La voleuse d'enfants
sur CDS Editions au format (942 Ko)
Contient : maîtresse (24)(...) Ce village, ainsi abandonné, tombait en ruine et je me rappelle encore la tristesse qui nous avait tous saisis alors que nous contemplions ces maisons vides aux volets clos et branlants, aux toits effondrés, aux murs rongés par les lierres. Mamaîtresse, de nature curieuse, se renseigna sur cet étrange phénomène dont son mari n'avait pas été informé. (...)
Mais il était facile de comprendre que les villageois avaient fui au fur et à mesure pour échapper à la malédiction qui semblait s'être abattue sur leurs nouveau-nés. Je décidai d'en parler à mamaîtresse, après un temps d'hésitation, craignant que cela ne la mette dans un état nerveux difficilement supportable pour son entourage - elle était déjà tellement sujette aux variations d'émotions depuis qu'elle était grosse. (...)
La pauvre était un peu simple, mais fort gentille, et elle se prêtait avec grâce aux exigences parfois saugrenues de la duchesse. La jeunette était jolie, et mamaîtressese prit d'affection pour elle - peut-être, pendant ces mois de solitude, avait-elle besoin d'une confidente. (...)
Cette demoiselle s'appelait Fernande et on s'aperçut, au bout de quelques semaines, qu'elle avait les mêmes symptômes que mamaîtresse: elle était enceinte. Sauf que, pour celui-là, le père était tout à fait inconnu. * Les mois passèrent et bientôt le sol se couvrit de feuilles d'or et de cuivre. (...)
Elle prit l'habitude de dormir au manoir en attendant la délivrance de ces dames, et j'eus à préparer plus de bois encore. A la mi-octobre, l'accouchement de mamaîtresseeut lieu et se déroula sans grande difficulté. Perrine admirait le savoir faire de soeur Marie-Marthe tandis que je faisais les cent pas dans le couloir, en quête de petits lutins ou de dame en noir qui auraient pu vouloir du mal au nourrisson, une petite fille appelée Françoise. (...)
En outre, sous la fenêtre, il n'y avait nulle trace de chute ni de pas, rien qui put laisser songer un quelconque passage alors que la terre était boueuse. parfois saugrenues de la duchesse. La jeunette était jolie, et mamaîtressese prit d'affection pour elle - peut-être, pendant ces mois de solitude, avait-elle besoin d'une confidente. (...)
Cette demoiselle s'appelait Fernande et on s'aperçut, au bout de quelques semaines, qu'elle avait les mêmes symptômes que mamaîtresse: elle était enceinte. Sauf que, pour celui-là, le père était tout à fait inconnu. * Les mois passèrent et bientôt le sol se couvrit de feuilles d'or et de cuivre. (...)
Elle prit l'habitude de dormir au manoir en attendant la délivrance de ces dames, et j'eus à préparer plus de bois encore. A la mi-octobre, l'accouchement de mamaîtresseeut lieu et se déroula sans grande difficulté. Perrine admirait le savoir faire de soeur Marie-Marthe tandis que je faisais les cent pas dans le couloir, en quête de petits lutins ou de dame en noir qui auraient pu vouloir du mal au nourrisson, une petite fille appelée Françoise. (...)
Le comble était qu'on ne pouvait prévenir les autorités, la grossesse étant restée secrète. Allions-nous nous plaindre de l'enlèvement d'un bébé qui n'existait pas ? Aussi mamaîtresse, après avoir pleuré toutes les larmes de son corps, décida-telle de mener elle-même l'enquête pour que cela ne se reproduise pas le jour où Fernande mettrait au monde son propre enfant. (...)
Ils pensèrent nous faire une révélation en affirmant que c'était elle la dame en noir, hantant les lieux et jalousant les mères qui donnaient naissance à des nourrissons en bonne santé. Quand mamaîtressealla au couvent pour tenter de retrouver l'identité de la défunte, on l'amena à une tombe, à l'écart de celle des enfants. (...)
Quand la duchesse demanda ce qu'il en était des tombes de nouveau-nés, la soeur répondit avec toute la tristesse du monde sur son visage, qu'elles apparaissaient toutes seules à chaque fois qu'un enfant était enlevé et qu'on y avait retrouvé effectivement leurs corps. Ma courageusemaîtressevoulut en avoir le coeur net, et tomba évanouie devant la sépulture de sa petite Françoise. Cette stèle gravée permit cependant à mamaîtressed'élucider l'affaire. Elle ne voulut pas dire, sur le moment, quelles étaient ses certitudes mais le plan qu'elle mit en place lui donna raison. (...)
Je décidai donc d'attendre. * L'écho d'un coup de feu, une dizaine de minutes plus tard, me fit comprendre que mamaîtresseavait elle aussi vu la dame en noir. Je restai aux aguets, tentant de lutter contre le froid qui commençait à envahir mes membres. Rien ne se passa et je crus un moment que mamaîtresseavait eu raison d'elle, Le comble était qu'on ne pouvait prévenir les autorités, la grossesse étant restée secrète. Allions-nous nous plaindre de l'enlèvement d'un bébé qui n'existait pas ? Aussi mamaîtresse, après avoir pleuré toutes les larmes de son corps, décida-telle de mener elle-même l'enquête pour que cela ne se reproduise pas le jour où Fernande mettrait au monde son propre enfant. (...)
Ils pensèrent nous faire une révélation en affirmant que c'était elle la dame en noir, hantant les lieux et jalousant les mères qui donnaient naissance à des nourrissons en bonne santé. Quand mamaîtressealla au couvent pour tenter de retrouver l'identité de la défunte, on l'amena à une tombe, à l'écart de celle des enfants. (...)
Quand la duchesse demanda ce qu'il en était des tombes de nouveau-nés, la soeur répondit avec toute la tristesse du monde sur son visage, qu'elles apparaissaient toutes seules à chaque fois qu'un enfant était enlevé et qu'on y avait retrouvé effectivement leurs corps. Ma courageusemaîtressevoulut en avoir le coeur net, et tomba évanouie devant la sépulture de sa petite Françoise. Cette stèle gravée permit cependant à mamaîtressed'élucider l'affaire. Elle ne voulut pas dire, sur le moment, quelles étaient ses certitudes mais le plan qu'elle mit en place lui donna raison. (...)
Je décidai donc d'attendre. * L'écho d'un coup de feu, une dizaine de minutes plus tard, me fit comprendre que mamaîtresseavait elle aussi vu la dame en noir. Je restai aux aguets, tentant de lutter contre le froid qui commençait à envahir mes membres. Rien ne se passa et je crus un moment que mamaîtresseavait eu raison d'elle, ou qu'en tout cas le « spectre » ne repasserait pas par là. Je commençais à rebrousser chemin quand j'entendis un cri d'enfant. (...)
Nous soulevâmes le voile avec appréhension pour découvrir le visage, bleu et boursouflé du fait du froid et de l'eau, de soeur Marie-Marthe. Mamaîtressesembla ravie, décrétant que tout s'était passé exactement comme elle l'avait prévu. Elle certifia aux villageois que désormais il n'y aurait plus de disparition de nouveau-nés. Lorsque nous en reparlâmes, bien plus tard, mamaîtressem'indiqua avec fierté que depuis cette nuit-là les enlèvements d'enfants avaient cessé. De fait, pensai-je en mon for intérieur, en l'absence de sage-femme, les quelques accouchements qui eurent lieu par la suite se firent dans les hameaux voisins, où les jeunes parents finirent par rester, de crainte du retour de la dame en noir. (...)
Il ne pouvait donc s'agir que de la religieuse, vêtue de noir, qui avait la confiance des familles et à qui on ne pouvait cacher aucune naissance. Le mobile était plus difficile à trouver mais mamaîtressedécida que la solution de l'énigme était simple en vérité : Soeur Marie-Marthe avait renoncé à la vie non pas en se tuant, mais en faisant ses voeux, lorsqu'on son enfant était mort au couvent. (...)
L'idée d'un passage secret permettant d'entrer au manoir mais pas d'en sortir me parait toujours aussi saugrenue au moment où j'écris ces lignes, mais mamaîtressey mit une telle conviction qu'il était difficile de la contredire. En outre, c'était effectivement le seul raisonnement logique capable d'élucider cette affaire des plus étranges. (...)J'ai assisté, dans ma vie, en tant que domestique, à des centaines d'histoires méritant d'être narrées. Certaines drôles, d'autres tragiques - mais aucune n'est plus extraordinaire que celle que je m'apprête à raconter ici. Croira-t-on mon récit ? Il est si peu commun que le lecteur pourrait mettre en doute ma bonne foi. Et pourtant, il ne révèle que la stricte vérité. Mais jugez-en par vous-même, je ne saurai retarder plus longtemps le début de ma narration. C'était il y a vingt ans, j ...