JdRP Conseils MJ : Mener une partie de Maléfices
(...) Il n’a pour seul objet que de faire gagner aux Meneurs débutants un peu de temps, en leur évitant certaines erreurs (que nous avons tous faites !), lorsqu’ils vont se lancer dans leur(s) première(s) parties de Maléfices... et à donner aux autres quelques idées qu’ils n’ont peut-être pas encore eues ! ------------------------------------------------------------------------------- Il convient d’abord d’éviter les erreurs manifestes, sur lesquelles je ne ferai que passer sans insister : Maléfices est un jeu simple, certes, sur le strict plan des règles. Il convient donc avant toute chose, pour que la partie soit fluide, d’assimiler ces règles - et ce n’est pas du tout compliqué, elles sont un modèle de pédagogie, avec des exemples clairs - pour pouvoir mieux s’en affranchir ensuite, ou du moins pour les rendre « invisibles » aux yeux des joueurs... (...)
De même qu’un jongleur ou un magicien doivent faire oublier tout ce qu’il y a de travail avant leur prestation pour que ne subsistent plus que le Rêve et la Magie, de même le Meneur se doit-il de faire oublier à ses joueurs qu’il y a des règles derrière l’aventure qu’il leur propose... ------------------------------------------------------------------------------- Préparer sa partie : Un jeu simple dans ses règles, comme Maléfices, n’est pas forcément simple à mener : on sait combien est ténue, à quels petits riens tient une atmosphère fantastique... (...)
On est loin de l’esprit du jeu voulu par les auteurs, et sans cesse renouvelé par les passionnés de Maléfices, au nombre desquels, vous l’aurez compris, je me range depuis longtemps... Un scénario de Maléfices, pour un Meneur de Jeu, ça se découvre par la lecture, ça se déguste après coup en revenant sur telle ou telle scène dans laquelle on imagine ses joueurs, et déjà, on pense aux aides de jeu que l’on va pouvoir ajouter à celles qui accompagnent déjà le scénario, puis aux quelques artifices simples qui vont venir renforcer le propos... Il y a donc un travail nécessaire, afin d’une part de bien maîtriser les tenants et aboutissants de l’aventure, et d’autre part de voir comment on pourrait aller un peu plus loin dans sa présentation et dans sa « mise en scène ». (...)
------------------------------------------------------------------------------- Atmosphère, atmosphère... QUAND jouer ? La réponse idéale, contrairement à ce que certains ont peut-être pensé d’abord, n’est pas « tout le temps » ou même « n’importe quand » ! D’abord parce que les scénarios parus et à paraître n’y suffiraient pas mais encore, mais surtout, parce qu’une partie de Maléfices doit rester, quelque part, un moment rare... Et puis aussi parce que, pour la simple cohérence, il n’est pas logique d’être confronté toutes les semaines à des aventures aussi étranges et aussi... (...)
Votre Ouverture d’esprit (d’autres disent « Santé mentale » !) n’y résisterait pas ! Alors mieux vaut une bonne partie de temps en temps qu’une lassitude due à trop d’aventures enchaînées, et qui deviennent, aussi aberrant que cela soit, une routine dans l’extraordinaire... Il ne faut pas oublier ce que sont fondamentalement les personnages de Maléfices : des gens « ordinaires », ce que Molière eût appelé « l’honnête homme », ouverts, curieux et cultivés. (...)
Cet aspect est abordé plus longuement dans l’article concernant l’interprétation du personnage . Ceci posé, une fois prise la décision de jouer, vous me permettrez de vous suggérer, autant que faire se peut, d’éviter une partie en pleine lumière du jour... Le Fantastique de Maléfices est bien plus délectable dans l’ambiance feutrée d’une soirée chichement éclairée, lorsque chacun sait que le crépuscule va peu à peu laisser place à la nuit, si propice à ce que tout, même le plus improbable, devienne possible... Préférez donc toujours jouer une « grosse » aventure en deux soirées que durant toute une journée. Ou alors, « par défaut », créez l’obscurité en fermant vos volets pour jouer de toute façon en éclairage « nocturne »... ------------------------------------------------------------------------------- OU jouer ? Ici, en revanche, la réponse « partout » pourrait (presque) être acceptable. En effet, si on peut rêver de jouer à Maléfices dans une maison de maître de la fin du XIXème siècle ou dans un hôtel particulier datant du Paris d’Haussmann meublés d’époque, force est de constater que ce n’est pas le lot commun ! De même, si la pièce dans laquelle vous jouez peut avoir un petit côté rétro-1900, ce n’en est que mieux, naturellement, mais au prix des meubles et des bibelots style « Nouille » ou Belle-Epoque, c’est personnellement un luxe que je ne peux m’offrir non plus !... Vous si ? Invitez-moi !... Simplifions donc, on usera d’expédients : idéalement, jouer dans sa bibliothèque ou un bureau tapissé de livres est un moyen facile de créer un contexte un peu « hors du temps », en évitant trop de références visuelles à la modernité : télévision et autres objets électriques voyants. (...)
Le cas échéant, les masquer le plus « naturellement » possible. Cela peut aussi se régler en travaillant les éclairages : une partie éclairée à la bougie ou à la lampe à pétrole peut astucieusement laisser dans l’ombre les « objets indésirables ». (...)
et la lueur tremblante de ces moyens d’éclairage est propice à ce Fantastique que nous aimons à côtoyer dans Maléfices... ------------------------------------------------------------------------------- COMMENT jouer ? L’avant-partie (Préparer sa partie) : Je ne dirai plus rien du nécessaire travail préparatoire du Meneur, nous en avons déjà parlé... J’ajouterai simplement que dans cette étape, j’inclus que le Meneur gagne aussi à réfléchir à l’avance à sa façon d’interpréter les personnages non-joueurs, à imaginer dans certains cas des répliques possibles, à penser à ses descriptions de lieux, etc. Ici encore, - et cela est de nombreuses fois suggéré dans les scénarios de Maléfices, reportez-vous-y - il est souvent intéressant de prévoir du temps AVANT la partie elle-même : soit pour créer un peu à l’avance les personnages spécifiques qu’elle exige, quand c’est le cas, et laisser ainsi les joueurs repenser un peu, après coup, à la façon dont ils vont le jouer ; soit pour pouvoir envoyer personnellement aux joueurs, à leur adresse, (M. Pierre-Emile Destremont, chez M. Daniel Gourdut...) la lettre qui, souvent, « lance l’aventure »... (...)
Ici encore, cela permet au joueur de rêver par avance à l’aventure, et ainsi de se mettre en condition de mieux incarner son personnage. Parfois, cela permet aussi aux joueurs de se contacter avant la partie, comme ils le feraient dans « la vraie vie »... Avec cette histoire de « vraie » lettre envoyée au personnage, nous sommes entrés dans la recherche de plus de crédibilité, de plus de « réalisme » dans nos aventures pourtant ô combien fictionnelles... Nous venons de passer sans heurts des généralités à une chose bien spécifique, les Aides de Jeu. (...)
Je me contente donc ici de conseiller aux personnes qui veulent en savoir plus sur ce point précis de se rendre à la Rubrique du Braque, dont j’assume à la fois l’intitulé savamment référencé et une grande partie du délirant contenu !... Mais soyez prévenus : on n’en sort pas indemne ! Revenons donc à nos moutons : la préparation d’une partie... ------------------------------------------------------------------------------- Les aides de jeu : Maléfices a pris à sa sortie nombre de rôlistes de l’époque à contre-pied - Michel y tenait ! - en fournissant certes des scénarios charnus et à la qualité littéraire et esthétique certaine, mais aussi en y ajoutant des aides de jeu soignées, prêtes à l’emploi : lettres et articles de journaux étaient déjà assez courants, mais des illustrations pleine page tirées à part (Récollets) , un plan de ville format A3 en encart (Les Brasiers) , des planches de bande dessinée (Le Dompteur) , une statuette à monter (Le Dompteur, toujours) , des partitions musicales originales composées spécialement pour le scénario (La Musique) , tout cela était nouveau... Et cela m’a convaincu de la nécessité, - c’est mon avis ! - de soigner les aides de jeu que j’allais à coup sûr fabriquer, soit pour des scénarios où il n’y en avait pas (pour des raisons de place, ceux des revues et des fanzines sont rarement accompagnés d’aides de jeu...), soit pour les scénarios qui en proposaient, mais pour lesquels on pouvait en créer d’autres... En effet, je crois qu’il faut insister (et j’y reviens dans un article plus poussé que je vous invite à aller lire un de ces jours) sur l’intérêt de passer du temps à la fabrication d’aides de jeu : d’une part ça fait toujours plaisir aux joueurs, surtout si certaines sont « un peu » frappadingues, mais surtout, d’autre part, une aide de jeu c’est un peu une immixtion de la réalité dans le monde fictionnel de l’Aventure. Et, surtout dans un contexte fantastique , jouer sur la (fragile !) frontière entre réel et fiction n’est jamais à négliger... A cette fin, le Meneur de jeu dispose de nombreux artifices : ------------------------------------------------------------------------------- a/ Les AdJ « papier » : J’ai tout simplement commencé à les rendre plus « vraies » qu’une simple photocopie. J’ai remplacé la « simple photocopie », justement, par une « vraie » lettre manuscrite écrite à la plume, le tout dans une enveloppe à l’adresse du personnage. (...)
------------------------------------------------------------------------------- b/ Les AdJ « 3D » : On peut trouver, en chinant, des tas de choses qui font beaucoup pour renforcer la crédibilité de nos parties... On peut aussi, avec plaisir et profit, se lancer dans la confection d’aides de jeu en 3D et « les fabriquer avec ses pauv’ doigts... » : pour exemple, j’ai ainsi fabriqué la statuette d’Uko (Le Dompteur) , et le petit volcan de Ungaro (Le Dompteur, encore)... C’est pour moi, en plus du plaisir qu’il y a à faire jouer les autres, évidemment, un des grands plaisirs du Meneur de jeu : « délirer » pour donner, paradoxalement, plus de crédibilité à l’histoire qu’on se propose de leur faire vivre... Et pour ce faire, tous les moyens sont bons... pourvu qu’ils ne prennent pas le pas sur l’essentiel : l’Aventure narrée et vécue ensemble... On peut ajouter d’autres renforts à notre partie : ------------------------------------------------------------------------------- De la musique ? Oui, par exemple ! C’est évidemment une aide qui peut s’avérer fort efficace... si on n’en abuse pas ! En effet, pour moi la musique ne doit en aucun cas devenir, parce que trop systématiquement présente, un « bruit de fond ». (...)
C’est au contraire un renfort ponctuel dans telle ou telle scène. Attention cependant au « revers » de ce qui précède : si la musique est trop rare, on aboutit à ce que, chaque fois que vous lancez un accompagnement musical, vos joueurs disent : « ouh là là ! Y’a de la musique, ça va craindre... » Et là, c’est raté aussi ! Tout est donc comme en toute chose, affaire de mesure (en musique, notez bien, ça coulait de source !). Sachez user de la musique à des moments-clefs, certes, mais sachez aussi en placer lors de « simples » scènes d’atmosphère, et pas seulement quand on arrive à une scène forte... (...)
L’utilisation et le choix des musiques, dont nous parlerons un de ces jours dans l’article Trois petites notes de musique... est évidemment crucial, mais ce sera l’objet d’une autre causerie, si vous le voulez bien... Retenez cependant qu’une scène habilement accompagnée d’une musique judicieusement choisie est un « plus » de choix dans l’ambiance que vous allez créer... De plus, l’audition de musiques aussi diverses que variées en se laissant emporter dans la rêverie par leur puissance d’évocation est un plaisir délectable, non ? Si vous avez, comme moi, poussé le zèle jusqu’à faire jouer au piano - je ne peux en effet la jouer moi-même, à mon grand regret ! - les partitions fournies avec La Musique adoucit les meurtres , justement, et si vous en possédez un enregistrement, vous conviendrez avec moi que l’audition de ces étranges morceaux ajoute un « je ne sais quoi » d’oppressant à cette aventure déjà bien angoissante ! ------------------------------------------------------------------------------- Des accessoires ? Pourquoi pas ? (...)
Mais avec le mot « accessoires », j’entends cette fois des objets, très particuliers, parfois tout faits, trouvés dans des brocantes ou carrément fabriqués, qui viennent à l’appui de vos dires... Cela fait partie de ce que l’on nomme les techniques de [suspension d’incrédulité, chères au coeur des [écrivains fantastiques. (...)
) ; des fioles, des petites boîtes au look 1900 (ou pouvant sans problème être présentées comme telles) ; un numéro de La Gazette des Inventeurs , daté de juillet 1902, idéal pour La Maison de Poupées ; un petit flacon d’alcool avec une très belle étiquette, écrite en alphabet cyrillique, (idéal pour la scène du restaurant dans Le dompteur . etc, etc. La « Chance du Meneur » aidant, vous ferez, croyez-moi, des trouvailles qui renforceront votre plaisir de mener le jeu en exhibant à vos joueurs éberlués de tels objets... ------------------------------------------------------------------------------- Soyons fous ! La chose peut aller assez loin encore, mais je réserve cela à la partie vraiment foutraque de ma façon de mener Maléfices, la fameuse Rubrique du Braque , déjà citée... Naturellement, des aides de jeu nombreuses obligent à un minimum d’organisation derrière le paravent, surtout pour ceux qui, comme Daniel et moi, sont bordéliques et qui ont besoin, sous peine de se retrouver très vite dépassés par les événements, de ranger par avance les aides de jeu, les plans, et de vérifier régulièrement que tout est là, qu’on n’a rien oublié avant de commencer. (...)
------------------------------------------------------------------------------- Conclusion en forme d’anecdote : Voilà... J’ai tenté dans cet article de vous faire partager mes petits plaisirs pervers de meneur déjanté... (J’assume !) On m’objectera évidemment que l’on peut parfaitement jouer sans tout ce bordel... J’en demeure absolument d’accord. Mais si vous voulez que vos parties de Maléfices demeurent inoubliables dans la mémoire de vos joueurs, ceci est un excellent (et excitant) moyen d’y parvenir ! Reste que, si tout ceci participe des efforts du Meneur de jeu pour rendre ses parties plus « particulières » encore, je m’en voudrais de ne pas terminer en défendant, paradoxalement mais avec délice, la thèse que tout ceci, même fort intéressant, est accessoire ( !) : ce qui compte vraiment, et ce vers quoi doit tendre tout Meneur, débutant ou plus chevronné, tient en quelques mots : il doit parvenir à capter, assimiler puis utiliser la (redoutable) « puissance d’évocation » du Meneur de Jeu. La petite anecdote qui suit va vous convaincre du bien fondé de ce que je viens d’énoncer... (...)
Je me souviens avec émotion de la toute première venue de Michel Gaudo à Provins. Il venait, « pour le plaisir », mener chez moi Le Dompteur de Volcans , encore inédit à l’époque. J’étais alors joueur de Maléfices pour la première fois. Je me souviens, la partie terminée, m’être précipité pour lire son exemplaire et y chercher ce vieux type du cirque, qui nous avait fait littéralement « pisser de rire » par son idée fixe de nous mettre en garde contre la malignité hargneuse des singes : « Au cirque, M’sieurs-Dames, y’a des fauves, ça oui... Un lion, c’est dangereux, ça reste un animal sauvage, et il est bien capable de bouffer le dompteur avec lequel il travaille depuis des années... Mais les singes, M’sieurs-Dames, les singes ! Ca a l’air gentil, c’est amusant, c’est facétieux, mais c’est fondamentalement sournois ! Si ça peut vous piquer votre tartine, ça la pique et c’est rigolo. (...)
Mais la même bestiole, cinq minutes après, si elle peut vous mordre salement, elle le fait ! Vrai, M’sieur-Dames, croyez-en un vieil enfant de la balle : y’a pas pire saloperie que les singes !... ». Il nous promettait de nouveaux renseignements, nous y retournions... et nous avions seulement droit à un nouvel argument anti-primates ! (...)
Je cherche donc cette scène inoubliable dans le scénario et... je ne la trouve pas ! Aucun ancien du cirque, rien sur les singes... Ce type qui nous avait tant marqués n’existait pas ailleurs que dans le délire improvisé de Michel ! (...)
Ce personnage était totalement inventé sur l’instant ! Peut-être me trouverez-vous naïf (ou demeuré, diront les plus féroces !), mais ceci fut pour moi, Meneur encore débutant une réelle découverte... Et c’est depuis ce moment que je réfléchis toujours aux divers PNJ que les joueurs peuvent rencontrer au cours d’un scénario... Ce personnage pittoresque, il n’avait existé que par l’invention et la crédibilité que le Meneur y avait injectées. Ce fut et cela reste pour moi une grande leçon... Tous ceux qui ont eu un jour l’occasion d’assister à la prestation d’un grand conteur SAVENT bien ce que je veux dire. Ces gens là vous « agrippent », avec leurs mots, de simples mots, oui, mais ils vous happent et. (...)