JdRP Légendes : Frondeurs
« Comment se fait il que personne ne nous sorte de cette maudite cage !! Dés que les choses seront arrangées j’exigerai des explications de notre charmant Hôte !! » « Calme ta colère Dewain, songe plutôt au chemin que nous avons parcouru, aux soins qu’ils t’ont prodigués, à la nourriture qu’ils nous ont donné et aux femmes qui t’ont lavé. Songe à cela et tu te rendras compte que tout ne va pas si mal. » « Je n’aime guère les cages Findaël notre Druide, et malgré tous les signes d’hospitalité que nous avons reçus, le plus grand serait de ne pas nous considérer comme des esclaves ! (...)
Et je les remercie ! Je les remercie de me faire vivre ce que vivaient les miens ! C’est une épreuve Dewain ! Une épreuve qu’ils nous imposent pour avoir traversé leur monde. Assied toi et médite sur cette épreuve… Si tu es confiant, tu trouveras la réponse. (...)
» « Et puis n’oublie pas que bientôt ma fille sera mariée au fils de ce roi, que veux tu qu’il nous arrive ? Dans cette cage au moins, nous sommes en sécurité… » Udrann qui se tenait debout aux côtés de Findaël acquiesça, tout en restant vigilant et prêt à étriper quiconque s’approcherait un peu trop du Druide. Dewain se calma donc. Il avait décidé de placer sa confiance en les dieux, en la parole de Celui qui Répond et en l’apparente sérénité du Passeur qui était son chef aujourd’hui. Il ferma les yeux et laissa son esprit vagabonder vers le passé, remontant doucement les jours. Sur les bords de la rivière, devant la passe des pierres dressées, Findaël « celui qui répond », étudiait toujours. Cela faisait maintenant une lune qu’il cherchait des traces du passage vers l’autre monde, celui par où le dernier chariot de Baïnadis s’était échappé. Il sentait qu’il s’approchait de la solution. Dewain surgit alors du bois et vint à la rencontre du Druide et de son protecteur Udrann Le Passeur, qui connaît les deux mondes. « J’ai vu un signe Findaël ! Le passage est bien là et il va s’ouvrir ! » Se relevant, le Druide ajouta simplement : « Oui c’est ce que disent les runes. Merci de cette confirmation Dewain. Retournes donc au village et trouve un tonnelet de bon vin et de la nourriture, il se pourrait que nous rencontrions les dieux ce soir. (...)
La nuit vint doucement et la lune se remplit. Lorsqu’elle fut haut dans le ciel et que sa lumière tomba droit sur le petit groupe, Udrann écarquilla les yeux : « Regardez ! Les traces du chariot ! Elles sont là ! » « Guide nous Udrann le Passeur, conduit nous sur ces traces et soit notre chef dans ce monde dans lequel nous entrons. Toi seul le connais. » Leur voyage sembla long et pourtant fut sans fatigue. (...)
Ils traversèrent la forêt, et lorsque le matin pointa à l’horizon, ils arrivèrent devant une vaste plaine. « Remercions les dieux de nous avoir laissé traverser l’autre monde sans entraves » dit alors Findaël. « Ils vous en prient » ajouta une voix haute et claire. Surpris par cette réponse venant de derrière eux, les Trois Chants firent face, prêts à se battre. (...)
Il leur expliqua alors son souci : le soir même il devait aller à un banquet où Ogma l’attendait pour entendre une histoire qu’il ne connaissait pas. Il demanda donc à Dewain de lui conter cette histoire. Dewain devint soucieux et se mit à son tour à tourner en rond pour réfléchir. Soulagé, Coirpré accepta le vin et les fruits offerts par Udrann et ils devisèrent en attendant que Dewain se décide. Après quelques temps, celui-ci commença à raconter certaines de ses histoires, mais chaque fois, il était interrompu par Coirpré qui s’en désintéressait. Comment était il possible que quiconque puisse apprendre à Coirpré une histoire qu’il ne connaissait pas ! (...)
C’est après avoir entendu la quasi-totalité de son répertoire que Coirpré se fendit d’un large sourire en s’adressant à Dewain, dit : « Parfait ! Tu m’as aidé à faire mon choix, car si je connais toutes les histoires, le choix n’en est que plus difficile. (...)
Tous d’abord, aucun ne souhaita y entrer, chacun semblant préférer suivre sa destinée sans l’aide de l’arbre originel. A cet instant, Findaël « celui qui répond » s’adressa à Dewain « Trois Chants » : « Dewain, notre Barde ! Pourquoi n’as-tu pas présenté Udrann notre chef à Coirpré ? » « J’avoue n’y avoir simplement pas pensé Findaël. Je te remercie de me l’avoir rappelé. » Puis se tournant vers Udrann il ajouta : « Udrann, notre chef, je me dois de payer cette faute envers toi. Dis moi ce que tu aimerais que l’arbre t’offre et j’irais le demander pour toi. » Ce qu’il fit. Après Dewain, Findaël se décida et entra à son tour. Puis, Dewain entra une deuxième fois pour lui-même, et à peine fut il ressortit qu’il entra de nouveau car tout ce qu’il a fait deux fois et qui marque son destin, il doit le faire une troisième. S’il est le seul à connaître le prix qu’il paya pour les deux premières fois, tous savent ce qu’il paya pour la troisième. Son cri de douleur fut terrifiant et lorsqu’il sortit, son oeil droit avait été arraché. A peine était il sorti de l’arbre qu’une voie puissante se fit entendre. Tous reconnurent Baïnadis. Bien qu’étant très gravement blessé, Dewain se redressa et hurla à l’intention du seigneur Formoiré, mais sa voix fut couverte par une autre : « Je te maudis toi et ta descendance. Dorénavant, vous ne pourrez plus jamais posséder de terres ! » Baïnadis répondit alors à celui qui venait de lui parler : « Gervas qui se croit bon ! Je te maudis toi et ta descendance. Ta confiance et ta certitude en tes alliés te perdront toi et les tiens ! (...)
» C’est à cet instant que les brumes de l’autre monde se dissipèrent, là où broutaient des dizaines de chèvres sans cornes, apparurent les corps de Foirmoirés sans têtes. Parmi eux d’autres corps par dizaines. Baïnadis avait disparu, emporté par la brume. Ne restait qu’une immense armée, l’armée d’un Roi, l’armée de Gervas d’Ecosse. Les trois villageois furent soulagés car ils voyaient en lui un allié. Malheureusement, le Roi ne les vit et ne les entendit pas. (...)
L’un de ses capitaines envoya des hommes pour les faire prisonniers et c’est des entraves aux mains qu’ils joignirent la cité du Roi. Lorsqu’il repensa à cela, adossé aux barreaux de leur cage, Dewain ne put s’empêcher de revoir Ulhail le Magnifique qui, esclave des Trois Chants, avait gagné la liberté de son clan par son seul courage. A cette pensée, un chant lui monta aux lèvres, un chant relatant la gloire de Ulhail : « … Plus jamais tu ne seras dans le besoin car je te donne toutes mes richesses. (...)
Plus jamais tu ne seras esclave car je t'affranchis Ulhail le magnifique ! » Lorsqu’il ouvrit les yeux, une femme d’une grande beauté se tenait devant leur cage. Les yeux au sol, elle leur dit que ce soir elle ferait en sorte qu’ils rencontrent le Roi Gervas. « Pour ce que tu vas faire, tu ne seras bientôt plus une esclave et tu pourras revoir ton pays. » Findaël avait parlé. Le soir même, Udrann était présenté au Roi et Findaël put alors lui expliqué ce qu’il leur était arrivé. Dewain était désireux de faire savoir au Roi ce qu’il pensait de leur séjour dans une cage, mais Gervas les accueillit comme il se doit et leur donna une place à sa table. La salle du banquet était immense et de nombreux guerriers fêtaient leur victoire sur les Formoirés. Avec l’accord du Roi, Dewain joua pour l’assemblée et dédia son chant à Humilicia, femme d’une grande beauté et au coeur pur qui avait sauvé le village des Trois Chants ce soir, tout comme Keara l’avait fait en son temps. C’est alors que l’un des guerriers, semblant plus ivre que les autres, se leva en invectivant le Roi : « Moi, Maoilios, j’ai pris aujourd’hui la tête de trois fois trois Formoirés ! Personne ici ne peut rivaliser avec moi et pour cela je réclame de pouvoir choisir le premier ma part du butin ! Dusse je te défier Roi Gervas» A ces mots, non pas un mais dix champions se levèrent prêts à défendre leur Roi. « Tu es saoul Maoilios, tu ne sais plus ce que tu dis. Va te coucher et reviens demain si tes exigences n’ont pas changé. » « Je reviendrai demain ! Et mes exigences, comme tu dis, seront les mêmes ! Prépare toi Roi Gervas. » Une fois que le mercenaire fut parti, le Roi se tourna vers ses invités : « Que pensez vous que je doive faire ? (...)
» Celui qui Répond dit alors : « Relève ce défi et montre à tous la force de ton autorité face à une telle provocation. » Dewain, plus mesuré, demanda : « Cela dépend, quel est le prix qu’il réclame ? » « Moi. » Dis simplement Humilicia. Udrann et ses compagnons furent logés dans la maison du Roi ce soir là. Dewain était soucieux et s’adressa à son chef. « Udrann, je te demande d’accepter de me laisser me battre pour cette femme demain ! » « Et pourquoi ferais tu cela, il a de nombreux champions ! » « Parce qu’elle nous a sauvés et que je veux lui venir en aide. » Udrann se contenta d’hocher la tête. Tôt le lendemain, ils arrivèrent dans la pièce où Gervas attendait Maoilios, qui ne tarda pas. Moins saoul mais plus vindicatif que la veille, il insulta le Roi et réclama Humilicia. « Tu as peut être ramené trois fois trois têtes de Foirmoirés, Maiolios le braillard, mais moi je peux ramener la tête du seigneur Baïnadis ! » Dewain s’était levé. « Qui es tu pour me défier ? Le Roi n’a pas besoin de toi, il a d’autres champions ! » « Je suis l’invité du Roi et pour le remercier de sa grande hospitalité je me dois de défendre son honneur ! » Insista Dewain. « Peut être, mais moi aussi je peux ramener la tête de ce soit disant seigneur ! Alors que faisons nous ?» Interrogea Maoilios. « Celui qui ramènera cette tête gagnera ce que tu réclames, avec l’accord du Roi. » Maoilios fronça les sourcils, cette perspective ne semblait pas lui plaire. « Et si je refuse ? » « Je te défierai à l’épée ! » Insista encore Dewain. « Et si je refuse encore ? » « Alors je te défie à l’arme de ton choix. » Tandis qu’une certaine satisfaction se lisait sur le visage de Maoilios, l’inquiétude avait gagné une partie de l’assemblée. Findaël interrogea son chef du regard… Mais lui non plus n’avait pas l’air rassuré. « Dans ce cas, ce sera la fronde. Nous devrons toucher par trois fois le sommet de la maison de ce cher Roi. Mais… cela se fera avec un bandeau sur l’oeil gauche. » Satisfait de sa provocation, Maoilios toisa toute l’assemblée avec un large sourire. Puis regardant la blessure à l’oeil droit de son adversaire, il ricana. « J’accepte ! » Dit alors Dewain, provoquant un grand sursaut de surprise parmi l’assemblée. Comment pourrait il user d’une fronde tout en étant aveugle ! Devant ce défi stupide qui risquait de jeter la honte sur son invité, le Roi tenta de convaincre Maoilios, lui offrant sa plus rapide monture, son meilleur harnachement, sa meilleure selle, sa plus belle lame et une louange en l’honneur de son combat. Mais Maoilios refusa. Il semblait préférer l’humiliation de son adversaire et le gain tant attendu à toutes ces merveilles que lui offrait le Roi. Avant le duel, Dewain demanda à son Druide de le préparer mais celui-ci lui répondit qu’il ne pourrait rien faire sans tricher. En revanche, il allait prier Lug car Dewain allait en avoir besoin. Les deux adversaires prirent place et des bandeaux furent préparés. Lorsqu’ils se mirent en position, Dewain se tourna vers Maoilios : « Et bien guerrier ! Tu approches en vainqueur ! Tu dois penser que la victoire est acquise, qu’il n’y a pas de risque ! Certainement es tu de ceux qui n’avancent que lorsqu’ils sont surs que le danger est loin… Oui tu es de ceux qui chassent le marcassin lorsqu’ils n’entendent pas la mère aux alentours, de ceux qui pillent un village quand ils savent que seuls les faibles et les enfants y sont, de ceux qui partent pour le large quand ils peuvent y aller à pieds, de ceux qui combattent une arme si personne n’est là pour la tenir ! (...)
Je fais moi même couler mon sang ! Tu n’auras qu’à dire que c’est toi ! » Joignant le geste à la parole, Dewain sortit son épée passa la lame sur sa poitrine. Puis, abaissant le bandeau, il fit tourner sa fronde et lança une pierre… Qui manqua son but. A son tour, Maoilios arma sa fronde, il avait l’air moins assuré qu’à son arrivée, mais n’en restait pas moins un grand frondeur. Sa première pierre toucha le toit de la maison « TAC ! » Dewain arma sa fronde pour la deuxième fois et manqua sa cible à nouveau. Ce fut le tour de Maoilios, et sa deuxième pierre passa au dessus du toit. Enfin, Dewain arma sa fronde pour la troisième et dernière fois, et commença à la faire tournoyer. Sur les visages de l’assemblée apparaissaient les sourires moqueurs et narquois de ceux qui s’apprêtent à rire de l’humiliation d’un fou. D’autres personnes en revanche, devinrent de plus en plus soucieuses, Udrann leva les yeux au ciel, Humilicia cacha sa tête dans ses mains et Findaël ferma les yeux pour se plonger dans la prière… « TAC ! » Les sourires se figèrent ! « TAC ! » Les yeux s’écarquillèrent ! « TAC ! » La surprise secoua l’assemblée toute entière ! Trois pierres venaient de toucher le toit de la demeure du Roi… Maoilios n’en croyait ni ses yeux ni ses oreilles et n’ayant d’autre choix plaça trois pierre dans sa fronde d’une main hésitante. Faisant tourner péniblement sa fronde, il tira et manqua sa cible. (...)
Son visage se décomposa et son bras tomba ballant le long de son corps, il tenait à peine sur ses jambes… « Je remercie les dieux de m’avoir soutenu dans cette épreuve, dit alors Dewain, et toi, lança t’il a l’attention de Maoilios, tu devrais les remercier que ce duel n’ait pas eut lieu a l’épée. » Puis, s’approchant de son adversaire vaincu, le toisant de son oeil valide, il ajouta : « …Mais lorsque la laie grogne, que le guerrier hurle, que l’océan monte ou que l’épée est levée, ils sentent leurs jambes fléchir, leur bras faiblir, leur vue se brouiller et *snif snif* leurs braies se remplir !! » Le puissant rire de Gervas brisa le silence tendu et l’assemblée acclama ce prodige. Après avoir fait exécuté le mercenaire vaincu, le Roi se tourna vers ses hommes pour leur demander d’apprendre, à l’image de son invité, à manier une fronde à trois pierres. Humilicia fut ainsi remise à Dewain. Findaël lui avait promis la liberté et les Trois Chants avaient tenu parole. Qu’est ce qui permet à Udrann le Passeur de faire voyager sa troupe dans l’autre monde ? Qu’est ce qui accorde à Findaël « celui qui répond » de savoir quand l’humilité ou la fierté s’imposent ? Qu’est ce qui à bien put faire croire à Dewain « Trois Chants » qu’il avait la moindre chance d’emporter un tel défi ? Leur foi en leurs dieux, leur confiance en leurs alliés et leur reconnaissance des causes justes.