Ciel et Terre
sur Chaodisiaque au format
Le maître du vent. Je m'appelle Ciel Noir. Je ne suis qu'un homme. Le sang qui coule dans mes veines n'est pas celui des dieux, ni celui des dragons, il me permet juste d'animer ce corps, de pousser cette charrue qui creuse son sillon pour m'offrir de quoi me faire vivre, de parler, et parfois, faire naître un sourire sur le visage de ma femme. Ce village est petit, si petit qu'il ne porte pas de nom, à peine une centaine de paysans l'animent, survivant avec moi, leurs âmes revêtues ...Contient : princesse (86)(...) Mon coeur manque un battement avant de se mettre à battre la chamade. Je serre les dents et referme les poings dans la terre froide. Le garde se retourne vers laPrincesseBleue. A nouveau, la voix caverneuse : - Montrez nous ça. - Ciel ! Je me lève, gardant le poing fermé. Furtivement, je croise le regard de laprincesseet celui de Pigeon et une vieille sensation s'empare de mes tripes, et les attache comme un noeud coulant autour de mon esprit. (...)
Je la saisis par la main, elle fait quelques pas et elle s'agenouille, front contre terre devant laPrincesseBleue. - L'estropié est en bonus ? Le ton est railleur. Je fais non de la tête. Il rit. - Relève-toi ! Dit l'un des gardes. L'un des gardes émet un sifflement approbateur. Un autre ricane. LaPrincesseBleue reste silencieuse, mais quand elle s'approche de Brume, tout se fait silencieux. Elle saisit Brume par le menton, de deux de ces doigts blanc, minces et fuselés, doux et fermes. (...)
Des morceaux de bois viennent se ficher quelque part dans ma chair tandis que des morceaux de chariot, des restes de récolte et d'OEil Vert retombe autour de moi. Le Seigneur des Hauts Vents ? - Assez ! Je reconnais la voix. Je me redresse douloureusement. LaPrincesseBleue se tient devant moi, des éclairs crépitent le long de son épée de jade bleue dégainée. (...)
Je me jette sur le garde et l'acier de son armure attire littéralement la foudre. Mes mains sont brûlées, mais lui-même n'est plus qu'un tas de cendre. Dans le regard de laPrincesseBleue, je lis de la surprise, de l'admiration peut-être. Elle lève à nouveau sa lame mais Boeuf, surgit par derrière, est sur elle. (...)
Elle laisse échapper un cri de surprise. - Fout le camp ! Va au village ! La lumière qui émane de laPrincesseBleue n'est même pas son vrai pouvoir, ce n'est qu'une émanation, un résidu, mais elle suffit à faire griller Boeuf comme un quartier de viande sur une pierre à cuire surchauffée. (...)
Ils croyaient que nous nous laisserions égorger comme des porcs, et ils en ont eut pour leur argent. Un, deux, trois. Pas mal. Je ne crois pas que laPrincesseBleue soit morte. Boeuf était déjà affaiblis, et les Exaltés sont infiniment plus résistant que les mortels, le Seigneur des Hauts Vents vivait déjà du temps de l'arrière grand-père de mon grand-père, et on dit que leurs membres et leurs organes repoussent comme ceux des démons et des dieux, rien ne me pousse à croire que laPrincesseBleue est différente de son père. Pour l'heure, je suis même surpris qu'elle ne m'ait pas rejoint. (...)
Ma blessure à l'épaule se referme lentement, mais celle au flanc reste mauvaise et me lance des dards de douleurs qui s'enfoncent dans mes entrailles. J'entends Boeuf m'appeler au loin, comme un écho. La voix de laPrincesseBleue lorsqu'elle s'excuse. Je ris. Peut-être suis-je en train de perdre la raison. Marcher dans la plaine est pénible : on n'a pas l'impression d'avancer. (...)
Le soir tombe lorsqu'un grondement similaire à celui du tonnerre roulant dans la plaine m'avertit que laPrincesseBleue m'a retrouvé. Ce n'est encore qu'un sombre nuage de poussière dans la steppe, rampant à toute vitesse sur l'horizon rouge sang, tel un monstre cyclope, dont l'oeil serait une étoile projetant une lumière bleutée. (...)
Maintenant je les entends si bien que je peux évaluer leurs nombres, cinq, peut-être six chevaux et autant de cavalier, lorsqu'ils s'arrêtent, j'entends le cliquetis de leurs armures de maille. Une voix féminine, claire et dure aboie un ordre bref. LaPrincesseBleue. A son ordre, les gardes descendent de cheval comme un seul homme. Ils sont proches à présent, de l'autre coté de la butte. (...)
Pas d'étoiles dans le ciel et c'est une bonne chose. Je reste éveillé mais ne bouge pas, la nuit, les bruits portent plus loin et les hommes de laPrincesseBleue restent sur leurs gardes. J'écoute leurs discussions, leur feu craquer et sent l'odeur de la nourriture envahir le site comme une présence invisible et séductrice. (...)
Ils parlent de moi, de Boeuf, et de ceux que nous avons tués. Leurs voix sont pleines de vengeances, mais teintées de peur. LaPrincesseBleue reste silencieuse, et nul ne lui adresse la parole. Quand à moi, j'attends que les esprits des morts s'emparent de moi ou de mon esprit. (...)
J'ai une chance de le prendre par surprise, en tout cas j'entretiens cette illusion jusqu'au moment où j'aperçois sa silhouette, projetée par la lumière du feu, une silhouette de femme. La silhouette de laPrincesseBleue. Je serre les dents. Elle passe devant moi, silencieuse, revêtue de son armure, l'épée dans son fourreau. (...)
Puis sa cape claque au vent lorsqu'elle se retourne et s'en va, calmement, comme un vent de printemps qui tourne, sans dire un mot, sans un avertissement. Rien ne traverse mon esprit. Je suis prêt à tout. Rien ne se passe. J'entends juste laPrincesseBleue s'installer, s'asseoir. Je reste éveillé, attendant à nouveau, je ne sais quoi. Le lendemain matin, avant l'aube, ils repartent vers l'une des failles, dans le nuage de poussière dans lequel ils sont venus, et je vis toujours, sans savoir pourquoi. (...)
Dans mon sommeil, je rêve du village : plus d'une fois, je revois Boeuf Assoiffé lentement grillé dans l'étreinte mortelle de laPrincesseBleue, le sourire de mon fils, Aube Grise me tend les bras, je l'enlace, et je brûle à mon tour. (...)
Une sueur froide me glace l‘échine. Hakka a été fou de me sauver. Je repense au regard du Héraut, au pouvoir de laPrincesseBleue, du Seigneur des Hauts Vents et du Trône d'orage. La panique manque de me submerger, puis je m'assieds au fond de la yourte, ferme les yeux, incapable de penser. (...)
Sa main menace à chaque instant de la déchiqueter. - Je comprends, c'est toi qui as fait disparaître laPrincesseBleue... n'est-ce pas, Anathème ? Je fronce les sourcils. - Non, dis-je. Des bêtes hennissent et bêlent de terreur alors que les flammes les menacent. (...)
J'aperçois une pénombre bleutée tout au fond, quelque chose fait de la lumière. Je pense soudain à l'aura de laPrincesseBleue, mais la lumière est plus diffuse, plus douce, plus bleutée. La chute est interminable, la vitesse effroyable, et les parois s'étrécissent à nouveau, mais faites d'une glace bleutée étrange, je tente de l'attraper malgré tout pour tenter de me ralentir. (...)
Lorsque son regard croise le mien, c'est celui de ma mère, lorsqu'elle marche, elle possède l'allure altière de laPrincesseBleue, et lorsqu'elle parle, la voix de Brume. Je sens la douleur s'agiter en moi comme un chat écorché vif. (...)
Non loin d'elle, une créature étrange, siège à quatre pattes, un plateau de nourriture fumante posée sur un dos recouvert d'une laque bleue. - Votre repas. Le ton de laPrincesseBleue, distant mais respectueux. - Merci. La bête se traîne humblement jusqu'à moi. Je me nourris d'un repas délicieux autant qu'étrange, de petit lapin à six pattes ailés dont le goût m'évoque celui du poulet. (...)
- Aewyll... Je suis désolé. Ma voix est hésitante. - Je sais. Ce n'est pas important. Toujours le ton de laPrincesseBleue, mais la voix d'Aube Grise maintenant. Troublant. Il me vient soudain une idée plus étrange encore. (...)
- Je ne comprends pas. - Ce n'est pas important. Toujours la voix d'Aube Grise, toujours le ton de laPrincesseBleue, et toujours cette douleur sourde dans ces propos. - Ca l'est pour moi. Elle reste silencieuse un instant. (...)
Visitons les lieux. Elle s'arrête, sur son visage, de la surprise. Exactement la même que celle de laPrincesseBleue lorsque je me dresse face à elle. Ma raison gémit silencieusement, et cet autre-moi même pousse un étrange rugissement victorieux. (...)
Toi et les gens de ton village, n'avez vous pas conclu une alliance avec le Maître des vents et sa fille, laPrincesseBleue pour vous protéger de moi ? Je reste silencieux. Je guette le fleuve de pouvoir revenus en moi, et m'apprête à le relâcher dans une attaque fulgurante, mais ces créatures. (...)
Je tente de réfléchir, de me départir de cette impression irréelle qui me hante depuis le début de cette conversation. Un regard sur Aewyll, elle m'envoie un regard plein d'ambiguïté, celui de laPrincesseBleue. - Je dois réfléchir, dis-je. - Je te comprends, mais sache, quoi qu'il arrive, que cela ne se fera pas d'un claquement de doigt, et nous y laisserons sans doute la vie dans la tentative, mais cela vaut mieux qu'une vie d'éternel fugitif suivie d'une mort anonyme. (...)
Non, juste Aewyll. Aewyll qui me regarde avec un l'air de préoccupé de Brume, et la noblesse altière de laPrincesseBleue. Je suis si surpris que je ne lève même pas la main quand la sienne jaillit et saisit mon épaule. (...)
Je me retourne. Aewyll hoche la tête vers le bloc de glace, de la même façon doucement autoritaire que laPrincesseBleue. Je m'approche, redoute le piège, mais il y a quelque chose derrière la neige qui recouvre la glace, dans la glace elle-même, quelque chose de vaguement familier. (...)
Elle rit, un rire qui a quelque chose de cruel. - Tu en auras bien besoin, c'est vrai ! La voix est celle de laPrincesseBleue, mais le ton est celui d'Aube Grise lorsqu'elle me raillait dans nos disputes. - L'âme de ceux-ci est dévorée presque entièrement, mais ce n'est que ce qui attend les simples mortels. (...)
Je m'approche plus près encore du bloc de verre, et au milieu de la lumière éblouissante, j'aperçois une silhouette féminine à la crinière bleue, en armure d'acier, brandissant une épée de jade chargée d'un éclair figés pour l'éternité dans la glace telle une statue. Les mots du Hérauts me reviennent : « Tu as fait disparaître laPrincesseBleue... » - LaPrincesseBleue... - C'est elle.., dit-elle avec la voix de la Fille du maître des Hauts Vents. Il s'en sert comme trophée et comme source de lumière. (...)
- Lewellyn me tuera une petite dizaine de fois, dit-elle en souriant d'un air amusé, mais il ne me détruira pas, il a besoin de moi. - Et elle ? Je hoche la tête vers laPrincesseBleue. - Elle restera là jusqu'à la fin de sa vie, c'est une illusion, mais en même temps, c'est réel. (...)
- Tu n'aurais jamais dû fait cela, dit Lewellyn, et la porte qu'avait ouverte Aewyll se ferme avec un bruit assourdissant. « Tu n'aurais jamais dû la libérer. » Je me retourne vers laPrincesseBleue. Projetée non loin du mur, elle se redresse, l'aura d'énergie l'environnant soufflant comme un orage autour d'elle. (...)
Les fauves les plus proches explosent sous le choc, les suivants grillent littéralement, et les autres sont éparpillés en arrières comme autant de feuilles mortes balayées par le vent. LaPrincesseBleue se porte à mes cotés, les runes de jades bleus ont blanchies, contenant le pouvoir de l'éclair qu'elles semblent contenir. (...)
Sa voix est ferme, légèrement troublée. - Sortons d'ici. - Non ! Lewellyn. Sa meute de fauves blancs revient à la charge, laprincesseet moi nous défendons, et même mieux que ça, trois fauves s'approchent d'elle, leurs griffes ricochent sur un mur invisible en un bouquet d'étincelles aussi jolies qu'éphémères, puis perdent leurs têtes dans un geyser de sang blanc. (...)
Le choc tuerait un boeuf et l'enverrais par delà l'horizon, un influx de pouvoir, et il ne m'égratigne même pas mais l'impact me repousse en arrière, et mes pieds laissent deux larges sillons dans le sol alors que je m'échine à de rester debout. - Trop tôt. C'est laPrincesseBleue. Elle se porte à mes cotés, sourit et tue quelques fauves qui tentent de m'attaquer, ils me sautent dessus, elle les équarrit en plein vol, leurs morceaux retombent à terre dans une cascade de bruit sourd. (...)
Sa gueule se fait béante, elle me goberait d'un seul coup si le fleuve de pouvoir et du tonnerre ne m'animais pas et ne m'aidais pas à empêcher sa gueule de se fermer En un éclair, laPrincesseBleue bondit, non vole plutôt, et se pose sur la tête de la bête, son épée vient la frapper entre ses deux yeux, faisant voler des éclats d'écailles de glaces et neiges blanche. (...)
La langue du serpent vient me fouetter, je la bloque d'un pied contre sa gorge, et la bête se dresse, se ruant soudain vers le plafond, tentant de m'écraser. Je hurle un avertissement à laPrincessebleu. Elle se laisse tomber et se raccroche d'une main à la commissure des lèvres de la bête. (...)
Le rire de Lewellyn se fait inextinguible. J'en ais assez. Je bondis dans les airs, et les dents claquent de façon assourdissante. Laprincesseen profite pour coincer la gueule du monstre en plantant son arme à travers sa mâchoire. J'arme un coup de poing dans lequel je mets tout mon pouvoir. (...)
Lewellyn crie d'une voix de Stentor : - Aewyll ! A moi ! Et Aewyll vient, je lis dans son regard du regret, ses gestes sont ceux de laPrincesseBleue, mais elle leur prête une grâce inhumaine et une étrange naïveté. - « Je m'occupe d'elle » dis-je. - « D'accord, je m'occupe des fauves » répond laPrincesseBleue. Je fonce vers Aewyll, ses coups sont précis et rapides, mais manquent de puissance, elle m'évoque une danseuse infantile qui se battrait contre un rocher. (...)
(verbe transitif, pas de « se », le temps ralentit) Plus de limite, je forge mon propre destin... Je rugis, ma main saisit le col de Lewellyn, et le rejette vers laPrincesseBleue. Il vole vers elle avec la grâce d'une vache ivre lancée à pleine vitesse par une tornade. (...)
Je marche vers Aewyll, tente de la réveiller, elle grogne comme Aube Grise au réveil. - La couronne..., grogne-t-elle. - La couronne ! LaPrincesseBleue se tourne une fraction de seconde vers moi, une seule petite fraction de seconde, mais Lewellyn en profite. (...)
Chacun de ses mouvements possède la grâce des premières neiges tombant du ciel, mais chacun de ceux de laPrincesseBleue ont la rapidité de la foudre. La lame de Lewellyn laisse des traînées flocons de neige dans son sillage, des arcs électriques jaillissent et parcourent les deux lames à chaque contact, puis finalement, la lame de jade atteint le Duc de la faille à la tempe, elle lui aurait tranché la tête dans la longueur s'il n'avait pas détourné la tête. (...)
La lame percute la couronne, la brise en une pluie de glace prismatique, la lame continue son trajet et vient trancher l'avant bras de Lewellyn, qui glisse à terre lentement, dans une traînée de sang bleu. - Mon bras ! Mon bras ! Répète-t-il, MON BRAS ! Je me dirige vers lui tandis que laPrincesseBleue s'apprête à l'achever. Je veux lever une objection lorsque j'entends un bruit venant du plafond, une pluie cataclysmique en dégringole. LaPrincesseBleue et moi levons la tête, j'ai juste le temps de comprendre que le plafond se dissous, puis nous sommes engloutis par une cataracte monumentale. (...)
Au loin, j'aperçois un survivant, nageant comme un chien pour s'éloigner d'une aura de lumière d'azur. LaPrincesseBleue ! Le froid est polaire, je sens mes membres qui s'engourdissent, j'y envoie une coulée de pouvoir, et malgré la température, je remonte vers ce qui ressemble à la surface. (...)
Quand je l'atteints, je suis gelé mais vivant. Je m'accroche à un rocher et m'y hisse. Du coin de l'oeil, j'aperçois laPrincesseBleue sortir de l'eau, puis s'abattre sur le rocher, frigorifiée. Ma peau est gelée, mais le pouvoir me préserve, mais laPrincesseBleue, elle, tremble comme une feuille dans son armure : elle va mourir de froid, de l'autre coté de la berge. Pas après tout le mal que je me suis donné ! (...)
Elle ne m'a plus rien de familier, ni dans sa gestuelle, ni dans ses traits, mais sa beauté émerge de cette aliénation comme un diamant de désir et d'inhumanité brut. LaPrincesseBleue s'approche, s'assied, jette un regard vers la créature, puis vers moi. - Que vas-tu faire d'elle ? (...)
Aewyll reprend conscience avec la grimace d'une petite fille, gémit lascivement, d'une façon qui me perturbe tant et si bien que mes instincts virils s'éveillent instantanément, et se rendorment presque aussitôt, lorsque son corps tout entier semble se tordre étrangement lorsque sa perfection se revêt de ses amalgames de personnalités, de gestes familiers et de regards qui forment la somme de ce qu'elle est. A mes coté, laPrincesseBleue à l'air aussi déconcertée que moi. Aewyll ouvre les yeux, de la même façon la mère d'Aube Grise, brutalement, comme après un cauchemar. (...)
- Il est cassé, dis-je, il mettra du temps à guérir... - Non, dit-elle avec le même sourire doux et puissant de laPrincesseBleue, nous sommes toujours à la limite du monde, j'ai toujours du pouvoir. Elle se laisse tomber à genoux, saisit son bras comme un chiot nouveau né puis expire : son souffle devient une chair pâle et immaculée qui s'incorpore à son bras. (...)
Elle regarde la lumière du jour, à peine perceptible. - Par les dieux ! dit-elle, je n'y arriverais jamais ! LaPrincesseBleue est interloquée. - Vous avez des dieux ? - Seulement pour rire...répond Aewyll avec le plus grand sérieux. J'essaie d'ignorer les implications de leurs bavardages tandis que laPrincesseBleue remet son armure et que je remets mes vêtements, puis je réalise quelque chose en la regardant. (...)
J'ai récupéré du combat pendant que je me reposais, le pouvoir s'est à nouveau lentement accru en moi. LaPrincesseBleue récupère son épée et la range dans son fourreau qu'elle met dans son dos, se tourne vers moi. (...)
Cependant, par ma seule force, je me surprends à pouvoir me retenir de deux doigts sur des morceaux de roche froide et glissante, et je grimpe sans problème. Je me retourne pour regarder vers laPrincesseBleue pour savoir comment elle s'en tire, lorsqu'un courant d'air me frôle le dos et la nuque. (...)
De petits cailloux me tombent dessus et rebondissent sur nous tandis qu'Aewyll émet un rire étouffé de petite fille. - Tout va bien ? Voix inquiète de laPrincesseBleue dont l'écho se répercute sans fin à travers la faille. - Oui. Ma voix est plus hésitante que ma réponse. (...)
Je ne peux m'empêcher de rire aussi, plus doucement. - Recommence, me souffle-t-elle, et sa voix, celle de laPrincesseBleue, est douce comme un secret de harem. Je reprend mon souffle, le pouvoir vibre encore en moi, ricoche sans fin : Je saute à nouveau vers le haut, mais lorsque mon bond perd de sa puissance et que je ralentis, je me retiens de mes deux pieds sur un bout de roche irrégulier qui émerge de la paroi, et d'une poussée, me jette vers la paroi voisine, j'accomplis une culbute dans les airs sans difficulté, malgré Aewyll toujours dans mon dos, et me réceptionne sur mes deux pieds, creusant un petit cratère dans le mur lors de l'impact. (...)
Je m'enfonce dans le mur de trente bons centimètres. Le choc est rude, sans plus. A nouveau la voix de laPrincesseBleue. - Vous êtes sûr ? Il y a de l'amusement dans sa voix. Il y en a aussi dans la mienne. (...)
J'apprends à bondir avec une aisance démentielle. Je prends confiance en moi, apprend à ne pas redouter la chute. Aewyll et laPrincesseBleue m'initient : Saut périlleux, bond vertical, rétablissement improvisé. LaPrincesseBleue est la plus vacharde de mes deux enseignantes mais aussi la plus claire et la plus efficace. Aewyll, est comme une mère, comme une soeur, une femme ou une fille avec son vieux père gâteux, bref, Aewyll est comme Aewyll, et c'est bien le problème : aimante et aimable. (...)
Ses paroles sont des diamants qu'elle me fait avaler avec la douceur d'un été de tendresse, je les goutte, mais suis incapable de leurs donner un sens. Le sommet n'est plus loin maintenant. Je sens le vent et l'odeur de l'herbe. LaPrincesseBleue revient vers nous, se laisse retomber lentement avec un bruit métallique sur le balcon naturel formé par quelques rochers au dessus de nous. (...)
Ca a dû t'être d'une certaine utilité j'imagine. - Exact. Je garde le sourire et attends. Un moment passe, pendant lequel laPrincesseBleue et moi nous observons longuement. Finalement, Aewyll prend l'initiative. - Si vous voulez bien m'excuser. (...)
Le rire cristallin de Brume, qui n'est pas le sien, me répond. - On dirait que la déduction n'est guère ton fort... Sourire moqueur de laPrincesseBleue. Je soupire. - Je suis un foutu paysan, pas un sorcier ! Je commence à avoir la tête qui tourne, aussi, je prends mon élan, bascule, et fait un saut périlleux dans le vide, sur place, si rapide et puissant que je ne me reçois qu'au deuxième tour, mes mains se raccrochent si fortement dans la roche qu'elle explose. Le sourire de laPrincesseBleue s'accentue. Lorsque je me hisse sur son « balcon », j'aperçois ses dents, jolies, très blanche. (...)
Son regard doux et moqueur, souvenir de petite fille espiègle de mon village disparut, rencontre le mien. - Vous en avez mit du temps ! Je souris. Savoure l'air frais et la caresse du soleil tandis que laPrincesseBleue jaillit et se pose gracieusement à mes côtés. - Que fais-t-on maintenant ? demande Aewyll. (...)
Une étrange sensation s'empare de moi, ainsi qu'un froid relatif, lorsque je me rends compte que mes vêtements princiers, qui ont pourtant survécus à des impacts d'une puissance sans nom, fondent et s'évaporent sous l'effleurement des rayons du soleil Je suis nu comme un verre. Je jure comme un charretier. LaPrincesseBleue se contente de hausser les épaules et hausser les sourcils. Aewyll éclate d'un rire frais et joyeux, lointain souvenir d'Aube Grise : - Les rêves ne font pas de promesses ! (...)
- C'est mon pouvoir, dit-elle, mon rêve, et il me supporte autant que je le supporte, toi, tu portes les rêves d'élégance d'autrui, des rêves de mortels, mais les rêves ne survivent pas longtemps dans ce monde. - Les choses du Beau Peuple survivent mal à Création, elles n'existent pas vraiment. C'est laPrincesseBleue, amusée par l'idée que j'ai du me balader nu pendant plus d'une semaine et je le suis aussi. (...)
Elle prend sa cape et me la tend, un sourire narquois aux lèvres. Je m'habille, puis me mets en route. Aewyll et laPrincesseBleue me suivent. - Comment fais-tu, pour faire passer l'essence, le pouvoir ? - Le don des Dragons, l'entraînement, et toi ? (...)
Je me sens comme amputé d'une partie de mon esprit. Je secoue la tête pour me débarrasser de cette impression, en vain. LaPrincesseBleue hoche la tête. Je décide de changer de sujet. - Que faisais-tu ici ? Si près de la faille ? (...)
Elle ouvre la bouche et la referme subitement, comme un poisson jeter hors de l‘eau. Le gloussement de Brume retentit dans la gorge d'Aewyll et laPrincesseBleue lui jette un regard tranchant comme le vent d'hiver. - Je suis venue chercher quelqu'un, dit-elle, mais qui que ce fut cette personne étais déjà morte. (...)
Il a attendu comme une araignée que tu te jettes dans sa toile. - Que vas-tu faire maintenant ? Ou vas- tu aller ? demande laPrincesseBleue. Je ferme les yeux et réfléchis, me rappelle un jeune garçon, qui croyait en la justice, et un autre, qui m'en parlait fréquemment. (...)
J'ouvre les yeux, le ciel est bleu encombré de nuage d'or, rose et blanc. Je peux sentir les étranges perturbations de l'air qui accompagne laPrincesseBleue partout où elle va. Elle doit être toute proche de moi, un peu derrière, maintenant. (...)
Trop proche de moi, elle ne le voit pas venir et se plie en deux lorsque l'impact lui coupe le souffle. Il assommerait un boeuf, mais c'est une exaltée engoncée dans une armure de plate, c'est laPrincesseBleue, et je le sais. Je la saisis par les épaules pour qu'elle évite de tomber et je lui assène le coup suivant, frappe du coude à l'arrière du crâne, comme un coup de marteau. (...)
Je l'allonge doucement à terre, sans quitter Aewyll du regard. Cette dernière a le regard de Brume et le sourire tranquille de laPrincesseBleue. Je m'approche d'elle, laisse à nouveau le pouvoir s'écouler dans mon corps pour m‘en faire une armure intérieure. (...)
- On dit que le Beau Peuple ne rompt jamais une promesse. - C'est vrai, dit Aewyll. . - Je sais. Promets-moi que tu protègera laPrincessebleue, tant qu'elle ne lèvera pas la main sur toi. Elle sourit. - C'était évident, dit-elle, si clair, elle n'a rien vu venir. (...)
Son regard caresse mon corps plus intimement que n'importe quelle amante, avec plus d'affection cette mère que je n'ai jamais vraiment connue. Je ferme le poing. La voix de laPrincesseBleue s'échappe de la bouche d'Aewyll. - Je te promets de veiller sur elle, et de ne pas lever la main sur elle tant qu'elle ne me nuira pas d'aucune manière. (...)
La faim et le froid ont beau me saisir, cet instant d'étrange intimité me pousse en avant comme le rêve fiévreux d'un dément amoureux. La cape de laPrincesseBleue, qui me sert d'unique vêtement, flotte sous l'effet du vent qui pousse un hurlement sans fin que je me surprends à apprécier. (...)
Je connais bien la région, aussi trouver une source pour remplir ma gourde n'est pas trop difficile, néanmoins je me rationne. Je me couvre de la cape de laPrincesseBleue pour dormir la nuit, une merveille qui semble imperméable à l'humidité et qui me fait faire l'économie de mon pouvoir pendant le jour. (...)
Cette créature ailée parlante me fait me poser des questions sur la façon dont il me trouve : sorcellerie, assurément, mais encore ? Pendant ma marche à travers les bois, je me mets à penser à laPrincesseBleue. Je me demande si elle est encore en vie. Si elle a rejoint son père. J'espère que non. (...)
Visiblement courageux, il trouve la force d'ouvrir la bouche pour faire autre chose que hurler. - Que...que voulez-vous ? Je suis à nouveau nu comme un ver. Je me demande comment font laPrincesseBleue et son père. - Tes vêtements pour commencer, dis-je, et le Temple du dragon pour finir. (...)
Le Seigneur des Hauts Vents ne profère pas un mot, à peine pose-t-il ses mains sur les épaules de deux de ces hommes. Je hausse un sourcil, et soudain, me souviens de laPrincesseBleue, de sa main et de la force qu'elle m'a transmise par ce geste. Je dois faire vit et fort. (...)
Je serre les dents lorsque la douleur me traverse en deux éclairs rougeoyants. Mauvais. Ils sont capables de me blesser. Le Père de laprincessebleu recule avec la grâce des vents dont il est le maître, et un scintillement métallique et effilé s'échappe de sa main vers moi dans un sifflement. (...)
Je me retourne vers eux et je domine le hurlement des vents d'une voix forte : - Je n'étais venu que pour votre maître ! Vous avez vu ce qui est arrivé à ceux qui se sont interposés. LaPrincesseBleue viendra bientôt, elle prendra sa place ! En attendant, veillez sur ce lieu, mais faites souffrir qui que ce soit, tuer qui que ce soit, et cette fois, je reviendrais pour vous ! (...)
Je ne compte pas revenir dans cet endroit maudit. Je veux l'oublier. Mais il y a des gens et lorsque laPrincesseBleue reviendra, j'aimerais qu'elle retrouve un endroit qui possède encore un peu de décence. (...)