Constantinople
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Contient : militaire (14)(...) Mais, à la différence de Rome, Constantinople est un grand centre industriel et commercial, et l'éparque, qui surveille étroitement la qualité de la production, en vient à jouer un rôle économique de plus en plus important. Son rôle politique, en revanche, diminue sous la dynastiemilitairedes Comnènes, dans une ville de plus en plus envahie par les marchands latins qui échappent à sa juridiction. (...)
C'est que l'Empire manquait d'hommes, non seulement du fait de la dénatalité (qui se fera sentir au moins jusqu'à la fin du VIe siècle), mais aussi parce que le régime dominant était celui de la grande propriété, très peu favorable au recrutementmilitaire. Il faut remarquer aussi que ce tribut était moins une marque de sujétion humiliante que l'instrument d'une fructueuse opération commerciale: l'or byzantin était en grande partie récupéré sur les marchés frontières installés par l'Etat et où, à des prix imposés par lui, les Barbares achetaient les marchandises de luxe fabriquées dans l'Empire. (...)
Dans l'administration locale, caractérisée par la multiplication des thèmes qui désormais couvrent tout le territoire de l'Empire, la hiérarchiemilitairecontinue de dominer la hiérarchie civile; mais un fonctionnaire peut passer facilement de l'une à l'autre. (...)
Le règne de ce pieux et rude homme de guerre, dont la personnalité annonce celle de Basile II, son pupille, fut très brillant sur le planmilitaire, comme on pouvait s'y attendre. Non seulement il reconquit Chypre et la Crète, ce qui fermait la mer Egée aux flottes musulmanes, mais il fut le premier général grec, depuis l'invasion arabe, à forcer la ligne du Taurus, à pénétrer en Cilicie et en Syrie: en 969, la vieille cité d'Antioche, ou ce qui en restait, rentrait dans le sein de l'Empire. (...)
L'Empire eut la chance d'avoir Basile II le Bulgaroctone (957-1025) à sa tête dans la terrible lutte qui l'opposa à la Bulgarie renaissante. Basile ne fut véritablement maître de son Etat qu'à partir de 988: il le gouverna en souverainmilitaireet en autocrate. Il défendit les petits propriétaires et, par un renversement de politique, chargea les grands domaines du fardeau de l'allêlengyon , impôt dû par des contribuables insolvables: il reposait jusqu'alors sur la communauté villageoise et provoquait l'abandon de la terre . (...)
Avec le premier des « époux de Zoé » commencent à la fois la décadence de l'Empire et le règne de la noblesse civile et constantinopolitaine, dont la rivalité avec la noblessemilitaireet rurale de la province explique l'instabilité du pouvoir pendant le demi-siècle qui va suivre. (...)
En revanche, l'administration commença à se détériorer: on vit apparaître le système de la ferme des impôts, et l'on commença à remplacer par un versement en espèces le servicemilitairedû par les stratiotes. Cela signifiait pour l'armée un retour au mercenariat. Les armes byzantines étaient toujours puissantes: l'Empire s'était encore agrandi, depuis la mort de Basile II, par l'annexion d'Edesse, du royaume arménien d'Ani, de la Sicile occidentale. (...)
Quand la maison de Macédoine se fut éteinte en 1056, la crise financière ne fit que s'aggraver, d'abord sous Michel VI, puis - après une brève réaction qui mit à la tête de l'Empire un des chefs de l'armée d'Asie, Isaac Comnène - sous Constantin X, le protégé de Michel Psellos. Quand enfin la noblessemilitaireexaspérée par les avanies et les refus de crédits, imposa au patriarche Jean Xiphilin l'un des siens, Romain Diogène, il était trop tard. (...)
Les dernières armées byzantines ne s'occupèrent plus que de lutter les unes contre les autres pour imposer l'empereur qu'elles s'étaient choisi, et lorsque le vainqueur de cette ruineuse compétition, Alexis Comnène, neveu d'Isaac, s'installa au Grand Palais, il trouva l'Asie Mineure presque entièrement aux mains des Turcs, le trésor vide, la monnaie dévaluée - une monnaie dont le cours n'avait pas varié depuis le lointain règne d'Anastase Ier -, le commerce et l'industrie ruinés. La noblessemilitaireau pouvoir: les Comnènes et les Anges (1081-1204) : Si les empereurs issus de la classe sénatoriale étaient tombés pour avoir fait aux dépens de l'armée les seules économies qui leur parussent nécessaires, la noblessemilitaireavait aussi de lourdes responsabilités dans la ruine du régime: elle avait largement contribué à réduire au servage la plus grande partie de la paysannerie libre, tarissant ainsi la meilleure source de recrutement et aggravant le déséquilibre social qui tendait à faire disparaître les classes moyennes et à opposer directement - pour parler le langage des novelles - les « puissants » toujours plus puissants et les « pauvres » toujours plus nombreux. Les trois premiers Comnènes pourront bien, par leur courage, leur ténacité, leurs brillantes qualités de diplomates, reconquérir une grande partie du territoire envahi et conjurer pour un siècle le péril turc en Asie et en Europe, ils n'en resteront pas moins prisonniers de la classe qui les aura mis au pouvoir, et de ses intérêts: caste au loyalisme toujours douteux, dont assurément la tenue est meilleure que celle de la noblesse civile du XIe siècle et la culture souvent raffinée, mais orgueilleuse et fermée; avide de titres et de privilèges, elle n'éprouve ni pitié ni sollicitude pour un peuple qui souffre. (...)
Ni même son administration, bien dégradée depuis l'époque des Macédoniens, comme le montre le recours de plus en plus étendu au système de la ferme des impôts, d'un faible rapport pour l'Etat et odieux à ses sujets. Le budgetmilitairedevient écrasant. Sans doute, les Comnènes ont-ils réussi à reconstituer une armée nationale en ressuscitant le système des biens militaires sous une forme adaptée à l'esprit du siècle. (...)
Déjà ancienne, la pronia (prouoia), concession d'un revenu ou d'un domaine faite par l'Etat à un individu à titre viager, reçoit désormais une destinationmilitaire: des domaines, avec les parèques (serfs) qui les cultivent, passent aux mains de bénéficiaires évidemment choisis dans la noblesse - qui, en échange, non seulement doivent l'impôt du sang à titre personnel, mais la fourniture d'un certain contingent. (...)
On doit enfin signaler à cette époque la naissance d'une littérature populaire, favorisée par l'effacement de la littérature monastique, et aussi par les exploits militaires des souverains macédoniens, car elle se manifeste surtout par les chansons acritiques , sortes de cantilènes épiques célébrant les exploits des héros de la frontière, les acrites . Elles forment plusieurs cycles rattachés aux grandes familles de la noblessemilitaireet provinciale. Mais celles qui nous sont parvenues, constamment transformées au cours des âges, sont aujourd'hui très difficiles à dater. (...)
Un nouvel humanisme : La littérature de ce temps a donc pour base une culture générale plus profonde et mieux équilibrée, plus directement reliée aux sources antiques que celle du siècle précédent: c'est le début d'un nouvel humanisme, que favorisent encore au XIe siècle les rapports multipliés avec l'Occident latin. Sous les Comnènes, pourtant issus de la noblessemilitaire, la Cour deviendra, non plus un foyer d'érudition comme sous Constantin VII, mais celui d'une culture plus créatrice et plus artiste qu'à l'époque macédonienne. (...)Les Byzantins usaient ordinairement, pour désigner la capitale de leur Empire, de trois termes qui correspondent à son origine, à son rôle dans la vie politique, à sa suprématie économique et culturelle: ils l'appelaient soit la «ville de Constantin » (Kynstantinoupoliv), soit la «nouvelle Rome », soit la «reine des villes» (ou simplement la «reine», c basiliv). De fait, aucune nation peut-être n'a donné plus d'importance à sa capitale, et cette particularité explique bien des traits remarquables ...