Un cours d'économie industrielle
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Avant que d'étudier les modèles propres à la belle cité d'Exil, il n'est pas inintéressant de se replonger dans les principes fondamentaux de l'économie industrielle et d'en ressaisir ainsi toutes les subtilités. Le professeur Orthonase Blanqui Aîné, maître de conférence à l'école des arts et métiers d'Oorens, a accepté de nous communiquer la transcription des cours qu'il donna, l'an passé, à ses classes supérieures. Bien que fortement marqué par le caractère d'un homme qui se veut pragmatique ...Contient : ouvriers (21)(...) Ainsi, par exemple, la grandeur et la prospérité d'un pays ne s'accroissait autrefois, suivant certains écrivains, que par la guerre et la destruction ; d'un autre côté, la terre seule était regardée comme une source de richesse. Tout le reste - commerce, industrie - était stérile. Lesouvriersdes fabriques, les négociants et les marchands des villes ne servaient qu'à remplacer sans aucun profit ce qu'ils avaient consommés en salaires, en denrées, en marchandises, etc. (...)
Dès que les capitaux existent et sont disposés à entreprendre un travail quelconque, on voit aussitôt lesouvrierss'offrir de tous côtés. Lorsque la proportion des capitaux inactifs est plus grande que celle desouvriersoisifs, les salaires augmentent, parce qu'il y a demande de travail ; si, au contraire, ce sont les travailleurs qui s'offrent plus qu'ils ne sont demandés, ce sont les salaires qui sont réduits. Plus les capitaux sont abondants et plus l'industrie se perfectionne, plus les travaux se divisent en un plus grand nombre de mains. (...)
Nous avons vu que, par seule division du travail, chaque ouvrier en exécutant une partie spéciale, les produits sont plus abondants et mieux conditionnés. En effet, je vous ai dit que tous lesouvriers, l'un dans l'autre, faisaient 48,000 épingles, au lieu de quelques centaines qu'ils pourraient à peine faire, s'ils étaient obligés de se livrer simultanément à toutes les opérations. (...)
bien, si vous avez un balancier qui fasse cette besogne, l'homme n'est plus abîmé par le travail. Cependant, Messieurs, pour le dire en passant, les premiersouvriersqui ont dû se servir de cette machine se sont révolté contre la nouvelle puissance qui venait relever la dignité humaine. (...)
L'ouvrier qui sait confectionner toutes les parties d'un produit, paraîtra, au premier abord, un être plus complet et l'on a cru que celui qui ne savait, par exemple, faire que des têtes d'épingle, éprouverait plus de peine à se replacer, s'il venait une fois à quitter l'emploi où il a appris sa spécialité ; mais il n'en n'est rien, car on a remarqué que ceux qui manquent le plus souvent de travail sont précisément ceux qui savent faire un peu de tout ce qui concerne la fabrication des produits à la confection desquels ils concourent. Lesouvriersagriculteurs, lesouvriersmaçons sont dans ce cas ; ils font des produits complets, et pourtant ce sont les premiers qu'une crise jette sur la voie publique. C'est que les industries divisées présentent plus de solidité parce que ce sont les plus importantes, c'est-à-dire celles qui satisfont à un plus grand nombre de besoins et qui ont les débouchés les plus vastes. (...)
Mais pénétrez dans quelques ateliers, ceux de tréfilerie par exemple, où avant l'application des mécaniques, lesouvriersfaisaient eux-mêmes fonction de machines, vous les verrez, le journal à la main, assister en surveillants au travail qui se fait sous leurs yeux et leur direction, et qui n'exige d'eux que quelques coups de mains de temps en temps. (...)
Mais aujourd'hui on établit des fourneaux d'appel et des vitrages séparant l'ouvrier des pièces chargées d'or et de mercure qu'il expose au feu, qui le garantissent de tout danger. D'un autre côté, l'on est en droit de se dire que lesouvriersles plus intelligents sont ceux qui sont le plus en contact avec les machines, à moins qu'ils ne soient trop encombrés et mélangés, c'est-à-dire de sexes différent et à moins qu'ils ne soient trop jeunes ; car lesouvrierssaisissent ce qu'il y a de plus ingénieux dans les machines. Je n'en citerai pour preuve que lesouvriersd'Exil exerçant des centaines d'industries différentes et produisant des milliers de millions de produits avec des machines simples. Cette brillante industrie exiléenne est le résultat de la division du travail. (...)
Et pourtant elle n'a pas d'égale sur Forge, parce qu'il y a là-bas une atmosphère d'intelligence, d'enthousiasme et d'émulation que lesouvriersn'ont point ailleurs et qui abandonnerait les Exiléens s'ils voulaient travailler isolés ou s'ils s'en allaient sur le continent. (...)
Il faut faire comprendre aux pauvres que ‘le seul moyen de hausser réellement le prix du travail est de diminuer le nombre desouvriers' donc les contraindre à ne pas avoir trop d'enfants. C'est la seule solution acceptable humainement, sinon, tout gouvernement conséquent ne pourrait faire baisser la population qu'en encourageant la famine et la maladie. (...)
Car si le développement de l'industrie a occasionné quelques maux, que de biens n'en est-il pas résulté ? Sans les machines, sans la division du travail, lesouvriersd'aujourd'hui auraient-ils le linge que n'avaient pas nos pères ! Il y a cent ans, sur deux mille personnes, il n'y en n'avaient pas deux qui avaient des bas. (...)
de Silismondi] a proposé de mettre les travailleurs, dépossédés de leurs fonctions par l'invention d'une machine nouvelle, à la charge du fabricant qui l'adopte - comme dans certaines contrées agricoles, les fermiers sont tenus de pourvoir à la subsistance des journaliers inoccupés. Mais cette mesure, que le désir de voir soulager la misère desouvriersqui se voient enlever leur pain par l'emploi des machines peut inspirer à un homme de bien, ne saurait être adoptée par des hommes d'état qui voient plus loin que le moment présent et dont le devoir est de ne pas engager l'avenir. (...)
Il en résulte que les consommateurs nationaux y gagnent fort peu, que l'inventeur y gagne beaucoup, que les autres producteurs y perdent et que leursouvriersmeurent de misère. Si, au contraire, toutes les inventions sont immédiatement révélées, immédiatement soumises à l'imitation de tous les rivaux de l'inventeur, le zèle pour de pareilles découvertes se refroidira et l'on ne les regardera plus comme un expédient par lequel on peut enlever des pratiques à ses concurrents. (...)
[...] La réduction du prix qui en résultera aura pour conséquence, malgré l'opinion contraire de M. de Silismondi, d'augmenter la consommation, ce qui occupera un plus grand nombre d'ouvrierset ajoutera à la richesse publique en créant de nouveaux revenus. [...] Ce sont les machines qui ont permis de donner aux femmes du travail proportionné à leur force, qui les a fait sortir de cette éternelle minorité à laquelle les anciennes lois organisatrices de l'industrie les avaient condamnées. (...)
On fait avec de grands capitaux et peu de bras ce qui exigeait autrefois le concours d'un plus grand nombre d'ouvriers. Il y a économie pour l'entrepreneur à travailler en grand mais il y a perte pour la société, parce que les petites manufactures disparaissent et qu'au lieu d'avoir beaucoup de petits fabricants aisés, vous n'avez que quelques grandes fortunes et beaucoup de malheureux. (...)
Ce point important arrêté, je m'empresserai de reconnaître qu'elles ont eu un inconvénient grave mais purement humain, c'est-à-dire qu'il est possible de le détruire ; cet inconvénient est celui qui résulte de la dépendance presqu'absolue dans laquelle lesouvriersse trouvent placés par rapport à ceux qui les emploient. Heureusement que si les machines l'ont causé, elles peuvent aussi le faire disparaître. (...)
Si elles ont d'abord concentré les moyens de travail dans un petit nombre de mains, elles ont successivement accru ce nombre, de sorte que les coalitions entre les maîtres, si faciles autrefois et que les lois réprimaient si mollement, sont devenues presque impossibles. L'association des travailleurs telle qu'elle a été comprise à Exil a été un moyen d'arracher lesouvriersau joug du capitaliste et l'un et l'autre se sont beaucoup mieux entendu depuis que la loi a reconnu l'égalité entre eux, qu'elle a cessé de protéger l'un pour l'autre ; c'est à dire depuis que l'édit concernant les coalitions d'ouvriersa été rapporté et qu'ils sont devenus libres de stipuler eux-mêmes les conditions de leur concours au travail commun, qu'ils ont pu le refuser ou en augmenter le prix sans craindre la prison et l'amende. Cette réforme légale a eu d'excellent résultats à Exil, car depuis qu'elle a été opérée, on n'y a pas vu éclater une seule coalition d'ouvrier. (...)