Annexe : Les chapitres manquants des Aventures d'Arthur
Gordon Pymsur Les Editions sans Détour au format
Contient : lanterne (24)(...) Je ne parvenais pas distinguer quoi que ce soit, jusqu'à ce qu'une pâle lueur verdâtre apparaisse. Peters se tenait sur un bloc de pierre, portant entre ses mains lalanterneà l'aspect le plus étonnant que j'ai jamais vue. Elle n'était composée d'aucune pièce de métal : juste un prisme de verre, dont la section, pentagonale, mesurait environ vingt centimètres, et qui se réduisait en un point au bas de l'objet, et était recouvert d'une pierre plate, surmontée d'un anneau de pierre par lequel Peters tenait l'ensemble. (...)
Jamais je ne connus un désespoir aussi aigu et profond que lors de ces premières heures de descente inexorable au sein de l'immonde et interminable boyau. Les parois défilaient sans relâche et la lumière verdâtre émise par notrelanterneme rendait nauséeux. Par prudence, nous décidâmes de rationner nos provisions de feuilles à la saveur aigre, de sorte que les collations étaient peu fréquentes. (...)
Nous ne constatâmes aucun signe de vie. La lueur rougeâtre aperçue resta invisible durant ce trajet ; le seul éclairage provenait de notrelanterneglauque. Qui que ce soit qui ait emmené les prisonniers, il avait complètement disparu. Mais Peters était fermement résolu à les rattraper, bien plus que je ne l'étais moimême. (...)
L'obscurité nous entourait de tous côtés, à peine rompue par la lumière blafarde et spectrale de notrelanterne. Peters était tapi, forme sombre et inquiétante, à l'autre extrémité de la plateforme. La lassitude triompha de moi et je m'allongeais, la tête soutenue par un tas de ces végétaux huileux qui formait notre médiocre réserve nutritive. (...)
Il n'avait donc pas quitté ce monde. J'explorais à tâtons la plateforme, espérant parvenir à rallumer notre étrangelanterne. La clarté qu'elle produisait avait beau être des plus écoeurantes, elle me semblait moins difficile à supporter que l'obscurité écrasante qui nous entourait alors. (...)
Limité au seul sens du toucher, je parvins à atteindre la proue de notre vaisseau et trouvais le pieu sur lequel pendait lalanterne. Je palpais prudemment le haut de la perche graisseuse, attentif à ne pas me blesser sur son extrémité dangereusement effilée, et parvins au contact de la surface rugueuse de la lampe. (...)
Immédiatement, une vive sensation de déchirure parcourut ma main, et l'objet s'illumina en un instant. Je n'avais pas eu l'heur d'observer le fonctionnement de lalanterneauparavant, mais s'en offrit alors à moi une horrible opportunité. Une vague lueur apparut d'abord dans les profondeurs du verre, provenant du fluide tourbillonnant qui commençait à diffuser depuis un petit renflement situé en haut du prisme. (...)
Devant nous, quelque chose se déplaçait ; un bruit de battements et de frottements résonnait tout autour de nous, accompagné d'étranges hululements rauques. Peters s'empara de son pieu graisseux d'une main et de lalanterneverdâtre de l'autre. Je pris une seconde perche et m'engageais sur ses talons au sein du tunnel. (...)
Derrière eux, la lumière qui nous parvenait en provenance de l'extérieur apparaissait insupportablement vive, surpassant en éclat la répugnante lueur de notrelanterne. A la violence de cet éclairage répondait une brutale chute des températures. Une brise glacée s'engouffrait dans notre tunnel et Peters, tremblant, s'élança en brandissant son pieu et en un clin d'oeil, rompit le cou de l'un des volatiles. (...)
A l'oeil du commun, cette luminosité était certainement diffuse et modeste, mais pour ceux qui ont été enfermés dans les profondeurs de la Terre, plus obscures que toute nuit, cette blême lumière était quasiment insupportable. La lueur verdâtre de lalanternen'avait pas préparé nos yeux à l'éclat généreux du soleil, en dépit de la position basse de l'astre et du ciel couvert. (...)
Nous atteignîmes bientôt une pièce de forme ovale desservie par une seule autre issue : une rampe circulaire constituée d'une matière brillante, usée en son centre, qui s'élevait dans les ténèbres. N'ayant guère d'autre choix, nous empruntâmes cet étrange passage. A l'exception de notrelanterne, l'obscurité y était totale, et aucun point de repère sur la surface grise et uniforme des parois ne nous offrait la possibilité de mesurer le temps écoulé ou la distance parcourue sur cette rampe. (...)
La taille des lieux était impressionnante et le temps que nous avions passé enfermés dans l'étroit tunnel grimpant nous la rendait d'autant plus intimidante. La lueur verdâtre de notrelanternene parvenait pas à éclairer l'ensemble de la pièce, mais celleci disposait de sa propre source de lumière. (...)
Nous poursuivîmes notre ascension, heureux pour la première fois d'être éclairés seulement par la lueur verdâtre de notrelanterne. Ce temps de répit fut bref. Subitement, alors que nous n'avions parcouru pas plus de deux circonvolutions de la rampe, nous débouchâmes dans une nouvelle pièce, moins large et plus tempérée que celle que nous venions de quitter. (...)
Ainsi équipés, nous entreprîmes d'explorer les cinq entrées voûtées qui s'ouvraient dans cette pièce, moimême portant lalanterneverdâtre d'une main et le long tesson de cristal de l'autre, tandis que Peters se contentait de tenir fermement son curieux pieu métallique. (...)
Remarquant un grand nombre de concrétions de pierre brisées et éparpillées en ce lieu, Dirk Peters y dissimula immédiatement notrelanterne, nous plongeant en un clin d'oeil dans l'obscurité. Puis nous nous faufilâmes, aussi prestement que possible sans briser le silence, vers l'embrasure voûtée, avec l'intention d'assister à l'arrivée de l'intrus. (...)
Pour cette raison, nous prîmes grand soin de ne nous trahir d'aucune manière, progressant le long des parois de la pièce principale, puis observant la chambre dans laquelle s'était engagée la créature depuis le seuil. Bien nous en prit, car nous découvrîmes, révélé par la lueur rougeâtre de lalanterneappartenant à la Chose, un tableau tiré des plus profonds abîmes de la perdition : en ce lieu gisaient les quatre Européens ayant survécu, immobilisés dans les liens grossiers noués par les Tsalalis. (...)
Suivie uniquement par les hurlements atroces et s'affaiblissant, la Chose progressait avec une lente décontraction, portant salanternerougeâtre à pas traînants vers la rampe, en direction des étages supérieurs. C'est alors que Peters, remuant maladroitement sa large carrure, posa le pied sur quelque chose qui céda dans un craquement sourd. (...)
Nous retînmes notre respiration, n'osant ni bouger ni faire le moindre bruit tandis que les râles de l'agonisant résonnaient à travers la tour. Apparemment rassurée, la créature reprit son ascension, et disparut bientôt avec salanternedans les hauteurs de la rampe en spirale. Cet épisode achevé, Peters s'empressa d'aller récupérer notrelanterneet empoigna le pieu métallique qu'il transportait depuis l'édifice impie des Tsalalis. Je brandis quant à moi mon tesson de cristal, préparé si nécessaire à combattre jusqu'à la mort. (...)
Perdant tout espoir, nous comprîmes alors que, même à cinq, épuisés comme nous l‘ étions, nous n'avions aucune chance de nous défendre contre cette créature. Finalement, Peters, se tenant à présent à l'arrière du groupe, lança notrelanternevers la créature, en un ultime geste de défi plus que dans l'espoir réel de causer des dégâts. (...)
Le verre se brisa, libérant le liquide verdâtre et bouillonnant qui se répandit largement. Quoique lalanternese soit écrasée bien avant d'atteindre la Chose, cette dernière se révéla incapable de s'arrêter ou de dévier sa trajectoire afin d'éviter le danger. (...)
Soudain, Vredenburgh aperçut quelque mouvement à la lisière de son champ de vision. Peters effleura une deuxièmelanterne, activant la lueur nauséeuse. Nous pûmes alors discerner pas moins de trois horribles Choses Polaires, lancées à notre poursuite sur une autre plateforme, qu'ils parvenaient mystérieusement à mener à une vitesse bien supérieure à la nôtre, gagnant rapidement du terrain. (...)
Pendant ce temps, Vredenburgh, Marburg et moimême faisions le bilan de notre situation. Nous ne disposions plus que de deux pieux métalliques, unelanterne(que nous manipulions avec grande précaution) et deux maigres poignées de végétaux charnus en fort mauvais état. (...)
Nous marchâmes pendant une journée avant d'atteindre la fin du tunnel et la surface de l'île, près de la mer bouillante. Nous n'avions pas eu besoin d'allumer notre dernièrelanterne. Le coeur soulagé, nous surgîmes à l'air libre, découvrant alors d'importants changements : quelle qu'en ait été la source, la brume tourbillonnante avait disparu, de même que le grondement incessant de la cataracte. (...)Voici les 14 pages des chapitres manquants des aventures de Gordon Pym : 22 mars - Les ténèbres s'étaient sensiblement épaissies et n'étaient plus tempérées que par la clarté des eaux, réfléchissant le rideau blanc tendu devant nous. Une foule d'oiseaux gigantesques, d'un blanc livide, s'envolaient incessamment de derrière le singulier voile, et leur cri était le sempiternel Tekelili ! qu'ils poussaient en s'enfuyant devant nous. Sur ces entrefaites, NuNu remua un peu dans le fond du bateau ...