Être une femme pendant la Belle-Époque
Contient : femmes (28)Être une femme pendant la Belle-Époque Il convient tout d'abord de préciser que cet article est centré sur la situation desfemmesfrançaises qui, même si l'on remarque quelques améliorations au cours de la période, n'est guère enviable dans bien des domaines. La plupart desfemmesont en effet une existence de soumission et de dépendance au monde masculin et sont, pour reprendre la formulation employée par Maurice Hauriou, dans une note parue dans le Recueil général de lois et des arrêts , fondé par J-B. (...)
Envisageons en premier lieu ce que dit le droit de cette époque, dans une société compartimentée en groupes sociaux bien distincts. Lesfemmeset les étrangers représentent la majorité de la population mais il s'agit d'une majorité quasi-marginalisée, dans un monde strictement hiérarchisé et dominé par les catégories sociales de la haute société. (...)
Il convient donc de ne pas se laisser tromper par les images : photogaphies, gravures et films nous montrent desfemmesappartenant souvent à ces hautes sphères sociales, des créatures aux toilettes savantes, d'une élégance raffinée, des déesses inaccessibles et « décoratives » attestant par leur apparence la réussite de leur père ou/et de leur mari. En effet, lesfemmessubissent la suprématie masculine : celle du père tout d'abord, puis du mari. Le devoir d'obéissance est rappelé par le Code civil (article 213). (...)
LA MAITRESSE D'ECOLE : 'Aux filles pendant leur jeunesse, J'enseigne vertus et sagesse'. LA MARCHANDE : 'Desfemmesavec habileté, J'augmente et pare la beauté'. LA SERVANTE : 'Je couds, blanchis et sers à table, Aussi je suis indispensable'. (...)
En effet, si elle doit travailler pour survivre, elle touchera systématiquement un salaire inférieur à celui d'un homme puisque l'on considère le salaire féminin comme un appoint. Ce dernier point nous conduit à envisager lesfemmeset le travail. En 1914 la proportion defemmesqui travaillent est de 37 pour 63 hommes actifs. Celles-ci sont dans des situations de grande précarité, de vulnérabilité, et en proie aux violences de toutes sortes si elles sont ouvrières. (...)
Ces emplois sont mieux rémunérés que ceux cités précédemment et les conditions un peu moins difficiles. Certainesfemmesparviennent à gagner ainsi un peu mieux leur vie. Beaucoup defemmessont paysannes et beaucoup parmi les plus jeunes deviennent domestiques et quittent leur campagne pour les villes. Cette catégorie de personnes présente une grande diversité et certaines dites « de maison » sont bien mieux rémunérées et considérées que d'autres, c'est le cas par exemple des cuisinières ou des gouvernantes. (...)
Au début du siècle (1901) les domestiques de sexe féminin étaient environ 783 000 pour 170 300 hommes. Outre la domesticité, lesfemmesont accès à des métiers demandant une certaine qualification : elles sont sage-femmes, infirmières, nourrices et on les trouve en ville à des postes de travail dans les imprimeries, les métiers de l'alimentation et les commerces divers où elles sont vendeuses. Une factrice ! (...)
L'administration des Postes et Télégraphes est la seule, avec l'Instruction publique dont nous parlerons plus loin, qui soit accessible auxfemmes. Les demoiselles du téléphone100% féminines : Toutes cesfemmesne constituent finalement qu'une petite minorité, leurs salaires sont relativement peu élevés et ce sont souvent des célibataires. Les progrès de l'école et surtout de l'instruction laïque vont permettre auxfemmesd'accèder à d'autres activités et naturellement aux savoirs. Les lois de Victor Duruy (1867) et plus tard de Camille Sée (1880) permettent en 1914 à environ 33 000 jeunes filles d'accèder à l'enseignement secondaire, ce qui est marginal pour un pays qui comptait en 1911 un peu plus de 39 millions d'habitants. Lesfemmespeuvent enfin accèder aux écoles normales en 1879 on en comptait alors 67 pour tout le pays. Ceci dit, des voix se sont élevées lors de la promulgation de ces lois, comme en témoigne cet article du journal « Le Gaulois » : Contre l'éducation des jeunes filles. (...)
On leur apprendra tout, même la rébellion contre la famille, même l'impureté. Elles n'auront même pas été vierges avant de devenirfemmes... Journal Le Gaulois, 25 novembre 1880. Malgré ces remises en cause, l'instruction des filles se poursuit même si, à ce moment-là, la préoccupation principale vise l'instruction seule et qu'on ne se préoccupe pas des débouchés sur le marché du travail. (...)
L'enseignement laïc pour les filles ne laisse guère de place ni au latin, ni à la philosophie, ni aux disciplines scientifiques... En 1901 il y a dans les lycées et collèges 58 000 garçons et 7 800 filles. Lesfemmesprofesseurs sont mal vues des dames de la bourgeoisie, elles sont jugées trop émancipées, aux moeurs suspectes et aux idées parfois dangereuses. (...)
Les instituteurs et institutrices sont durant l'année scolaire 1912-1913 estimés au nombre de 125 000 pour toute la France... C'est dire la place que peuvent occuper lesfemmes, malgré d'incontestables progrès dans cette profession. En dehors des cas déjà envisagés, il reste encore des activités possibles, mais elles sont marginales et souvent mal considérées : actrices, danseuses, chanteuses, peintres ou sculpteurs sont fort peu nombreuses. (...)
Quant aux prostituées, et autres « demi-mondaines », elles constituent un groupe marginal, varié et fort hiérarchisé constitué defemmesd'origines modestes (ouvrières, filles de la campagne, domestiques) et qui compte dans la société de la Belle Epoque. « La prostituée occasionnelle ou de »maison« protège, par son existence même, lesfemmeset les filles des honnêtes gens » (M.Winock) Finalement, - du point de vue de l'idéologie dominante - le mieux est encore que la femme ne travaille pas ! (...)
En effet, ne dit-on pas que le travail pervertit l'appareil reproducteur féminin, qu'il présente un risque certain de corruption au plan moral, qu'il écarte aussi lesfemmesde leurs tâches domestiques et les rend incapables d'élever des enfants en bonne santé ? « La Belle Epoque présente donc trois modèles defemmes: la madone, la muse ou la séductrice » (M. Winock). Dans ces conditions, la femme au travail ne peut pas être valorisée. (...)
Il y aurait beaucoup à dire sur la morale, les moeurs, l'éducation des jeunes filles et la place qu'y occupent leurs mères, mais ceci fera l'objet d'un prochain article. Pourtant, peu à peu, la société et les moeurs évoluent et certainesfemmesmanifestent la volonté de jouer un rôle dans ce monde dirigé par les hommes. Ce sont les célèbres « suffragettes » par exemple, qui militent pour le droit de vote et l'exercice de fonctions politiques. Desfemmesaccèdent à l'enseignement supérieur : elles sont un peu plus de 2000 en 1914, soit le quart des effectifs, mais être médecin ou avocat relève de l'exceptionnel. (...)
De très rares féministes se risquent à s'exprimer dans quelques journaux, osent entrer dans des lieux interdits auxfemmes, tels que la Bourse ou la Chambre des députés, et prétendent exercer des professions exclusivement masculines : scientifique de haut niveau comme Marie Curie, ou médecin aliéniste comme Madeleine Pelletier en 1903. (...)
Ces personnalités fortes sont toutefois des pionnières qui font encore scandale et, malgré d'incontestables évolutions au cours de la période de la Belle Epoque, il reste évident que d'énormes progrès demeurent à accomplir pour donner auxfemmesune place plus importante. La Grande Guerre sera pour elles l'occasion de montrer leurs compétences et leur valeur dans de nombreux domaines, la surmortalité masculine due au conflit ne laissera guère d'autre choix à la société française que de leur donner - enfin, et à quel prix ! (...)
On aboutit donc à ce paradoxe qui personnellement me ravit : à Maléfices, les personnages masculins sont « des gens ordinaires que l'aventure vient rendre extraordinaires ». En revanche, joueuses, mes soeurs, nos personnages defemmesde la Belle Epoque sont exceptionnelles avant même que l'Aventure ne vienne frapper à leur porte ! (...)Il convient tout d'abord de préciser que cet article est centré sur la situation des femmes françaises qui, même si l'on remarque quelques améliorations au cours de la période, n'est guère enviable dans bien des domaines. La plupart des femmes ont en effet une existence de soumission et de dépendance au monde masculin et sont, pour reprendre la formulation employée par Maurice Hauriou, dans une note parue dans le Recueil général de lois et des arrêts , fondé par J-B.Sirey, un « citoyen inexistant ...