Souvenirs d'un rêve passé (1)
sur L' Omnirêve
Le temps était plutôt frisquet pour cette fin du mois de la Couronne. Déjà, dans les nids des hirondelles, on commençait à entendre le piaillement plaintif des oisillons affamés, eux dont le plumage apparaissait à peine. C'est avec le soleil que s'était levé le vieux Tob ce matin-là car, comme chaque jour, ses vaches demandaient à aller paître dans les champs dès la première lueur de l'aurore. Tob aurait bien aimé les laisser à l'extérieur la nuit mais, avec les groins qui avaient été récemment aperçus ...Contient : lara (26)(...) Ses grands yeux verts et son visage aux traits fins rendirent le voyageur perplexe pendant un moment, se demandant plus que jamais si un brusque éveil allait le ramener à la réalité, mais non, cette splendide créature semblait bel et bien appartenir au même monde que lui. 'Oubliez ce ridicule nom qu'est Glatlémaïat, mon ami. Appelez-moi plutôtLara, malgré le fait qu'il y a déjà quelques années que l'on ne m'a pas appelée par ce nom. Et vous, comment dois-je vous appeler? (...)
' Après plusieurs manoeuvres difficiles dans cette corde collante et ces parois de terre particulièrement lisses, Kérézan finit par atteindre la main de sa nouvelle amie et put enfin pénétrer dans l'enceinte de la chaumière. Après avoir tenté quelques pas hésitants à l'intérieur de la demeure,Larainvita son visiteur à s'asseoir sur une petite chaise de bois toute simple. La maison, possédant une seule grande pièce, laissait deviner que la jeune demoiselle n'avait que peu d'effets personnels. (...)
Le décor était complété par quelques fioles et préparations mystérieuses sur le haut de la bibliothèque, une porte donnant sur l'arrière de la maison ainsi qu'une grande table avec quelques chaises oùLaraattendait patiemment que son 'invité' prenne place, ce qu'il fit. 'Vous dites donc avoir tout oublié de votre vie antérieure? (...)
A Cramonet, cependant, Kalibor m'avait parlé de vous en disant que vous étiez de ceux qui croient que les Dragons nous rêvent et qu'ils dirigent le monde grâce à leur simple activité onirique, même que Kalibor semblait être très amusé par cette croyance. Pourriez-vous me donner l'heure juste? -Je veux bien, réponditLara, mais soyez attentif car tout ce que je vais vous dire est très complexe et abstrait. Voilà: les sages ont coutume de dire que le monde est un Rêve de Dragon. (...)
Si on peut se fier au vieux Tob, la lumière jaune qu'il a vu au-dessus de vous était le signe de la présence d'une déchirure d'arrivée et tout passage dans le sens inverse est impossible... A moins que...' Kérézan était tout à fait sidéré par les connaissances deLara. Bien que ce qu'elle venait de dire était difficile à comprendre et à concevoir, le tout demeurait imprégné d'une certaine logique mais contenait tout de même un petit côté horrifiant. (...)
Devrait-il oublier à jamais ce qu'avait pu être son passé et faire désormais sa vie dans ce rêve nouveau? Juste cette pensée lui donnait des frissons. Alors que l'imagination de Kérézan se déchaînait,Larase pencha pour atteindre sa bibliothèque et en sortit un grand bouquin intitulé 'Nos Ennemis les Bêtes, par Paranos le Moindre' qu'elle se mit à feuilleter. (...)
C'est pourquoi on a baptisé ces monts les monts Chimériques: d'abord à cause de Furnitucilubilum, ensuite parce qu'ils sont particulìèrement difficiles à escalader. Qui sait, c'est peut-être votre destinée de rencontrer cette chimère... -Attendez une minuteLara, dit Kérézan. Je n'ai aucune idée d'où je viens, alors comment pourrais-je communiquer à cette créature mon rêve de départ? (...)
La plupart des gens, comme Kalibor, ne croient pas à ces histoires de Dragons qui nous rêvent mais croyez-moi, je n'invente rien, tout ceci est bien réel. -Soyez sans crainte,Lara. Vous avez toute ma confiance. Ce que vous me racontez est difficile à croire mais plausible. Je tenterai le tout pour le tout: j'irai voir Furnitucilubilum, la chimère, l'amadouerai, monterai sur son dos et lui communiquerai par la pensée l'image de cette statue de dragon pour qu'elle me ramène dans mon rêve d'origine et que je retrouve qui j'y étais. (...)
-C'est une quête difficile mais je suis certaine que tu y arriveras, Kérézan, voyageur entre les rêves...' C'était la première fois queLaratutoyait Kérézan et cela avait fait réaliser à ce dernier à quel point il venait de se forger une solide amitié entre les deux personnages avec cette conversation franche et sincère qu'ils venaient d'avoir. Alors que Kérézan se perdait tranquillement dans les jolis yeux émeraudes deLara, la sensation de ses vêtements sales et collants lui firent tout à coup reprendre contact avec la réalité. (...)
-Si tu ouvres la porte de derrìère, tu verras un petit sentier qui mène à l'étang où je vais moi-même prendre un bain le matin, lui réponditLaraqui le fixait toujours, avec un petit sourire moqueur. Tu peux y aller, on peut même l'apercevoir par la fenêtre au-dessus de mon lit. (...)
Le jeune homme franchit tranquillement le jardin potager situé derrière la chaumière, se retournant de temps à autre pour voir siLaral'obervait par la fenêtre, ce qu'elle faisait, et tenta de trouver un endroit de l'étang qui ne donnait pas sur l'une des fenêtres de la petite maison afin de faire son petit travail de lavage tranquille. (...)
De retour dans la maison une bonne dizaine de minutes plus tard, Kérézan fut agréablement attiré par la délicieuse odeur de soupe et de pain grillé qui régnait dans celle-ci.Laraavait laissé tomber ses taquineries et préparé un petit repas afin de permettre aux deux camarades de se restaurer. (...)
Alors qu'il mangeait tranquillement, Kérézan fut tout à coup aveuglé par une forte lumière provenant de là où était assiseLara. Cette dernière tenait dans ses mains une longue épée et c'est la réflexion de la lumière du soleil sur la lame d'acier qui avait alerté le jeune homme. Immobile sur sa chaise, Kérézan retint sa respiration pendant un bon moment tandis queLarale fixait de la pointe de sa lame, située à quelques centimètres de la poitrine du voyageur. Le sourire jovial habituel de la demoiselle l'avait quittée depuis un moment. 'Avoue que tu as eu peur pendant un instant, s'exclamaLaraen riant. Ne t'en fais pas, si je te présente cette arme, c'est justement pour ta sécurité. Cette épée, que l'on appelle esparlongue, appartenait à mon défunt père. (...)
Si tu comptes te rendre jusqu'aux monts Chimériques, elle risque de t'être utile car quantité de créatures étranges et sanguinaires habitent les bois qui nous séparent de ces montagnes.'Laraserra l'esparlongue dans son fourreau et la présenta à Kérézan. 'Je te remercie pour ce présent mais je t'en prie, ne recommence plus ce petit jeu avec personne, c'est horrifiant! -Il y a aussi autre chose que j'aimerais te demander. -J'écoute. Qu'y a-t-il? -Vois-tu, commençaLara, si je demeure ici, c'est à cause des importants signes qu'ont laissés les Dragons dans la nature environnante. (...)
Nous ne serons pas trop de deux dans ce voyage et le faire en ta compagnie sera sans aucun doute plus agréable qu'en solitaire.' Tenant la main deLara, ce sont de grands cris en provenance de l'extérieur qui se chargèrent cette fois de remettre les idées en place dans la tête de Kérézan. (...)
' Le son des coquilles qui se cassaient sur la façade de la chaumière hanta les lieux pendant deux bonnes minutes, et une odeur horrible fit son entrée dans la maison. Kérézan se demanda bien commentLarapouvait endurer ces petits monstres sans tenter de les calmer avec ses sorts, mais celle-ci prenait la chose avec beaucoup de sagesse. (...)
C'est à ce moment qu'une ombre noire se précipita sur moi et sembla prendre possession de mon corps en déchirant mon âme alors que j'hurlai de douleur. 'Haaaaaaaaa! -Calme-toi, Kérézan, dit uneLaraaffolée en agitant son ami de gauche à droite. C'est un autre cauchemar que tu fais.' Avec son éveil, revint le souvenir des dernières journées dans l'esprit de Kérézan. (...)
Après avoir parcouru les bois pendant une bonne dizaine de jours tout en chassant et en pêchant dans les petits ruisseaux afin de subsister, les deux voyageurs avaient finalement atteint les monts Chimériques. Ceux-ci semblaient une barrière infranchissable, maisLaraavait alors fait apparaître une sorte de grosse bulle de savon autour de Kérézan afin de le transporter jusqu'aux hauts plateaux de ces montagnes, et elle fit de même sur elle par la suite. (...)
Ils étaient maintenant rendus tous deux à l'endroit où tant de légendes racontent le passage mensuel d'une grande chimère appelée Furnitucilubilum, une de ces entités capables de voyager entre les rêves. C'était soir de pleine lune etLaraguettait l'arrivée de l'animal, en espérant que les légendes soient vraies, alors que Kérézan tentait, en vain, de se reposer. (...)
On pouvait deviner à la pleine lune la couleur de son pelage, d'un beau safran. Bouche bée à cause du spectacle donné par cet être imposant, Kérézan etLaradécidèrent de ne pas bouger pour l'instant, alors que la chimère se mit à remuer le museau. 'Humph! (...)
' La chimère se tourna sur le ventre afin de permettre au deux voyageurs de la monter. Kérézan se mit à l'avant, ses mains prises dans l'abondante crinière, etLarale suivit en s'agrippant très fort au torse de son compagnon de route. 'Quelle imagination!' murmuraLaraà l'oreille de Kérézan, tout en lui baisant la joue. Reprenant sa concentration, Kérézan se mit à penser très fort à cette statue qu'il revoit dans chacun de ses cauchemars: ce grand dragon bleu sombre, avec ses éternelles larges ailes déployés, son dos courbé et son oeil droit manquant. (...)