Voyage au Centre de la Terre
sur Les Ludopathes
Contient : théorie (10)(...) - Voici ce que je décide, répondit le professeur Lidenbrock en prenant ses grands airs ; c'est que ni toi ni personne ne sait d'une façon certaine ce qui se passe à l'intérieur du globe, attendu qu'on connaît à peine la douze millième partie de son rayon ; c'est que la science est éminemment perfectible et que chaquethéorieest incessamment détruite par unethéorienouvelle. N'a-t-on pas cru jusqu'à Fourier que la température des espaces planétaires allait toujours diminuant, et ne sait-on pas aujourd'hui que les plus grands froids des régions éthérées ne dépassent pas quarante ou cinquante degrés au-dessous de zéro ? Pourquoi n'en serait-il pas ainsi de la chaleur interne ? (...)
S'il en est ainsi, on ne peut attribuer son origine qu'à l'action des feux souterrains. Donc, dans ce cas, lathéoriede Humphry Davy, le document de Saknussemm, les prétentions de mon oncle, tout s'en allait en fumée. (...)
Mais le professeur, sans doute, fit ses observations ou prit ses notes, car, à l'une des haltes, il me dit : « Plus je vais, plus j'ai confiance ; la disposition de ces terrains volcaniques donne absolument raison à lathéoriede Davy. Nous sommes en plein sol primordial, sol dans lequel s'est produit l'opération chimique des métaux enflammés au contact de l'air et de l'eau ; je repousse absolument le système d'une chaleur centrale ; d'ailleurs, nous verrons bien. (...)
Qu'as-tu à répondre ? - Rien.» A la vérité, j'aurais eu beaucoup de choses à dire. Je n'admettais lathéoriede Davy en aucune façon, je tenais toujours pour la chaleur centrale, bien que je n'en ressentisse point les effets. (...)
Au lieu d'un firmament brillant d'étoiles, je sentais par-dessus ces nuages une voûte de granit qui m'écrasait de tout son poids, et cet espace n'eût pas suffi, tout immense qu'il fût, à la promenade du moins ambitieux des satellites. Je me souvins alors de cettethéoried'un capitaine anglais qui assimilait la terre à une vaste sphère creuse, à l'intérieur de laquelle l'air se maintenait lumineux par suite de sa pression, tandis que deux astres, Pluton et Proserpine, y traçaient leurs mystérieuses orbites. (...)
- Je n'en vois pas, du moment qu'il faut abandonner le système de la chaleur centrale. - Donc, jusqu'ici lathéoriede Davy se trouve justifiée ? - Evidemment, et dès lors rien ne contredit l'existence de mers ou de contrées à l'intérieur du globe. (...)
De là l'explication des nuages suspendus sur notre tête et le dégagement de cette électricité qui créait des tempêtes à l'intérieur du massif terrestre. Cettethéoriedes phénomènes dont nous avions été témoins me paraissait satisfaisante, car, pour grandes que soient les merveilles de la nature, elles sont toujours explicables par des raisons physiques. (...)
Jusqu'alors les faits avaient donné raison aux théories de Davy et de Lidenbrock ; jusqu'alors des conditions particulières de roches réfractaires, d'électricité, de magnétisme avaient modifié les lois générales de la nature, en nous faisant une température modérée, car lathéoriedu feu central restait, à mes yeux, la seule vraie, la seule explicable. Allions-nous donc revenir à un milieu où ces phénomènes s'accomplissaient dans toute leur rigueur et dans lequel la chaleur réduisait les roches à un complet état de fusion ? (...)
Il en eut, et, comme ses théories, appuyées sur des faits certains, contredisaient les systèmes de la science sur la question du feu central, il soutint par la plume et par la parole de remarquables discussions avec les savants de tous pays. Pour mon compte, je ne puis admettre sathéoriedu refroidissement : en dépit de ce que j'ai vu, je crois et je croirai toujours à la chaleur centrale ; mais j'avoue que certaines circonstances encore mal définies peuvent modifier cette loi sous l'action de phénomènes naturels. (...)Jules Verne. Édition du groupe « Ebooks libres et gratuits ». I - Le 24 mai 1863, un dimanche, mon oncle, le professeur Lidenbrock, revint précipitamment vers sa petite maison située au numéro 19 de Königstrasse, l'une des plus anciennes rues du vieux quartier de Hambourg. La bonne Marthe dut se croire fort en retard, car le dîner commençait à peine à chanter sur le fourneau de la cuisine. « Bon, me dis-je, s'il a faim, mon oncle, qui est le plus impatient des ...