JdRP Aides de Jeu : Le Sang des Sorciers : Une Vision Alternative du Clan Tremere
Le Problème Tremere : En tant que conteur de Vampire : La Mascarade, j’ai toujours eu un problème avec le Clan Tremere. Ce problème est fort simple : les Tremere me semblent beaucoup trop puissants. Leur maîtrise de la Thaumaturgie, avec toute la flexibilité qu’offrent les Voies et les Rituels, constitue un atout absolument extraordinaire, qui suffirait à lui seul à placer les Tremere dans une position privilégiée - mais la Thaumaturgie n’est qu’un des aspects de la question, car ce Clan peut également s’enorgueillir d’une organisation pyramidale sans faille ainsi que d’une longue pratique du machiavélisme politique, deux atouts qui lui confèrent une influence considérable au sein de la Camarilla comme dans la société mortelle. Lorsque l’on y regarde de plus près, on constate que les Tremere sont au moins aussi influents que les Ventrue, au moins aussi bien informés que les Nosferatu et beaucoup plus soudés que n’importe quel autre Clan. Ajoutons à cela la véritable arme secrète que constitue la Thaumaturgie et l’on finit par se demander pour quelle obscure raison un Clan aussi puissant n’a pas déjà supplanté tous ses rivaux et pris le contrôle de la Camarilla... Cette question influe de manière cruciale sur la marge de manoeuvre d’un conteur qui souhaite élaborer une intrigue politique : si les Tremere sont dans la course, les formidables moyens dont ils disposent auront presque toujours tendance à les placer en position de supériorité ; à l’inverse, si le conteur choisit de ne pas impliquer les Tremere dans son intrigue, il devra tôt ou tard justifier cette étrange absence d’un Clan dont les membres sont pourtant censés surveiller de très près les faits et gestes des autres Caïnites. Dans les deux cas, l’existence même des Tremere peut venir parasiter (voire compromettre) le déroulement idéal d’une histoire, voire d’une chronique entière. Face à ce problème, la solution la plus simple (et celle que j’ai choisi de suivre dans mes propres chroniques depuis déjà plusieurs années) consiste à réduire considérablement le pouvoir politique du Clan, dans la Camarilla comme dans la société mortelle. Pour cela, il est indispensable de revisiter la structure même du Clan. A la place d’une pyramide de pouvoir soigneusement contrôlée et hiérarchisée, imaginons un Clan divisé, dont les membres vivent en petites coteries, voire en solitaires, chaque groupe essayant de préserver jalousement ses secrets et ses connaissances thaumaturgiques ; un Clan dispersé, rongé par les suspicions et les dissensions internes, incapable de construire de façon globale une base de pouvoir durable... Avant d’examiner de plus près les différentes conséquences d’un tel changement, penchons-nous sur ses possibles causes. Nous devons pour cela remonter le temps, jusqu’à la période médiévale, qui sert de cadre à Vampire : L’Age des Ténèbres... Le Temps des Bûchers : Selon le background officiel du jeu, le Moyen Age aurait non seulement permis aux Tremere de s’imposer en tant que Clan vampirique, mais aussi d’étendre leur influence au sein du monde mortel, posant les fondations de leur future pyramide de pouvoir... Il nous faut donc revisiter l’histoire du Clan. Dans notre version alternative du Monde des Ténèbres, le Clan Tremere n’a jamais eu l’occasion de se structurer et de se développer : dès sa fondation, ses projets furent immédiatement contrecarrés par des ennemis aussi variés que puissants. Le premier de ces ennemis fut l’Inquisition, qui porta au jeune Clan plusieurs coups décisifs, détruisant par le fer et le feu nombre de ses refuges secrets (ainsi qu’un certain nombre de ses membres). De tous les Clans, les Tremere furent les plus exposés aux ravages de l’Inquisition – en fait, celle-ci parvint presque à abattre le Clan dans son entier, avec l’appui tacite de ses autres adversaires (voir ci-dessous). Cette vulnérabilité particulière du Clan Tremere s’explique de multiples façons. En premier lieu, les pratiques magiques des Tremere, leur regroupement en cabales et autres « convents » ainsi que leurs liens étroits avec divers groupes de sorciers et d’hérétiques mortels les rendirent beaucoup plus faciles à « dépister » par les chasseurs de l’Inquisition. Le second élément décisif fut l’inexpérience du Clan en matière de mascarade et de manipulation. Contrairement à des Clans comme les Ventrue, les Lasombra ou les Toreador, les Tremere n’avaient pas à leur actif plusieurs siècles d’expérience dans l’art de manipuler les institutions mortelles (à commencer par l’Eglise) – expérience qui leur aurait très certainement permis de limiter les dégâts, voire de détourner les foudres de l’Inquisition à leur avantage... Les Caïnites des autres Clans contribuèrent eux aussi à l’écrasement du Clan Tremere. Avant la création de la Camarilla, les autres Clans vampiriques ont toutes les raisons de se montrer particulièrement hostiles envers les Tremere. N’oublions pas que les plus âgés d’entre eux ne sont pas devenus vampires en recevant l’Etreinte, mais par le biais de mystérieuses pratiques thaumaturgiques visant à leur conférer l’immortalité. Aux yeux des autres Clans, les Tremere ne sont pas de véritables Caïnites (au sens originel du terme), mais de véritables aberrations – sans parler du danger que représente leur savoir thaumaturgique. Les Tremere sont à la fois trop ambitieux, trop dangereux et trop différents pour ne pas susciter l’hostilité des autres Clans, du moins dans un premier temps. La troisième faction à participer au démantèlement du Clan à l’époque médiévale fut l’Ordre d’Hermès, l’antique confrérie de Mages dont les Tremere étaient issus. Les membres de l’Ordre menèrent une véritable guerre magique contre leurs anciens alliés, dont l’existence même constituait une menace pour les autres Maisons hermétiques. Cette croisade secrète se solda par la destruction de nombreux Tremere, les Mages de l’Ordre possédant de nombreuses et précieuses informations sur l’ancienne Maison Tremere, son organisation, son influence et son implantation dans le monde mortel. Le Clan et la Camarilla : Durant la période médiévale, le Clan Tremere eut donc à subir les assauts cumulés de l’Inquisition, de l’Ordre d’Hermès et des autres Clans vampiriques. Il ne s’en releva jamais. A l’aube du XVème siècle, le Clan était pratiquement anéanti : seuls subsistaient quelques rescapés isolés. La plupart d’entre eux résolurent de se tourner vers les Princes les plus puissants, afin de leur demander la protection indispensable à leur survie en échange de leur loyauté. Lorsque la Camarilla fut fondée, ce principe de réciprocité fut étendu au Clan dans son entier : la Camarilla assurait au Clan un minimum de protection et d’influence ; en contrepartie, les Tremere acceptaient de mettre leur savoir thaumaturgique au service des Princes et de la secte – un avantage de taille face à des adversaires comme les Disciples de Set, les Giovanni ou les adeptes du Sabbat. Le principal artisan de cette intégration plus ou moins forcée fut Etrius, qui gagna du même coup une place au sein du Cercle Intérieur de la Camarilla. Seuls quelques réfractaires, regroupés autour du sinistre Goratrix, rejetèrent la « généreuse hospitalité » de la Camarilla pour rejoindre les rangs du Sabbat, formant l’ossature de l’antitribu Tremere – un choix lourd de conséquences, comme on le sait aujourd’hui... Dès lors, les autres Clans de la Camarilla firent en sorte de limiter le pouvoir politique de leurs nouveaux alliés par tous les moyens possibles – tout en exploitant au mieux leurs connaissances et leurs facultés. Les assemblées de Primogènes veillèrent à ce qu’aucun Tremere ne puisse jamais prendre la place d’un Prince établi. Les Princes eux-mêmes exercèrent un strict contrôle sur l’accroissement de la population Tremere, n’accordant le droit d’étreindre aux membres de ce Clan qu’à titre exceptionnel. Certains Tremere tentèrent évidemment de contourner ces interdits en s’établissant dans des domaines libres de toute influence vampirique, situés le plus souvent à l’écart des grandes cités placées sous la coupe des Princes : ainsi naquirent les fameux chapitres (chantries) Tremere. Il s’agit en fait de domaines exclusivement Tremere, dont le dirigeant possède techniquement toutes les prérogatives d’un Prince, ce qui lui permet ainsi d’étreindre et d’accorder des droits d’étreinte à ses descendants comme lui seul l’entend. Les chapitres sont particulièrement présents dans le Nouveau Monde, mais il en existe également quelques uns sur le Vieux Continent et en Grande Bretagne. Afin de ne pas froisser la susceptibilité des « vrais » Princes de la Camarilla, les dirigeants de ces fiefs d’un type particulier n’adoptent jamais le titre de Prince, lui préférant celui de Régent. Retour au Présent : Aujourd’hui, on peut donc séparer les Tremere de la Camarilla en deux grands groupes : les Tremere des cités et les Tremere des chapitres. Les Tremere des cités sont peu nombreux, mais cette catégorie regroupe quelques uns des plus anciens (et des plus puissants) membres du Clan. La plupart d’entre eux sont des solitaires, qui gardent jalousement leur savoir et entretiennent une méfiance extrême (et certainement justifiée) à l’égard des autres membres de leur Clan. Ils bénéficient souvent d’un traitement spécial de la part des Princes, qui ont tendance à les considérer comme leurs « sorciers personnels » et leurs « conseillers extraordinaires », au grand dam des autres Anciens. Les plus habiles d’entre eux ont pu ainsi acquérir une influence non-négligeable au sein d’un fief, mais toujours dans l’ombre d’un Prince - et donc d’un autre Clan. A l’opposé, les Tremere des chapitres vivent au sein de communautés entièrement composées de Tremere (ainsi que de leurs serviteurs goules), sous l’autorité d’un Régent Tremere. Chaque chapitre possède sa propre organisation, mais celle-ci est généralement calquée sur l’ancienne hiérarchie hermétique du Clan, avec des titres comme apprenti, magus ou magister. Ces Tremere suscitent évidemment beaucoup de méfiance chez les autres Clans, mais la plupart des Régents se contentent de mener leurs propres affaires, sans s’immiscer dans les luttes politiques de la Camarilla – du moins en apparence. Il n’existe aucune structure supérieure à celle du chapitre : chaque Régent n’obéit qu’à lui-même et les conflits entre factions et lignées rivales sont fréquents. Le Clan Tremere ne sera jamais un Clan uni. Dans un tel contexte, la seule autorité supérieure existant à l’échelle du Clan (avec celle d’Etrius) est celle du Justicar, ce qui rend cette fonction encore plus importante que pour les autres Clans de la Camarilla... Il existe également quelques solitaires errants (comme le mystérieux St Germain), lesquels sont rarement les bienvenus au sein des fiefs comme au sein des chapitres, ce qui les pousse généralement à vivre en autarques. Si l’on suit cette version alternative, le Clan Tremere perd la quasi-totalité de sa puissance politique, ainsi que les divers bénéfices de son organisation pyramidale. Ses membres conservent néanmoins un atout unique : la maîtrise de la Thaumaturgie, la plus versatile de toutes les Disciplines. De Venise à Vienne : Cette vision alternative du Clan entraîne évidemment de nombreux changements – elle a été précisément conçue dans ce but. Parmi ces diverses conséquences, il en est une qui mérite d’être examinée en détail : le sort de Vienne. Le Clan Tremere tel qu’il est décrit dans cet article n’a évidemment pas les moyens politiques de régner sur une cité d’une telle importance historique – dans ces conditions, que faire de la capitale de l’Autriche – qui, rappelons-le, fut autrefois un centre politique et culturel au moins aussi important que Londres ou Paris ? Dans mes chroniques, j’ai choisi de régler le problème en transposant le siège du Cercle Intérieur de la Camarilla de Venise à Vienne, qui devient ainsi le centre de pouvoir traditionnel de la Secte. Bien plus que la cité des Doges, l’ancienne capitale de l’empire austro-hongrois a tous les atouts pour remplir un tel rôle – à commencer par sa situation géographique (au coeur de la Vieille Europe) et par son prestigieux passé historique. Le fait que Vienne ne soit plus aujourd’hui qu’une capitale un peu désuette, sans le moindre rayonnement politique, correspond en outre parfaitement à la situation actuelle de la Camarilla, dont le pouvoir n’a cessé de décliner au cours du Xxème siècle... Enfin, si vous n’êtes toujours pas convaincu, songez que ce transfert permet de faire d’une pierre deux coups, en laissant Venise aux Giovanni ; vous mettrez ainsi fin à une des plus grosses incohérences du background officiel de Vampire - pourquoi, en effet, le Cercle Intérieur de la Camarilla irait-il s’établir dans le fief traditionnel d’un Clan indépendant, qui peut ainsi espionner tout à loisir les faits et gestes de ses principaux ennemis ? Olivier Legrand (2004)