Chapitre X – Les Quatre Piliers
sur Pénombre au format (51 Ko)
Durant les deux mois que durèrent cette mission, j'eus à plusieurs reprises des doutes au sujet du Champion d'Emeraude. Cela ne m'empêcha pas d'accomplir mon devoir et il s'avéra ensuite que nous n'avions pas les éléments essentiels de cette affaire. Et pourtant, il demeure des zones d'ombres. Dés le début, les choses semblèrent quelque peu... particulières. Le printemps puis l'été s'étaient succédé sans accroc particulier lorsque je fus convoqué par Doji Satsume-sama et dans son antichambre ...Contient : yoshitaru (30)(...) Autre curiosité, l'homme portait avec lui dans un drap un vieux katana dont le saya était entouré d'un rouleau de parchemin. L'autre visiteur qui attendait tout comme moi d'être reçu par le Champion se nommait ShibaYoshitaru. Comme le défunt Shiba Isamu,Yoshitaru-san n'avait pas suivi la voie traditionnelle de sa famille mais avait préféré se vouer à la prêtrise. Il semblait d'abord aimable et portait des vêtements particulièrement luxueux. (...)
Il avait également vaincu durant un Palais d'Hiver l'un des meilleurs bretteurs de la famille Matsu qui lui avait reproché le fait d'arborer un tessen aux couleurs du Scorpion dont on lui avait fait cadeau. ShibaYoshitaru-san de son côté venait quelques jours plus tôt d'épouser sa promise. La jeune dame Shiba Kachiko était née Otomo et il s'avéra qu'elle était en fait la jeune soeur de Sakurasan, l'épouse de mon ami Hida Shironage. (...)
Le Champion d'Emeraude nous expliqua que nous devions nous rendre à ce concours de poésie afin d'enquêter sur un assassinat qui ne s'était pas encore produit. Celui de ShibaYoshitaru-san qui parut fort surpris d'apprendre la nouvelle. Satsume-sama ordonna alors au jeune shugenja de prendre avec lui le vieux katana qui attendait sur son reposoir et de le conserver durant cette mission. Bien que fort perplexe, ShibaYoshitarus'exécuta et nous reçûmes la permission de quitter le palais, un serviteur me donnant près des écuries une missive de la main du Champion qui m'était personnellement destinée. (...)
Le voyage jusqu'à Tako Mura devait prendre plusieurs semaines et nous eûmes l'occasion de faire plus ample connaissance. ShibaYoshitaru-san s'avéra être un homme d'humeur changeante, souvent porté à la critique et aux commentaires dépréciateurs. (...)
La première impliquait un simple ronin qui marchait dans l'autre sens sur la route. Pris d'un accès de folie incompréhensible,Yoshitaru-san sauta d'un coup à bas de sa monture et sa main normalement invalide s'empara du katana que nous avait confié le Champion d'Emeraude pour frapper le ronin. Fort heureusement, l'homme survécut à ce coup et le fait de le porter sembla faire sortirYoshitaru-san de son étrange transe. Il lâcha aussitôt l'arme qui tomba au sol. Le ronin blessé accepta nos soins mais déclina notre offre de l'aider à continuer sa route jusqu'au village le plus proche. (...)
Elle continuait en permanence à laisser suinter du sang et Fujifusa-san nous confia qu'il avait eu l'impression d'en voir couler quelques gouttes durant son voyage jusqu'au palais du Champion. Nous eûmes une longue discussion sur le bas-coté de la route. ShibaYoshitaru-san apaisa mes craintes concernant la lame. Selon lui, il ne s'agissait pas d'une des Quatre Lames de Sang mais d'un objet maudit dont la malédiction était contenue par les parchemins sacrés enroulés tout autour à l'endroit ou un homme pose la main lorsqu'il tient son épée par le saya. Pris d'une certaine curiosité,Yoshitaru-san avait cru judicieux d'ouvrir ces parchemins dont il ne connaissait pas la nature et lorsque le dernier était tombé, la malédiction l'avait frappé. (...)
Se retenant à grand peine de rire, Fujifusa-san donna un koku au chef des garnements, ce qui lui valut un sermon enflammé de la part deYoshitaru-san qui semblait décidé à donner des leçons sur toutes choses à tout le monde. Je fis de mon mieux pour ignorer l'incident opposant les deux hommes qui me semblaient à cette occasion aussi puérils l'un que l'autre. (...)
De plus, les riches vêtements de l'homme et sa corpulence indiquaient clairement qu'il devait dépenser sans compter des sommes considérables à diverses futilités. Fujifusa-san etYoshitaru-san intervinrent poliment afin que cela cesse. Doji Akira, puisque tel était son nom, nous déclara avec beaucoup d'emphase qu'il trouvait la nourriture locale infecte, qu'il était venu dans l'espoir de se distraire mais le regrettait déjà et enfin qu'il était absolument ravi de nous rencontrer. (...)
Lorsqu'elle s'était rendue compte de son origine et de sa signification, sa décision avait été aussi rapide qu'irrévocable. ShibaYoshitaru-san découvrit un autre fait qui lui aussi en disait long sur les sources d'inspiration de la jeune femme. (...)
Enfin, Fujifusa-san parcourut le journal personnel de la jeune femme. Il découvrit que celle-ci s'était apparemment entichée deYoshitaru-san lors d'une visite à la cour quelques mois plus tôt et avait peu d'estime pour la jeune femme qui devait par la suite devenir son épouse. (...)
Les hommes élégants abondent à la Cour Impériale et la poésie elle-même est une forme d'expression artistique très courue. Ni Fujifusa-san, niYoshitaru-san ne pouvaient me donner un nom de suspect potentiel et tous deux étaient bien plus au fait des allées et venues autour du Fils du Ciel que je ne le serai jamais. (...)
Car dans le cas contraire, les miharu de la Garde Impériale l'auraient certainement démasqué depuis longtemps. Je fis brûler le masque et le parchemin malgré le sourire moqueur deYoshitaru-san. Il peut être certain de sa propre valeur et de ses propres pouvoirs, il n'en demeure pas moins que des gens bien plus avisés et puissants que lui ont succombé à la Souillure en étudiant la magie ou les créations du Huitième Fils. (...)
Le Champion me suggérait de faire appel à cet homme si d'aventure nous étions dans l'incapacité de progresser dans notre mission. Mais, au cours de notre discussion, j'eus plusieurs surprises assez désagréables. ShibaYoshitarutout d'abord avait dissimulé par devers lui plusieurs informations importantes. Il savait, bien qu'il refuse de dire comment, que six siècles auparavant, Megumi kamisama avait fait appel à quatre champions qui avaient embarqué sur un navire depuis ce village. (...)
Il refusa de nous dire ce que le shugenja de la famille Isawa était censé représenter. Je ne dis rien à ShibaYoshitarumais sa grossièreté et son infatuation commençaient non seulement à me peser mais surtout à faire obstacles à notre mission. (...)
Ce qu'il a fait, d'autres l'auraient fait aussi. Le même soir, Yasuki Tetsuo vint nous voir fort perturbé. Il prétendait avoir été agressé parYoshitaru-san sur la plage et avoir à moitié défiguré son agresseur d'un grand coup de tetsubo. Le shugenja avait alors pris la fuite sans demander son reste. Plus étrange encore, une des dents de 'Yoshitaru' était restée à terre à la suite du coup et lorsque Yasuki Tetsuo nous la montra, il apparut clairement qu'aucune mâchoire humaine n'aurait pu abriter un tel élément tant il était hideux et déformé. (...)
Il semblait avoir depuis peu changé de maitre et son nouveau capitaine, l'Aigle des Mers, était réputé pour ses liens avec les puissances de l'autre côté du Mur des Bâtisseurs. ShibaYoshitaru-san nous déclara alors que lors de notre arrivée au petit château de Tako Mura, il avait aperçu par la fenêtre un aigle de belle taille nous observer de manière très intense avant de s'envoler à tire d'aile. (...)
Les quatre champions n'avaient pas forcément besoin d'être de la même origine que ceux de la légende, il leur suffisait d'avoir été 'choisis' et de représenter chacun l'une des quatre valeurs de leurs prédécesseurs. Kakita Fujifusa pouvait représenter le Devoir, il semblait que l'Honneur soit mon rôle et ShibaYoshitarupouvait reprendre le mystérieux flambeau de son lointain parent. Yasuki Tetsuo, vantard, à moitié corsaire, combattant émérite, poète autodidacte connu pour ses mauvaises manières pouvait assez bien représenter la Gloire. (...)
L'équipage de Tetsuo-san avait été décimé mais les pirates étaient tous morts et leur capitaine ainsi que son volatile avaient été calcinés par la magie deYoshitaru-san. Le navigateur du navire pirate, un gaijin, avait apparemment aidé mes compagnons à remporter la bataille. (...)
Il maîtrisait assez bien notre langue pour un barbare et combattait avec une étrange lame droite et fine surtout destinée à des attaques de pointe. Un léger accrochage entre lui et ShibaYoshitarusurvint lorsqu'il déclara que son roi lui aussi prétendait descendre du Soleil mais je parvins à les calmer tous deux. (...)
Une fois de plus, je perdis connaissance. A mon réveil, Kakita Fujifusa gisait, blessé mais conscient, sur le sol. Les pouvoirs de ShibaYoshitarului avaient permis d'achever le shugenja corrompu mais il avait aussi incinéré Yasuki Tetsuo-san. (...)
Un dernier mystère trouva son explication lorsque nous découvrîmes la véritable forme du katana qui avait été confié à ShibaYoshitarupar le Champion d'Emeraude. Il s'agissait du bras de l'oni qui avait été vaincu six siècles plus tôt. (...)
Il me reste un dernier point, plus personnel, à aborder. J'avais le coeur serré lorsque je revins à ma petite maison, accompagné de ShibaYoshitaruet Kakita Fujifusa auxquels je voulais offrir mon hospitalité à la suite de notre succès. Près de trois mois s'étaient écoulés depuis mon départ pour une petite mission qui ne devait normalement durer qu'un tiers de ce temps, tout au plus... L'homme sortait de ma maison lorsque nous y arrivâmes. (...)
Un éclair d'intuition, ou un avertissement soufflé à mon âme par mes ancêtres... j'interpellai l'homme qui prit la fuite. ShibaYoshitarufut beaucoup plus direct et le réduisit en cendres. Mais j'étais déjà dans ma maison l'arme au poing, suivi de près par Fujifusa-san. (...)
Je la priai de bien vouloir se préparer à recevoir mes invités si 'sa santé fragile' le lui permettait et comme elle se déclara prête à nous accueillir, je ressortis pour faire entrer mes compagnons. Kakita Fujifusa m'attendait dehors avecYoshitaru-san. Le champion de Bayushi Kyusho avait fait preuve d'une grande discrétion et il était ressorti promptement afin de ne pas nous imposer sa présence et pour ne pas nous voir dans une situation si... embarrassante. Embarrassante...certes, mais qui me fait encore tendrement sourire parfois. ShibaYoshitaru-san n'avait rien remarqué et se tenait près du corps de sa victime, entouré de plusieurs heimin stupéfaits qui contemplaient comme lui la dépouille. (...)