Voyage au Centre de la Terre
sur Les Ludopathes
Contient : voyage (50)Voyageau Centre de la Terre Jules Verne. Edition du groupe « Ebooks libres et gratuits ». I Le 24 mai 1863, un dimanche, mon oncle, le professeur Lidenbrock, revint précipitamment vers sa petite maison située au numéro 19 de Königstrasse, l'une des plus anciennes rues du vieux quartier de Hambourg. (...)
m'écriai-je en bondissant, mais non ! mais non ! mon oncle ne le saura pas ! Il ne manquerait plus qu'il vint à connaître un semblablevoyage! Il voudrait en goûter aussi ! Rien ne pourrait l'arrêter ! Un géologue si déterminé ! Il partirait quand même, malgré tout, en dépit de tout ! (...)
Des arguments scientifiques pouvaient seuls arrêter le professeur Lidenbrock ; or, il y en avait, et de bons, contre la possibilité d'un pareilvoyage. Aller au centre de la terre ! Quelle folie ! Je réservai ma dialectique pour le moment opportun, et je m'occupai du repas. (...)
» « Avant tout, reprit mon oncle, je te recommande le secret le plus absolu, tu m'entends ? Je ne manque pas d'envieux dans le monde des savants, et beaucoup voudraient entreprendre cevoyage, qui ne s'en douteront qu'à notre retour. - Croyez-vous, dis-je, que le nombre de ces audacieux fût si grand ? (...)
j'accorde que ce Saknussemm ait écrit ces lignes, mais s'ensuit-il qu'il ait réellement accompli cevoyage, et ce vieux parchemin ne peut-il renfermer une mystification ? » Ce dernier mot, un peu hasardé, je regrettai presque de l'avoir prononcé ; le professeur fronça son épais sourcil, et je craignais d'avoir compromis les suites de cette conversation. (...)
Ce savant est allé au fond du Sneffels ; il a vu l'ombre du Scartaris caresser les bords du cratère avant les calendes de juillet ; il a même entendu raconter dans les récits légendaires de son temps que ce cratère aboutissait au centre de la terre ; mais quant à y être parvenu lui-même, quant à avoir fait levoyageet à en être revenu, s'il l'a entrepris, non, cent fois non ! - Et la raison ? dit mon oncle d'un ton singulièrement moqueur. (...)
Nous fîmes une centaine de pas sans parler. « Axel ! me dit-elle enfin. - Ma chère Graüben ! - Ce sera là un beauvoyage. » Je bondis à ces mots. « Oui, Axel, unvoyagedigne du neveu d'un savant. Il est bien qu'un homme se soit distingué par quelque grande entreprise ! - Quoi ! (...)
s'écria mon oncle du plus loin qu'il m'aperçut, et ta malle qui n'est pas faite, et mes papiers qui ne sont pas en ordre, et mon sac devoyagedont je ne trouve pas la clef, et mes guêtres qui n'arrivent pas ! » Je demeurai stupéfait. La voix me manquait pour parler. (...)
Il n'y avait plus à en douter ; mon oncle venait d'employer son après-midi à se procurer une partie des objets et ustensiles nécessaires à sonvoyage; l'allée était encombrée d'échelles de cordes, de cordes à noeuds, de torches, de gourdes, de crampons de fer, de pics, de bâtons ferrés, de pioches, de quoi charger dix hommes au moins. (...)
Ce fut elle qui se chargea de mettre en ordre, dans une petite valise, les objets nécessaires à monvoyage. Elle n'était pas plus émue que s'il se fût agi d'une promenade à Lubeck ou à Heligoland. Ses petites mains allaient et venaient sans précipitation. (...)
A six heures et demie la voiture s'arrêta devant la gare ; les nombreux colis de mon oncle, ses volumineux articles devoyagefurent déchargés, transportés, pesés, étiquetés, rechargés dans le wagon de bagages, et à sept heures nous étions assis l'un vis-à-vis de l'autre dans le même compartiment. (...)
Quant à la pensée du professeur, elle devançait évidemment ce convoi trop lent au gré de son impatience. Nous étions seuls dans le wagon, mais sans parler. Mon oncle revisitait ses poches et son sac devoyageavec une minutieuse attention. Je vis bien que rien ne lui manquait des pièces nécessaires à l'exécution de ses projets. (...)
Là nous sautions du bateau dans un nouveau chemin de fer qui nous emportait à travers un pays non moins plat que les campagnes du Holstein. C'était encore trois heures devoyageavant d'atteindre la capitale du Danemark. Mon oncle n'avait pas fermé l'oeil de la nuit. Dans son impatience, je crois qu'il poussait le wagon avec ses pieds. (...)
Il y avait sur notre gauche une vaste construction qui ressemblait à un hôpital. « C'est une maison de fous, dit un de nos compagnons devoyage. » « Bon, pensai-je, voilà un établissement où nous devrions finir nos jours ! Et, si grand qu'il fût, cet hôpital serait encore trop petit pour contenir toute la folie du professeur Lidenbrock ! (...)
presqu'île du Sneffels, au pied même du volcan. Il fallait compter par terre vingt-deux milles environ,voyageà faire en deux jours, suivant l'opinion de mon oncle. Mais quand il apprit qu'il s'agissait de milles danois de vingtquatre mille pieds, il dut rabattre de son calcul et compter, vu l'insuffisance des chemins, sur sept ou huit jours de marche. (...)
Le genièvre en formait toute la partie liquide, et l'eau manquait totalement ; mais nous avions des gourdes, et mon oncle comptait sur les sources pour les remplir ; les objections que j'avais pu faire sur leur qualité, leur température, et même leur absence, étaient restées sans succès. Pour compléter la nomenclature exacte de nos articles devoyage, je noterai une pharmacie portative contenant des ciseaux à lames mousses, des attelles pour fracture, une pièce de ruban en fil écru, des bandes et compresses, du sparadrap, une palette pour saignée, toutes choses effrayantes ; de plus, une série de flacons contenant de la dextrine, de l'alcool vulnéraire, de l'acétate de plomb liquide, de l'éther, du vinaigre et de l'ammoniaque, toutes drogues d'un emploi peu rassurant ; enfin les matières nécessaires aux appareils de Ruhmkorff. (...)
Ce fut la famille même de Hans, c'est-à-dire ses oncles et cousins germains, qui nous offrit l'hospitalité ; nous fûmes bien reçus, et sans abuser des bontés de ces braves gens, je me serais volontiers refait chez eux des fatigues duvoyage. Mais mon oncle, qui n'avait rien à refaire, ne l'entendait pas ainsi, et le lendemain il fallut enfourcher de nouveau nos bonnes bêtes. (...)
Quelques tronçons de basalte, arrachés par les fureurs de l'Océan, s'allongeaient sur le sol comme les débris d'un temple antique, ruines éternellement jeunes, sur lesquelles passaient les siècles sans les entamer. Telle était la dernière étape de notrevoyageterrestre. Hans nous y avait conduits avec intelligence, et je me rassurais un peu en songeant qu'il devait nous accompagner encore. (...)
Aller là ou ailleurs, s'enfoncer dans les entrailles de son île ou la parcourir, il n'y voyait aucune différence ; quant à moi, distrait jusqu'alors par les incidents duvoyage, j'avais un peu oublié l'avenir, mais maintenant je sentais l'émotion me reprendre de plus belle. (...)
fit tranquillement le guide. - En avant ! » répondit mon oncle. Il était une heure et treize minutes du soir. XVII Le véritablevoyagecommençait. Jusqu'alors les fatigues l'avaient emporté sur les difficultés ; maintenant celles-ci allaient véritablement naître sous nos pas. (...)
« Maintenant, Axel, s'écria le professeur d'une voix enthousiaste, nous allons nous enfoncer véritablement dans les entrailles du globe. Voici donc le moment précis auquel notrevoyagecommence. » Cela dit, mon oncle prit d'une main l'appareil de Ruhmkorff suspendu à son cou ; de l'autre, il mit en communication le courant électrique avec le serpentin de la lanterne, et une assez vive lumière dissipa les ténèbres de la galerie. (...)
On mangea sans trop causer, et l'on s'endormit sans trop réfléchir. Nos dispositions pour la nuit étaient fort simples : une couverture devoyagedans laquelle on se roulait, composait toute la literie. Nous n'avions à redouter ni froid, ni visite importune. (...)
Si, par malheur, nous avions imprudemment exploré cette galerie la torche à la main, une explosion terrible eût fini levoyageen supprimant les voyageurs. Cette excursion dans la houillère dura jusqu'au soir. Mon oncle contenait à peine l'impatience que lui causait l'horizontalité de la route. (...)
Que Hans t'accompagne. Laisse-moi seul ! - Vous abandonner ! - Laisse-moi, te dis-je ! J'ai commencé cevoyage; je l'accomplirai jusqu'au bout, ou je n'en reviendrai pas. Va-t'en, Axel, va-t'en ! » Mon oncle parlait avec une extrême surexcitation. (...)
Ce ne fut qu'après une minute de délectation que je m'écriai : « Mais c'est de l'eau ferrugineuse ! - Excellente pour l'estomac, répliqua mon oncle, et d'une haute minéralisation ! Voilà unvoyagequi vaudra celui de Spa ou de Toeplitz ! - Ah ! que c'est bon ! - Je le crois bien, une eau puisée à deux lieues sous terre ! (...)
Le chemin devint alors aisé et d'une parfaite monotonie. Il était difficile qu'il en fût autrement. Levoyagene pouvait être varié par les incidents du paysage. Enfin, le mercredi 15, nous étions à sept lieues sous terre et à cinquante lieues environ du Sneffels. (...)
Bien que nous fussions un peu fatigués, nos santés se maintenaient dans un état rassurant, et la pharmacie devoyageétait encore intacte. Mon oncle tenait heure par heure les indications de la boussole, du chronomètre, du manomètre et du thermomètre, celles-là même qu'il a publiées dans le récit scientifique de sonvoyage. Il pouvait donc se rendre facilement compte de sa situation. Lorsqu'il m'apprit que nous étions à une distance horizontale de cinquante lieues, je ne pus retenir une exclamation. (...)
« D'abord, dit-il, je vais faire des calculs, afin de relever exactement notre situation ; je veux pouvoir, au retour, tracer une carte de notrevoyage, une sorte de section verticale du globe, qui donnera le profil de l'expédition. - Ce sera fort curieux, mon oncle ; mais vos observations auront-elles un degré suffisant de précision ? (...)
- Quinze cent quatre-vingt-trois lieues et un tiers. - Mettons seize cents lieues en chiffres ronds. Sur unvoyagede seize cents lieues, nous en avons fait douze ? - Comme tu dis. - Et cela au prix de quatre-vingt-cinq lieues de diagonale ? (...)
Mon oncle m'aurait encore riposté par son éternel Saknussemm, précédent sans valeur, car, en tenant pour avéré levoyagedu savant Islandais, il y avait une chose bien simple à répondre : Au XVIe siècle, ni le baromètre ni le manomètre n'étaient inventés : comment donc Saknussemm avait-il pu déterminer son arrivée au centre du globe ? (...)
Hambourg, la maison de Königstrasse, ma pauvre Graüben, tout ce monde sous lequel je m'égarais, passa rapidement devant mon souvenir effaré. Je revis dans une vive hallucination les incidents duvoyage, la traversée, l'Islande, M. Fridriksson, le Sneffels ! Je me dis que si, dans ma position, je conservais encore l'ombre d'une espérance, ce serait signe de folie, et qu'il valait mieux désespérer ! (...)
Le lendemain, à mon réveil, je regardai autour de moi. Ma couchette, faite de toutes les couvertures devoyage, se trouvait installée dans une grotte charmante, ornée de magnifiques stalagmites, dont le sol était recouvert d'un sable fin. (...)
ne nous séparons plus, car nous risquerions de ne jamais nous revoir. » « Ne nous séparons plus ! » Levoyagen'était donc pas fini ? J'ouvrais de grands yeux étonnés, ce qui provoqua immédiatement cette question : « Qu'as-tu donc, Axel ? (...)
Maintenant, mon oncle, quels sont vos projets ? Ne comptez-vous pas retourner à la surface du globe ? - Retourner ! Par exemple ! Continuer notrevoyage, au contraire, puisque tout a si bien marché jusqu'ici. - Cependant je ne vois pas comment nous pénétrerons sous cette plaine liquide. (...)
Il a fallu mes dangers et mes souffrances pour tirer de lui quelque étincelle d'humanité ; mais, depuis ma guérison, la nature a repris le dessus. Et cependant, pourquoi s'emporter ? Levoyagene s'accomplit-il pas dans les circonstances les plus favorables ? Est-ce que le radeau ne file pas avec une merveilleuse rapidité ? (...)
Mon oncle, tiré de ses absorbantes idées par les incidents de ce combat, retombe dans son impatiente contemplation de la mer. Levoyagereprend sa monotone uniformité, que je ne tiens pas à rompre au prix des dangers d'hier. Jeudi 20 août. (...)
Néanmoins, je suis forcé d'avouer que nous sommes singulièrement favorisés jusqu'ici, et que, pour une raison qui m'échappe, cevoyages'accomplit dans des conditions particulières de température ; mais il me paraît évident, certain, que nous arriverons un jour ou l'autre à ces régions où la chaleur centrale atteint les plus hautes limites et dépasse toutes les graduations des thermomètres. (...)
Mes yeux sont éblouis par l'intensité de la lumière, mes oreilles brisées par le fracas de la foudre ; il faut me retenir au mât, qui plie comme un roseau sous la violence de l'ouragan ! ! ! [Ici mes notes devoyagedevinrent très incomplètes. Je n'ai plus retrouvé que quelques observations fugitives et prises machinalement pour ainsi dire. (...)
Il y a une limite à toute ambition ici-bas ; il ne faut pas lutter contre l'impossible ; nous sommes mal équipés pour unvoyagesur mer ; cinq cents lieues ne se font pas sur un mauvais assemblage de poutres avec une couverture pour voile, un bâton en guise de mât, et contre les vents déchaînés. (...)
Après quelques instants de silence, l'oncle fut vaincu par le professeur. Otto Lidenbrock, emporté par son tempérament, oublia les circonstances de notrevoyage, le milieu où nous étions, l'immense caverne qui nous contenait. Sans doute il se crut au Johannaeum, professant devant ses élèves, car il prit un ton doctoral, et s'adressant à un auditoire imaginaire : « Messieurs, dit-il, j'ai l'honneur de vous présenter un homme de l'époque quaternaire. (...)
S. ! s'écria mon oncle. Arne Saknussemm ! Toujours Arne Saknussemm ! » XL Depuis le commencement duvoyage, j'avais passé par bien des étonnements ; je devais me croire à l'abri des surprises et blasé sur tout émerveillement. (...)
A moins d'être d'une insigne mauvaise foi, je ne pouvais plus mettre en doute l'existence du voyageur et la réalité de sonvoyage. Pendant que ces réflexions tourbillonnaient dans ma tête, le professeur Lidenbrock se laissait aller à un accès un peu dithyrambique à l'endroit d'Arne Saknussemm. (...)
» Voilà ce que j'entendis, ou à peu près, et je me sentis gagné par l'enthousiasme que respiraient ces paroles. Un feu intérieur se ranima dans ma poitrine ! J'oubliai tout, et les dangers duvoyage, et les périls du retour. Ce qu'un autre avait fait, je voulais le faire aussi, et rien de ce qui était humain ne me paraissait impossible ! (...)
Il fallut bien me résigner et attendre encore pendant six grandes heures ! XLI Le lendemain, jeudi, 27 août, fut une date célèbre de cevoyagesubterrestre. Elle ne me revient pas à l'esprit sans que l'épouvante ne fasse encore battre mon coeur. (...)
s'écria le professeur. - Hans se trompe », dis-je en me soulevant. Après les surprises innombrables de cevoyage, une stupéfaction nous était encore réservée. Je m'attendais à voir un cône couvert de neiges éternelles, au milieu des arides déserts des regions septentrionales, sous les pâles rayons d'un ciel polaire, au delà des latitudes les plus élevées, et, contrairement à toutes ces prévisions, mon oncle, l'Islandais et moi, nous étions étendus à mi-flanc d'une montagne calcinée par les ardeurs du soleil qui nous dévorait de ses feux. (...)
Mon oncle m'accompagnait de ses gestes et de ses paroles. Nous avions l'air de chanter un choeur ! Ah ! quelvoyage! quel merveilleuxvoyage! Entrés par un volcan, nous étions sortis par un autre, et cet autre était situé à plus de douze cents lieues du Sneffels, de cet aride pays de l'Islande jeté aux confins du monde ! Les hasards de cette expédition nous avaient transportés au sein des plus harmonieuses contrées de la terre ! (...)
Nous étions singulièrement attachés à notre brave chasseur d'eider ; son absence ne le fera jamais oublier de ceux auxquels il a sauvé la vie, et certainement je ne mourrai pas sans l'avoir revu une dernière fois. Pour conclure, je dois ajouter que ceVoyageau centre de la terre fit une énorme sensation dans le monde. Il fut imprimé et traduit dans toutes les langues ; les journaux les plus accrédités s'en arrachèrent les principaux épisodes, qui furent commentés, discutés, attaqués, soutenus avec une égale conviction dans le camp des croyants et des incrédules. (...)Jules Verne. Édition du groupe « Ebooks libres et gratuits ». I - Le 24 mai 1863, un dimanche, mon oncle, le professeur Lidenbrock, revint précipitamment vers sa petite maison située au numéro 19 de Königstrasse, l'une des plus anciennes rues du vieux quartier de Hambourg. La bonne Marthe dut se croire fort en retard, car le dîner commençait à peine à chanter sur le fourneau de la cuisine. « Bon, me dis-je, s'il a faim, mon oncle, qui est le plus impatient des ...