Le Rituel
sur Pénombre au format (15 Ko)
Portée par la mince volute de vapeur, l'odeur familière se répand dans la pièce alors que je verse le liquide dans les tasses. Ryo-kun attend patiemment, aussi silencieux qu'à l'habitude, que les onze récipients alignés sur la table de bois ciré soient pleins. Toujours sans dire un mot, je hoche finalement la tête en signe d'acceptation et sors du bâtiment pour aller chercher les hommes. Parce que quoi qu'on puisse en dire, quoi que les intéressés eux-mêmes puissent en penser, ils sont encore ...Contient : samurai (13)(...) Ils entrent à tour de rôle dans la pièce, simplement vêtus d'un pagne comme le veut la coutume. Bien que trois dessamuraidont j'ai la charge soient des femmes, cette même coutume leur interdit de masquer leur poitrine lors de notre rituel matinal. (...)
Avant que le thé sacré ne fasse son oeuvre, Ryo-kun et moi devons en effet procéder aux vérifications habituelles. Vérifier que depuis la veille, les marques de la corruption n'ont pas grignoté un peu plus cessamurai. Le thé est censé garantir une certaine rémission mais parfois, aussi près de l'Outremonde, il y a des surprises. (...)
Le seul ton que j'emploie jamais à leur égard. 'Konnichiwa, Ieyasu-san'. 'Konnichiwa, Kuni-sempai' répond le grandsamuraià l'accent des provinces du Phénix qui s'avance et prend le médaillon de jade dans la main. Il serre les dents alors que la brûlure du jade l'assaille pendant que Ryo-kun et moi- même procédons à l'inspection de son corps. (...)
Ses doigts fument et l'odeur de chair brûlée flotte jusqu'à mes narines tandis que celle qui fut autrefois l'enfant d'un seigneur du Lion rejoint Ieyasu à la table, serrant les dents pour ne pas hurler de douleur. Je fais semblant de ne rien remarquer pour lui laisser au moins cette fierté et je m'intéresse ausamuraisuivant. Une fois le rituel terminé et mes pauvres brebis en train de finir leurs tasses de thé, je peux enfin prendre un instant de repos bien que mon visage n'en montre rien. (...)
La plupart d'entres nous essayons d'être aussi neutres et froidement courtois qu'il est humainement réalisable. Surtout à ce moment de la journée ou certains signes peuvent nous amener à séparer unsamuraides autres... pour que sa tète aille rouler dans la boue à quelques pas de cette porte. Les eta qui se chargent ensuite de son cadavre sont considérés comme des criminels, même parmi leurs semblables et personne au sein de leur caste ne songerait à leur disputer cet 'honneur'. (...)
Quoi qu'il arrive, quelles que soient les décisions à prendre, nous devons sembler impassibles alors que chaque jour, nous voyons dessamuraivenus de tout l'empire aux prises avec l'essence même du Jigoku. Nous devons rester froids et ne pas montrer nos émotions alors que nous les surveillons. (...)
Aucun artiste, aussi bas soit- il dans l'Ordre Céleste, n'accepterait de venir jusqu'au pied du Mur pour distraire nossamuraifrappés par la Souillure. Alors, nous nous débrouillons tous seuls. Nous leur offrons le peu d'oubli et de compassion dont nous sommes capables. (...)
S'ils ont de la chance, une attaque de nos ennemis sur le mur leur donne une occasion de mourir en vraissamurai. Mais quand il n'y a pas d'attaque ou quand il n'est pas nécessaire qu'ils se rendent sur la muraille, la Souillure continue à les ronger. (...)
Alors nous veillons sur eux et nous tenons nos katana prêts à leur donner le dernier honneur auquel toutsamuraidevrait avoir droit. Il n'est pas question de les envoyer avec les patrouilles de l'autre côté. (...)
Le jade ne peut plus grand chose pour eux et ils auraient tôt fait de basculer dans la démence ou dans la mort, ce qui ajouterait aux périls de nos soldats. Alors nous demeurons à l'ombre du grand mur et nous attendons que nos ennemis attaquent. Et nossamuraivenus de tout l'empire qui ont pour la plupart renoncé à leur nom et qui préfèrent ne pas parler de leur ancienne vie plutôt que de fondre en larmes attendent avec nous. (...)
Aux yeux de ses frères d'infortune, il est presque un personnage de légende et le fait que la moitié de son visage soit devenue une horreur purulente et suintante ne fait que renforcer l'image de guerrier inflexible du vieil homme qui a passé depuis longtemps l'âge auquel la plupart rejoignent un monastère. Pour lessamuraidont j'ai la garde, ce genre de retraite est presque exclu. Tout au plus, une poignée pourra espérer rejoindre les moines qui font pousser notre précieux thé mais la plupart meurent ou capitulent bien avant. (...)
Même s'ils ont mérité leur sort parce que l'une de leurs vies passées les a amené à prendre le mauvais chemin, l' espoir de Shinsei demeure bien vivant. Même ici, à l'insu de la plupart de nos frères. Oui, même si cessamuraisans nom sont condamnés par les puissances célestes, par la Roue et le karma du poids de leurs fautes, il demeure toujours l'espoir qu'ils parviennent un jour à reprendre la route. (...)
Ils nous font confiance mais pas à ce point là. Et donc, ils ne nous croiraient pas. Il ne s'agirait pas de leur donner à penser que des Kuni, dessamuraidu Crabe, des chasseurs de sorciers leur font l'aumône de la pitié. Alors nous nous tenons à leurs côtés, prêts à combattre contre notre ennemi commun. (...)