Quelques mots sur la médecine légale
Contient : médecin (22)(...) Mais quand la viande refroidit prématurément, intervient un personnage bien connu des séries policières : lemédecinlégiste. Les experts du crime : La Belle Epoque est celle des experts du crime récemment étudiés par Frédéric Chauvaud [1]. (...)
Dans ces années-là, le recours à l'expertise devient quasiment systématique devant les tribunaux. Pourtant, il n'existe alors aucune formation spécifique en médecine légale. En théorie, toutmédecinpeut être requis par l'autorité judiciaire en vue d'une expertise ou d'une autopsie. Les conséquences de ce flou juridique sont évidentes : si l'on trouve dans les grandes villes un nombre suffisant de médecins qui s'investissent dans la recherche médico-légale, en particulier parmi les professeurs d'université, dans les villes de petite taille ou même dans les villes moyennes, les expertises sont confiées à de jeunes médecins inexpérimentés, les plus anciens refusant parfois d'exercer leurs talents pour les honoraires misérables octroyés par la gueuse en vertu d'un décret remontant à 1811. (...)
Dans les faits, la cour d'appel de la Seine prend l'initiative, dès le début des années 1880, d'organiser l'expertise en dressant une liste, classée par spécialités allant de la médecine à l'horlogerie, de professionnels « aptes à exercer les fonctions d'expert judiciaire ». Le décret du 21 novembre 1893 est la première tentative officielle de réglementer la fonction demédecinlégiste. Il crée le titre demédecinexpert devant les tribunaux. Nommé par le procureur général de chaque cour d'appel sur proposition des tribunaux de première instance, le récipiendaire doit justifier d'un doctorat en médecine, de cinq années de pratique... et de la nationalité française. En cas d'empêchement dumédecinexpert, les magistrats conservent cependant la faculté de commettre un praticien n'ayant pas le titre demédecinlégiste. Sur la scène du crime : La requête d'un expert peut être écrite, voire verbale en cas de flagrant délit. Toutmédecinrequis doit prêter serment devant le procureur de la République (art. 44 du code d'instruction criminelle). Théoriquement, lemédecinaccompagne le procureur sur les lieux du crime. Dans la pratique, il peut être requis par tout membre du parquet, voire tout officier de police judiciaire en cas de flagrant délit. (...)
par kilomètre à l'aller comme au retour s'il utilise le chemin de fer, le double s'il utilise un autre moyen de locomotion). Si lemédecinest retenu au cours de l'expertise, il perçoit en sus une indemnité de 10 fr. par jour. La réquisition entraîne une obligation de service : à défaut, une amende de 23 à 100 fr. (...)
peut lui être infligée (loi du 30 novembre 1892) ; en cas de récidive, il est passible de cinq jours de prison (art. 475 et 478 du code pénal). Après avoir signifié aumédecinsa réquisition, le magistrat rédige l'ordonnance énonçant le détail des opérations demandées à l'expert. (...)
L'expertise s'accompagne systématiquement d'une obligation à comparaître en qualité de témoin le jour de l'audience au tribunal (4 fr. d'indemnité par séance). Certificats et rapports : Lemédecinpeut être appelé pour un simple examen d'une victime ou d'un suspect. Ce double examen est systématique dans les cas d'attentat à la pudeur. (...)
Chacune de ces visites donne lieu à la rédaction d'un certificat comprenant habituellement trois parties : préambule : nom, prénoms et qualité dumédecinet du demandeur, date et but de l'opération ; constatations du fait et ses preuves ; conclusions brèves et nettement formulées. (...)
Bien que la loi ne prescrive aucune forme, les rapports d'autopsie sont généralement plus complexes, se divisant en cinq grandes parties : préambule : nom, prénoms et qualité dumédecinet de l'autorité requérante, date de la réquisition, indication de la prestation du serment, jour et lieu, nature et but de l'opération, reproduisant textuellement les questions posées par le magistrat ; commémoratif : connaissance des faits antécédents, souvent apprise de la bouche de l'autorité requérante, en évitant la prolixité ; description des faits : partie essentielle décrivant avec minutie les blessures dans un souci d'ordre ; discussion des faits : si les conclusions ne découlent pas naturellement des faits, lemédecinanalyse et confronte les observations constatées dans le but de lever les points obscurs ; conclusions : réponses aux questions posées par l'autorité requérante avec possibilité d'ajouter ce qui est susceptible d'éclairer la justice. Triple homicide à Varagnat : A titre d'exemple, nous vous proposons la lecture d'un rapport d'autopsie rédigé en juin 1906 par le docteur Chassaing,médecinà Ambert, concernant un triple homicide commis à Varagnat, paisible hameau de la commune de Medeyrolles, dans le Puy-de-Dôme. Le docteur Chassaing n'est pasmédecinlégiste au sens du décret de 1893 ; cependant, l'ordonnance du juge d'instruction précise qu'il est requis « en l'absence de M. le Docteur Sabatier, 1ermédecinlégiste, et tous les autres médecins légistes et vu l'urgence ». Ladite ordonnance, ainsi que la prestation de serment, est datée du jour même de la découverte du crime (22 juin 1906) et précise que le docteur Chassaing devra « procéder en notre présence à l'examen et à l'autopsie des cadavres ». (...)
En effet, seules les plus grandes villes disposaient d'un service médico-légal ou d'un hôpital dans lequel le praticien pouvait exercer son art dans de meilleures conditions. Dans notre affaire, lemédecina attendu jusqu'au lendemain matin avant d'être autorisé à officier : le juge d'instruction tenait absolument à faire réaliser des photographies de la scène, et il ne fut pas possible de trouver un photographe avant la tombée de la nuit. (...)
Compte tenu du fait que nous savons que le juge d'instruction a assisté à l'autopsie, on peut émettre l'hypothèse que le praticien ait pu demander au greffier du magistrat de prendre note de ses constatations sous la dictée. En effet, ces campagnes reculées ne connaissent pas l'eau courante, et l'on voit mal lemédecinécrire de ses mains dégoulinantes de sang et de liquides biliaires... Le rapport s'ouvre sur un préambule dans une forme très classique. (...)
Enfin, n'étant pas rédigé par un expert auprès des tribunaux, il donne une idée de ce que peut être un rapport écrit par lemédecinmoyen, comme on en compte pratiquement à chaque table de Maléfices. Signalons tout de même que ce type de document est protégé conjointement par le secret de l'instruction et le secret professionnel imposés par la loi aumédecinlégiste. Dans un scénario, il est peu probable que les personnages puissent en avoir un sous les yeux, à moins de parvenir à convaincre le magistrat ou lemédecinlégiste, voire en commettant une indélicatesse, deux possibilités aussi peu probables que risquées. Il n'existe alors aucune loi précisant les délais de communication des archives publiques : le dossier d'assises est donc consultable sitôt la chose jugée. (...)Combien de cadavres semés dans les scénarios de Maléfices ? Il est vrai que la mort, comme l'estimait Mozart, est le but ultime de la vie. Mais quand la viande refroidit prématurément, intervient un personnage bien connu des séries policières : le médecin légiste. Les experts du crime : La Belle Époque est celle des experts du crime récemment étudiés par Frédéric Chauvaud [1]. Dans les vingt dernières années du XIXe siècle, en effet, une abondante littérature fait la synthèse des apports considérables ...