Une légende du Pays Saint
À l'origine du monde, il y avait le dieu Rê, le soleil vainqueur des ténèbres qui recouvrait l'univers encore informel et noyé dans les eaux profondes du vaste Océan primitif. Venu à l'existence de lui-même, Rê jaillit, au jour de la première aube, hors des flots originels et créa, par la force de sa parole, le ciel, la terre et l'eau, le souffle de la vie et le feu, les divinités et les hommes, le bétail, les serpents, les oiseaux et les poissons. Il était le roi des dieux et des hommes, qui, en ...Contient : nom (11)(...) Mais elle souhaitait acquérir une suprématie plus grande encore, et désirait assurer sa domination sur le dieu Rê lui-même, le patriarche et le père des dieux. Pour cela, il lui fallait découvrir lenomsecret de celui-ci ; chaque divinité possédait en effet unnomcaché, et qui le connaissait avait pouvoir sur son possesseur. Femme envieuse et ambitieuse, Isis inventa une ruse pour obtenir ce qu'elle désirait. (...)
Mais je n'ai jamais ressenti une souffrance comme celle-là, aussi pénible à supporter. J'ai beaucoup de noms et beaucoup de formes ; mais j'ai caché en mon corps monnomsecret, de peur qu'un pouvoir fût donné à un magicien contre moi. Ce que je ressens, ce n'est pas le feu, ce n'est pas l'eau, mais mon coeur brûle, mon corps tremble et mes membres ont froid. (...)
Le dieu auguste lui répondit : « En vérité, je marchai sur le chemin, mon coeur souhaitait revoir ce que j'avais créé, lorsque je fus mordu par le feu, ce n'est pas l'eau, mais je suis plus froid que l'eau et plus chaud que le feu ; tout mon corps transpire et je tremble ; mes yeux sont troubles, je ne vois plus ; l'eau inonde mon visage comme au temps de l'été. » Isis, maligne, constatant le succès de sa mauvaise ruse, lui dit aussitôt : « Dis-moi tonnom, mon divin père ! Car un homme revit lorsqu'il est appelé par sonnom. » En réponse, Rê récit, telle une litanie, la liste de ses noms divers et connus. Ces paroles ne soulagèrent point Rê de sa souffrance, car lenomsecret, qu'Isis ambitionnait de connaître, ne figurait point dans cette longue énumération. Alors Isis, prenant de l'assurance et se laissant aller à un véritable chantage magique (les femmes parfois, pour assurer la satisfaction de leurs désirs, n'ont pas de pudeur), dit à Rê : « Tonnomsecret n'est pas parmi ceux que tu m'as dits. Dis le moi donc, et le poison sortira de ton corps. (...)
Mais la douleur devenait trop forte, insupportable ; finalement il céda mais fit en sorte que seule Isis entendit ce qu'il allait lui dire : « Approche-toi de moi, ma fille Isis, de telle sorte que monnompasse de mon corps dans ton corps sans que personne d'autre ne puisse l'entendre. » Isis s'approcha et Rê divulgua sonnomcaché. Aussitôt, la déesse, satisfaite, prononça ces paroles : « Ecoule-toi, poison. Sort de Rê. (...)
Sort du dieu, ô brûlant, selon mon incantation, car je suis celle qui agit et celle qui chasse. Va-t-en dedans la terre, puissant poison ! Vois, le grand dieu a divulgué sonnompour moi, pour moi seule. Rê vit, le poison est mort ! » Le père des divinités sentit alors sa souffrance ardente lentement disparaître ; ses yeux, à nouveau, purent voir clairement sa création, ses membres ne tremblaient plus, son corps avait retrouvé la paix de l'être. Désormais Isis sera « la grande magicienne, la maîtresse des dieux, qui connaît Rê par sonnom». Elle avait ainsi obtenu le pouvoir qu'elle ambitionnait.