le massif granitique. - Cela n'est pas douteux. - Eh bien ! (...)
fis-je, tout en imaginant que cette estime pouvait bien être inexacte. - Ainsi nous n'avons pas de temps à perdre, et dès demain nous prendrons lamer. » Involontairement je cherchai des yeux le navire qui devait nous transporter. « Ah ! dis-je, nous nous embarquerons. (...)
- C'est du pin, du sapin, du bouleau, toutes les espèces des conifères du Nord, minéralisées sous l'action des eaux de lamer. - Est-il possible ? - C'est ce qu'on appelle du « surtarbrandur » ou bois fossile. - Mais alors, comme les lignites, il doit avoir la dureté de la pierre, et il ne pourra flotter ? (...)
- Quelquefois cela arrive ; il y a de ces bois qui sont devenus de véritables anthracites ; mais d'autres, tels que ceux-ci, n'ont encore subi qu'un commencement de transformation fossile. Regarde plutôt », ajouta mon oncle en jetant à lamerune de ces précieuses épaves. Le morceau de bois, après avoir disparu, revint à la surface des flots et oscilla au gré de leurs ondulations. (...)
» Le lendemain soir, grâce à l'habileté du guide, le radeau était terminé ; il avait dix pieds de long sur cinq de large ; les poutres de surtarbrandur, reliées entre elles par de fortes cordes, offraient une surface solide, et une fois lancée, cette embarcation improvisée flotta tranquillement sur les eaux de lamerLidenbrock. XXXII Le 13 août, on se réveilla de bon matin. Il s'agissait d'inaugurer un nouveau genre de locomotion rapide et peu fatigant. (...)
Les deux bras du rivage s'ouvraient largement comme pour faciliter notre départ. Devant mes yeux s'étendait unemerimmense. De grands nuages promenaient rapidement à sa surface leur ombre grisâtre, qui semblait peser sur cette eau morne. (...)
Je connaissais la puissance végétative de ces plantes, qui rampent à une profondeur de plus de douze mille pieds au fond des mers, se reproduisent sous une pression de près de quatre cents atmosphères et forment souvent des bancs assez considérables pour entraver la marche des navires ; mais jamais, je crois, algues ne furent plus gigantesques que celles de lamerLidenbrock. Notre radeau longea des fucus longs de trois et quatre mille pieds, immenses serpents qui se développaient hors de la portée de la vue ; je m'amusais à suivre du regard leurs rubans infinis, croyant toujours en atteindre l'extrémité, et pendant des heures entières ma patience était trompée, sinon mon étonnement. (...)
A midi Hans prépare un hameçon à l'extrémité d'une corde. Il l'amorce avec un petit morceau de viande et le jette à lamer. Pendant deux heures il ne prend rien. Ces eaux sont donc inhabitées ? Non. Une secousse se produit. (...)
Rien n'est plus vrai. Mais ce peut être un cas particulier. La ligne est donc amorcée de nouveau et rejetée à lamer. Cet océan, à coup sûr, est fort poissonneux, car en deux heures nous prenons une grande quantité de Pterychtis, ainsi que des poissons appartenant à une famille également éteinte, les Dipterides, mais dont mon oncle ne peut reconnaître le genre. (...)
Cette pêche inespérée renouvelle avantageusement nos provisions. Ainsi donc, cela paraît constant, cettemerne renferme que des espèces fossiles, dans lesquelles les poissons comme les reptiles sont d'autant plus parfaits que leur création est plus ancienne. (...)
Peut-être rencontrerons-nous quelques-uns de ces sauriens que la science a su refaire avec un bout d'ossement ou de cartilage ? Je prends la lunette et j'examine lamer. Elle est déserte. Sans doute nous sommes encore trop rapprochés des côtes. Je regarde dans les airs. (...)
» dit mon oncle. Mes yeux tout ouverts se fixent sur lui sans le voir. « Prends garde, Axel, tu vas tomber à lamer! » En même temps, je me sens saisir vigoureusement par la main de Hans. Sans lui, sous l'empire de mon rêve, je me précipitais dans les flots. (...)
- Non, j'ai eu un moment d'hallucination, mais il est passé. Tout va bien, d'ailleurs ? - Oui ! bonne brise, bellemer! nous filons rapidement, et si mon estime ne m'a pas trompé, nous ne pouvons tarder à atterrir. (...)
» A ces paroles, je me lève, je consulte l'horizon ; mais la ligne d'eau se confond toujours avec la ligne des nuages. XXXIII Samedi 15 août. - Lamerconserve sa monotone uniformité. Nulle terre n'est en vue. L'horizon paraît excessivement reculé. (...)
- Cependant nous marchons avec vitesse... - Que m'importe ? Ce n'est pas la vitesse qui est trop petite, c'est lamerqui est trop grande ! » Je me souviens alors que le professeur, avant notre départ, estimait à une trentaine de lieues la longueur de ce souterrain. (...)
Tout cela est du temps perdu, et, en somme, je ne suis pas venu si loin pour faire une partie de bateau sur un étang ! » Il appelle cette traversée une partie de bateau, et cettemerun étang ! « Mais, dis-je, puisque nous avons suivi la route indiquée par Saknussemm... - C'est la question. (...)
Je crains toujours que le phénomène électrique ne vienne à s'obscurcir, puis à s'éteindre. Il n'en est rien. L'ombre du radeau est nettement dessinée à la surface des flots. Vraiment cettemerest infinie ! Elle doit avoir la largeur de la Méditerranée, ou même de l'Atlantique. Pourquoi pas ? (...)
Cependant la marque des dents puissantes est gravée sur la barre de fer, et à leur empreinte je reconnais qu'elles sont coniques comme celles du crocodile. Mes yeux se fixent avec effroi sur lamer. Je crains de voir s'élancer l'un de ces habitants des cavernes sous-marines. Je suppose que le professeur Lidenbrock partage mes idées, sinon mes craintes, car, après avoir examiné le pic, il parcourt l'océan du regard. (...)
Je regarde et je m'écrie : « C'est un marsouin colossal ! - Oui, réplique mon oncle, et voilà maintenant un lézard demerd'une grosseur peu commune. - Et plus loin un crocodile monstrueux ! Voyez sa large mâchoire et les rangées de dents dont elle est armée. (...)
Vois l'air et l'eau qu'elle chasse par ses évents ! » En effet, deux colonnes liquides s'élèvent à une hauteur considérable au-dessus de lamer. Nous restons surpris, stupéfaits, épouvantés, en présence de ce troupeau de monstres marins. Ils ont des dimensions surnaturelles, et le moindre d'entre eux briserait le radeau d'un coup de dent. (...)
- L'autre, c'est un serpent caché dans la carapace d'une tortue, le terrible ennemi du premier, le plesiosaurus ! » Hans a dit vrai. Deux monstres seulement troublent ainsi la surface de lamer, et j'ai devant les yeux deux reptiles des océans primitifs. J'aperçois l'oeil sanglant de l'ichthyosaurus, gros comme la tête d'un homme. (...)
Soudain l'ichthyosaurus et le plesiosaurus disparaissent en creusant un véritable maëlstrom. Le combat va-t-il se terminer dans les profondeurs de lamer? Tout à coup une tête énorme s'élance au dehors, la tête du plesiosaurus. Le monstre est blessé à mort. (...)
Quant à l'ichthyosaurus, a-t-il donc regagné sa caverne sousmarine, ou va-t-il reparaître à la surface de lamer? XXXIV Mercredi 19 août. - Heureusement le vent, qui souffle avec force, nous a permis de fuir rapidement le théâtre du combat. (...)
Mon oncle, tiré de ses absorbantes idées par les incidents de ce combat, retombe dans son impatiente contemplation de lamer. Le voyage reprend sa monotone uniformité, que je ne tiens pas à rompre au prix des dangers d'hier. (...)
C'est un mugissement continu. « Il y a au loin, dit le professeur, quelque rocher, ou quelque îlot sur lequel lamerse brise. » Hans se hisse au sommet du mât, mais ne signale aucun écueil. L'océan est uni jusqu'à sa ligne d'horizon. (...)
Mais si ce bruit vient d'une chute, d'une cataracte, si tout cet océan se précipite dans un bassin inférieur, si ces mugissements sont produits par une masse d'eau qui tombe, le courant doit s'activer, et sa vitesse croissante peut me donner la mesure du péril dont nous sommes menacés. Je consulte le courant. Il est nul. Une bouteille vide que je jette à lamerreste sous le vent. Vers quatre heures, Hans se lève, se cramponne au mât et monte à son extrémité. (...)
A huit heures du soir nous ne sommes pas à deux lieues de lui. Son corps noirâtre, énorme, monstrueux, s'étend dans lamercomme un îlot. Est-ce illusion ? est-ce effroi ? Sa longueur me paraît dépasser mille toises ! Quel est donc ce cétacé que n'ont prévu ni les Cuvier ni les Blumembach ? Il est immobile et comme endormi ; lamersemble ne pouvoir le soulever, et ce sont les vagues qui ondulent sur ses flancs. La colonne d'eau, projetée à une hauteur de cinq cents pieds retombe avec un bruit assourdissant. (...)
Mais avant de déborder je fais quelques observations pour calculer la distance parcourue, et je les note sur mon journal. Nous avons franchi deux cent soixante-dix lieues demerdepuis Port-Graüben, et nous sommes à six cent vingt lieues de l'Islande, sous l'Angleterre. XXXV Vendredi 21 août. (...)
Les « cumulus11 » entassés dans le sud présentent un aspect sinistre ; ils ont cette apparence « impitoyable » que j'ai souvent remarquée au début des orages. L'air est lourd, lamerest calme. Au loin les nuages ressemblent à de grosses balles de coton amoncelées dans un pittoresque désordre ; peu à peu ils se gonflent et perdent en nombre ce qu'ils gagnent en grandeur ; leur pesanteur est telle qu'ils ne peuvent se détacher de l'horizon ; mais, au souffle des courants élevés, ils se fondent peu à peu, s'assombrissent et présentent bientôt une couche unique d'un aspect redoutable ; parfois une pelote de vapeurs, encore éclairée, rebondit sur ce tapis grisâtre et va se perdre bientôt dans la masse opaque. (...)
Il hausse les épaules à mes paroles. « Nous aurons de l'orage, dis-je en étendant la main vers l'horizon, ces nuages s'abaissent sur lamercomme pour l'écraser ! » Silence général. Le vent se tait. La nature a l'air d'une morte et ne respire plus. (...)
Sur le mât, où je vois déjà poindre un léger feu Saint-Elme, la voile détendue tombe en plis lourds. Le radeau est immobile au milieu d'unemerépaisse et sans ondulations. Mais, si nous ne marchons plus, à quoi bon conserver cette toile, qui peut nous mettre en perdition au premier choc de la tempête ? (...)
Cependant la pluie forme une cataracte mugissante devant cet horizon vers lequel nous courons en insensés. Mais avant qu'elle n'arrive jusqu'à nous le voile de nuage se déchire, lamerentre en ébullition et l'électricité, produite par une vaste action chimique qui s'opère dans les couches supérieures, est mise en jeu. (...)
L'orage continue ; les éclairs se déchaînent comme une couvée de serpents lâchée dans l'atmosphère. Sommes-nous toujours sur lamer? Oui, et emportés avec une vitesse incalculable. Nous avons passé sous l'Angleterre, sous la Manche, sous la France, sous l'Europe entière, peut-être !... Un bruit nouveau se fait entendre ! Evidemment, lamerqui se brise sur des rochers !... Mais alors... XXXVI Ici se termine ce que j'ai appelé « le journal du bord », si heureusement sauvé du naufrage. (...)
Hans prépara des aliments auxquels je ne pus toucher, et chacun de nous, épuisé par les veilles de trois nuits, tomba dans un douloureux sommeil. Le lendemain le temps était magnifique. Le ciel et lamers'étaient apaisés d'un commun accord. Toute trace de tempête avait disparu. Ce furent les paroles joyeuses du professeur qui saluèrent mon réveil. (...)
- Enchanté, mon garçon ! enchanté ! Nous sommes arrivés ! - Au terme de notre expédition ? - Non, mais au bout de cettemerqui n'en finissait pas. Nous allons reprendre maintenant la voie de terre et nous enfoncer véritablement dans les entrailles du globe. (...)
Les caisses qui les contenaient étaient alignées sur la grève dans un parfait état de conservation ; lamerles avait respectées pour la plupart, et somme toute, en biscuits, viande salée, genièvre et poissons secs, on pouvait compter encore sur quatre mois de vivres. (...)
Ne décline pas cet honneur d'avoir baptisé de ton nom la première île découverte au centre du massif terrestre. - Soit ! A l'îlot Axel, nous avions franchi environ deux cent soixante-dix lieues demeret nous nous trouvions à plus de six cents lieues de l'Islande. - Bien ! partons de ce point alors et comptons quatre jours d'orage, pendant lesquels notre vitesse n'a pas dû être inférieure à quatre-vingts lieues par vingt-quatre heures. - Je le crois. Ce serait donc trois cents lieues à ajouter. - Oui, et lamerLidenbrock aurait à peu près six cents lieues d'un rivage à l'autre ! Sais-tu bien, Axel, qu'elle peut lutter de grandeur avec la Méditerranée ? (...)
La fleur de l'aiguille marquait le nord là où nous supposions le midi ! Elle se tournait vers la grève au lieu de montrer la pleinemer! Je remuai la boussole, je l'examinai ; elle était en parfait état. Quelque position que l'on fît prendre à l'aiguille ; celle-ci reprenait obstinément cette direction inattendue. (...)
Il y a une limite à toute ambition ici-bas ; il ne faut pas lutter contre l'impossible ; nous sommes mal équipés pour un voyage surmer; cinq cents lieues ne se font pas sur un mauvais assemblage de poutres avec une couverture pour voile, un bâton en guise de mât, et contre les vents déchaînés. (...)
» dis-je. Et, laissant Hans à ses occupations, nous voilà partis. L'espace compris entre les relais de lameret le pied des contreforts était fort large. On pouvait marcher une demi-heure avant d'arriver à la paroi de rochers. (...)
En outre le sol était semé d'une grande quantité de débris pierreux, sortes de galets arrondis par la lame et rangés en lignes successives. Je fus donc conduit à faire cette remarque, que lamerdevait autrefois occuper cet espace. Sur les rocs épars et maintenant hors de ses atteintes, les flots avaient laissé des traces évidentes de leur passage. (...)
Qu'une ouverture quelconque existât, et il devenait important pour lui d'en faire sonder la profondeur. Pendant un mille, nous avions côtoyé les rivages de lamerLidenbrock, quand le sol changea subitement d'aspect. Il paraissait bouleversé, convulsionné par un exhaussement violent des couches inférieures. (...)
Tel était alors l'état de la science paléontologique, et ce que nous en connaissions suffisait à expliquer notre attitude devant cet ossuaire de lamerLidenbrock. On comprendra donc les stupéfactions et les joies de mon oncle, surtout quand, vingt pas plus loin, il se trouva en présence, on peut dire face à face, avec un des spécimens de l'homme quaternaire. (...)
Mais une question grave se présentait, que nous n'osions résoudre. Ces êtres animés avaient-ils glissé par une convulsion du sol vers les rivages de lamerLidenbrock, alors qu'ils étaient déjà réduits en poussière ? Ou plutôt vécurent-ils ici, dans ce monde souterrain, sous ce ciel factice, naissant et mourant comme les habitants de la terre ? (...)
Mon regard s'attendait à toutes les surprises, mon imagination à tous les étonnements. Les rivages de lameravaient depuis longtemps disparu derrière les collines de l'ossuaire. L'imprudent professeur, s'inquiétant peu de s'égarer, m'entraînait au loin. (...)
C'était une vraie fuite, semblable à ces entraînements effroyables que l'on subit dans certains cauchemars. Instinctivement, nous revenions vers lamerLidenbrock, et je ne sais dans quelles divagations mon esprit se fût emporté, sans une préoccupation qui me ramena à des observations plus pratiques. (...)
Cette lame est restée abandonnée sur le sable depuis cent, deux cents, trois cents ans, et s'est ébréchée sur les rocs de cettemersouterraine ! - Mais elle n'est pas venue seule ! m'écriai-je ; elle n'a pas été se tordre d'elle-même ! (...)
» Et, prodigieusement intéressés, nous voilà longeant la haute muraille, interrogeant les moindres fissures qui pouvaient se changer en galerie. Nous arrivâmes ainsi à un endroit où le rivage se resserrait. Lamervenait presque baigner le pied des contre-forts, laissant un passage large d'une toise au plus. Entre deux avancées de roc, on apercevait l'entrée d'un tunnel obscur. (...)
moi aussi, j'irai signer de mon nom cette dernière page de granit ! Mais que, dès maintenant, ce cap vu par toi près de cettemerdécouverte par toi, soit à jamais appelé le cap Saknussemm ! » Voilà ce que j'entendis, ou à peu près, et je me sentis gagné par l'enthousiasme que respiraient ces paroles. (...)
Supposez un instant que nous eussions touché de notre proue (la proue d'un radeau !) les rivages méridionaux de lamerLidenbrock, que serions-nous devenus ? Le nom de Saknussemm n'aurait pas apparu à nos yeux, et maintenant nous serions abandonnés sur une plage sans issue. (...)
au lieu de nous enfoncer sous les déserts de l'Afrique ou les flots de l'Océan, et je ne veux pas en savoir davantage ! - Oui, Axel, tu as raison, et tout est pour le mieux, puisque nous abandonnons cettemerhorizontale qui ne pouvait mener à rien. Nous allons descendre, encore descendre, et toujours descendre ! (...)
» Je plongeai rapidement dans la flamme la mèche, qui pétilla à son contact, et, tout en courant, je revins au rivage. « Embarque, fit mon oncle, et débordons. » Hans, d'une vigoureuse poussée, nous rejeta enmer. Le radeau s'éloigna d'une vingtaine de toises. C'était un moment palpitant. Le professeur suivait de l'oeil l'aiguille du chronomètre. (...)
Mais la forme des rochers se modifia subitement à mes regards ; ils s'ouvrirent comme un rideau. J'aperçus un insondable abîme qui se creusait en plein rivage. Lamer, prise de vertige, ne fut plus qu'une vague énorme, sur le dos de laquelle le radeau s'éleva perpendiculairement. (...)
L'explosion avait déterminé une sorte de tremblement de terre dans ce sol coupé de fissures, le gouffre s'était ouvert, et lamer, changée en torrent, nous y entraînait avec elle. Je me sentis perdu. Une heure, deux heures, que sais-je ! (...)
C'était, à n'en pas douter, le chemin de Saknussemm ; mais, au lieu de le descendre seul, nous avions, par notre imprudence, entraîné toute unemeravec nous. Ces idées, on le comprend, se présentèrent à mon esprit sous une forme vague et obscure. (...)
En cherchant à mettre un peu d'ordre dans la cargaison, je vis que la plus grande partie des objets embarqués avaient disparu au moment de l'explosion, lorsque lamernous assaillit si violemment ! Je voulus savoir exactement à quoi m'en tenir sur nos ressources, et, la lanterne à la main, je commençai mes recherches. (...)
Lorsque le regard franchissait cette verdoyante enceinte, il arrivait rapidement à se perdre dans les eaux d'unemeradmirable ou d'un lac, qui faisait de cette terre enchantée une île large de quelques lieues, à peine. (...)
Mais quel phénomène a pu produire ce renversement des pôles ? - Rien de plus simple. - Explique-toi, mon garçon. - Pendant l'orage, sur lamerLidenbrock, cette boule de feu qui aimantait le fer du radeau avait tout simplement désorienté notre boussole ! (...)Jules Verne. Édition du groupe « Ebooks libres et gratuits ». I - Le 24 mai 1863, un dimanche, mon oncle, le professeur Lidenbrock, revint précipitamment vers sa petite maison située au numéro 19 de Königstrasse, l'une des plus anciennes rues du vieux quartier de Hambourg. La bonne Marthe dut se croire fort en retard, car le dîner commençait à peine à chanter sur le fourneau de la cuisine. « Bon, me dis-je, s'il a faim, mon oncle, qui est le plus impatient des ...