Comment rendre une scène de combat épique
sur Tartofrez
Ce billet vient d'une discussion sur Casus-no avec Erwan G. (et de dizaines et dizaines avec Rom1 sur les films de sabres) où ce dernier se demandait comment faire pour amener de la variété dans les combats en jdr, et comment les rendre « épiques ». Vu qu'il est toujours aussi difficile d'avoir ce genre de discussion sur forum, je m'étais fendu d'une réponse en privé, en attendant de la mettre en ligne ici. Par contre, elle répond davantage sur la variété des scènes de combat (comment les rendre ...Contient : combat (31)Comment rendre une scène decombatépique Ce billet vient d'une discussion sur Casus-no avec Erwan G. (et de dizaines et dizaines avec Rom1 sur les films de sabres) où ce dernier se demandait comment faire pour amener de la variété dans les combats en jdr, et comment les rendre « épiques ». (...)
Vu qu'il est toujours aussi difficile d'avoir ce genre de discussion sur forum, je m'étais fendu d'une réponse en privé, en attendant de la mettre en ligne ici. Par contre, elle répond davantage sur la variété des scènes decombat(comment les rendre « uniques » ?) que sur leur côté épique. Il me semble que la première qualité d'une scène decombatépique, outre d'avoir un enjeu réel, est justement d'être unique. Ce texte étant vraiment très long, il sera divisé en deux : 1. Une scène decombatest une scène comme les autres. 2. Une scène decombatest un conflit comme les autres (que je mettrai en ligne sans doute demain). 1. une scène decombatest une scène comme les autres : 1.1. un début, un milieu, une fin : Pour commencer, une scène decombat, comme toutes les autres, a un début, un milieu et une fin. Autrement dit, elle ne débute pas forcément par une charge, mais il peut y avoir une montée en tension qui se fait différemment, progressivement, ou au contraire, de façon extrêmement brutale. (...)
Même si c'est sans doute mieux de ne pas connaître à l'avant l'issue de la scène, il est toujours bon de savoir comment elle commence, ce qui en déclenche la fin, et comment on peut progresser dans la suite de l'histoire que les personnages gagnent ou perdent. Ainsi, d'une certaine façon, une scène decombatest une « mini-histoire » à elle toute seule et, même si c'est de façon très brève, elle nécessite elle aussi une mise en place, un dénouement et un paroxysme, à son échelle. (...)
Il s'agit d'un ressenti global, pas forcément d'une situation objective, tactique, ou autre...Généralement pour créer une dynamique (notamment sur des scènes beaucoup moins actives que des scènes decombat), et soit une excitation, soit de la tension, il est souhaitable que la charge évolue au sein de la scène, voire s'inverse. Appliqué à une scène decombat, typiquement, on a une opposition qui est souvent plus intéressante si elle commence mal et fini par une victoire que les joueurs/personnages auront l'impression d'avoir arrachées ou au contraire, si malgré une position initiale favorable, elle se finit mal pour les personnages. (...)
Cela peut se faire également de façon un peu moins directe et frontale (ou avec plus de variations au sein d'une même scène) en jouant sur la différence entre lecombatet son enjeu/sa raison d'être. Ainsi, on peut créer cette dynamique en créant par exemple une scène de sacrifice (on a du perdre, mais pour gagner), une victoire à la Pyrrhus (on a gagné, mais à un prix tel qu'on n'est plus du tout sûrs que cela valait le coup), un rebondissement ironique (contre toute attente, on a gagné, mais on s'aperçoit que les vaincus étaient en fait nos alliés que l'on n'avait pas reconnus), ou une opposition de type on a gagné/perdu une bataille mais cela nous a fait perdre/gagner la guerre... Cela dit, si cette technique est sans doute très utile pour un récit classique, elle reste à utiliser avec des pincettes dans du jdr si vous ne voulez pas que vos joueurs vous jette des pierres en pensant que vous ne leur laissez aucune liberté. (...)
- développer les personnages. - être viscérale (en foutre plein les yeux, faire peur, etc...). Si bien qu'uncombatn'est presque jamais « qu'un »combat... Je ne sais pas bien si le fait de développer une ambiance ou une atmosphère fait vraiment partie de cette catégorisation ou pas, mais j'imagine qu'on peut aisément la rajouter à la troisième. Reste, ensuite, du fait même des spécificités du jdr, une quatrième utilité qui est de faire varier la pression pour les joueurs. (...)
Attention, il ne s'agit pas forcément de la tension dramatique ou de la pression que peuvent ressentir les personnages, mais bien du fait d'accorder un défouloir aux joueurs ou de re-capturer leur attention. De la même façon par exemple qu'un introduction de partie in media res avec uncombatpermet généralement de capter tout de suite l'attention de tous les joueurs. Donc, même si elle est impromptue, une scène decombatdoit avoir un ou plusieurs de ces quatre objectifs. Si elle n'en a aucun, cela veut généralement dire non seulement qu'on peut l'enlever - vu qu'elle n'apporte rien -, mais qu'on doit le faire - vu qu'elle prend du temps et de l'énergie qui auraient été mieux employés ailleurs. (...)
Ainsi pour prendre encore une fois un exemple venant du cinéma, la confrontation finale entre Anakin et Obiwan dans la revanche des siths : on voit d'abord que la scène ne commence pas par uncombat, mais par environ deux minutes de discussion et Anakin qui s'en prend à Amidala et fait comprendre à Obiwan à quel point il est perdu pour la cause (développement des personnages) ; puis arrive ensuite le début ducombaten « intérieur » (2 min) où il ne se passe pas grand chose de plus que montrer les deux antagonistes sont de force égale et commencer à en mettre plein les yeux, avant une autre en extérieur dans des torrents de lave (3 min) où il n'y a vraiment que du viscéral à part peut être une légère différenciation entre un Obiwan plus malin et un Anakin plus puissant ; enfin, environ deux minutes presque sans coups échangés à part le décisif, et les conséquences ducombatqui permette de faire avancer l'histoire en justifiant les choix de ces deux personnages dans les épisodes IV et suivant. Bref, dans cette scène (qui pour le coup est effectivement épique et clairement, presque mécaniquement, découpée en 4 actes), lecombatne sert pas juste à faire avancer l'histoire où à mettre les personnages en danger (et d'autant moins qu'on en connaît déjà l'issue), mais bien à servir plusieurs objectifs clairement identifier : c'est à la fois le moment que tout le monde attend et il faut que cela soit viscéral, mais cela doit aussi être l'instant de vérité à la fois au niveau des arcs des personnages qui en seront irrémédiablement changés, mais aussi « planter » toutes les graines des événements de l'épisode IV (notamment vis à vis d'Amidala et de ses enfants par exemple). Donc de la même façon, quand vous prévoyez de placer une partie dans un scénario, ou quand vous en improvisez une, le mieux est de voir ce que vous voulez en faire et comment vous allez vous en servir pour atteindre vos différents objectifs. Parmi les techniques classiques et sans doute éculées , pour faire avancer l'histoire : le dialogue avec le méchant, si possible avec une révélation bien sentie au milieu (Luke, je suis ton père ! (...)
Pour éviter les excès, prévoyez plusieurs embranchements possibles suivant qui a l'avantage et surtout les différentes situations à la fin ducombat; bloquer des routes (au sens propre et figurés) aux personnages durant l'affrontement ; l'arrivée d'un nouveau personnage imprévu au milieu ducombat(mais attention au deux ex makina) ou l'antagoniste qui change de camp si le duel est tant verbal que martial ; l'action qui ne correspond pas au style (cf. ci-dessous) ou à la motivation annoncée de l'antagoniste. (...)
De même Inigo Montoya serait sans doute moins sympathique s'il était droitier ; ne jamais hésiter à rajouter du drame et trois tonnes de pathos au milieu ducombat(Luke, je suis ton père !). Ca permet de le faire passer plus facilement et rend lecombatunique ; donnez leur des chances d'échouer, d'avoir des revers, des petits « moins » pour voir comment ils réagissent (comment réagit le mage sans magie, l'archer sans son arc, le guerrier blessé et réduit à l'état de tacticien guidant les autres, etc...) ; des événements apparemment anodins mais qui touchent à ce qui caractérise les personnages (arme ou effet personnel détruit, relation mis à mal du fait ducombatou qui s'est prise un coup, le personnage doit rapidement faire un choix entre deux valeurs conflictuelles ou revoir sa motivation, etc...). Pour faire du viscéral, le mieux est sans doute de regarder ce qui se fait dans le pulp, les blockbusters à gros budget et les jeux vidéos. Autrement dit, pour de l'épique, il faut que ça pète et que soit visuel (pour de l'horreur ou du thriller, ce serait bien sûr différent) : musique adaptée ; gérer le rythme et les descriptions plus que les valeurs chiffrées sauf si celles-ci sont exceptionnelles ; décor dynamique et correspondant à la grandiloquence/au ridicule de la scène : duel dans un château en train de s'effondrer, un volcan d'exploser, au sommet d'une montagne, au milieu d'une gigantesque plaine, à dos de dragon qui foncent à des dizaines de kilomètres heures, etc... adversaires démesurés ou compléments anormaux (pensez à shadow of the colossus par exemple, ou à réinjecter de l'émerveillement dans les clichés de la fantasy...combien de meneurs font ressortir les dimensions réelles d'un dragon ou la bizarrerie de se battre contre un élémentaire de feu ? (...)
) prévoir des descriptions qui évoluent ou des événements à l'avance (comme les sous-scènes) afin de pouvoir garder le rythme et l'impact visuel tout en improvisant/gérant lecombat, c'est très vite très difficile à tenir sur la durée. 1.4. des amorces et des récompenses : Enfin, une scène decombat, comme toutes les autres scènes, s'inscrit dans la continuité de l'histoire et peut donc être l'occasion de placer des amorces (set-up) ou constituer en soi une chute/récompense (pay-off). Autrement dit, on peut placer dans les scènes précédentes des éléments avants coureurs qui laissent présager ou qui prendront toute leur signification lors ducombatou inversement, insérer dans lecombatdes informations qui prendront toutes leur signification plus tard. Et bien sûr, on peut faire les deux. Typiquement, les amorces ressemblent aux indices d'un polar à la Agatha Christie. (...)
De même, lorsqu'ils s'apercevront que leur imposant adversaire n'était qu'un homme de paille et que le vrai responsable de tous ces actes innommables est en fait la jeune femme qu'ils ont pris pour une victime, la surprise sera une seconde récompense. Si, enfin, dans lecombatcontre le spadassin, ce dernier leur donne un indice sur la nature de sa compagne, ou sur la façon de la battre, cette scène decombatcomportera une amorce d'une future scène (qui peut être ou pas elle-même une scène decombat)...