Souvenirs d'un rêve passé (1)
sur L' Omnirêve
Le temps était plutôt frisquet pour cette fin du mois de la Couronne. Déjà, dans les nids des hirondelles, on commençait à entendre le piaillement plaintif des oisillons affamés, eux dont le plumage apparaissait à peine. C'est avec le soleil que s'était levé le vieux Tob ce matin-là car, comme chaque jour, ses vaches demandaient à aller paître dans les champs dès la première lueur de l'aurore. Tob aurait bien aimé les laisser à l'extérieur la nuit mais, avec les groins qui avaient été récemment aperçus ...Contient : kalibor (23)(...) Si tu pars tout de suite, t'arriveras à la maison des voyageurs en début de soirée. Tu vas voir, ils hébergent gratis. C'est ce vieux timbré deKaliborqui garde la place. Tu peux pas le manquer, c'est le joueur de crincrin qui fait fuir tout le monde. (...)
Kérézan tenta donc de communiquer avec celui qui était fort probablement tenancier de la maison des voyageurs: 'Hep, monsieur, vous êtes bienKalibor, celui qui héberge les voyageurs dans ce village?' Le personnage ne sembla même pas remarquer que l'on s'adressait à lui. (...)
Kérézan commença par faire de grands signes avant de finalement taper sur son épaule. 'Monsieur, vous êtesKalibor? -Un instant, mon garçon, dit le personnage en portant un cornet à son oreille. Qu'as-tu dit? -C'est bien vousKalibor, celui qui héberge les voyageurs? -A bord d'un bateau sur la berge à cette heure? Vous avez des problèmes de vision, mon ami! -ETES-VOUSKALIBOR! cria Kérézan, devenu impatient et nerveux. -Ne criez pas, jeune impoli! Vous apprendrez que l'on ne parle pas comme ça àKalibor, tenancier de la maison des voyageurs de Cramonet. C'est aussi vrai que la statue de chimère devrait être violette, alors soyez gentil, hein! (...)
' Enfin une réponse, pensa Kérézan, même si ce n'est pas de cette façon qu'il aurait voulu se faire répondre. Il était bien évident qu'à force de pratiquer son art, le pauvreKaliborétait devenu sourd comme un pot. Afin d'éviter tout malentendu, Kérézan fit signe à son hôte qu'il voulait dormir en plaçant ses deux mains comme un oreiller sous sa tête. 'C'est ça, vous devriez vous reposer, répliquaKalibor. Entrez en dedans et prenez la première porte à droite. J'irai vous porter le petit déjeuner à la fin de l'heure du vaisseau, juste après mon exercice matinal. (...)
Le rythme du coeur de Kérézan commençait à peine à revenir à la normale quand un grand bruit horrible le fit tout à coup revenir à la réalité. C'est alors qu'il prit conscience que les exercices matinaux deKaliborn'avaient rien de physique! Remettant correctement en place ses deux précieuses petites boules de cire, Kérézan s'habilla et sortit de sa chambre. Sur la table de la salle à manger, se trouvait le petit déjeuner queKaliboravait fort probablement préparé pour son visiteur. Kérézan prit le temps de le déguster et, apercevant une plume et un parchemin sur le comptoir, décida d'écrire sur celui-ci l'information qu'il voulait demander àKaliborafin d'éviter d'avoir à lui parler et qu'ainsi la communication soit plus facile. En sortant à l'extérieur, il donna un petit coup sur l'épaule du 'musicien', toujours à l'oeuvre, afin d'attirer son attention, tout en exhibant le parchemin sur lequel il venait d'écrire sa question. 'Déjà levé, mon garçon, s'écriaKaliboren grimaçant parce que dérangé en pleine répétition. Le chat a mangé la p'tit' langue? Voyons ce que tu m'as écrit: Existe-t-il dans la région une sorte de sage et, si oui, où reste-t-il? (...)
Ce serait nous rendre service que de nous en débarrasser, mon gars, mais attends un peu, j'vais aller chercher ton repas.' Plus péniblement que jamais,Kaliborse leva, prit sa canne et se dirigea très tranquillement vers la cuisine après avoir amoureusement déposé son violon à côté du tabouret. (...)
Kérézan, n'osant pas lui dire qu'il s'était déjà servi, observa attentivement l'instrument un moment puis se rappela que, dans son rêve, les cordes étaient arrangées différemment. Quelques secondes lui suffirent pour tout remettre en place. EntendantKaliborrevenir, Kérézan jugea préférable de ne pas rester sur place plus longtemps afin d'éviter d'entamer une fastidieuse conversation avec le vieil homme. (...)
Tiens, il est déjà parti. Tant pis, continuons où on était rendu.' Prenant son violon d'une main et son archet de l'autre,Kaliborse mit à jouer une très jolie mélodie, si bien qu'un petit chaton s'approcha tranquillement pour écouter cette douce musique. Après quelques instants,Kalibor, se grattant la tête pour se concentrer, observa longuement son instrument puis modifia la position des cordes. Le chaton, intrigué, monta tranquillement sur les jambes du vieil homme puis sursauta quandKaliborse remit à jouer d'une façon atroce pour se réfugier dans la ruelle la plus proche, le poil hérissé. (...)
' Après une bonne heure de marche, Kérézan aperçut enfin la demeure du personnage dont lui avait parléKalibor. Là, dans une éclaircie de cette forêt aux arbres particulièrement touffus, se dressait une petite chaumière, terminant par le fait même un long sentier. (...)
Elma, la femme du vieux Tob, m'avait fait cette remarque: Que votre Dragon veille bien sur vous! A Cramonet, cependant,Kaliborm'avait parlé de vous en disant que vous étiez de ceux qui croient que les Dragons nous rêvent et qu'ils dirigent le monde grâce à leur simple activité onirique, même queKaliborsemblait être très amusé par cette croyance. Pourriez-vous me donner l'heure juste? -Je veux bien, répondit Lara, mais soyez attentif car tout ce que je vais vous dire est très complexe et abstrait. (...)
Cependant, et c'est là que ça se complique, tous les dragons ne rêvent pas des personnages à l'intérieur du même rêve. Ainsi, si plusieurs dragons, le mien, le vôtre, celui deKalibor, de Tob, d'Elma et des autres, rêvent des gens de la région, certains autres dragons rêvent des personnages qui appartiennent à un tout autre rêve, et il existe une multitude d'autres rêves. (...)
Lorsque nous dormons à notre tour, la nuit, nos rêves sont remplis de souvenirs de nos anciennes incarnations et nous rappellent comment et où nous étions lors de nos vies antérieures. C'est ainsi que vous avez pu rêver que vous jouiez du violon et que, par la suite, l'intrument deKaliborvous a semblé familier et qu'il a été possible pour vous de le réparer. La seule différence est que vous, vous n'êtes pas mort, mais vous avez perdu la mémoire et peu importe, le résultat est le même. (...)
Vous devez me trouver étrange, et vous auriez raison, mais il faut me faire confiance. La plupart des gens, commeKalibor, ne croient pas à ces histoires de Dragons qui nous rêvent mais croyez-moi, je n'invente rien, tout ceci est bien réel. (...)