Ciel et Terre
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Le maître du vent. Je m'appelle Ciel Noir. Je ne suis qu'un homme. Le sang qui coule dans mes veines n'est pas celui des dieux, ni celui des dragons, il me permet juste d'animer ce corps, de pousser cette charrue qui creuse son sillon pour m'offrir de quoi me faire vivre, de parler, et parfois, faire naître un sourire sur le visage de ma femme. Ce village est petit, si petit qu'il ne porte pas de nom, à peine une centaine de paysans l'animent, survivant avec moi, leurs âmes revêtues ...Contient : regard (137)(...) Le temps d'avant la contagion, où chaque homme vivait tel un prince, où les dieux écoutaient encore les prières des hommes et où les morts reposaient en paix, où la beauté ne signifiait pas si souvent aussi la terreur. Ces histoires, je les transmettrai le jour venu à mon fils, lorsqu'il apercevra dans leregardd'une femme le même feu que j'ai perçu dans celui de la mienne. Ma femme, Aube Grise, est une petite créature auregardgris, dont la flamme est trop souvent éteinte par la fatigue, ses cheveux sombres grisonnent prématurément sous le poids de la fatigue et des ans. Des taches de rousseurs sur son visage, un sourire rare et précieux comme le diamant. Mon fils lui ressemble beaucoup, mais sonregardest plus inquiet, plus nerveux. Je l'ai nommé Brin d'Herbe : il en a toujours un dans la bouche, qu'il mâchonne nerveusement. (...)
Il s'approche, sa capuche relevée sur sa tête. Il est gros, grand et glabre, avec des mains comme des battoirs et unregardde taureau qui cache une avidité qui n'à rien à voir avec la soif naturelle. C'est le chef de ce qui nous sert de garde, même si ce n'est pas le meilleur guerrier du village. (...)
Je tente de frotter la boue sur mon visage avec ma manche : peine perdue, il y a plus encore de boue sur ma manche que sur mon visage. - Qu'est-ce qui t'amène ? Boeuf Assoiffé regarde autour de lui. Il jette unregardsur la charrue, sur ma femme et mon fils : mauvais présage. - Le Héraut est là, dit-il.RegardVif veut tenir conseil. L'hiver, la plaine est blanche rude et froide. Chaque année, avant la plus longue nuit de l'hiver, chaque homme du village égorge une bête pour en recueillir le sang, le mettre dans un bol et le laisser dans l'autel familial devant la maison après une prière. (...)
Je suis moi-même un ancien, mais je n'ai pas trente printemps. Il faut dire cependant que peu d'entre nous survivent jusqu'à leurs cinquante ans.RegardVif est un Homme sage, il lit l'avenir dans les étoiles, les entrailles des bêtes et d'autres choses du même genre. (...)
La fièvre va faucher des vies et la famine est presque assurée mais le Seigneur des Hauts Vents ne voudra pas une part moins grande que le minimum auquel il est habitué, alors, les anciens du village tiennent conseils. Moi, Boeuf Assoiffé,RegardVif, Nuage Bleu, Flocon Amer, Pigeon Fou et Cuillère d'Argent formons notre petit conseil de survivants. (...)
C'est Pigeon Fou : Un petit bonhomme à la peau ridée dont les dents se bousculent de manière anarchique dans une bouche perpétuellement souriante. Sonregardde fouine louche et il est maigre comme un clou. Sa famille entière lui ressemble. La plaine fait rarement de cadeau, et la seule raison pour laquelle ils survivent est son sens inné de la solidarité, certains diraient de l'opportunisme. (...)
Quelques rires nerveux accueillent la plaisanterie mais nous savons tous que certains de nos parents y ont été contraints la génération précédente. Flocon balaie les rires d'un geste de la main. -RegardVif, qu'as-tu vu ?RegardVif est un homme auregardperçant, aux cheveux sombres et aux tempes seulement argentées malgré ses cinquante-quatre ans. On sait que ses divinations sont relativement efficaces, qu'il vit avec sa fille, qu'il s'agit d'un homme et qu'il vit dans la hutte en dehors du village. Tout le reste réellement n'est que rumeur. (...)
Je veux dire, c'est ma meilleure pondeuse et je l'ai pas vue de toute la journée et... Nous sourions silencieusement. Flocon interrompt Pigeon d'unregardglacial. Pigeon Fou est le seul à pouvoir se permettre ce genre plaisanterie avecRegardVif, mais il n'est pas intelligent de courroucer un homme dont on dit qu'il possède une ascendance divine. - Reprend.RegardVif reprend. - Le Seigneur des Hauts Vents peut être contenté, mais cela aura un prix... Nouveau grognement. (...)
Ce dernier fume depuis qu'il a huit ans. Ces derniers temps, il est souvent pris de toux et les remèdes contre la grippe deRegardVif ne semblent pas faire effet. Bientôt, il aura sans doute un ancien de moins. - On ne peut pas payer ? (...)
Cuillère d'Argent est l'homme le plus riche du village. Ce qui ne signifie pas grands chose pour le Seigneur des Hauts Vents. - Non, ditRegardVif. Nous ferons oublier son appétit en en comblant un autre. Nous nous regardons tous. Nous savons de quoi il parle. (...)
- Comment allons-nous faire pour choisir ? Demande Boeuf Assoiffé. - C'est au Héraut de décider, non ? Dis-je. - Non, disRegardVif, c'est déjà décidé. Sa voix est rauque, brisée. Nous le regardons tous. Tout à coup, on pourrait couper l'ambiance au couteau. - Qui ? Comment ? Demande Flocon. Quelque chose brille au coin des yeux deRegardVif. Il retient ses larmes et parcourt l'assistance duregard. Je remarque sa main qui tremble. La porte s'ouvre brutalement. La lumière pâle du jour entre dans la pièce et découpe la silhouette trop familière du Héraut : un mètre quatre vingt, bien que mince, son armure ancienne fait penser étrangement à la carapace d'un insecte, un mille-pattes. (...)
- Un arrangement a déjà été conclut. » Voix chuintante du Héraut. « Brume sera l'élue. » Brume est la fille adoptive deRegardVif. On murmure qu'il la prise autant comme fille que pour femme. La tradition interdit aux hommes commeRegardVif de prendre femme parmi les familles du village. Brume avait perdu sa famille dans des conditions si étranges que personnes n'avait voulut d'elle à partRegardVif. Le Héraut lui ôte sa seule famille. Je suis soulagé qu'il n'ait pas choisit Aube ou Brin, et écoeuré par mon propre soulagement. (...)
La porte se referme brutalement, nous replongeant dans la pénombre. Nous restons silencieux. Nos regards évitent soigneusementRegardVif mais il est impossible de ne pas entendre ses sanglots. Pluie et orage. Tonnerre et éclairs. (...)
- On dit qu'il y aura un sacrifice cette année... J'interromps ma mastication, regarde Brin, jette unregardà Aube. Ils sont inquiets. - Brume, dis-je. Le Héraut la veut. Il n'y en a pas d'autre. - C'est la seule fille deRegardVif ! Il va la livrer ? Soudain, je me rends compte que Brin n'a que 12 ans, et qu'il n'a jamais vraiment connu le sacrifice. (...)
- Pas assez, crois-moi. Le Seigneur des Hauts Vents pourrait raser ce village en un instant s'il voulait.RegardVif sait juste avoir les messages que les étoiles veulent bien lui donner. - Mais le Héraut.. (...)
Moi, Boeuf, Pigeon Fou et trois de ces plus vieux fils avions retrouvé le caravanier : Il a fini comme Chêne et sa famille, accroché à un arbre esseulé, ses biens furent partagés entre les anciens et leurs familles. J'essaye de dire quelque chose qui reste bloqué dans ma gorge. Leregarddu caravanier en train de fixer son sang qui jaillit de sa gorge par à-coups bouillonnant, d'un air incrédule et horrifié. (...)
La main d'Aube grise la couvre doucement, sa caresse est apaisante comme la lumière des étoiles, sa main enfermant la mienne comme un écrin de douceur. Sonregardà la couleur de matin d'hiver, calme et grave, me fixe. - Tu escorte Brume et le tribut demain ? Je jette unregardsur le feu mourant. Dernière source de lumière, sauf lorsqu'un éclair illumine le monde l'espace d'un instant. (...)
Au croisement de la route j'ai croisés Pigeon Fou et Boeuf Assoiffé, ainsi qu'OEil Vert, Chien Enragé, et Rude Automne, l'un des fils de Flocon et le chariot. Nous nous sommes rendus chezRegardVif. Il habite un trou aménagé et creusé au flanc d'une butte couverte d'herbe depuis bien longtemps. (...)
A l'entrée, des talismans, d'étranges lettres dans des langages anciens, forgés en fer froid, sont littéralement cloués dans les rares poutres en bois qui soutiennent l'entrée. Brume est sortie, accompagné deRegardVif, silencieusement. Les phalanges du Shaman étaient blanches, crispées sur les poignets de sa fille. (...)
Brume : Petite femme à peine sortie de l'enfance, gracieuse, les cheveux bruns, les yeux bleus, la peau pâle et leregarden permanence concentré sur quelque chose qui perpétuellement nous échappe. Nous avons regardé ailleurs lorsqu'elle est montée dans le chariot avec le reste du tribut. (...)
- La fille ? Sans un mot, Boeuf soulève la bâche couvrant l'entrée du chariot, révélant la fille deRegardVif, nerveuse. Le Héraut s'approche et les étranges tentacules couvrant leregarddu Héraut s'anime dans un chuintement humide et obscène, s'écarte, et révèle une lumière verte, emplie d'une rage contenue. Cette lumière, je l'ais déjà vue avant. (...)
Je sens quelque chose s'agiter en moi, inquiétude et colère. Soudain je me souviens de Brume et jette un coup d'oeil dans sa direction. Sonregardest terrifié puis surpris lorsqu'il se tourne vers moi. J'ignore ce que reflète le mien. Quelque chose s'agite à nouveau en moi, j'ignore quoi, je n'aime pas ça et je rabaisse la bâche entre nous. Nous repartons. Je jette unregardvers mon village, encore plus petit vu de loin. Je revois les visages d'Aube Grise et Brin d'Herbe, les chassent de mon esprit et fixe la piste qui file devant nous à travers la plaine balayée par le vent. (...)
Brume reste silencieuse et je la garde à l'oeil : « les gens qui ne disent rien n'en pense pas moins. » est un dicton de ma région. Et la fille deRegardVif reste trop silencieuse. - On dirait que le Seigneur des Hauts Vents nous protège, dit Pigeon Fou en sortant une balalaïka. (...)
- Ouais, un élu de Mela, le Divin Dragon immaculé des airs et du vent, il a été élu pour régner sur le monde, protéger les mortels contre les Anathèmes et le Beau Peuple tandis que les dieux vivent dans leurs demeures Célestes. Pigeon Fou part d'un rire hilare. Il n'a pas l'air d'y croire lui même. Rude porte unregardfasciné sur Pigeon. Sa curiosité a été éveillée. - Tu as déjà vu un Anathème ? Un membre du Beau Peuple ? (...)
Ils sont la mort, sous une forme ou une autre, mais tu en sais beaucoup pour un humble paysan, Pigeon Fou. » C'est Brume. Nous nous retournons vers elle. Elle ne nous rend pas notreregard, elle observe le feu, et soudain je me souviens qu'elle est la fille deRegardVif, le Shaman de notre village, notre médiateur entre les dieux et nous. Pigeon Fou reste comme nous, pétrifié, un long instant. Puis leregardde Brume croise celui de Boeuf, et elle baisse les yeux. Boeuf grimace, cherche quelque chose dans son sac, en ressort une petite fiole d'alcool qu'il se met à téter comme un bébé. Leregardde Pigeon Fou s'écarquille en voyant ça. - Partage un peu ta bibine, Boeuf ! Dit-il. Boeuf sourit. (...)
- Franchement.., dit Pigeon, tout bien considéré, je ne sais pas. Parfois, je regarde autour de moi et... Sonregards'assombrit. Il n'ose pas continuer mais je devine ses pensées : On raconte que les vents de la nation rapporte au Seigneur tout ce qui se dit sur lui (qui lui ? (...)
OEil Vert a fait mine de continuer. Je l'ai arrêté d'une main. - On ne va pas plus loin. C'est foutu. Il m'a jeté d'unregarddéçu et inquiet. Nous sommes resté un long moment là, moi à fixé le buisson blanc, lui, à regarder les traces par terre. (...)
Puis elle vomit un souffle de brouillard gluant, gris et glacé sur lui, tout en me regardant de sonregardrouge sang. Je dégaine mon épée et je bondis. Près d'elle, l'air est si froid que ma lame se couvre de givre et vole en éclat lorsqu'elle frappe entre ses deux yeux. (...)
on dirait de la glace... La panique perce dans la voix de Pigeon. La panique perce dans mon esprit, dans leregardde Rude qui s'éloigne, effrayé. Soudain Brume est là, debout devant nous. - Laissez-moi vous aider ! Nous la regardons un instant. Pigeon et moi échangeons unregard. Je hoche la tête, nous n'avons rien à perdre. - D'accord ! dit-il. - Bien, il faut faire fondre la glace, réactivez le feu et suspendez-le au-dessus ! (...)
S'écrie Pigeon Fou ! - Oui, c'est un peu ça ! - Mais... Commence-t-il. Je l'interromps. - C'est la fille deRegardVif, elle sait ce qu'elle fait ! Ma voix est plus assurée que moi-même. Brume m'observe un instant, et elle me semble moins assurée que je ne le suis en réalité. (...)
Rude ne voit le monde que d'un seul angle : le sien. - Tu... tu es le meilleur guerrier du village, c'est la fille deRegardVif, c'est... c'est le destin, non ? - Le meilleur guerrier du village ? Qui t'a raconté ça ? - Pigeon... Flocon... tous les autres au village. Je me tourne vers lui, croise sonregard: un gosse. Flocon n'aurait pas dû nous l'imposer. J'aurais presque envie de le faire partir si je n'étais pas si sûr de l'envoyer se faire tuer ce faisant. Je soupire. - Reste ici. Je me retourne et pars vers le chariot. Quand Pigeon Fou voit monregard, il hausse les épaules l'air innocent, l'imbécile ! Je descends de mon cheval, et après l'avoir accroché au chariot, y grimpe d'un bond. (...)
L'endroit est exigu, empli de l'odeur des légumes, de viande séchée et d'épices. Elle est installée dans un coin, sur une caisse. Elle m'observe monter de sonregardperpétuellement préoccupé. Bourré de calmant, OEil Vert ronfle douloureusement. - Merci, dit elle. (...)
Je fronce les sourcils, m'installe. - Que veux-tu ? - Je veux savoir... as-tu déjà vu le Seigneur des Hauts Vents ? - Une fois.RegardVif aussi. Il ne t'en a pas parlé ? - Non, jamais. Depuis mes huit ans, je suis... j'ai été sa fille et sa femme, jamais son apprentie. (...)
Je réfléchis une fraction de seconde. - Nous les emmenons jusqu'au Trône d'Orage. Après, on n'en entend plus jamais parler. SiRegardVif ne t'a jamais prise comme apprentie, comment en sais-tu autant sur les Anathèmes ? - Tout le monde finit par en savoir quelque chose, et j'écoute, c'est tout. (...)
Je pense que le Seigneur des Hauts Vents te fera vivre mieux que tu n'auras jamais vécu jusqu'ici. Il te fera faire sans doute la même chose queRegardVif. - Il... Il... - Vas-y, parle. Sa voix est calme, lointaine. - Est-ce qu'il me battra aussi ? (...)
J'y cherche de l'hostilité, des arrières pensées, une menace, mais n'y trouve rien, je ne vois qu'unregardcalme et insondable. Elle ouvre la bouche pour rajouter quelque chose, mais je sors avant qu'elle ne dise quoi que ce soit. Je remonte à cheval. Je me méfie deRegardVif, et encore plus de sa fille. Les femmes ont cette façon de vous faire perdre votre résolution en quelques mots. (...)
Les hommes qui l'accompagne sont deux fois plus larges qu'elle, leurs visages et leurs corps massifs invisibles sous leurs armures de mailles et leurregardfroid occulté dans l'obscurité de leurs casques, armés de Hallebardes pourtant, il y a plus de pouvoir dans un seul geste de cette femme que dans un régiment entier d'entre eux. Belle, mince, presque frêle, leregarddistrait et triste, la crinière bleue, revêtue de blanc par dessus une armure d'argent étincelante, elle porte cette épée de jade aux proportions épiques. Elle pose unregarddistrait sur nous et nous dégringolons de montures pour nous jeter à ces pieds et mettre le front à terre. (...)
A nouveau, la voix caverneuse : - Montrez nous ça. - Ciel ! Je me lève, gardant le poing fermé. Furtivement, je croise leregardde la princesse et celui de Pigeon et une vieille sensation s'empare de mes tripes, et les attache comme un noeud coulant autour de mon esprit. (...)
Pour la première fois, sa voix retentit. - Ce n'est pas au Héraut de négocier ce genre de chose, dit-elle calmement. Sonregardest calme, douloureux. - C'est au Seigneur des Hauts Vents de décider s'il accepte votre offrande. (...)
Une colère froide me prend et me glace les veines. - Est-ce que ça change vraiment de l'habitude ? - La ferme, Ciel Noir ! C'est Boeuf. Je sens leregardd'un des gardes peser sur moi et je me tais et réprime l'envie de pleurer de rage et essaie de penser à Brin et Aube. (...)
Une lumière bleutée émane d'elle, ainsi qu'un souffle de vent tel que je dois faire un effort pour rester debout, balayant les derniers morceaux de bois, décrochant ma cape et l'envoyant disparaître dans le bois derrière moi. - Je suis désolée, dit-elle. Ce sera rapide. Des larmes se décrochent de sonregarddur et s'envole dans le vent. Je souri faiblement. Etrangement je suis calme. - Merci, dis-je. (...)
Je me jette sur le garde et l'acier de son armure attire littéralement la foudre. Mes mains sont brûlées, mais lui-même n'est plus qu'un tas de cendre. Dans leregardde la Princesse Bleue, je lis de la surprise, de l'admiration peut-être. Elle lève à nouveau sa lame mais Boeuf, surgit par derrière, est sur elle. (...)
Quelque part là-bas, j'entends Boeuf crier, sangloter, les implorations de Rude Automne. Je revois le sang du caravanier, sonregardexorbité, quelques autres, et Sillon. L'été était venu comme un coup de massue étouffant, l'année de mes treize ans. (...)
Je regardais mes parents trimer, suer, puis lentement sombrer dans l'épuisement et le délire. Mon père, d'abord, puis ma mère passa sous leregarddeRegardVif qui secoua la tête en me regardant d'un air malheureux. Avant de sombrer, elle m'indiqua un village voisin, où une caravane de marchand s'était arrêtée, où ils vendaient des médicaments. Je confiais mes parents à une vieille femme du village avant de partir, montant la vieille bourrique qui nous servait de cheval. (...)
Ils ne croyaient pas en ma victoire, ils venaient surtout s'assurer que tout serait fait de façon honnête. J'avais un couteau, Sillon avait son épée. Il avait plu la nuit précédente, l'enclos était boueux.RegardVif prit les dieux célestes à témoin pour le duel, histoire de sacraliser la chose et d'empêcher Caillou et ses potes d'intervenir. (...)
Lâchant son arme, il me repoussa sur le côté de ses bras pour me dégager avec ses dernières forces, mais il ne pouvait faire plus, et ses convulsions me rappelèrent celle d'un poisson en train de s'asphyxier hors de l'eau. Tous nous regardaient, silencieusement. Monregarda croisé celui de Sillon. Il ne pouvait plus parler mais sonregardparlait pour lui. Peur et tristesse. Le sang coulait à flot et il savait que c'était fini. Caillou a ouvert la bouche et levé la main, mais c'estRegardVif qui a parlé en premier : - Allez petit, la justice, jusqu'au bout. J'ai croisé leregarddur deRegardVif. Je me suis assis sur le ventre de Sillon, bloqué ses bras avec mes jambes, et d'un coup sec, j'ai planté mon couteau dans son crâne, il est mort les yeux grand ouvert. Une part de moi s'est perdue à jamais dans sonregard. Tout le monde nous regardait, tout le monde était silencieux. Puis les regards se sont tournés vers Caillou : Il avait enfreint une règle tacite dans le village, il le savait. (...)
Malgré les apparences, les buttes n'ont rien de naturel, ce sont des tertres élevés par les Aïnouks, nomades qui passent dans la région, ils y enterrent leurs morts, des gris-gris, ou d'autres choses, et parfois, tout cela refuse de rester où on les y a laissés. D'aprèsRegardVif, ce sont eux qui viennent se nourrir du sang lors du Solstice d'Hiver. Approcher de ces buttes est de la folie au mieux, un blasphème au pire, mais je ne veux même pas penser à l'alternative. (...)
Lentement, elle tourne la tête vers moi, si imperceptiblement que je ne comprends qu'elle m'observe que lorsque monregardrencontre le sien. Ce sont deux joyaux bleus de tristesses, contenu dans un bloc de froide détermination. Je soutiens sonregard. Puis sa cape claque au vent lorsqu'elle se retourne et s'en va, calmement, comme un vent de printemps qui tourne, sans dire un mot, sans un avertissement. (...)
Je manque de le dépasser car il ne reste rien, ou presque : effacé de la surface du monde, seule la butte deRegardVif est encore là, amoindrie, l'entrée disloquée et bouchée par un effondrement. Peut-être quelques poutres et pierres ci et là. (...)
Jaï et le vieux lui parlent. Elle hoche la tête docilement, mais je lis une intelligence douloureusement familière dans sonregard. Finalement, elle parle, sa voix est douce, calme et son accent vaut celui de Jaï. - Je m'appelle Mahe. (...)
- Je n'ai survécu à sa fureur que parce que je n'étais pas là lorsqu'elle s'est abattue sur mon village. Je ne peux rien pour vous. Vous êtes en danger. Elle traduit. Hakka sourit. Leregardde Jaï se fait froid. Il se remet à parler. - Hakka dit que cela n'à aucune importance, dit-elle. (...)
Tandis que des hommes et des enfants montent de petits chevaux et des chiens, mettant en bon ordre des troupeaux massifs de moutons et de chèvres. L'un d'eux me jette unregardméprisant. Je marche un peu, mais la tête me tourne rapidement. Jaï me garde à l'oeil. D'autres hommes m'observent, l'air méprisant, je les ignore. (...)
Je regarde l'horizon bleu baigné du soleil de l'après-midi. Le ciel est bleu, la plaine semble presque dorée tant il a frappé dessus. Je revois leregardd'Aube Grise. Je ferme les yeux si forts que cela me fait mal. - Tout va bien ? J'ouvre les yeux. (...)
Mon coeur bât à tout rompre. Une sueur froide me glace l‘échine. Hakka a été fou de me sauver. Je repense auregarddu Héraut, au pouvoir de la Princesse Bleue, du Seigneur des Hauts Vents et du Trône d'orage. (...)
La langue utilisée par les dieux, les esprits et les morts. Je ne la comprends pas, mais j'ai assez entenduRegardVif l'utiliser lors du Solstice d'hiver pour la reconnaître. Son ton est solennel, calme. Le ton du Héraut est celui dont doivent user les fleurs vénéneuses en enfer. (...)
Son visage se tourne vers moi, il n'a pas de bouche, pas de nez, juste cet amas de tentacules qui s'écarte devant son visage et qui laisse la lumière verte et haineuse me frapper. Je sens une chose plus massive que Création m'observer à travers ceregard, à la volonté indépendante du Héraut. Son pouvoir dévore avidement l'air qui nous sépare, tentant d'arracher ma peau, de dévorer ma chair. (...)
A la fin de la journée, lorsque j'émerge, je retombe sur la neige, et un peu plus loin, la craquelure large et sombre de la faille déchirant la terre. Piégé. Je fouille le monde autour de moi duregard: Personne. Nos ancêtres ont appelé cette chose la faille : et c'est bien ce que c'est, mais c'est un peu plus que cela : c'est une faille dans le monde des hommes, dans la Création tout entière. (...)
Nos regards se croise à travers le reflet un instant. Je crois apercevoir une lueur de reconnaissance dans sonregardcomme dans le mien quand soudain... ...Une fureur sans nom hurle autour de moi, les hommes meurent par dizaines, fauchés par une mort invisible qui les désintègrent dans un scintillement de lumière. (...)
J'arme mon coup lorsque soudain j'aperçois mon reflet sur les murs d'une machine de guerre de la taille d'une cité. Le taureau ailé est là, mugissant, leregardpareil au mien, plein d'un défi et d'une volonté sans faille.... La vision repart comme elle arrive, sans prévenir, le taureau ailé disparaît, s'estompe en se fondant dans l'aura de lumière qui m'enveloppe. (...)
Une voix aussi belle qu'un ciel bleu d'hiver résonne dans l'endroit. -Allons les enfants, C'est terminé ! Leregarddes monstres s'éteint presque, comme des ours somnolents sortant de leur hibernation. Un groupe d'entre eux s'écartent et une vibration continue parcours le sol à nouveau. (...)
Le pilier s'étire et bouge tel un serpent, les bêtes blanches s'écartent sans un mot, tandis qu'il m'entoure de ses anneaux, évitant de me toucher soigneusement. Leregardinterrogateur de Lewellyn est un feu froid et intense. Un mensonge me monte à la bouche : - Je m'appelle Soleil Bleu. Il sourit. La lumière de sonregards'intensifie. - Un mensonge ? Distrayant, mais futile, je suis un mensonge vivant mon ami, et nous sommes très doués pour nous reconnaître entre nous, crois-moi. (...)
Le ton est triste, mélancolique, et le choc est plus rude encore pour moi : Quelque chose de la mélancolie d'Aewyll me rappelle Aube Grise. Lorsque sonregardcroise le mien, c'est celui de ma mère, lorsqu'elle marche, elle possède l'allure altière de la Princesse Bleue, et lorsqu'elle parle, la voix de Brume. (...)
A mon réveil, la faim est là, en embuscade. Une odeur de nourriture aussi, et Aewyll. Elle se tient debout, respectueuse, avec le mêmeregardun peu effrayé que Brume jetait sur moi dans le chariot. La même présence qu'Aube Grise lorsqu'elle veillait lorsque Brin d'Herbe était malade. (...)
Aewyll se fait toute petite, me rappelle un souvenir d'une petite fille que j'ai connu étant gosse, morte d'une fièvre. Souvenir douloureux. Je m'en veux pour la douleur que j'ai perçue dans sonregard. La douleur de Mahe, que je n'ai jamais pu effacer. - Aewyll... Je suis désolé. Ma voix est hésitante. (...)
- Vous devriez prendre un bain, dit-elle. Lewellyn voudra vous voir. - Tu as raison. Attends-moi dehors s'il te plait. Unregardet un sourire malicieux, Ceux d'Aube Grise lors de notre première nuit. Je ne peux m'empêcher de sentir le sang me monter au visage en même temps que des souvenirs. (...)
Je tente de réfléchir, de me départir de cette impression irréelle qui me hante depuis le début de cette conversation. Unregardsur Aewyll, elle m'envoie unregardplein d'ambiguïté, celui de la Princesse Bleue. - Je dois réfléchir, dis-je. - Je te comprends, mais sache, quoi qu'il arrive, que cela ne se fera pas d'un claquement de doigt, et nous y laisserons sans doute la vie dans la tentative, mais cela vaut mieux qu'une vie d'éternel fugitif suivie d'une mort anonyme. (...)
Je m'approche, redoute le piège, mais il y a quelque chose derrière la neige qui recouvre la glace, dans la glace elle-même, quelque chose de vaguement familier... Je frotte la glace et rencontre unregardde terreur pure, figé dans la glace. Je recule, trébuche sur mon séant et m'éloigne sans pouvoir quitté ceregard, cet homme des yeux. Chien Enragé. En reculant, mon dos heurte un autre bloc, la neige qui le recouvre s'effrite et tombe, je reconnais l'homme dans celui-là aussi : l'un garde du Maître des Hauts Vents. (...)
Projetée non loin du mur, elle se redresse, l'aura d'énergie l'environnant soufflant comme un orage autour d'elle. Sonregardcroise le mien, unregardde froide détermination mêlée de surprise. - J'avais une dette, dis-je. Laisse-nous partir. - Je t'offre le pouvoir ! (...)
Je regarde autour de moi, je suis à peine surpris de constater que nous sommes toujours dans la même salle, malgré les trois plafonds que nous avons traversés. Leregardque Lewellyn nous porte est une chose étrange, avide, pleine de frayeur et d'admiration. Partout autour de nous, il y a encore une bonne trentaine de fauves blancs, prêts à nous dépecer. (...)
Ils n'ont aucune chance, mais leurs regards vides m'indiquent que ça ne les empêchera pas d'essayer. Lewellyn crie d'une voix de Stentor : - Aewyll ! A moi ! Et Aewyll vient, je lis dans sonregarddu regret, ses gestes sont ceux de la Princesse Bleue, mais elle leur prête une grâce inhumaine et une étrange naïveté. (...)
Je peux sentir mes cheveux se hérisser sur tout mon corps et quand je me retourne, les fauves blanc sont partout, ici et là, sous forme de monceaux de chair calcinée et fumante et parfois même de poussière noire. Lewellyn m'adresse unregardhautain. - Tu aurais pu tout avoir ! Tu n'auras rien ! Une porte est (apparaît) subitement derrière lui, et il se rue vers elle pour l'ouvrir, mais sa tirade lui coûte quelques secondes cruciales. (...)
Elle ne m'a plus rien de familier, ni dans sa gestuelle, ni dans ses traits, mais sa beauté émerge de cette aliénation comme un diamant de désir et d'inhumanité brut. La Princesse Bleue s'approche, s'assied, jette unregardvers la créature, puis vers moi. - Que vas-tu faire d'elle ? - Je n'en sais rien. Elle a sûrement ses propres projets. (...)
- Vas-y ! Me susurre à l'oreille Aewyll. - humm ? - Saute ! Imite là ! Je me tords le cou pour croiser sonregard. Je sens l'amusement dans sa voix, et le défi. Je m'appuie sur mes mains, je relâche le pouvoir et saute : Un bond sec, sans élan, qui me propulse une bonne dizaine de mètres plus haut sans effort. (...)
C'est le pouvoir élémentaire inscrit dans mon anima. - Ton quoi ? Elle m'aide à me hisser en me tendant la main, puis sonregardse fixe vers la sortie. - Mon anima, dit-elle. Quand l'essence, le pouvoir se déverse à flot, il évoque des formes fantasmatiques, tu ne les as pas vues ? (...)
- Eh bien, c'est la bannière de ton anima, un peu comme si l'essence révélait ton âme véritable. Je grogne. - Et ton... Anima, à du pouvoir ? Je croise sonregard, j'y lis de l'amusement. Elle sourit, prend de l'élan, son aura, son anima se déploie dans un souffle de vent, et elle s'envole une bonne vingtaine de mètre plus haut, presque à la sortie de la faille, atterrissant sur un rocher avec la grâce d'une plume. (...)
- Il disait que je suis un monstre, dis-je, mais je ne me sens pas ainsi. - Je comprends, je te crois, et je ne pense pas que tu en sois un. Je me tourne vers elle. Sonregardest doux et fort à la fois. - Pourquoi ? Les légendes... les histoires... - Ont été écrites par les vainqueurs, m'interrompt-t-elle sèchement, mais la vérité ne meurt jamais complètement. (...)
La neige longe toujours la faille, mais au-delà, il y a l'herbe jaunie par le soleil, qui ondule tranquillement, ses racines creusant tranquillement la terre et faisant bourgeonner un espoir printanier dans mes pensées. Je finis de me hisser sur le rebord et monregardrencontre celui d'Aewyll. Sonregarddoux et moqueur, souvenir de petite fille espiègle de mon village disparut, rencontre le mien. - Vous en avez mit du temps ! (...)
- Que fais-t-on maintenant ? demande Aewyll. - On s'éloigne d'ici, dis-je. La Sang-dragon hoche la tête lentement, après unregarddans la faille. Aewyll tente de dire quelque chose lorsque je m'éloigne et sors de la zone enneigée, mais trop tard. (...)
Elle ouvre la bouche et la referme subitement, comme un poisson jeter hors de l‘eau. Le gloussement de Brume retentit dans la gorge d'Aewyll et la Princesse Bleue lui jette unregardtranchant comme le vent d'hiver. - Je suis venue chercher quelqu'un, dit-elle, mais qui que ce fut cette personne étais déjà morte. Et toi ? Tu as beau me dévorer duregard, j'ai du mal à croire que tu es venu jusqu'au bord du monde juste pour venir me chercher. Un rire s'échappe de ma gorge. (...)
Ses yeux, surpris, se closent tandis que la sang-dragon perd conscience. Je l'allonge doucement à terre, sans quitter Aewyll duregard. Cette dernière a leregardde Brume et le sourire tranquille de la Princesse Bleue. Je m'approche d'elle, laisse à nouveau le pouvoir s'écouler dans mon corps pour m‘en faire une armure intérieure. - On dit que le Beau Peuple ne rompt jamais une promesse. (...)
- Promet-le moi. Résonnant après la sienne, ma voix me fait l'effet d'un croassement de corbeau. Sonregardcaresse mon corps plus intimement que n'importe quelle amante, avec plus d'affection cette mère que je n'ai jamais vraiment connue. (...)
- C'est tout ce que je voulais, dis-je. La Raksha frissonne, s'étreint, comme saisie par un froid soudain. Sonregardest celui, malheureux, de Brume. - Les promesses sont empoisonnantes pour nous autres, le Beau Peuple. (...)
Je sens ma main droite s'engourdir douloureusement dans un éclair glacé au contact de la carapace. Je croise sonregardtrès, très bleu. La bête ouvre la gueule vers moi, mais mon autre main forme un poing qui percute violemment le sommet du crâne, lui enfonçant la tête dans le sol. (...)
Je continue, obstinément, il n'y a nulle part où s'abriter dans la steppe, nulle part où se cacher. Je cherche malgré tout un abri duregard, en vain. Je rajuste ma cape qui menace de s'envoler et qui, portée par le vent, me ralentit, mais rapidement, les choses empirent et je dois lutter pour avancer, pour faire chaque pas. (...)
Des éclairs courent à la surface du bâtiment, se rassemblent dans le donjon central avant de s'élancer vers le ciel sous la forme d'un long dragon antique de lumière pure. Je le suis duregardet le regrette aussitôt, le dragon disparaît dans les cieux, le monde entier devient étrangement noir et blanc et puis ce n'est plus qu'une grande explosion lumineuse suivie d'un grondement assourdissant. (...)
C'est très joli, mais indique ma position à tous ceux qui ne l'ont pas encore distinctement repérée. Monregardbalaye la cour séparant la première enceinte de la seconde. Je compte trois portes, dont celle principale, d'acier, sur laquelle des dragons de jade bleu ont étés sculptés en bas-relief. (...)
Sans m'arrêter, j'arrache au passage une cuisse de poulet, prend quelques patates et des légumes de l'autre et je m‘engouffre dans la cuisine, espérant trouver un accès aux quartiers du Seigneurs. La cuisine est somptueusement équipée, je la balaie duregardlorsque tout à coup, mon pied glisse, comme si j'avais mis le pied sur de la glace et la chute m'entraîne à l'intérieur de la pièce. (...)
Après, peut-être, le Seigneur des Hauts Vents viendra seulement m'achever. Mais je ne compte pas jouer selon ses règles. Monregardparcours le croisement baigné de lumière devant moi : luxe, jade et le pouvoir, invisible, saturant les lieux, mais enfermé dans le jade, aussi inaccessible pour moi que le soleil et la lune. (...)
L'un d'eux ouvre la bouche, mais il n'a pas le temps de faire beaucoup plus. Le pouvoir coule dans mes veines et leur sang peu après. J'embrasse le décor d'unregardet j'ai le souffle coupé : je ne suis jamais monté sur un bâtiment d'une telle hauteur. Le panorama a quelque chose de la fin du monde : les abords directs du Trône d'Orage fument encore de l'averse d'éclairs ; l'air est vif, comme pris d'une sourde colère, saturé d'électricité ; le vent souffle si fort qu'il m'assourdit presque : un baiser, une caresse, de sa part après ce que m'a fait subir le Seigneur du Trône d'Orage. (...)
Au milieu de la grande salle ornementée d'inscriptions en langue ancienne, trône la statue d'un dragon de jade bleu, elle est entourée de cinq soldat armés de pied en cap, derrière eux, se tient un homme masqué, protégé d'une armure d'acier immaculée réfléchissante comme un miroir, les épaules couvertes d'une cape noire, aux longs cheveux tombant en une cascade de blancheur neigeuse dans son dos, et sonregard, bleu et glacé comme la mort se fixe sur moi avant d'exploser dans une frénésie d'éclair. Enfin. (...)
Je frappe, son masque se brise, le sol s'affaisse sous nous. Le Seigneur des Hauts Vents est un homme dans la quarantaine, beau, leregardbleu et glacé, la peau pâle, le visage orné d'un bouc, maintenant ensanglanté. Il ouvre la bouche, pour parler crois-je. (...)
Finalement, les femmes jettent leur captive à mes pieds. Elle m'est familière : ces cheveux bruns... ces yeux bleus... ceregardconcentré sur une chose hors de portée de tout... « Vous l'avez tué... par les dieux, vous l'avez tué » répète-t-elle. (...)
Cette voix, chargée de tristesse et de mystère me percute, me ramène au monde. Je la connais. Brume ! Des femmes la poussent vers moi. Je ne perçois même pas sonregardterrorisé lorsque je tends la main vers elle comme un enfant. Je ris et je pleure en même temps, j'en oublie la douleur et la prend dans mes bras, la serre contre moi, elle gémit de douleur et de peur : « Pitié ! (...)
Nous chevauchons depuis deux semaines, et depuis une dizaine de jour, l'air est à peine respirable, saturé de poussière. Brume est resté muette depuis notre départ. Elle ne croise jamais monregard, je ne lui parle qu'en cas d'absolue nécessité. Nous sommes tous deux couverts de terre. Je guéris, alors que j'aurais du mourir vidé de mon sang ou rongé par la gangrène ou quelque autre infection, mais aucun de ses maux ne m'atteint, et mes plaies guérissent à une allure qui m'effraie autant que Brume. Nous ne croisons personne. Nous arrivons devant le repaire deRegardVif, il est allé se cacher dans les collines grises, la frontière septentrionale de la nation du vent. (...)
Violer le sanctuaire d'un Shaman est un tabou, mais j'en ai tellement violé depuis ces derniers temps que je m'en rappelle uniquement lorsque je suis à l'intérieur et qu'une ombre se précipite sur moi en hurlant, brandissant une épée de fer froid.RegardVif. Je n'ai même pas besoin du pouvoir. Je saisis le poignet de son bras d'arme et bloque son coup. (...)
Je remonte sur le cheval et observe l'horizon. Je ne l'ai pas tué. Je suis libre. Je forge mon destin. Je lance un dernierregardvers la grotte et je vois Brume en sortir. Elle descend vers moi et s'approche. J'attends de voir ce qu'elle a à dire. (...)
Ce sont les feux qui m'aident à forger mon destin et qui me permettent de dire que je suis un homme libre. Mais il y a toujours un prix. Es-tu prête à en payer le prix ? Sinon, il te reste toujoursRegardVif. Elle reste silencieuse. Je l'abandonne malgré sonregardque je sens peser sur moi. L'emmener dans le pays des morts est le pire service que je pourrais lui rendre et il s'est passé trop de chose pour que nous puissions partager la même route longtemps. Elle ne veut pas de la liberté, ni de la justice, elle veut juste être protégée. (...)