Voyage au Centre de la Terre
sur Les Ludopathes
Contient : soleil (19)(...) J'eus bientôt arpenté ces voies mornes et tristes ; j'entrevoyais parfois un bout de gazon décoloré, comme un vieux tapis de laine râpé par l'usage, ou bien quelque apparence de verger, dont les rares légumes, pommes de terre, choux et laitues, eussent figuré à l'aise sur une table lilliputienne ; quelques giroflées maladives essayaient aussi de prendre un petit air desoleil. Vers le milieu de la rue non commerçante, je trouvai le cimetière public enclos d'un mur en terre, et dans lequel la place ne manquait pas. (...)
XIII Il aurait dû faire nuit, mais sous le soixante-cinquième parallèle, la clarté diurne des régions polaires ne devait pas m'étonner ; en Islande, pendant les mois de juin et juillet, lesoleilne se couche pas. Néanmoins la température s'était abaissée ; j'avais froid, et surtout faim. (...)
XIV Stapi est une bourgade formée d'une trentaine de huttes, et bâtie en pleine lave sous les rayons dusoleilréfléchis par le volcan. Elle s'étend au fond d'un petit fjord encaissé dans une muraille du plus étrange effet. (...)
Je portai mes regards vers la plaine ; une immense colonne de pierre ponce pulvérisée, de sable et de poussière s'élevait en tournoyant comme une trombe ; le vent la rabattait sur le flanc du Sneffels, auquel nous étions accrochés ; ce rideau opaque étendu devant lesoleilproduisait une grande ombre jetée sur la montagne. Si cette trombe s'inclinait, elle devait inévitablement nous enlacer dans ses tourbillons. (...)
Enfin, à onze heures du soir, en pleine obscurité, le sommet du Sneffels fut atteint, et, avant d'aller m'abriter à l'intérieur du cratère, j'eus le temps d'apercevoir « lesoleilde minuit » au plus bas de sa carrière, projetant ses pâles rayons sur l'île endormie à mes pieds. (...)
Je ne rêvai même pas. Le lendemain on se réveilla à demi gelé par un air très vif, aux rayons d'un beausoleil. Je quittai ma couche de granit et j'allai jouir du magnifique spectacle qui se développait à mes regards. (...)
On pouvait, en effet, considérer ce pic aigu comme le style d'un immense cadran solaire, dont l'ombre à un jour donné marquait le chemin du centre du globe. Or, si lesoleilvenait à manquer, pas d'ombre. Conséquemment, pas d'indication. Nous étions au 25 juin. Que le ciel demeurât couvert pendant six jours, et il faudrait remettre l'observation à une autre année. (...)
Le lendemain le ciel fut encore couvert, mais le dimanche, 28 juin, l'antépénultième jour du mois, avec le changement de lune vint le changement de temps. Lesoleilversa ses rayons à flots dans le cratère. Chaque monticule, chaque roc, chaque pierre, chaque aspérité eut part à sa bienfaisante effluve et projeta instantanément son ombre sur le sol. (...)
A cet âge du monde qui précéda l'époque secondaire, la terre se recouvrit d'immenses végétations dues à la double action d'une chaleur tropicale et d'une humidité persistante. Une atmosphère de vapeurs enveloppait le globe de toutes parts, lui dérobant encore les rayons dusoleil. De là cette conclusion que les hautes températures ne provenaient pas de ce foyer nouveau. Peut-être même l'astre du jour n'était-il pas prêt à jouer son rôle éclatant. (...)
En dépit des théories du professeur Lidenbrock, un feu violent couvait dans les entrailles du sphéroïde ; son action se faisait sentir jusqu'aux dernières couches de l'écorce terrestre ; les plantes, privées des bienfaisantes effluves dusoleil, ne donnaient ni fleurs ni parfums, mais leurs racines puisaient une vie forte dans les terrains brûlants des premiers jours. (...)
Et, quoique ce fût au plus profond des abîmes, cela ne laissait pas d'être agréable. D'ailleurs, nous étions faits à cette existence de troglodytes. Je ne pensais guère ausoleil, aux étoiles, à la lune, aux arbres, aux maisons, aux villes, à toutes ces superfluités terrestres dont l'être sublunaire s'est fait une nécessité. (...)
Si mes regards pouvaient se promener au loin sur cette mer, c'est qu'une lumière « spéciale » en éclairait les moindres détails. Non pas la lumière dusoleilavec ses faisceaux éclatants et l'irradiation splendide de ses rayons, ni la lueur pâle et vague de l'astre des nuits, qui n'est qu'une réflexion sans chaleur. (...)
Les nappes électriques produisaient d'étonnants jeux de lumière sur les nuages très élevés ; des ombres vives se dessinaient à leurs volutes inférieures, et souvent, entre deux couches disjointes, un rayon se glissait jusqu'à nous avec une remarquable intensité. Mais, en somme, ce n'était pas lesoleil, puisque la chaleur manquait à sa lumière. L'effet en était triste et souverainement mélancolique. (...)
« Maintenant, dit mon oncle, voici l'heure de la marée, et il ne faut pas manquer l'occasion d'étudier ce phénomène. - Comment, la marée ! m'écriai-je. - Sans doute. - L'influence de la lune et dusoleilse fait sentir jusqu'ici ? - Pourquoi pas ? Les corps ne sont-ils pas soumis dans leur ensemble à l'attraction universelle ? (...)
Les plantes disparaissent ; les roches granitiques perdent leur dureté ; l'état liquide va remplacer l'état solide sous l'action d'une chaleur plus intense ; les eaux courent à la surface du globe ; elles bouillonnent, elles se volatilisent ; les vapeurs enveloppent la terre, qui peu à peu ne forme plus qu'une masse gazeuse, portée au rouge blanc, grosse comme lesoleilet brillante comme lui ! Au centre de cette nébuleuse, quatorze cent mille fois plus considérable que ce globe qu'elle va former un jour, je suis entraîné dans les espaces planétaires ! (...)
- Le soir arrive, ou plutôt le moment où le sommeil alourdit nos paupières, car la nuit manque à cet océan, et l'implacable lumière fatigue obstinément nos yeux, comme si nous naviguions sous lesoleildes mers arctiques. Hans est à la barre. Pendant son quart je m'endors. Deux heures après, une secousse épouvantable me réveille. (...)
On aurait pu se croire en plein midi et on plein été, au milieu des régions équatoriales, sous les rayons verticaux dusoleil. Toute vapeur avait disparu. Les rochers, les montagnes lointaines, quelques masses confuses de forêts éloignées, prenaient un étrange aspect sous l'égale distribution du fluide lumineux. (...)
Seulement, la couleur manquait à ces arbres, à ces arbustes, à ces plantes, privés de la vivifiante chaleur dusoleil. Tout se confondait dans une teinte uniforme, brunâtre et comme passée. Les feuilles étaient dépourvues de leur verdeur, et les fleurs elles-mêmes, si nombreuses à cette époque tertiaire qui les vit naître, alors sans couleurs et sans parfums, semblaient faites d'un papier décoloré sous l'action de l'atmosphère. (...)
Je m'attendais à voir un cône couvert de neiges éternelles, au milieu des arides déserts des regions septentrionales, sous les pâles rayons d'un ciel polaire, au delà des latitudes les plus élevées, et, contrairement à toutes ces prévisions, mon oncle, l'Islandais et moi, nous étions étendus à mi-flanc d'une montagne calcinée par les ardeurs dusoleilqui nous dévorait de ses feux. Je ne voulais pas en croire mes regards ; mais la réelle cuisson dont mon corps était l'objet ne permettait aucun doute. (...)Jules Verne. Édition du groupe « Ebooks libres et gratuits ». I - Le 24 mai 1863, un dimanche, mon oncle, le professeur Lidenbrock, revint précipitamment vers sa petite maison située au numéro 19 de Königstrasse, l'une des plus anciennes rues du vieux quartier de Hambourg. La bonne Marthe dut se croire fort en retard, car le dîner commençait à peine à chanter sur le fourneau de la cuisine. « Bon, me dis-je, s'il a faim, mon oncle, qui est le plus impatient des ...