Chapitre VI – Le pont des morts
sur Pénombre au format (54 Ko)
Les mois qui ont suivi notre retour de Kenson Gakka ont été lourds d'inquiétude. Après ses déboires avec le Clan du Scorpion, le Clan du Lion est désormais bien engagé pour entrer en guerre avec mon clan. L'hiver s'étend à sur l'Empire mais dés que les neiges se retireront, il y a fort à parier que les armées prendront leur place. Il se trouve que mes compagnons et moi-même savons en partie ce qui a provoqué cette guerre, où plus exactement qui a manipulé les évènements afin que les incidents ...Contient : tankenka (29)(...) Il était donc relevé de son service auprès de Kitsuki Genji-sama et en tant que magistrat itinérant, il souhaitait que Hakka-san et moi entrions à son service en tant que yoriki. De plus, il avait récemment reçu un courrier deTankenkaqui avait apparemment fini par découvrir sa destinée. L'ancien shugenja du scorpion devenu moine puis réceptacle du kami de la Rivière aux Trois Rives avait abandonné ses fonctions au monastère de Kenson Gakka juste avant notre départ et il s'était rendu à la capitale. (...)
L'empereur souhaitait visiblement donner une dernière chance aux deux clans de ne pas perdre la face avant de leur ordonner de cesser les hostilités. Isamu-sama nous montra la lettre deTankenka-sama dans laquelle il nous demandait de venir le rejoindre afin de le seconder.Tankenka-sama indiquait également dans son courrier qu'il soupçonnait un dénominateur commun, une influence unique derrière plusieurs incidents récents entre les deux clans majeurs. Il soupçonnait quelque influence magique et comptait visiblement sur Isamu-sama pour l'éclairer dans ce domaine. (...)
Le message avait été porté par un jeune barde de la famille Ikoma, Ukiai-san, requis pour l'occasion et chargé de nous aider à rejoindreTankenka-sama. Par précaution, je pris mon armure de bataille lorsque je m'équipai pour suivre mon nouveau magistrat et bien m'en pris. (...)
Nous avions peu de temps devant nous et il nous fallait trouver l'Auberge de la Tempête Menaçante ouTankenka-sama avait précisé qu'il séjournait. Ikoma Ukiai connaissait bien la ville et nous guidait. (...)
Puis, je m'affairai auprès d'Akodo Kairou, le samurai blessé emmené par Hakka-san pendant que celui-ci et Isamu-sama montaient à l'étage. L'aubergiste nous avait déclaré queTankenkaétait sorti peu de temps avant le début de la bataille et dans l'attente de son éventuel retour, peut-être était-il nécessaire d'inspecter sa chambre dans l'éventualité ou il aurait laissé des instructions écrites à notre intention. Ils trouvèrent tout autre chose. Il y avait une partie du journal personnel deTankenka, dans lequel il se reprochait amèrement sa responsabilité dans ce conflit. L'ambassadeur du Lion, Matsu Agame, avait apparemment une liaison avec la fille du général Daidoji commandant la place. (...)
Malheureusement, il semblait que quelqu'un d'autre ait eu vent de cette affaire et par des moyens queTankenkan'eut pas le temps de découvrir, ce quelqu'un dévoila le secret au père de la jeune fille. Confronté au père offensé, l'ambassadeur Matsu Agame n'avait eu d'autre choix que de reconnaître publiquement les faits avant d'organiser son propre seppuku public. (...)
Mais personne ne resta sagement là à attendre qu'il meure car ses propres soldats outragés se lancèrent dans la bataille. Comme le disaitTankenka, quelqu'un voulait visiblement faire en sorte que la Grue et le Lion s'entredéchirent. Et je doutai fortement que ce quelqu'un fasse partie de mon clan malgré les apparences. D'ailleurs,Tankenkadisait aussi dans son journal qu'à part lui, maintenant qu'Agame était mort une seule autre personne résidant au Château de la Voie du Sabre pouvait démasquer Sozui. (...)
La coïncidence ne pouvait pas en être une. Isamu-sama découvrit également un étrange petit miroir près du journal deTankenka. En regardant son reflet dans la glace, il vit à la place une image animée de l'ancien moine. Isamusama vit l'image deTankenka-sama s'approcher d'un petit bâtiment de pierre. Ses pouvoirs de shugenja lui permirent de déterminer que le miroir abritait un kami de l'eau ce qui d'après lui semblait assez inhabituel puisque ce genre d'objet de par ses origines est plutôt lié aux esprits de la terre. (...)
Le spectre ne pouvait pas parler mais il nous désignait la direction du sud avec insistance et montrait le miroir deTankenka. Il ne nous en fallait pas plus. Après nous être assurés que les blessures de Denosei-sama ne le faisaient pas trop souffrir et qu'Akodo Kairou pourrait un jour retourner sur le champ de bataille, nous sommes sortis précipitamment dans la nuit. (...)
Durant notre course, Ikoma Ukiai nous expliqua que le tombeau ou reposait le général mort se trouvait par là et qu'il s'agissait certainement de l'endroit dans lequel nous avions vu pénétrer l'image deTankenka. Y arriver fut beaucoup plus difficile que nous le redoutions. Parce qu'il n'était pas prévu que les combattants qui s'affrontaient autour de nous se mettent tout à coup à s'entretuer sans discrimination. (...)
Et les bruits de bataille provenant du reste de la ville ont aussitôt semblé s'apaiser. Mais quelque secondes plus tard, le corps deTankenkaprojeté depuis le sommet d'une muraille proche s'écrasait à quelques pas de nous. Hakka-san eut le temps de voir une silhouette en haut de la muraille, avant qu'elle ne se volatilise dans l'obscurité de l'air nocturne. Je n'ai rien vu mais je veux bien le croire.Tankenkaeut le temps de nous souffler quelques mots avant de mourir. Il nous adjura de 'terminer' quelque chose et de 'ramener chez eux' quelqu'un. (...)
De nombreuses choses furent dites, des opinions et des convictions partagées et finalement, nous parvînmes à arrêter une ligne d'action. Nos conclusions reposaient sur un postulat simple : devant le tombeau et dans la chambre deTankenka, des spectres de samurai nous étaient apparus. Et d'autres samurai bien vivants s'étaient soudain mis à se battre comme s'ils étaient fous ou possédés. (...)
Il nous rappela que depuis des siècles, certains membres de la famille de shugenja Kitsu avaient pour mission de guider les esprits des morts, de tous les morts, jusqu'au pont qui les mènerait au paradis céleste. Et dans son journal,Tankenkaexpliquait qu'un homme résidant au Château de la Voie du Sabre partageait ses connaissances sur cette affaire. (...)
Autour de nous s'étendaient d'étranges roches aux formes torturées et rien ne semblait pousser ou vivre ici. Puis, les fantômes deTankenkaet Akodo Arasou vinrent à nous. On nous expliqua que l'endroit ou nous étions était le Meido et qu'il représentait une des étapes sur le chemin des âmes mortes jusqu'au pont de l'oubli qu'elles devaient traverser pour rejoindre le paradis céleste vierges de tout souvenir afin de préparer leur prochaine incarnation mortelle. (...)
D'après Arasou, un samurai mort du nom de Kakita Tobasu dont le nom ne m'évoquait rien semblait diriger les Légats, les légions de morts anonymes, pour le compte de Kitsu Goden. Mais, nous ditTankenka, le problème était d'une importance bien plus grave qu'on pouvait déjà le penser. Car le rituel incomplet utilisé par Goden visait en fait à l'origine à rassembler les âmes égarées pour qu'un seul esprit puisse enfin les guider jusqu'au Pont de Lumière. (...)
L'augmentation d'activité spirituelle commençait également à provoquer diverses apparitions inquiétantes, au nombre duquel on pouvait compter la manifestation soudaine d'Akodo Hifune, le fantôme qui m'avait défié en duel. Ce qui signifiait d'aprèsTankenkaet Arasou que tôt ou tard, le rituel échapperait définitivement au contrôle de Kitsu Goden, ce qu'il commençait visiblement déjà à faire. (...)
Les Légats seraient alors libres de rester sur notre monde et chacune de leurs victimes ne ferait que venir grossir leurs rangs...La suite était facile à deviner.... D'aprèsTankenka, il nous fallait revenir sur notre monde et trouver un forgeron du nom de Shimesu qui pourrait nous donner la seconde partie du rituel. (...)
L'armurier qui officiait justement au Château de la Voie du Sabre était en fait la personne à laquelleTankenkafaisait référence dans ses notes, le seul autre homme au courant du problème des Légats. Nous avions pensé qu'il s'agissait de Kitsu Goden mais lui, il était en fait l'un des deux responsables. Arasou demanda à Isamu-sama de donner le miroir deTankenkaà dame Matsu Tsuko, ce qui nous permettrait d'obtenir de l'aide. Il ne voulut pas nous donner plus de précisions car il nous fallait rapidement revenir sur notre monde et lui ainsi queTankenkaallaient nous y aider. Il nous fallait absolument arrêter Goden et Sozui. Pour sauver le Clan du Lion et celui de la Grue au bord de la guerre. (...)
En nous enfonçant dans la brume du val nous avons vu disparaître le Meido puis nous nous sommes retrouvés sur le terrain d'entraînement du Château de la Voie du Sabre. A l'aube. Durant notre voyage jusqu'à ce petit val,Tankenkanous expliqua bien des choses. Bayushi Sozui était autrefois membre de ma propre famille et portait le nom de Kakita Sozui. (...)
De son côté, Shimesu avait été abandonné à une famille de heimin afin que si un jour la vérité à son sujet soit connue, le fier clan du Lion soit ridiculisé. Mais cela n'expliquait pas les mystérieux pouvoirs dont Sozui semblait disposer.Tankenkanous confirma que c'était bien elle qui avait attiré l'attention de l'esprit de la Rivière aux Trois Rives à Kenson Gakka, lorsqu'elle avait entrepris d'explorer les anciens passages secrets. (...)
Nous avons trouvé Matsu Tsuko devant la statue érigée en l'honneur d'Arasou et je me rappelai alors qu'elle aurait du épouser cet homme s'il n'était pas mort à la bataille trois ans auparavant. Elle a accepté en grognant le miroir deTankenkamais son visage a pali quand elle a regardé dedans et elle s'est éloignée sans rien dire. Matsu Shimesu travaillait comme de juste à l'armurerie. (...)
Des messagers partirent prévenir le reste du Clan de la trahison de Goden tandis que d'autres se rendaient à Otosan Uchi pour avertir la cour impériale des risques encourus à cause des Légats. La Dame des Lions avait apparemment vu tout ce qu'il était nécessaire de savoir dans le miroir deTankenka. Il nous fallut plusieurs jours pour arriver à l'avant-poste et les quelques réfugiés heimin que nous croisâmes sur la route nous avertirent que les Plaines de Bataille méritaient une fois de plus leur nom. (...)