Voyage au Centre de la Terre
sur Les Ludopathes
Contient : savant (27)(...) Il professait « subjectivement », suivant une expression de la philosophie allemande, pour lui et non pour les autres. C'était unsavantégoïste, un puits de science dont la poulie grinçait quand on en voulait tirer quelque chose : en un mot, un avare. (...)
Et s'il y avait toujours grande affluence d'auditeurs aux cours de Lidenbrock, combien les suivaient assidûment qui venaient surtout pour se dérider aux belles colères du professeur ! Quoi qu'il en soit, mon oncle, je ne saurais trop le dire, était un véritablesavant. Bien qu'il cassât parfois ses échantillons à les essayer trop brusquement, il joignait au génie du géologue l'oeil du minéralogiste. (...)
Mon oncle comprit que là était le point intéressant ; il s'acharna donc sur la macule et, sa grosse loupe aidant, il finit par reconnaître les signes que voici, caractères runiques qu'il lut sans hésiter : « Arne Saknussemm ! s'écria-t-il d'un ton triomphant, mais c'est un nom cela, et un nom islandais encore, celui d'unsavantdu seizième siècle, d'un alchimiste célèbre ! » Je regardai mon oncle avec une certaine admiration. (...)
» L'imagination du professeur s'enflammait à cette hypothèse. « Sans doute, osai-je répondre, mais quel intérêt pouvait avoir cesavantà cacher ainsi quelque merveilleuse découverte ? - Pourquoi ? pourquoi ? Eh ! le sais-je ? Galilée n'en a-t-il pas agi ainsi pour Saturne ? (...)
» Ces conclusions étaient fort justes. « Mais quelle est cette langue ? » C'est là que j'attendais monsavant, chez lequel cependant je découvrais un profond analyste. « Ce Saknussemm, reprit-il, était un homme instruit ; or, dès qu'il n'écrivait pas dans sa langue maternelle, il devait choisir de préférence la langue courante entre les esprits cultivés du seizième siècle, je veux dire le latin. (...)
» Mon oncle, retombé dans son absorbante contemplation, oubliait déjà mes imprudentes paroles. Je dis imprudentes, car la tête dusavantne pouvait comprendre les choses du coeur. Mais, heureusement, la grande affaire du document l'emporta. (...)
Elle courut au marché et fit si bien, qu'une heure après ma faim était calmée, et je revenais au sentiment de la situation. Pendant le repas, mon oncle fut presque gai ; il lui échappait de ces plaisanteries desavantqui ne sont jamais bien dangereuses. Après le dessert, il me fit signe de le suivre dans son cabinet. (...)
Le Sneffels est formé de plusieurs cratères ; il y avait donc nécessité d'indiquer celui d'entre eux qui mène au centre du globe. Qu'a fait lesavantIslandais ? Il a remarqué qu'aux approches des calendes de juillet, c'est-à-dire vers les derniers jours du mois de juin, un des pics de la montagne, le Scartaris, projetait son ombre jusqu'à l'ouverture du cratère en question, et il a consigné le fait dans son document. (...)
« Allons, dis-je, je suis forcé d'en convenir, la phrase de Saknussemm est claire et ne peut laisser aucun doute à l'esprit. J'accorde même que le document a un air de parfaite authenticité. Cesavantest allé au fond du Sneffels ; il a vu l'ombre du Scartaris caresser les bords du cratère avant les calendes de juillet ; il a même entendu raconter dans les récits légendaires de son temps que ce cratère aboutissait au centre de la terre ; mais quant à y être parvenu lui-même, quant à avoir fait le voyage et à en être revenu, s'il l'a entrepris, non, cent fois non ! (...)
- Ma chère Graüben ! - Ce sera là un beau voyage. » Je bondis à ces mots. « Oui, Axel, un voyage digne du neveu d'unsavant. Il est bien qu'un homme se soit distingué par quelque grande entreprise ! - Quoi ! Graüben, tu ne me détournes pas de tenter une pareille expédition ? (...)
C'était à n'y pas croire. « Axel, me dit Graüben, j'ai longtemps causé avec mon tuteur. C'est un hardisavant, un homme de grand courage, et tu te souviendras que son sang coule dans tes veines. Il m'a raconté ses projets, ses espérances, pourquoi et comment il espère atteindre son but. (...)
Le directeur de ce curieux établissement, où sont entassées des merveilles qui permettraient de reconstruire l'histoire du pays avec ses vieilles armes de pierre, ses hanaps et ses bijoux, était unsavant, l'ami du consul de Hambourg, M. le professeur Thomson. Mon oncle avait pour lui une chaude lettre de recommandation. En général, unsavanten reçoit assez mal un autre. Mais ici ce fut tout autrement. M. Thomson, en homme serviable, fit un cordial accueil au professeur Lidenbrock, et même à son neveu. (...)
Mais un charmant homme, et dont le concours nous devint fort précieux, ce fut M. Fridriksson, professeur de sciences naturelles à l'école de Reykjawik. Cesavantmodeste ne parlait que l'islandais et le latin ; il vint m'offrir ses services dans la langue d'Horace, et je sentis que nous étions faits pour nous comprendre. (...)
« Monsieur Fridriksson, dit-il, je voulais savoir si, parmi les ouvrages anciens, vous possédiez ceux d'Arne Saknussemm ? - Arne Saknussemm ! répondit le professeur de Reykjawik ; vous voulez parler de cesavantdu seizième siècle, à la fois grand naturaliste, grand alchimiste et grand voyageur ? - Précisément. (...)
non, répondit vivement mon oncle ; nous ne voulons déranger personne, monsieur Fridriksson ; je vous remercie de tout mon coeur. La présence d'unsavanttel que vous eût été très utile, mais les devoirs de votre profession... » J'aime à penser que notre hôte, dans l'innocence de son âme islandaise, ne comprit pas les grosses malices de mon oncle. (...)
La lanterne, placée extérieurement, éclaire très suffisamment dans les profondes obscurités ; elle permet de s'aventurer, sans craindre aucune explosion, au milieu des gaz les plus inflammables, et ne s'éteint pas même au sein des plus profonds cours d'eau. M. Ruhmkorff est unsavantet habile physicien. Sa grande découverte, c'est sa bobine d'induction qui permet de produire de l'électricité à haute tension. (...)
De là, nécessité de travailler pour vivre ; mais à pêcher, à chasser, à ferrer des chevaux, on finit par prendre les manières, le ton et les moeurs des chasseurs, des pêcheurs et autres gens un peu rudes ; le soir même je m'aperçus que notre hôte ne comptait pas la sobriété au nombre de ses vertus. Mon oncle comprit vite à quel genre d'homme il avait affaire ; au lieu d'un brave et dignesavant, il trouvait un paysan lourd et grossier ; il résolut donc de commencer au plus tôt sa grande expédition et de quitter cette cure peu hospitalière. (...)
Voici pourquoi. Des trois routes ouvertes sous nos pas, une seule avait été suivie par Saknussemm. Au dire dusavantislandais, on devait la reconnaître à cette particularité signalée dans le cryptogramme, que l'ombre du Scartaris venait en caresser les bords pendant les derniers jours du mois de juin. (...)
Mais, loin de là, il ne dit pas un mot, et continua sa route. M'avait-il compris ou non ? Ne voulait-il pas convenir, par amour-propre d'oncle et desavant, qu'il s'était trompé en choisissant le tunnel de l'est, ou tenait-il à reconnaître ce passage jusqu'à son extrémité ? (...)
Mon oncle m'aurait encore riposté par son éternel Saknussemm, précédent sans valeur, car, en tenant pour avéré le voyage dusavantIslandais, il y avait une chose bien simple à répondre : Au XVIe siècle, ni le baromètre ni le manomètre n'étaient inventés : comment donc Saknussemm avait-il pu déterminer son arrivée au centre du globe ? (...)
Si la grotte de Guachara, en Colombie, visitée par M. de Humboldt, n'avait pas livré le secret de sa profondeur ausavantqui la reconnut sur un espace de deux mille cinq cents pieds, elle ne s'étendait vraisemblablement pas beaucoup au delà. (...)
L'authenticité d'un fossile humain de l'époque quaternaire semblait donc incontestablement démontrée et admise. Ce système, il est vrai, avait eu un adversaire acharné dans M. Elie de Beaumont. Cesavantde si haute autorité soutenait que le terrain de Moulin-Quignon n'appartenait pas au « diluvium », mais à une couche moins ancienne, et, d'accord en cela avec Cuvier, il n'admettait pas que l'espèce humaine eût été contemporaine des animaux de l'époque quaternaire. (...)
Cependant, à la vue de ces deux lettres gravées là depuis trois cents ans, je demeurai dans un ébahissement voisin de la stupidité. Non seulement la signature dusavantalchimiste se lisait sur le roc, mais encore le stylet qui l'avait tracée était entre mes mains. (...)
Pour mon oncle, « toujours à son affaire », la torche à la main, il examinait avec attention la nature des terrains ; il cherchait à reconnaître sa situation par l'observation des couches superposées. Ce calcul, ou mieux cette estime, ne pouvait être que fort approximative ; mais unsavantest toujours unsavant, quand il parvient à conserver son sang-froid, et certes, le professeur Lidenbrock possédait cette qualité à un degré peu ordinaire. Je l'entendais murmurer des mots de la science géologique ; je les comprenais, et je m'intéressais malgré moi à cette étude suprême. (...)
Mais un ennui, disons même un tourment, se glissait au milieu de cette gloire. Un fait demeurait inexplicable, celui de la boussole. Or, pour unsavantpareil phénomène inexpliqué devient un supplice de l'intelligence. Eh bien ! le ciel réservait à mon oncle d'être complètement heureux. (...)Jules Verne. Édition du groupe « Ebooks libres et gratuits ». I - Le 24 mai 1863, un dimanche, mon oncle, le professeur Lidenbrock, revint précipitamment vers sa petite maison située au numéro 19 de Königstrasse, l'une des plus anciennes rues du vieux quartier de Hambourg. La bonne Marthe dut se croire fort en retard, car le dîner commençait à peine à chanter sur le fourneau de la cuisine. « Bon, me dis-je, s'il a faim, mon oncle, qui est le plus impatient des ...