JdRP Ambiance : Nouvelle pour Loup-Garou
(...) La sonnerie d'un téléphone portable brise le silence, provoquant murmures et grognements avant que la main de son propriétaire n'émerge du duvet pour répondre. Ange réprime les insultes qui se bousculent dans sa bouche en entendant une voix féminine qu'il connaît bien. (...)
Sa silhouette étrange se découpe à la lueur de la lune : un homme de moins d'un mètre vingt, en caleçon, que le froid de la nuit ne semble pas déranger. Tout en répondant, il regarde la forêt devant lui. 'Carmen, tu répète doucement s'il te plait ? J'ai du mal à réfléchir vite à cette heure-ci.' Les soupirs de la jeune femme à l'autre bout du fil dissimulent mal son sourire. (...)
Elle explique pour la deuxième fois : 'J'ai reçu un coup de fil d'un copain à l'Yonne Républicaine, les gendarmes ont trouvé un troisième macchab', tu es sûr que ce n'est quelqu'un de chez vous qui est complètement parti ? (...)
' - 'C'est bon, c'est bon, j'ai compris, je vais y aller avec les frangins et on va voir ce qu'on peut trouver. C'est où déjà ?' Dix minutes plus tard, Ange ressort de la ferme, un vieux treillis sur le dos. Victor le suit, les clés de la camionnette à la main. Sa queue de cheval blanche reflète les premières lueurs de l'aube. Les deux hommes s'engagent sur les petites routes du Morvan, sans un mot. (...)
Le nain est plongé dans un épais dossier d'où s'échappent des coupures de journaux à chaque virage. La camionnette finit par se garer doucement le long de la route, derrière quelques autres véhicules qui paraissent bien déplacés à cet endroit et à cette heure. (...)
'Bonjour la joie pour retrouver des traces, avec tous ces lourdauds qui ont piétiné sans se poser de questions…' murmure Ange en arrivant dans la clairière où sont rassemblés gendarmes, journalistes et cadavre. Par réflexe, il renifle l'air à la recherche de l'odeur du Ver. Pas un de ces humains ne semble être plus corrompu qu'il n'est normal… un peu de haine, de jalousie, de colère… normal, et même chez les Garous, songe-t-il. Pourtant, il y a quelque chose dans l'air, quelque chose de diffus, difficilement identifiable, mais sans conteste inquiétant. 'Tu vois pourquoi je t'ai appelé', lui chuchote Carmen. Victor balaye la clairière de son regard clair, il semble absent, ses yeux dans le vague. Il secoue la tête, se frotte les paupières et fait signe à ses compagnons que l'Umbra aussi est dérangée. Comme les gendarmes se rapprochent, il préfère rester silencieux. Les deux Garous s'identifient comme des chasseurs du coin, ayant vu les voitures. L'explication semble satisfaire le lieutenant, qui retourne à son examen du cadavre. Ange se baisse à côté de lui, sans demander l'autorisation, mais personne ne semble s'en être rendu compte. Le cadavre est récent, quelques heures au plus. Comme les précédents, il a été déchiré par des coups de griffes puissants, que le médecin légiste aura bien du mal à rationaliser. Ange n'a pas ce problème, les griffes de n'importe quel Garou ou d'une demi-douzaine d'autres créatures ont pu faire ce travail, mais la présence de quelque chose susceptible de s'attaquer de la sorte à un chasseur n'a rien de rassurant. Ses pensées vagabondent alors qu'il reste accroupi près du cadavre. Autour de lui, les hommes attendent l'arrivée de l'ambulance et de la police scientifique, et Victor attend le départ des hommes. Il discute à voix basse avec Carmen, le dos appuyé contre un arbre. Le temps semble s'étirer à mesure que le matin éclaire la clairière. Les hommes se détendent un peu en sentant le soleil les réchauffer. L'adjudant regarde sa montre, grommelle contre les scientifiques en retard, et envoie un de ses subordonnés chercher du café dans le fourgon. Victor suit le gendarme du regard, distraitement. A la limite de son champ de vision, quelque chose retient soudain son attention. (...)
Avant qu'il ne puisse ouvrir la bouche pour prévenir les autres, quelque chose a jailli de l'Umbra et bondi sur un gendarme. Les occupants de la clairière se réveillent brusquement de leur apathie. Les journalistes les plus inconscient se précipitent sur leur appareils photo, les autres prennent leur jambes à leur cou. Les gendarmes se placent en position de tir, l'arme tenue à deux mains comme spécifié dans le règlement, espérant trouver une ouverture pour abattre ce qui est en train de massacrer leur collègue. Carmen imite ses collègues journalistes, appareil en main. Victor recule derrière l'arbre qui lui servait de dossier, fouille dans sa poche et en sort un étui à cigarette en métal brillant. Il le regarde, et disparaît. Seul Ange reste immobile, alors même que le gendarme s'écroule éventré à moins d'un mètre de lui. Un épais brouillard trouble tout à coup la vue de tous, et achève de terrifier les derniers courageux. (...)
La créature, un Garou en forme crinos arborant les tatouages de la tribu des Fiannas, abandonne sa proie et se tourne vers Ange. Celui-ci sourit, avant de doubler de volume en adoptant lui aussi la forme ancestrale de combat. (...)
Il esquive de justesse un coup de griffe en roulant au sol. Son adversaire semble troublé par la petite taille du métis, après tout, même en crinos, Ange ne mesure guère q'un mètre cinquante. Il n'en est pas moins un combattant de talent, et une lutte rapide s'engage. (...)
Celui-ci accélère ses attaques à mesure du combat, mais leur précision diminue d'autant. Un coup maladroit l'expose à une riposte qui l'envoie rouler dans la boue de la clairière, toujours plongée dans le brouillard. Dans l'Umbra, Victor est aux prises avec le véritable adversaire des Garous, un puissant esprit du Ver qui a pris possession du malheureux Fianna. Toute la science chamanique du théurge suffit à peine à briser les défenses de l'esprit. Un autre combat s'engage, où les coups immatériels n'en sont pas moins mortels. Mal préparé à cet affrontement, sans armes, Victor peine à éviter les attaques de l'esprit. Il change de forme pour esquiver, garder une distance qui lui permet d'être hors de portée, mais ce n'est pas ainsi qu'il pourra prendre l'avantage. Il fatigue, s'énerve, le feu de la colère monte en lui sans pour autant se déchaîner L'esprit lance une attaque à gauche, c'est une feinte mais Victor n'a pas le temps de couvrir son autre flanc. Une puissante douleur lui déchire les côtes. Il trébuche, tombe. La blessure n'est pas grave, quelques minutes de repos et elle sera refermée, mais pour le moment il est vulnérable. L'esprit se rapproche pour lui porter le coup de grâce. Un éclair de plumes noires traverse alors l'espace entre les deux combattants. Un corbeau, Carmen, a piqué, visant les yeux de l'esprit. Elle les rate, mais son intervention a permis à Victor de se relever et de gagner du temps. Il peut désormais ouvrir la fiole de verre accrochée à son cou, et projeter sur un sable mystique qui l'englue. Avant que le serviteur du Ver n'ait pu se dégager, les griffes acérées de Victor le renvoient au royaume de son sinistre maître. Dans la forêt, le Fianna s'arrête soudain de combattre, privé de la haine insufflée par l'esprit. Il titube, hagard, sans trop savoir où il est. Ange lui abat une manchette sur la nuque, l'assommant pour plus de sécurité. Alors qu'il se penche pour lier les mains de son adversaire, Carmen et Victor réapparaissent dans la clairière, où le brouillard se lève doucement. Assommé, le Garou possédé a retrouvé son apparence humaine, c'est un adolescent blond, nu. Victor le charge sur son épaule. Sans un mot, Carmen et Ange lui emboîtent le pas en direction de la camionnette. Quelques heures après, à la ferme, la discussion bar son plein, chacun a son mot à dire sur le problème. Le débat est assez stérile, en l'absence d'informations utiles, et les esprits s'échauffent. Dans un coin, le jeune Fianna est veillé par Ange et une jeune femme dessinant sur un carnet. Ils ne parlent pas, écoutant distraitement leurs frères se diviser pour des questions futiles. Peu à peu, les éclats de voix finissent par retomber. (...)