Duels et conséquences
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Contient : camille (81)(...) D'un seul bloc, les deux jeunes duellistes se retournèrent, pour se trouver nez à nez avec une grande femme d'environ trente ans, à la chevelure blond cendré, au regard bleu glacier :Camillede Basconne, maître de Valroux, fondatrice de La pointe au coeur. Elle toisa ses deux élèves d'un oeil sévère, les bras croisés sur sa poitrine. (...)
" Les apprentis échangèrent des regards ébahis, pendant que le maître d'armes retournait à son poste habituel.Camillede Basconne - la Dame de Coeur, ainsi qu'ils l'appelaient entre eux - était un professeur exigeant, sévère, mais, d'ordinaire, dans ce genre de situation, elle usait de paroles moqueuses et acerbes, ou donnait une leçon d'humilité de la pointe de son épée... La voir aussi froide, cassante et définitive était pour le moins inhabituel. LorsqueCamillequitta son école, c'était le crépuscule. Elle jeta un regard en arrière : sur l'arche de pierre de l'entrée était gravée la devise de La pointe au coeur : " Ce qui compte, dans un duel, ce n'est pas toujours de gagner, mais c'est... le panache ! (...)
Elle fit boire son cheval, le rentra à l'écurie, le dessella, le bouchonna, lui donna à manger et, enfin, put monter dans son appartement, composé de deux pièces mal éclairées, au troisième étage de la demeure. A peine avait-elle enlevé ses chausses et pris un verre de vin que l'on frappait à sa porte.Camilleréprima un sursaut nerveux, saisit une dague, qu'elle glissa discrètement dans une manche et alla ouvrir. (...)
Il ne s'agissait que d'une des domestiques de sa logeuse, une adolescente mal dégrossie qui l'observait toujours - lorsqu'elle pensait queCamillene la voyait pas - avec une admiration béate. " Pardonnez-moi, madame, mais un messager est venu dans la matinée. (...)
Mâchoires serrées, elle se retourna. " Que voulez-vous ? " rugit-elle. Effrayée, l'adolescente recula.Camilleavança jusqu'à l'entrée, eut un sourire froid et lui claqua la porte au nez. Elle retourna à sa table, se servit un autre verre et lut la missive. (...)
Mais rassurez-vous : je suis certaine que vos Chevaliers et votre Theus pardonneront votre médiocrité... Adieu, monsieur. " Elle s'éloigne...Camillese réveilla en sursaut, le corps couvert de sueur, le coeur battant. Elle s'extirpa tant bien que mal de sa couche et se dirigea vers la fenêtre en boitillant. (...)
Frédéric - c'était son nom - lui avait donné une leçon mémorable, la privant méthodiquement - et impitoyablement - de ses vêtements et de ses rubans, puis, après lui avoir égratigné l'épaule, avait rengainé sa rapière et avait salué. En larmes, humiliée et folle de rage,Camilleavait jeté son fleuret par terre et avait couru se réfugier dans le fond du parc de l'école. Frédéric était arrivé, quelques minutes plus tard et lui avait tendu son arme : "Camille, " avait-il dit, " c'est indigne de toi... Mon père m'a dit un jour que le fils d'un soldat ne doit jamais pleurer. (...)
" Elle avait levé les yeux vers lui et répondu, en bredouillant : " D'un... d'un capitaine ! " Il avait hoché la tête. " La fille d'un capitaine ne pleure jamais. "Camillen'avait plus jamais versé une larme. Elle n'avait pas pleuré lorsque Frédéric, devenu l'un de ses meilleurs amis, avait été tué lors d'un duel. (...)
Mais ils ne renonceront pas : ils se battront jusqu'au bout... Garde basse, elle sent un doux affleurement sur sa main. "Camille,Camille,Camille" chuchote la sorcière de la destinée avant de l'embrasser. La jeune femme blonde esquisse un sourire sardonique et se jette dans la mêlée, suivi de près par son compagnon. Ils se battent avec fureur, luttant pied à pied contre leurs adversaires. PourCamille, c'est devenu mécanique. Attaque, parade, feinte à l'épaule, couteau. Attaque, parade, feinte d'engagement, contre dégagé. (...)
De fines gouttes de pluie commencèrent à tomber lorsqu'elle traversa la cour pavée de l'hôtel. " Madame ! Madame ! " cria une voix alors qu'elle s'apprêtait à enfourcher sa monture.Camillese retourna. La jeune domestique qu'elle fascinait tant accourait vers elle, un paquet dans les bras. (...)
" Euh... je... Il pleut, alors j'ai... j'ai pensé que vous auriez besoin de ça... " balbutia la jeune fille. Touchée par la gentillesse de la servante,Camillesourit et pris la cape et le couvre-chef que celle-ci lui tendait. " Quelle est ton nom, petite ? - Je m'appelle Marinette, madame. - Eh bien, " terminaCamilleen montant en selle, " bonne journée à toi, Marinette ! Et merci ! " Puis elle sortit. Elle mit son cheval au petit trot, profitant du petit matin pour aller un peu plus vite, traversa Charousse endormie et s'engagea sur le chemin de l'Observatoire, où l'attendait son " rendez-vous ". (...)
" Vraiment, j'attendais plus de panache de la part de la fondatrice d'une école, qui se vante de mettre cette vertu au coeur même de son enseignement ! - Désolée, " réponditCamilleen exécutant un enveloppement, qu'elle fit immédiatement suivre d'une prise de fer en sixte. (...)
Autour d'eux, une dizaine de courtisans se sont agglutinés, tout émoustillés à la perspective du duel qui se prépare. La mère deCamilleest parmi eux. Elle seule paraît ne pas partager l'excitation générale. Elle seule, parmi cette nuée de nobliaux, sait ce qui se trame réellement. (...)
La courtisane félicita son champion, lui remit une bourse et, après avoir ordonné à son suivant de l'aider à monter en selle, se lança au petit galop sur la route de Charousse.Camillen'avait pas bougé. Elle contemplait sa blessure, les yeux dans le vague et paraissait ne pas avoir conscience de ce qui l'entourait. (...)
" Oh, j'imagine que tout le monde a le droit d'avoir ses mauvais jours... même l'une des meilleures duellistes de Montaigne ! - Je suis vraiment désolée " réponditCamilled'un ton las. " Je ne vous ai pas offert la meilleure prestation de ma carrière, en effet. " Elle tourna les talons après un bref salut et se dirigea vers son cheval très occupé, quant à lui, à mâchonner les fines branches d'un buisson dénudé. (...)
On lui avait également dit qu'elle avait fait du duel un art, que la devise de son école était quelque chose du genre " le panache avant tout "... Pour Gabriel, dans " panache ", il y avait " feu " et " passion ". EtCamillede Basconne en était complètement dépourvue. Après avoir entouré son poignet blessé d'un linge à la propreté douteuse,Camillese rendit, à pied, à L'oiseau de feu, une taverne dans laquelle elle faisait des séjours prolongés depuis son plus jeune âge. Le patron, Xavier, un gros homme bedonnant, au crâne dégarni et à la moustache grise, l'accueillit avec un grand sourire. (...)
" Apporte-moi plutôt un pichet de vin et quelque chose à manger. " Comprenant que son amie n'était pas d'humeur à parler, le vieil homme s'exécuta en silence.Camillelaissa quelques piécettes sur le comptoir et emporta sa pitance à une table. Xavier fronça les sourcils et se rendit aux cuisines. (...)
Sa femme, aussi maigre et sèche qu'il était gros, leva un sourcil interrogateur en sa direction. " Pourquoi cette mine préoccupée, le père ? - La petiteCamille... Elle a un air de déterrée, elle est pas causante... Si je ne la connaissais pas aussi bien, je jurerais qu'elle a perdu un duel et qu'elle s'en moque royalement... - Et qui te dit qu'elle ne s'en fiche pas comme de sa première chemise ? (...)
Non, par les Prophètes, non ! " s'écrit Amélie de Basconne, effondrée. " Et je dois vous demander plus, encore. "Camillela serre contre son coeur. " Que voulez-vous, maman ? - Faites-le partir d'ici... Arrangez-vous pour ne plus le voir ! Il y va de sa vie et de la nôtre,Camille! - Mais pourquoi ? Pourquoi ? - Vous comprendrez en lisant ceci. "Camillese réveilla en pleine nuit. Sa hanche la faisait de nouveau souffrir. Un orage avait éclaté au-dessus de la ville. (...)
Une semaine plus tard, Amélie de Basconne était retrouvée morte dans son lit, la langue bleue et enflée.Camillesavait qui était le responsable. Victor Basconne de la Mothe, son oncle bien-aimé... Victor Basconne de la Mothe, qui s'était débrouillé pour faire assassiner son père, pour obliger sa mère à se compromettre dans des manoeuvres politiques et la faire chanter. (...)
Elle l'avait désarmé en un tour de main et, avant qu'il ne parvienne à s'échapper en usant de la magie Porté, lui avait planté la pointe de sa rapière entre les deux yeux. " A quoi bon, tout ceci ? " murmuraCamille. Elle retourna sur sa couche et tâcha tant bien que mal de se rendormir. Le lendemain matin, Marinette lui apporta une lettre, ainsi qu'un bouquet de fleurs. " Je me demande de qui cela peut venir..." osa la domestique.Camillehaussa un sourcil et décacheta la missive. " Gabriel d'Echiny " répondit-elle brièvement. " Une invitation, ce soir, au théâtre. (...)
" Vous écrivez à l'encre violette ? " s'étonna l'adolescente. " Je déteste le noir. - Est-il beau ? - Qui donc ? " demandaCamille. " Gabriel d'Echiny... C'est votre soupirant ? "Camilleleva les yeux au ciel, exaspérée. " Oui à la première question, non à la deuxième ! " Elle apposa son sceau sur l'enveloppe et la lui tendit. (...)
" Haussant les épaules, elle se détourna résolument de la fenêtre, revêtit un costume d'équitation et quitta son appartement. Elle avait besoin de vitesse et de solitude. Onyx s'adapterait à son humeur... comme toujours.Camilleavait ordonné aux domestiques de lui apporter des brocs d'eau chaude. Elle avait installé un grand baquet au milieu de la cuisine et se lavait à grandes eaux, sous le regard surpris et effrayé de Marinette. (...)
" Vous avez tellement de cicatrices... " finit-elle par dire. " La vie de spadassin n'a pas que des côtés agréables " réponditCamille. " On récolte des ennemis et des cicatrices ! " Voyant que la spectaculaire femme blonde était d'humeur communicative, Marinette osa une autre question : " Avez-vous été mariée ? "Camilleouvrit de grands yeux. Instinctivement, la jeune fille fit un pas en arrière, mais ses craintes étaient vaines, car son interlocutrice éclata de rire ; un rire chaleureux et franc. (...)
Tout en indiquant à la domestique de lui donner une serviette, elle demanda : " Alors, as-tu toujours envie de devenir duelliste ? - Mais...mais... comment savez-vous que... ? " bredouilla la jeune fille.Camillehaussa les épaules. " Je le sais, c'est tout. Maintenant, je voudrais que tu réfléchisses bien à ce que je t'ai dit. (...)
" La servante, songeuse, entreprit de démêler les cheveux de la duelliste, tout en les séchant soigneusement à l'aide d'un carré de tissu propre, puis les coiffa en chignon torsadé.Camillel'emmena ensuite dans sa chambre et ouvrit une grosse armoire, à l'intérieur de laquelle étaient suspendus divers vêtements et quelques robes de couleurs vives. (...)
La pièce connaissait un franc succès parmi la bourgeoisie de Charousse et l'on murmurait que certains nobles de la Cour étaient venus la voir incognito pour en parler ensuite à L'Empereur... Que ces rumeurs soient fondées ou non, l'entrée du théâtre grouillait de monde : marchands, bourgeois, mousquetaires en permission, courtisanes et femmes de lettres aux manières éthérées s'y pressaient déjà lorsqueCamillearriva sur place. Avant de descendre du carrosse, elle ferma les yeux, se concentra quelques instants - le temps de graver en lettres de feu le mot " panache " dans son esprit - et descendit de l'équipage. (...)
" Son interlocuteur, un homme bien fait de sa personne, au sourire ravageur et à la moustache impeccable, eut une grimace comique : " Hélas,Camille! Mon coeur se consume pour une belle indifférente et je suis prêt à tous les sacrifices si cela peut la conduire à porter ses yeux de braise sur ma pauvre personne... - Si cela peut la conduire dans ton lit, plutôt ! (...)
Elle le repéra enfin, appuyé nonchalamment contre le mur de l'ancienne chapelle, qui discutait avec une courtisane - la même qui l'avait engagé pour se battre en duel.Camilles'approcha d'eux et salua. La femme, vêtue d'une robe entièrement rouge et d'une coiffe assortie, se tourna vers elle, tandis que Gabriel s'inclinait brièvement. (...)
J'avais en vérité peine à croire que c'était la fondatrice de l'école de La pointe au coeur qui se battait en duel ! "Camillelui jeta un regard peu amène. De toute évidence, cette personne cherchait à la provoquer. Elle allait se décider à ignorer la répartie lorsque l'autre, avec une moue hypocrite, ajouta : " Je ne vous ai pas vexée, au moins ? (...)
" Mais parfois, je commence à ressentir le poids des années... Oh, mais je suppose que c'est un genre de fatigue que vous connaissez depuis longtemps ! " L'autre ouvrit la bouche, maisCamillene lui laissa pas le temps de dire quoi que ce soit ; elle fit une brève révérence, saisit le bras de Gabriel et, avec un sourire moqueur, lui souhaita le bonsoir. (...)
" Il se frayèrent tant bien que mal un chemin dans la foule colorée des spectateurs, puis sortirent sur le parvis de l'ancienne chapelle.Camillese tourna vers son compagnon et allait dire quelque chose, lorsque elle vit, à moins de cinq mètres d'elle, un homme d'environ trente ans qui la dévisageait. (...)
" Inutile, monsieur " lança l'homme d'un ton calme. " C'est une affaire entre cette " dame " et moi. " Il poursuivit, s'adressant àCamillede cette même voix neutre : " Enfin, nous nous retrouvons. "Camilleavait la bouche sèche, la tête vide. " James... " parvint-elle à murmurer. " Je vous ai connue plus en verve, madame. (...)
" Bien, en ce cas, madame, je vous propose de régler l'affaire qui est entre nous depuis si longtemps. Je vous fais confiance pour le lieu et l'heure... - A l'aube, demain " réponditCamilled'une voix tremblante. " Dans le parc de mon école. " James hocha la tête, tourna les talons et disparut dans la foule. (...)
La femme en rouge, qui n'avait rien perdu de la discussion, eut un sourire perfide et s'éloigna à son tour. A présent qu'elle avait vu l'Avalonien etCamillede Basconne côte à côte, elle n'avait plus aucun doute. Il ne lui restait plus qu'à prévenir Pierre Basconne de la Mothe - son rôle, à elle, était terminé.Camillese réveilla dans une pièce qu'elle ne connaissait pas, assez joliment meublée, allongée sur un divan de velours aux motifs chatoyants. (...)
Qui est cet homme à qui vous ressemblez tant ? Vous ne pourrez jamais vous battre dans l'état où vous êtes. "Camilleeut un pauvre sourire, se leva et se dirigea lentement vers son hôte. Celui-ci lui tendit une chaise, l'aida à s'installer et poussa le pain, le fromage, le beurre et le jambon devant elle. (...)
" rétorqua-t-il en leur servant une nouvelle coupe de vin et en s'installant confortablement sur son siège. " Vous savez,Camille, dans ma région, les gens sont des marchands... Ils ont appris que la patience et la ténacité étaient les deux clefs de l'économie... - C'est une menace ? (...)
" Il en but une gorgée, reposa son verre et observa : " Si j'ai bien compris, vous avez humilié publiquement votre frère - qui ignorait ce qu'il était pour vous - pour des raisons qui m'échappent... J'en déduis donc que vous avez appris son retour et que vous êtes depuis rongée par le remords... Ce que je me demande, en revanche, c'est pourquoi vous avez fait cela. - Afin lui sauver la vie... " réponditCamilled'une voix presque inaudible. Elle se mordit les lèvres, essayant d'ignorer la grosse boule qui s'était formée dans sa gorge. (...)
Elle lui saisit fortement les doigts et, de nouveau maîtresse de ses émotions, lui raconta toute l'histoire : comment son oncle, la baron Victor Basconne de la Mothe, avait fait assassiner son frère par ambition ; comment sa mère avait été obligée de dissimuler la naissance de son fils et de l'envoyer, au loin, sur les terres d'Avalon ; comment le baron l'avait fait chanter durant des années, alors qu'elle savait que c'était un criminel et l'avait forcée à renoncer à ses biens ; comment il avait découvert qu'elle avait un fils, quelques jours avant que James n'arrive à la Cour du Soleil ; commentCamilles'était arrangée pour que James soit à jamais écarté de sa vie ; comment, enfin, après de longues années, elle avait réussi à venger son père, sa mère et avait finalement hérité de la somme de trois mille sols, tandis que le reste de sa famille était destitué de toute charge et tout titre de noblesse. (...)
" C'est un certain Pierre Basconne de la Mothe qui accompagnait Viviane, tout à l'heure. - Mon cousin ? " s'exclamaCamille. " Mais je croyais que cet abominable petit arriviste, prétentieux et lâche s'était exilé en Vodacce ? (...)
" Vous savez très bien que vous comprendriez et que, après quelques embrassades, vous iriez dans la première auberge venue vous enivrer consciencieusement et vous raconter mutuellement votre vie ! Alors ? - Alors, " soupiraCamille, " vous avez raison. Et puis je crois que le rôle de martyr ne me convient pas très bien ! Demain matin, j'irai chercher mes preuves et je lui parlerai. (...)
" Demain matin, avez-vous dit ? " La jeune femme lui répondit par un sourire auquel il jugea inutile de résister. LorsqueCamillequitta la demeure de Gabriel, il restait un peu plus d'une heure avant l'aube. Emmitouflée dans une épaisse cape d'homme, elle traversa la moitié de la ville avant d'arriver rue des Petits Pas. (...)
Elle vit Marinette, les cheveux défaits, en chemise et pieds nus qui se tenait à quelques pas d'elle. " J'ai tout vu... " commença l'adolescente. " Vu quoi ? Quand ? Qui ? " rugitCamille, à présent debout , la mine sombre. La domestique prit son courage à deux mains : " Un homme est venu ici. (...)
" Sauf votre respect, madame s'il est de vos amis, je trouve qu'il avait des yeux d'assassin... - Pierre. " lâchaCamille. " Cette vermine ! Pourquoi l'as-tu laissé passer ? - Il m'a fait peur... " avoua Marinette. " Il m'a dit qu'il vous connaissait, qu'il passait juste prendre quelques affaires et que vous étiez au courant... Moi, je lui ai demandé s'il avait un billet de votre main, mais il m'a dévisagé d'une telle manière que... " Elle éclata en sanglots. (...)
Puis elle se munit de sa main-gauche et de sa rapière. Marinette ne la quittait pas des yeux, tout en se mordillant les lèvres.Camillefinit par s'en apercevoir. Elle jeta un coup d'oeil vers la fenêtre. Il était moins tard qu'elle ne le pensait. (...)
Elle se mit en selle et tendit la main vers la jeune fille. Celle-ci hésitait. " Allons ! Je n'ai pas de temps à perdre ! " lançaCamille. " Quant à toi, " maugréa-t-elle à l'encontre de son cheval, qui ne cessait de renâcler, " tu continues comme ça, je t'arrache les oreilles. (...)
Le maître d'armes pressa les flancs de sa monture, qui fit encore quelques pas, les oreilles pointées en avant, l'air nerveux. " C'est trop calme... " remarquaCamille. " J'ai un étrange pressentiment... - Regardez ! " coupa Marinette, pointant un doigt en direction d'un bosquet. (...)
Un carreau d'arbalète était planté dans son dos et il saignait abondamment, atteint par de nombreux coups d'épée. Blême de rage,Camilleserra les poings. Aux cheveux blonds cendrés du blessé et à sa mise, elle sut immédiatement qu'il s'agissait de son frère. (...)
Ils étaient armés d'épées bâtardes et donnaient le sentiment de savoir s'en servir. Un lent sourire s'inscrivit sur les lèvres deCamille. Elle plissa les yeux, exécuta quelques moulinets avec son épée afin de les impressionner et dans un même mouvement, se fendit, para une attaque qui venait sur la droite, plongea sa main-gauche dans le ventre d'un de ses adversaires et en transperça un autre de part en part. (...)
" A ce moment là, un hennissement sourd et un bruit de chute détourna un infime instant son attention. Pendant ce temps,Camillen'avait pas laissé la possibilité aux autres mercenaires de l'atteindre une nouvelle fois. Un seul mouvement avait suffi pour les mettre tous trois hors d'état de nuire, la gorge tranchée. (...)
A moins, bien sûr, que vous ne parveniez à le soigner, mais il faudrait faire vite et je doute que vous ayez le temps. - Vous signez là votre arrêt de mort ! " grondaCamille. " Mais non ! " répondit-il. " Vous ne voulez pas être également responsable du trépas de votre servante, tout de même ! (...)
" riposta-t-il avec un ricanement sinistre. " Votre naïveté m'étonnera toujours, cousin ! " terminaCamilleavec une lueur moqueuse au fond des yeux. Alors elle émit un sifflement aigu. Aussitôt, l'une des brutes qui tenait Marinette beugla comme un supplicié et la lâcha, avant de tomber sur le sol, la cheville déchiquetée par les dents du cheval " mort ". (...)
" Il engagèrent le fer, le regard rivé l'un à l'autre, essayant de déterminer quelle serait la prochaine action de l'adversaire. Soudain, Pierre glissa sa lame le long de celle deCamilleen se portant en avant. Celle-ci recula simplement et l'écarta d'un battement. Alors le combat commença vraiment. (...)
Ils atteignirent le bas de l'escalier en marbre et sans relâcher la pression qu'il exerçait sur la montaginoise, le duelliste poursuivit : " Vous avez tué mon père, vous m'avez privé de mes titres, vous avez rendu mon existence misérable... Et vous allez le payer très cher, cousine ! "Camillepara un coup droit, recula sur la première, puis la deuxième marche, toujours harcelée par son adversaire. (...)
" Pourtant, ce n'est pas très difficile, vous savez ! Il suffit d'un peu d'... " Pierre bondit sur elle, sa dague pointée en avant.Camillesauta sur le perron : " ... astuce, ce dont vous êtes totalement dénué... " Elle exécuta une magnifique double parade, se fendit, lui égratigna la pointe du nez et termina, redescendant à toute allure l'escalier : " ... et de panache ! (...)
" Il porta une attaque au couteau et profitant de l'ouverture laissée par la quarte de la jeune femme, lui asséna un violent coup de pommeau à l'épaule.Camillerecula sous le choc et la douleur, tandis qu'il avançait sur elle, un rictus cruel aux lèvres. (...)
" Première leçon " commença-t-il, " l'humilité... Deuxième leçon... " Il porta sa lame au contact et, dans un crissement aigu, effectua un enveloppement. Les deux adversaires se trouvaient à présent au corps-à-corps.Camilleesquissa une parade de sa main gauche ; il la bloqua. Leurs yeux se rencontrèrent. La tension entre eux était presque palpable. " La deuxième leçon ? " murmuraCamilleentre ses dents. D'un coup de pied, il la déséquilibra et relâcha aussitôt la pression de sa lame.Camilletomba au sol, parant instinctivement le coup qui s'abattait sur elle. " La deuxième leçon, je commence juste à vous la donner... - Ah oui ? " lançaCamilleen roulant sur le côté. " Eh bien je me passerai grandement de vos méthodes de lâche et d'assassin... " Elle se releva et se remit en garde. (...)
Instinctivement, le dernier homme valide et Marinette s'écartèrent lorsque le duel mena les spadassins près d'eux, fascinés par la virtuosité des deux ennemis Soudain,Camillejura et chancela un court instant Une longue blessure traversait à présent sa poitrine. Sans hésiter, Pierre saisit l'opportunité qui se présentait et lui plongea sa main-gauche dans le flanc, tout en lui portant un second coup à la gorge, sans queCamillene puisse réagir. " Bientôt, vous ne serez plus qu'une plaie et vous me supplierez de vous achever ! (...)
Il avait de plus en plus de peine à parer les fines attaques de la femme blonde et il faisait de plus en plus d'erreurs. Soudain,Camillefit cinq pas en arrière et, après avoir rengainé sa maingauche, se remit en garde, complètement concentrée sur le meurtrier de son frère. (...)
" Prépare-toi à mourir ! - Mais oui, c'est ça... " Avec une rapidité foudroyante et une grâce inouïe,Camilleexécuta alors une sorte d'entrechat et atterrit en une fente parfaite sur son adversaire, à présent complètement paniqué. (...)
" Elle rengaina sa propre lame et pointa la sienne sur sa gorge. " Je ne vais tout de même pas souiller mon épée avec votre sang ! - PitiéCamille! Pitié ! " gémit-il. " Je vous promets... Je vais disparaître à jamais de votre existence, vous n'entendrez plus parler de moi... - Pitié ? (...)
Avant qu'il ne puisse lui lancer sa dague dans le dos, Marinette avait agi. Il gisait à présent dans une flaque de sang, un couteau planté entre les deux yeux. Hésitante,Camilleregarda à nouveau son frère, rencontra son regard émeraude et sourit. Une larme roula doucement sur sa joue. (...)
C'était le petit matin, lorsque Marinette arriva pour la seconde fois de sa vie devant les portes de l'école de La pointe au coeur. Mais ce jour-là, elle montait son propre cheval - cadeau deCamille- un magnifique hongre pommelé et portait ses propres vêtements, des pantalons et une chemise dans les tons verts, assortis à ses yeux. (...)Le cliquetis des armes résonnait dans la vaste pièce aux fenêtres hautes, décorée de lambris, qui servait de salle d'entraînement pour les apprentis spadassins de l'école La pointe au coeur . Il y avait là une douzaine d'élèves, âgés de quinze ans tout au plus, qui, vêtus de chemises colorées et de plastrons de cuirs, s'exerçaient à l'art du fleuret, sous le regard impitoyable de leur maître d'armes. Un cri de rage retentit soudain, suivi de près par le bruit d'une chute. Les assauts cessèrent ...