Le système du jeu de rôle ? Une vraie question de fond
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Contient : système (90), systemeLesystèmedu jeu de rôle ? Une vraie question de fond Il faut changer de point de vue sur les règles du jeu de rôle. Les créateurs de jeu de rôle confondent souvent «systèmede jeu » et «systèmede résolution ». Or, lesystèmed'un jeu est beaucoup plus qu'unsystèmede résolution. En fait, lesystèmede résolution n'est qu'une partie infime dusystèmede jeu et, bien souvent, les rôlistes ignorent ce qu'est lesystèmede jeu. Lesystèmede résolution, c'est l'ensemble des règles et des pratiques qui permettent de résoudre des conflits dans la fiction. Ces conflits peuvent être de différentes natures, mais ils engagent toujours l'action d'un élément fictif contre un autre élément fictif : un personnage fictif contre un autre personnage fictif, un élément fictif contre le savoir-faire fictif d'un personnage, etc. Bref, lesystèmede résolution gère des interactions entre choses fictives : des personnages, des vaisseaux, des véhicules, des décors, des conditions météo, etc. Ainsi, dans le cas précis où un joueur annonce que son personnage va frapper un garde, c'est ausystèmede résolution de nous dire de quelle façon ce conflit peut se résoudre. La plupart du temps, un tel conflit se règle en jetant les dés ou en comparant des scores donnés sur les fiches des deux personnes engagées dans l'action. Toutes les règles qui régissent les interactions entre les éléments de la fiction dans un jeu de rôle forment sonsystèmede résolution. Lesystèmed'un jeu est l'ensemble des moyens par lesquels les joueurs « réels », autour d'une table, se mettent d'accord pour faire avancer les situations « virtuelles ». Cesystèmedoit déterminer précisément le rôle de chacun des joueurs afin qu'ils sachent comment jouer au cours de la partie. Cesystèmeest en amont dusystèmede résolution. En un sens, lesystèmed'un jeu est un élément plus global que lesystèmede résolution car il existe avant même que l'on ait à décrire des actions fictives. Cesystèmenous dit comment, pourquoi, à quel moment et par qui les éléments de la fiction sont définis. Par exemple, écrire dans la base d'un jeu : « Dans ce jeu de rôle, l'un des joueurs aura un rôle précis : celui de maître du jeu. C'est lui qui se chargera de définir les décors. Les autres joueurs, quant à eux, assumeront le rôle des personnages, les PJ, qu'ils vont créer par la suite », c'est établir lesystèmedu jeu. Dans cet exemple, on voit qu'un joueur hérite de certains pouvoirs créatifs sur la fiction en elle-même, tandis que les autres reçoivent d'autres pouvoirs créatifs sur des éléments spécifiques de cette fiction. Bref, c'est lesystèmed'un jeu qui doit décrire clairement le rôle des joueurs autour de la table. A quoi tient la confusion des systèmes ? palLesystèmed'un jeu n'est pas sonsystèmede résolution et pourtant une grande majorité de rôlistes les confondent encore. En fait, lorsqu'un rôliste annonce qu'il a changé lesystèmed'un jeu de rôle, il veut toujours signifier qu'il a changé sonsystèmede résolution. Faites le compte des changements de règles qui vous ont été annoncés au cours de votre carrière de rôliste ! Je fais le pari que toutes ces règles, absolument toutes, concernaient en réalité lesystèmede résolution. De même, on dit :« jeu de rôle = un univers +systèmede jeu », mais cette équation signifie pour beaucoup : « jeu de rôle = un univers + unsystèmede résolution ». Ainsi formulée, la proposition est erronée. En effet, le joueur qui définit le jeu de la sorte oublie de mentionner TOUTES les règles du jeu de rôle. Lesystèmede résolution n'est donc pas suffisant pour nous dire comment pratiquer ce type de jeu. Puisque lesystèmed'un jeu de rôle c'est la façon dont chaque joueur autour de la table est autorisé à créer des éléments fictifs, en l'absence d'une explication correcte de ce qu'est cesystème, personne ne saura COMMENT utiliser l'univers fictif et lesystèmede résolution. Autrement dit, le rôliste qui considère que « jeu de rôle = un univers + unsystèmede résolution » ne sait pas à quoi il joue. En réalité, il considère le reste dusystèmecomme une évidence qu'il est inutile de définir explicitement. Il agit comme si le jeu de rôle était une activité banale, pratiquée de la même façon par tous les rôlistes, c'est-à-dire en suivant tous les mêmes règles. Nous allons étudier en détail la genèse de cette erreur. La genèse de l'erreur : Si je me contente d'expliquer, à quelqu'un qui n'a jamais joué à un jeu de rôle, ce qu'est lesystèmede résolution de « Vampire : la mascarade », et quel en est l'univers, sera-t-il en mesure de jouer à « Vampire : la mascarade » ? Non, il en sera incapable. Pourquoi ? Parce que nous ne lui avons pas encore expliqué COMMENT jouer à Vampire. Lesystèmedu jeu reste non-dit, c'est-à-dire que le rôle de ce néophyte et des autres joueurs dans la partie n'est pas expliqué. (...)
Souvent, les rôlistes résolvent ce problème en invitant ce nouveau joueur à leur table. C'est ainsi, par la pratique, que le néophyte découvre et assimile le « véritable »systèmede Vampire. Cependant, c'est après cette première partie que le rôliste chevronné va souvent commettre une grave erreur s'il affirme en toute candeur, au joueur néophyte : « Et voilà. (...)
Celui qui vient de faire découvrir Vampire à un joueur inexpérimenté devrait lui dire : « Maintenant, tu sais jouer à Vampire : la mascarade » et, éventuellement, il pourrait ajouter : « La plupart des autres jeux de rôle que je connais ressemblent un peu à celui-là... ». Cette façon de présenter le jeu de rôle génère l'image d'unsystèmede jeu commun à tous les jeux de rôle, mais, en réalité, l'universalité de cesystèmeest totalement illusoire. Malheureusement, c'est par rapport à cesystèmeuniversel que les rôlistes déterminent si un jeu est ou n'est pas un véritable jeu de rôle. L'illusion d'unsystèmeuniversel commun à tout jeu de rôle : La confusion entre lesystèmede résolution et lesystèmede jeu explique l'illusion d'unsystèmeuniversel pour le jeu de rôle. Puisqu'une large majorité de rôlistes pensent, à tort, qu'un jeu de rôle est l'addition d'un univers et d'unsystèmede résolution, lorsqu'ils créent ou lorsqu'ils participent à un jeu de rôle, ils n'en expliquent jamais lesystèmede jeu propre à celui-ci : cesystèmepourtant fondamental reste non-dit. On pense naturellement que son interlocuteur connaît le mêmesystèmedu jeu de rôle que soi, comme s'il existait unsystèmede jeu universel pour Vampire, L5R ou Qin ! En réalité, les rôles des joueurs et du maître de jeu varient d'un jeu à l'autre, chacun proposant sa propre conception des différents rôles. Les rôlistes confondent souvent cesystèmeuniversel, censé être commun à tous les jeux de rôle, avec LE jeu de rôle. Cet universalisme illusoire se traduit par le fait qu'un jeu sans MJ est considéré, par certains, comme n'étant pas du jeu de rôle. Cela signifie que, pour eux, il n'existe qu'un seul jeu de rôle et que, dans ce jeu de rôle universel, il y a nécessairement un maître de jeu. C'est le cas du Grog, par exemple, qui ne référence pas certains types de jeux de rôle uniquement parce qu'ils n'ont pas de maître de jeu ou desystèmede résolution. Pour le Grog, il semble donc impensable qu'un jeu de rôle digne de ce nom ne confère pas à un joueur l'autorité propre à un maître de jeu. Heureusement, la fiche de « Break In The Ice » parue dernièrement sur le Grog laisserait à penser que leur politique est sur le point de changer. Je le crois, car les matelots du Grog sont de véritables passionnés qui ne devraient pas tarder à corriger leur erreur. De plus, il est fort probable que cette décision arbitraire ait caché la réalité d'un surmenage : les matelots du Grog sont surchargés de travail et sans doute craignent-ils de devoir un jour référencer beaucoup trop de jeux. (...)
La Fédération Française du Jeu De Rôle commet la même erreur que le Grog en créant une plaquette de présentation du jeu de rôle mettant en scène UNSYSTEMEDE JEU particulier et non LE JEU DE ROLE. En affirmant sur sa plaquette que le jeu de rôle se joue avec un maître de jeu, la FFJDR présuppose l'universalité d'unsystèmede jeu particulier. Elle exclut, sans doute avec les meilleures intentions du monde, tous les jeux de rôle qui se jouent sans maître de jeu. (...)
En un sens, ceux qui prônent l'existence des « jeux narratifs » ou des « story games » sont aussi victimes de cette illusion. Pourquoi « Footbridge » et « narrativiste.eu » considèrent-ils les jeux de rôle qui ont unsystèmede jeu différent de celui présenté dans la plaquette de la FFJDR comme des « jeux narratifs » ? (...)
En fait, ce qu'ils veulent laisser entendre, c'est que leurs jeux de rôle ne correspondent pas au seulsystèmereprésenté sur la plaquette de la FFJDR alors qu'en réalité, tous les jeux de rôle sont narratifs ! Quel que soit leursystèmede jeu, tous les jeux de rôle sont narratifs puisqu'ils cherchent tous à mettre en place une fiction imaginée et relatée par des joueurs. (...)
On ne peut concevoir un jeu de rôle dans lequel aucun joueur ne recevrait de pouvoir narratif. Le jeu de rôle n'est donc pas lesystèmeuniversel illusoire décrit sur la plaquette de la FFJDR : il est défini par le fait que, selon certaines règles, des participants créent, par la narration, une fiction commune, prenant toujours en compte ce que chacun a évoqué précédemment dans la partie. (...)
L'erreur, en fait, consiste à confondre une première expérience du jeu de rôle avec LE jeu de rôle, ce qui revient bien à universaliser un cas particulier. On a cru, à tort, que lesystèmedu jeu avec lequel on a joué la première fois était LEsystèmeuniversel de tout jeu de rôle. Mais la dénomination JEU DE ROLE n'est qu'une étiquette : elle ne s'applique pas exclusivement aux jeux dont lesystèmerepose sur le MJ-PJ. Le jeu de rôle est un concept et un concept ne se réduit pas à unsystème. C'est comme si l'on commettait l'erreur de dire : « Voici LA société » en parlant de notre seul modèle social. Notre modèle social n'est pas LA société, il n'est qu'unsystèmesocial particulier parmi bon nombre de systèmes sociaux possibles. Ainsi, que ce soient les matelots du Grog, la FFJDR, le blog de la Cellule, ou les tenants du « jeu narratif », nous avons tous une vision tronquée du jeu de rôle. Nous faisons des distinctions qui n'ont pas lieu d'être. Nous confondons le jeu de rôle avec unsystèmede jeu particulier : ce fameux «systèmeMJ-PJ » dont l'universalité est illusoire. En réalité, nous faisons tous du jeu de rôle : il n'y a pas d'un côté « LE jeu de rôle » et de l'autre des « Story Game » ou des « jeux narratifs » ! Tout au plus peut-on dire : « Voici un jeu de rôle dont lesystèmede jeu particulier encourage tels ou tels types de narration », mais, en aucun cas, il ne faut prendre unsystèmeparticulier pour LEsystèmedu jeu de rôle fondamental ! Et il ne faut pas entretenir ces clivages stupides ! Une autre conséquence de cette confusion : L'autre conséquence de cette erreur généralisée s'avère être l'incompréhension des rôlistes francophones à l'égard des théories de la Forge et tout particulièrement de l'idée selon laquelle « lesystèmeest important ». En fait, lorsque les francophones lisent cette théorie, ils en déduisent que lesystèmede résolution est primordial. Or, ce n'est pas du tout le propos défendu par les Forgiens. Ce que les Forgiens veulent dire, c'est que lesystèmeDE JEU est important mais non exclusif. En d'autres termes, si vous choisissez lesystèmeMJ-PJ pour votre jeu, c'est pour annoncer un propos particulier ou proposer une expérience originale à vos joueurs. Inversement, si vous proposez d'éliminer le maître de jeu pour mettre l'accent sur la narration, ce choix de « game design » aura des conséquences originales sur vos futures parties. (...)
Si vous souhaitez montrer la violence et l'horreur d'un combat réel dans un jeu de rôle dont toute action est par définition fictive (je pense au « Sombre » de Johan Scipion et au « Tenga » de Brand), ce n'est pas en vous contentant de spécifier que lesystèmede résolution est meurtrier que le message passera : il faut que les joueurs en soient convaincus. (...)
Cela peut paraître évident, mais en réalité c'est primordial. En faisant savoir aux joueurs que votresystèmede résolution est meurtrier, vous proposez unsystèmede jeu qui convainc les joueurs que, s'ils cherchent le combat, ils doivent s'attendre à mourir. En prévenant les joueurs du caractère létal du combat, ces jeux intègrent la notion de violence dans lesystèmede jeu. Ce ne serait plus jouer à Sombre si le maître de jeu refusait de tuer les personnages de ses joueurs ! (...)
Autrement dit, ce qui fait la force de ces deux jeux, Sombre et Tenga, c'est qu'ils intègrent subtilement la violence du combat dans lesystèmede jeu et non pas uniquement dans leursystèmede résolution respectif. Lesystèmeest important quand il porte non pas seulement sur lesystèmede résolution mais aussi, et surtout, quand il repose sur lesystèmeglobal du jeu. « Monsystèmede résolution est meurtrier » est une phrase dusystèmede jeu de Sombre. Si Jérôme et Johan ne prévenaient pas leurs joueurs de cet aspect létal du combat, le message qu'ils veulent transmettre ne passerait pas. C'est lesystèmede jeu qui est important, et le fait que lesystèmede résolution utilise des dés à 10 ou à 6 faces pour l'illustrer, par la suite, dans la fiction, est totalement secondaire. L'hermétisme du jeu de rôle : la pire des conséquences : Cette confusion, entre lesystèmede résolution et lesystèmede jeu, est aussi à l'origine d'un mal beaucoup plus grand : l'hermétisme du jeu de rôle. Si le jeu de rôle est souterrain et trop peu pratiqué (contrairement au Monopoly, aux Dames, ou au Football), c'est d'abord parce que rares sont les jeux de rôle qui nous disent clairement comment y jouer. Le jeu de rôle ne « donne » jamais ses règles. Les jeux de rôle francophones ne présentent presque jamais leurs systèmes de jeu. Ils offrent des systèmes de résolution, mais pas desystèmede jeu. Parfois, et pour faire simple, ils vont jusqu'à nous ramener à la plaquette de la FFJDR. D'ailleurs, à ce propos, Sens Hexalogie a encore bien des progrès à faire ! Je tiens à souligner que je suis le premier concerné par ce message même si j'ai, depuis, cherché à faire des efforts. (...)
Je pense, par exemple, que la discussion pour savoir s'il existe de bons ou de mauvais joueurs et(ou) de bons et de mauvais maîtres de jeu doit cesser. Elle n'a maintenant de sens que dans le cadre d'unsystèmede jeu particulier. Le bon maître de jeu est celui qui suit les règles d'unsystèmede jeu bien fait et il en va de même pour les joueurs. Cette discussion doit s'achever car elle donne l'illusion d'un jeu de rôle universel illusoire et élitiste pour lequel il faut être entraîné. (...)
Cette distinction entre bon et mauvais MJ condamne les débutants à éprouver de réelles difficultés pour aborder unsystèmeuniversel non-dit et illusoire. Cette discussion qui transmet l'idée que le jeu de rôle serait d'une pratique difficile et hermétique est donc vraiment mauvaise. (...)
Toutes les personnes qui affirment encore : « ça, ce n'est pas du jeu de rôle » devraient désormais bien réfléchir à ce qu'elles entendent par « jeu de rôle » et cesser de confondre ce type de jeu avec lesystèmedu MJ-PJ. Ce n'est qu'à cette condition que nous pourrons diffuser nos messages sur tous les médias, sans user de termes obscurs comme « maître de jeu » ou « initiation » et ainsi, peut-être, sortir de l'ombre. (...)Il faut changer de point de vue sur les règles du jeu de rôle. Les créateurs de jeu de rôle confondent souvent « système de jeu » et « système de résolution ». Or, le système d'un jeu est beaucoup plus qu'un système de résolution. En fait, le système de résolution n'est qu'une partie infime du système de jeu et, bien souvent, les rôlistes ignorent ce qu'est le système de jeu. Le système de résolution, c'est l'ensemble des règles et des pratiques qui permettent de résoudre des conflits ...