Ciel et Terre
sur Chaodisiaque au format
Le maître du vent. Je m'appelle Ciel Noir. Je ne suis qu'un homme. Le sang qui coule dans mes veines n'est pas celui des dieux, ni celui des dragons, il me permet juste d'animer ce corps, de pousser cette charrue qui creuse son sillon pour m'offrir de quoi me faire vivre, de parler, et parfois, faire naître un sourire sur le visage de ma femme. Ce village est petit, si petit qu'il ne porte pas de nom, à peine une centaine de paysans l'animent, survivant avec moi, leurs âmes revêtues ...Contient : ronde (9)(...) « Les choses légères, dit Pigeon Fou, doivent être traitées avec attention, et les choses graves avec légèreté. » C'est sans doute pour ça que nous discutons de tout cela autour d'une tableronde, couverte de verres de bières dans la maison de Flocon Amer, la seule maison de pierre du village. (...)
Au pire moment ou lorsque le Seigneur des Hauts Vents déchaîne sa colère, c'est un ouragan destructeur, une terreur élémentaire et aveugle qui détruit tout sur son passage à des kilomètres à larondeà laquelle il est presque impossible d'échapper. Aujourd'hui, c'est une journée calme et paisible. (...)
Aujourd'hui, s'ils avaient plus de moyens et d'hommes aujourd'hui, ils bâtiraient des tours qui permettraient à leur sentinelle de ne pas avoir à faire leurrondesur le sentier de garde, mais les bois de la nation du vent sont rares et mal fréquentés. Au moins, visiblement, leurs sentinelles ont apprit à ne plus s'endormir la nuit. (...)
J'attends néanmoins qu'elles passent, et dès qu'elles se sont éloignées, je me glisse lentement pardessus le parapet naturel et à peine aménagé qui protège le chemin deronde. J'ai appris il y a longtemps que ce genre de chose nécessite surtout de n'être ni trop lent ni trop rapide, mais surtout de garder son sang-froid et d'avoir le bon rythme. Je me retrouve un instant sur le chemin deronde, et glisse lentement dans le village endormi. Tassé dans un coin d'ombre, je vois du linge suspendu sur un fil entre deux maisons: des vêtements d'hommes, à peu près ma taille. (...)
Je repère un garde-manger, et dès que les gardes s'éloignent, je m'y rends furtivement. Un nouveau coup d'oeil à larondem'indique que tout est sûr. Je suis sur le point d'y rentrer lorsque j'aperçois une feuille de parchemin plantée dans une pancarte près de la place du village. (...)
Dans ce dernier, règne la fraîcheur et des odeurs de pain, de viandes séchées et salées : tout ce qu'un homme dans ma position peut espérer de la vie. Je discerne la formerondedu pain emmitouflé dans le tissu blanc, légèrement éclairée par une petite fenêtre où passe le clair de lune et je salive comme un chien devant sa pâtée. (...)
Je prends une inspiration, saisis le pouvoir et bondis sur la tranche supérieure de la porte d'une maison devant moi dont le propriétaire est en train de sortir, arme au poing, et rebondis vers le toit de la maison d'en face avec l'aisance d'une plume poussée par le vent. Je cours sur le toit, saute à nouveau au milieu des cris, et j'atteins le chemin derondelorsque l'un des gardes me décoche une flèche de son arc court, j'esquive le projectile en baissant simplement la tête, plus par réflexe qu'autre chose, oubliant bêtement le pouvoir. (...)
L'atterrissage arrache aux dalles de pierre grise un grondement sourd qui étouffe le tonnerre et projette des gerbes d'eau à des mètres à laronde. Partout autour de moi, dans les murailles du Trône d'Orage, dans son donjon, dans ses tours, j'entends les hommes crier, courir. (...)