JdRP Anecdotes PJ : Court-circuit (première partie) : Les joueurs pètent les plombs (le côté joueur)
Jusqu’à cette partie, je ne comprenais pas les joueurs qui se mettent à jouer d’un coup d’une façon stupide, suicidaire, et contraire à l’intérêt de leur personnage. (...)
' : des vampires, des puissants magiciens, des rois, des divinités... Et puis ça nous est arrivé. A tous les joueurs, les uns après les autres, et à moi aussi – et j’ai pété les plombs plus que les autres. Pour comprendre comment j’en suis arrivé là, il faut que je remonte assez loin dans la partie. AD&D, Forgotten Realms, campagne de Marco Volo, niveau 5-7. Les personnages : un barbare, un mage, un chevalier, un voleur (mon perso). Nos PJ ont chassé des brigands d’un monastère et l’ont rendu aux moines. Le Cormyr est sur notre route ; nous arrivons à sa frontière. Début de la montée de la tension qui allait mener au court-circuit. (...)
Le Cormyr est un royaume policé, bien ordonné et rigide (assurément d’alignement Loyal): interdit de sortir son épée à tout bout de champ. A la frontière, un poste de douane, un bureaucrate et des gardes. 1. la traversée de la douane Et là, déchaînement de MJ Laurent dans l’interprétation du douanier pointilleux, méprisant, rigide, qui en fait baver aux malheureux voyageurs… (MJ 'Visiblement' Laurent travaille dans un organisme para-public, c’est facile de faire la relation…). La caricature est parfaite ! Chaque personnage se présente à son tour devant le tyran des règlements. Chaque fois, le petit chef invective l’usager… la tension monte, comme si les joueurs étaient vraiment aux prises avec un emmerdeur pareil ! D’où des scènes cocasses : Bureaucrate acariâtre: - 'il faut remplir la fiche 49B et la déclaration 2042 ! et 2044 pour ceux qui ont des objets magiques ! (...)
Si vous ne savez pas lire et écrire, un scribe vous sera prêté !' Mage : - 'moi je sais lire et écrire !' : bureaucrate : - 'mais c’est n’importe quoi ! vous n’avez pas mis les bonnes réponses dans les bonnes cases du formulaire ! (...)
Entre deux éclats communicatifs, il nous explique pourquoi et nous voilà partis dans 10 minutes de fou rire, essayant d’imaginer l’utilité d’un scribe qui dicte au lieu d’écrire… Arrive le tour du Barbare Bureaucrate (pour la quatrième fois) : - 'Posez sur cette table tous les objets pouvant tuer ou blesser ! armes, baguettes… !' Barbare (présentant ses mains et rugissant) : - 'CES MAINS PEUVENT TUER, DOIS-JE ME LES COUPER ET LES POSER SUR CETTE TABLE ?' La tension monte entre le civilisé et le barbare qui souhaiterait que la vie soit plus simple… Poussé à bout par l’acharnement administratif, le barbare gifle 'gentiment' le bureaucrate. Mage couinant: - 'je ne connais pas ce barbare !' MJ : - les gardes interviennent pour protéger le douanier. Visiblement, ils ont des hallebardes. Gilles / le Barbare : - le barbare se calme. Gilles ne pétera pas davantage les plombs. En tout, entre palabres, menaces, baffe, inventaires d’équipement, remplissage de paperasses, le passage de la frontière dure des heures pour nos persos. L’attente est si longue qu’ils commencent à camper sur place, installant leur réchaud dans le poste de douane… Nous, les joueurs, passons une heure de jeu intense psychologiquement, dont nous ressortons mentalement épuisés. Nous nous faisons alors la réflexion que cette rencontre a pris autant de temps qu’un combat, et fut aussi agitée et éprouvante. 2. pesante autorité Fondu enchaîné. Quelques kilomètres plus loin, nous sauvons un gnome, malgré les objurgations du mage qui ne veut pas faire de vagues. Encore plus tard, une dizaine de chevaliers-patrouilleurs nous contrôlent. Les joueurs, en phase avec leurs persos, poussent un soupir de lassitude. Sortie des laissez-passer... Patrouilleurs soupçonneux: - 'nous recherchons des bandits qui correspondent à votre description et ont fait un massacre au monastère…' Mage : - 'vous avez été sans doute été mal renseigné. Nous avons ouï dire qu’au contraire le monastère avait été rendu aux moines!' Méfiance des paladins, qui nous trouvent toujours aussi suspects. (...)
Sur ces entrefaites, arrive une caravane de gnomes, dont fait partie celui que nous avons sauvé. Le marchand gnome baratine pour nous tirer d’affaire: - 'oh mais, capitaine, ces gens sont avec nous depuis des semaines, ce sont des mercenaires recrutés pour nous protéger, nous nous portons garants. (...)
' Avec réticence, les 'pals' nous laissent repartir en compagnie des gnomes. Mais c'est alors que le MJ va me pousser à bout par une interprétation supplémentaire. Le marchand gnome se répand en obséquiosités devant les forces de l'ordre: - 'nous regrettons de vous avoir importuné. Veuillez accepter ce dédommagement pour le temps que mes mercenaires vous ont fait perdre…' C’est à ce moment que j’ai pété les plombs. Moi, le joueur. Que ces fachos soient en plus corrompus me fit exploser. C’était vraiment une sensation des plus étranges : je sentais des décharges d’adrénaline se répandre de mon dos dans mes bras. (...)
Comme je tâchais de m’empêcher moi-même de parler, il s’échappa de ma bouche un son discordant de rage contenue, et je lâchai un grinçant : - OH OUI, EXCUSEZ-NOUS, HEIN ! Les autres joueurs me regardèrent, stupéfaits. - EXCUSEZ-NOUS D’AVOIR PRIS DE VOTRE TEMPS ! PARDON SI ON RESSEMBLE A NOUS- MEMES ! (...)
' MJ : - ton perso dit vraiment cela ? Visiblement c'est une stupidité, fais moi un test de Sagesse ! Moi : - 19 !, raté ! Les joueurs éclatèrent de rire. Je mettais tout le groupe dans la mouise, mais c’était si libérateur ! Je devais être rouge, crispant le poing, grimaçant en essayant de me contrôler, et finalement aboyant : - SURTOUT, ACCEPTEZ CE DEDOMMAGEMENT ! (...)
Mon perso se laissa arrêter. Le PJ chevalier refusa de se séparer de sa chèèèèère épée, et il fut le troisième à péter les plombs. C’est moi, revenu de mon explosion, qui intervins pour proposer un compromis. Par ma faute, les personnages se retrouvèrent en prison. Mais les joueurs reconnurent que j’avais disjoncté, et que je n’avais pas plombé volontairement l'aventure en foutant le groupe dans les ennuis. (...)
Mais arrivé à cet instant, toute la colère et la frustration ressentie en tant que joueur s’exprimèrent dans une interprétation spontanée. Nous fûmes 3 joueurs sur 4 à commettre des actes contraires à l’intérêt de nos persos. Ainsi je compris enfin pourquoi des joueurs 'pétaient les plombs'. Nous jouons de façon ' intelligente ', ne mettant pas nos persos dans des situations délicates, jusqu’à ce qu’un joueur qui subit trop de tension le répercute sur le personnage, en lui faisant faire une connerie. Essayez de comprendre cela la prochaine fois qu’un joueur part en vrille malgré 'l’action évidente'. Désormais, je verrai autrement les joueurs qui pètent les plombs. Je ne leur reprocherai plus de planter la partie ou d'emm... les autres joueurs par des actions irréfléchies. Car je me souviendrai que moi aussi j’ai une limite. Et qu’elle peut être atteinte, et franchie. (...)
Le but n’est pas de réussir une aventure, ni de faire survivre son perso. Le but est d’interpréter un personnage. Si cette interprétation pousse le joueur à mettre son perso en danger, voire tout le groupe en danger, peu importe (tant que cela ne nuit pas à l’ambiance entre joueurs bien sûr). Si on jouait de façon intelligente, nos persos resteraient chez eux et cultiveraient leur jardin. Chez certains joueurs, ce ' jeu de rôle ' optimisé pour la survie devient même la principale obsession et réduit la partie à déjouer les pièges du MJ, ce qui est vraiment déplorable pour l’ambiance qui tourne alors à la compétition. Le pétage de plomb intempestif est celui qui gâche l’interprétation du perso, comme le joueur qui sort une vanne bien vulgaire devant l’empereur des sept galaxies alors que son perso est censé être un diplomate guindé. Plus qu’un plaidoyer ' pour tolérer le pétage de plomb ', je ferai un plaidoyer ' pour le pétage de plomb contrôlé '. Peu importe que les actions des joueurs ne soient pas optimales en termes de réussite et de survie des persos, tant qu’elles sont dans le caractère des persos et dans l’ambiance de la partie. Respectons les autres joueurs, mais pas les personnages ! Mais je comprends bien que le thème de ton article est le pétage de plomb ' pathologique ' du joueur, et non le pétage de plomb calculé du perso. Réponse: Exact : imaginons que tu joues à un jeu qui ne soit pas l’Appel de Cthulhu, et ne contienne pas de règles sur le stress/la folie. Si tu sens que ton personnage, face à telle ou telle horreur, devrait craquer, tu vas alors interpréter ce pétage de plomb en roleplay. Cependant ; comme il est volontaire, tu t’arrangeras pour que cela soit un beau spectacle qui ne mette ni en péril ton personnage, ni ton groupe. Dans la deuxième partie de l'article, j'aborderais le problème du pétage de plomb involontaire. (c) Rappar