Introduction
sur Le Terrier
C'était un hiver froid et sec, mordant, qui attaquait le sol et les arbres et ralentissait le cour des rivières. Les deux femmes cheminaient lentement en suivant le vieux sentier de hallage, le long de la Gisten. Le cheval de la première caracolait un peu en tête, le poitrail gonflé de son importance, les yeux à demi-plissés. Sa robe était d'un noir de jais, si on exceptait cette curieuse tâche sous l'œil qui lui avait valu son nom. Komma était un cheval eisenör puissant, immense, taillé pour des ...Contient : maisons (6)(...) Seuls s'y serraient encore des vieillards hagards et fatigués, au regard vide, abandonnés de Théus et des hommes. Ils vivaient dans quelquesmaisonsépargnées par les flammes et la ruine des pillages incessants, attendant sans un mot que la grande faucheuse vienne finir son travail. (...)
C'est à peine, d'ailleurs, si elles se rendirent compte qu'elles étaient en ville. Les faubourgs, le long de la rivière, n'existaient plus. Lesmaisonsn'étaient plus que des tas de gravas, détruites une à une, tapies désormais dans les ronces, le liseron, les orties et les rejets de jeunes chênes. (...)
Les entrepôts bas qui s'étendaient sur la rive nord se vidaient doucement et les commerçants vendelars restaient bien au chaud près des poêles dans leursmaisons. Bien qu'il semblât presque abandonné, le Hafen restait le lieu le plus dynamique de la ville, le seul qui lui donnât un semblant de normalité. (...)
Au-delà de l'enceinte, en remontant la rivière, les deux femmes atteignirent le coeur de la ville. Le quartier de l'Ewig était jadis le noyau bourgeois de la capitale du Wische. Lesmaisonsde pierre étaient hautes et majestueuses, les rues bordées d'arbres épais et noueux. Maintenant, une population triste et effrayée s'était regroupée ici, investissant lesmaisonsabandonnées qui restaient encore debout, occupant des porches dont on avait fermé les deux extrémités, émergeant à peine de caves enfumées qui subsistaient sous les décombres de demeures incendiées. C'étaient des femmes et des vieillards essentiellement, trop fatigués, trop las, trop malades pour aller voir ailleurs. (...)
Les deux femmes s'engagèrent dans le quartier du Zorn, au sud de la rivière. L'essentiel des combats y avaient eu lieu et lesmaisonsétaient encore plus abîmées que sur l'Ewig. Les mêmes faces lunaires les regardaient passer mais aussi quelques visages plus jeunes, plus attentifs, rapaces même. (...)