Constantinople
sur Eric Christ au format (889 Ko)
Contient : rome (36)Constantinople Les Byzantins usaient ordinairement, pour désigner la capitale de leur Empire, de trois termes qui correspondent à son origine, à son rôle dans la vie politique, à sa suprématie économique et culturelle: ils l'appelaient soit la «ville de Constantin » (Kynstantinoupoliv), soit la «nouvelleRome», soit la «reine des villes» (ou simplement la «reine», c basiliv). De fait, aucune nation peut-être n'a donné plus d'importance à sa capitale, et cette particularité explique bien des traits remarquables de l'Etat byzantin, par exemple la fréquence et la gravité des révolutions de palais ou des mouvements populaires, la pesanteur de la centralisation administrative, l'immense prestige du patriarcat byzantin qui survécut longtemps à la chute de l'Empire. On peut même dire que Constantinople, comme l'ancienneRome, mais d'une autre manière, a créé l'empire dont elle devait devenir la capitale: en déplaçant vers l'est le centre de gravité du vieux monde romain, Constantin assurait à l'Orient grec une cohésion qu'il n'avait jamais connue, mais en même temps rendait inévitable à plus ou moins long terme l'abandon de la pars occidentalis . (...)
La création de Constantinople n'a pas échappé à ces controverses: l'empereur a-t-il voulu remplacerRome, ou la dédoubler, ou simplement laisser après lui une grande cité qui portât son nom? La question n'est pas tranchée. Ce qui est certain, c'est que depuis le IIIe siècle les empereurs résidaient de moins en moins àRome, qui était trop loin des frontières, isolée dans une Italie en pleine décadence, à l'écart de l'axe commercial Rhin-Danube, qui avait supplanté l'axe méditerranéen. (...)
D'autre part, si Constantin cherchait une ville apte à un grand développement économique, située au croisement de plusieurs grandes routes commerciales, plus facile à ravitailler queRomeen blé d'Egypte, en produits manufacturés d'Asie - voire en fonctionnaires (grâce à la proximité des centres intellectuels de l'Orient) -, il ne pouvait trouver mieux que Byzance, admirablement établie sur un promontoire facile à défendre et pourvue du port naturel très sûr qu'était l'estuaire de la Corne d'Or. (...)
Si l'empereur avait simplement voulu créer en Orient une base stratégique inexpugnable, il n'aurait pas conçu pour elle un plan aussi colossal, il n'aurait pas cherché à y attirer en masse de nouveaux habitants - en particulier des membres du Sénat romain - en étendant à son sol les privilèges de l'ancienneRome, tels que le ius italicum et l'annone, cette dernière attribuée à tout possesseur d'un immeuble nouvellement bâti. (...)
Il est à remarquer que, si Constantin y fixa aussitôt sa résidence, il ne lui octroya pas le statut administratif de l'ancienneRome: elle fut gouvernée par un simple proconsul, qui ne sera remplacé que sous Constance par un préfet de la ville, et ses sénateurs n'eurent pas rang de clarissimes. Plus nette encore était l'infériorité de la nouvelleRomesur le plan religieux: son évêque demeurait suffragant du métropolite d'Héraclée-Périnthos. A aucun moment Constantin, qui avait solennellement installé la Tyché deRomedans sa nouvelle fondation, ne songea à faire de celle-ci une capitale chrétienne. La «nouvelleRome» et ses institutions Quelles que fussent les intentions exactes de son fondateur, Constantinople, siège désormais stable d'un gouvernement de plus en plus centralisé, sanctuaire du culte impérial, ne pouvait tarder à modeler ses institutions sur celles de l'ancienneRome: ce fut chose faite dès le IVe siècle. Le rôle éminent du préfet de la ville Un préfet de la ville - dont le titre sera hellénisé sous le nom d'« éparque » - apparaît en 359. Comme son collègue deRome, il a pour charge de rendre effective l'autorité impériale dans le ressort de la capitale, jusqu'à 100 milles au-delà des murs. En fait, sa puissance est plus grande que celle de l'ancien praefectus urbi : il a sous ses ordres les services de l'annone et des vigiles qui, àRome, ne dépendaient pas de lui; Justinien a en effet remplacé le préfet des vigiles par un préteur des dèmes qui est subordonné à l'éparque et chef des corps de policiers et de pompiers établis dans chacune des quatorze régions de la capitale (division imitée de l'ancienneRome). L'annone disparaîtra au VIIe siècle, mais l'éparque restera responsable du ravitaillement de la ville. D'autre part, la disparition de la préfecture du prétoire (fin du IXe s. (...)
) fait de la juridiction de l'éparque la plus haute de l'Empire: il s'installe au prétoire et préside même, jusqu'au XIe siècle, le tribunal de l'empereur en l'absence de celui-ci. Enfin, en tant que responsable de l'ordre public, l'éparque contrôle les corps de métiers, comme àRome. Mais, à la différence deRome, Constantinople est un grand centre industriel et commercial, et l'éparque, qui surveille étroitement la qualité de la production, en vient à jouer un rôle économique de plus en plus important. Son rôle politique, en revanche, diminue sous la dynastie militaire des Comnènes, dans une ville de plus en plus envahie par les marchands latins qui échappent à sa juridiction. (...)
En fait, le Sénat de Constantinople, s'il a joué constamment un rôle non négligeable dans l'Empire, a cessé très rapidement d'être un organe d'administration municipale. Celle-ci, cependant, est caractérisée par un élément que n'a pas connu la vieilleRome: l'importance politique prise par les factions du cirque, les dèmes, durant les trois premiers siècles de l'Empire. (...)
La capitale de l'Empire resta une cité nerveuse, inquiète, prompte à l'émeute comme à la panique, et dont les souverains ne pouvaient impunément ignorer ou négliger l'opinion. Il y eut beaucoup plus d'empereurs faits ou défaits par la rue à Constantinople qu'àRome. La «reine des villes» et ses monuments Chacun connaît la page où Villehardouin décrit l'émerveillement - et la convoitise - des croisés à la vue de la ville impériale: «Et sachiez que il n'i ot si hardi cui la chars ne fremist. (...)
Le site et le plan général de la ville Le site de la ville est un vaste promontoire triangulaire qui s'avance vers l'est, et dont le relief assez accusé nécessita de grands travaux de terrassement. Avec un peu de bonne volonté, on pouvait, comme àRome, y reconnaître sept collines: six vallonnements bordant d'est en ouest la Corne d'Or et une large éminence occupant la partie sud-ouest du plateau . Le coeur de la nouvelleRomese situait sur les deux premières collines, à l'extrémité est du promontoire, là où s'élevait la vieille Byzance, au pied de l'Acropole. (...)
Le monument civil le plus populaire, l'Hippodrome, n'était pas proprement byzantin: il datait de Septime Sévère, mais les empereurs chrétiens l'avaient magnifiquement orné avec les dépouilles de l'Egypte, de Delphes et deRome. Constantinople possédait, à l'époque de sa plus grande splendeur, plus de 500 églises (en comptant les multiples chapelles de couvents). (...)
Le premier est la fin du conflit entre le christianisme et le pouvoir impérial; il faudra moins d'un siècle depuis les édits de tolérance pour qu'une étroite alliance de l'un et de l'autre devienne une des bases de l'Etat. Le second est l'existence, à partir de 330, d'une « nouvelleRome» dans la partie orientale de l'Empire: romaine en effet par ses institutions, elle est grecque par son peuplement, sa langue et sa culture; et c'est par elle que le monde grec recevra enfin l'organisation politique puissante qu'il n'a encore jamais connue. Et ce rôle politique de Constantinople se double d'un rôle stratégique que laRomeimpériale n'avait pas joué: à l'Empire assiégé de toutes parts, elle servit souvent de donjon, imprenable jusqu'en 1204. (...)
Il ne faut pas oublier que Byzance a deux religions: celle du Christ et celle de l'empereur, héritée de l'ancienneRome. C'est pourquoi l'autorité politique de la Cour se double, surtout aux périodes d'expansion, d'une influence littéraire, fort différente d'un pur mécénat; cela se voit à l'importance que prennent à Byzance l'éloquence d'apparat, oraisons funèbres ou éloges impériaux (c'est là une forme du culte impérial), et l'histoire, dont le rôle est de célébrer à la fois des fastes des souverains et la mission civilisatrice de l'Empire chrétien. (...)
Byzance avait succédé à l'Empire de Dioclétien mais son art fut essentiellement celui de Constantinople, ville brusquement surgie en 330, par la seule volonté de Constantin le Grand, qui lui donna son nom en même temps que le tracé de ses rues, de ses péristyles, de ses églises, de ses places. La rupture avecRome, que Byzance avait prise pour modèle, devait aller en s'accentuant de siècle en siècle. L'expansion de l'esprit grec, aussi bien dans le monde latin que dans l'univers « barbare » des Slaves, et jusqu'aux massifs de la Transcaucasie, a contribué à modeler les démarches multiples des artistes médiévaux. (...)
Si la capitale fut de nouveau vaincue, en la personne de Nestorius, par Cyrille d'Alexandrie au concile d'Ephèse (431), elle eut sa revanche au concile de Chalcédoine (451) où, grâce à l'appui deRome, fut obtenue la condamnation du monophysisme. Cette doctrine, qui niait que l'humanité du Christ fût une nature complète comme l'était sa divinité, était incontestablement une hérésie; elle n'en fit pas moins beaucoup d'adeptes en Syrie et en Palestine et contribua grandement à détacher ces provinces de l'Empire. (...)
L'Occident utile et détesté : Désormais il ne reste à jouer qu'une seule carte à l'Etat byzantin, et elle sera jouée, toujours avec les mêmes déceptions, sous Jean V, sous Jean VIII, sous Constantin XI: la carte de l'Occident. Au pape seul Byzance a encore quelque chose à offrir: la fin du schisme et l'union avecRome, en échange d'un secours sous la forme d'une croisage contre les Turcs organisée parRome. Malgré des efforts sincères de part et d'autre, l'union ne se fera pas et le secours promis n'arrivera jamais jusqu'à Constantinople. Du côté de l'Occident, les raisons principales de cet échec sont dans l'éclipse que subit, aux XIVe-XVe siècles, l'autorité pontificale et, avec elle, le sentiment de l'unité chrétienne, dans la désunion des Etats européens, surtout dans l'égoïsme féroce et aveugle des républiques maritimes d'Italie. (...)
Même lorsque Jean VIII aura déterminé son patriarche, Joseph II, et une partie des évêques à s'abaisser devantRomeet à souscrire à l'union au concile de Florence (1439), le peuple et l'immense majorité du clergé s'y opposeront avec une telle violence que l'empereur n'osera pas faire proclamer le décret d'union à Constantinople. (...)
Manuel II était mort en 1425, regretté de tout le peuple; homme bon et de grand caractère, respecté des Turcs eux-mêmes, au surplus grand ami de la culture et écrivain de talent, il avait su attirer les étudiants occidentaux dans l'Université réorganisée par ses soins. Son fils Jean VIII, pour sauver l'Empire, était décidé à conclure coûte que coûte l'union, avecRome; il se rendit en Italie à cet effet. L'union, obtenue au prix de grandes concessions de la part des Grecs, fut proclamée à Florence (6 juillet 1439), et une croisade organisée sous la direction du roi de Bohême, Vladislas II, du régent de Hongrie, Jean Hunyadi, et du légat du pape. (...)
L'Empire de Nicée a eu son historien, le grand logothète Georges Acropolite (1217-1282) très bien informé et d'un réalisme politique qui le porta à travailler pour l'union avecRome. En cela, il s'opposait à des prélats humanistes comme Jean Apokavkos (mort vers 1230) ou Georges Bardanès. (...)
L'essor du culte des images, au VIIe siècle, va favoriser la généralisation de ce style austère et réellement « iconique » (mosaïques de Saint-Démétrius à Thessalonique), tandis que, parallèlement, survit toujours la tradition illusionniste héritée de l'Antiquité (pavement du Grand Palais, mosaïque de la Présentation au temple de Kalenderhane Camii à Istanbul, peintures de Sainte-Marie-Antique àRome). Au VIIe siècle, période si pauvre en témoignages artistiques, peuvent être attribués aujourd'hui (malgré des controverses persistantes) plusieurs décors peints de Cappadoce, qui témoignent de la richesse du répertoire byzantin disparu, ou connu dans d'autres régions de façon très fragmentaire, et révèlent des contacts parfois étroits avec les mondes copte, syro-mésopotamien, transcaucasien ou sassanide. (...)
Les artisans de Constantinople ont également atteint une maîtrise remarquable dans la fabrication des portes de bronze décorées de reliefs et d'incrustations de nielle, d'argent et de divers alliages: on leur doit les portes réalisées dans la seconde moitié du XIe siècle pour les églises italiennes d'Amalfi, du Mont-Cassin, de Saint-Paul-hors-les-Murs àRome, de Monte Sant'Angelo, de Salerne, de Saint-Marc de Venise et d'Atrani. Les émaux : Les émaux cloisonnés, appliqués généralement sur or ou électrum, occupent une place privilégiée dans les arts somptuaires byzantins. (...)
Les ivoires religieux sont les plus nombreux: plaques, diptyques ou triptyques, comme les luxueux exemplaires décorés de la Déisis du Palazzo Venezia, àRome, et du Louvre (triptyque Harbaville), constituaient autant d'icônes portatives, destinées surtout à la dévotion privée. (...)
Les ivoires du « groupe de Romanos », surtout destinés à la cour impériale, sont caractérisés par une grande élégance formelle et un haut niveau de perfection technique (Couronnement de Romanos et Eudocie au cabinet des Médailles de Paris, triptyques du Palazzo Venezia,Rome, et du Louvre avec la Déisis, Vierge Hodigitria, Rijksmuseum et Katharijne Convent, Utrecht). Dans le « groupe de Nicéphore » sont classés des ivoires d'une qualité un peu moindre (staurothèque de la cathédrale de Cortone) et dans le « groupe des triptyques » des productions presque stéréotypées. (...)
Perspectives nouvelles de la recherche en archéologie et en histoire de l'art L'incessant apport de l'archéologie et des monographies relatives à des monuments, des sites ou des régions de l'empire byzantin a rendu souvent caducs les schémas et les classifications hérités des premiers historiens de l'art byzantin.Romeou l'Orient, la prédominance des ateliers d'Antioche, d'Alexandrie ou de Constantinople conçus comme des entités aux attributs transcendants ont cédé la place a des enquêtes régionales regroupant sans a priori esthétique les monuments, qu'il s'agisse de l'architecture de Syrie du Nord (Tchalenko), des peintures de Cappadoce (Jerphanion, Thierry, Restle), ou des manuscrits. (...)Les Byzantins usaient ordinairement, pour désigner la capitale de leur Empire, de trois termes qui correspondent à son origine, à son rôle dans la vie politique, à sa suprématie économique et culturelle: ils l'appelaient soit la «ville de Constantin » (Kynstantinoupoliv), soit la «nouvelle Rome », soit la «reine des villes» (ou simplement la «reine», c basiliv). De fait, aucune nation peut-être n'a donné plus d'importance à sa capitale, et cette particularité explique bien des traits remarquables ...