Aventurières, Amazones et Femmes d'Epée
sur Jeux d'Ombres
Contient : femme (13)(...) Howard est surtout célèbre pour ses héros masculins ; il est même régulièrement taxé de machisme ou de sexisme, les comics de Conan le Barbare ayant popularisé l'image du surhomme viril à la musculature de culturiste, brandissant une arme phallique tandis qu'unefemmese prélasse à ses pieds, dans une attitude lascive, soumise ou craintive. La réalité est en fait beaucoup plus complexe : certes, les nouvelles d'Howard étaient teintées de sexisme, mais beaucoup moins que la grande majorité des récits d'aventure publiés dans les pulps des années 30 (ou même longtemps après). (...)
Du reste, ceux qui sont si prompts à condamner Howard au nom du « politiquement correct » ignorent généralement que le créateur de Conan et de Solomon Kane a également donné vie à une extraordinaire héroïne, dont la fougue et la bravoure dépassent souvent celles des hommes qu'elle rencontre au cours de ses aventures : l'impétueuse Agnès de Chastillon, plus connue des lecteurs américains d'Howard sous le nom de « Dark Agnes ». Le portrait de cette «femmed'épée » permet de définir les grands traits de l'héroïne howardienne et peut être utilisé par le meneur de jeu (et les éventuelles joueuses) comme source d'inspiration, voire comme modèle de personnages. (...)
Mais il est intéressant de remarquer qu'Howard s'attarde fort peu à détailler ses attraits physiques et pour cause : les aventures d'Agnès sont racontées à la première personne, par l'héroïne elle-même - un choix inattendu, qui permet à Howard d'éviter les « complaisances anatomiques » si répandues dans les récits d'aventure de l'époque et, surtout, de faire parler Agnès de sa propre voix, la voix d'unefemmeéprise de liberté et d'indépendance, qui n'hésite pas à dégainer l'épée lorsqu'elle l'estime nécessaire. (...)
Cette rencontre sera le point de départ d'une existence placée sous le signe du danger et de l'aventure, une existence au cours de laquelle Agnès sera plus d'une fois obligée de défendre son honneur defemmeà la pointe de l'épée... comme le montre bien la citation suivante : « - Fou ! Devrai-je tuer la moitié des hommes de France pour leur apprendre le respect ? (...)
Le monde dans lequel évolue Agnès est un monde d'hommes, dans lequel il n'y a pas de place pour unefemmelibre. Pour s'affranchir de toutes les contraintes liées à son sexe, Agnès devra renoncer à sa féminité. Ne pouvant à la fois êtrefemmeet être libre, elle choisira d'être libre, devenant une véritable vierge guerrière - mais une vierge guerrière à la Howard : sauvage, sombre et tourmentée. (...)
On ne peut qu'être surpris, à la lecture des aventures d'Agnès la Noire, par la finesse psychologique avec laquelle Howard dépeint ce personnage defemmed'épée, y compris dans ses contradictions et ses ambiguïtés - comme en témoigne ce passage où Agnès se trouve amenée à secourir la belle Françoise de Foix, maîtresse du roi victime de ténébreuses machinations. (...)
Dans un récit d'aventure classique, les damoiselles en détresse sont secourues par des héros chevaleresques, qui peuvent ainsi prouver leur vaillance et leur virilité, en opposition à la grâce et à la fragilité de la « faiblefemme»... mais lorsque le sauveur est unefemme, la scène prend une toute autre tournure : « - Relève-toi, jeune fille, dis-je avec embarras (pour quelque obscure raison, je me sentais honteuse). Ne t'agenouille pas ainsi devant moi. (...)
Autant que je m'en souvienne, c'était la première fois que quelqu'un m'embrassait ! Partons, dis-je avec rudesse. Nous perdons du temps inutilement. Etienne aida la jeunefemmeà se mettre en selle et sauta derrière elle ; je montai le grand cheval noir. » Ici, c'est Agnès elle-même qui est troublée par le caractère incertain de sa propre identité sexuelle ; on est décidément bien loin des clichés complaisants des pulps de l'époque, dans lesquels les scènes à connotations saphiques se limitent souvent au stéréotype de la cruelle dominatrice ' torturant ' une frêle captive soumise. (...)
Mais la véritable Sonya la Rouge, celle qui fut créée par Howard lui-même, n'a absolument rien à voir avec Conan, puisque l'unique nouvelle qui la met en scène (The Shadow of the Vulture) se déroule au XVIème siècle, lors du siège de Vienne par les armées turques - ce qui fait d'elle une presque contemporaine de Solomon Kane. « C'était une jeunefemme, habillée d'une incroyable façon (...). Elle était grande, magnifiquement faite et puissamment bâtie, bien qu'élancée. (...)
Dans les deux cas, on retrouve l'idée d'une construction en opposition, d'une rupture brutale, du refus d'une destinée toute tracée placée sous le signe de la soumission. Dans les deux cas, la notion de «femmelibérée » prend toute sa signification. L'Héroïne selon Howard : Cette idée de rupture devra se retrouver dans le background de toute héroïne créée pour le jeu Solomon Kane. (...)
En d'autres termes, le mariage est absolument incompatible avec une vie d'aventurière, cette existence supposant une indépendance et une liberté d'action qu'aucunefemmemariée de l'époque ne pourrait posséder. La vie d'une héroïne a donc fatalement bifurqué avant cette étape fatidique. (...)Solomon Kane n'est pas qu'un jeu pour historiens et l'inclusion d'héroïnes capables de manier l'épée fait partie de ces libertés qu'un meneur de jeu doit savoir autoriser, conformément à l'esprit des récits d'aventure en général - et des nouvelles de Robert E. Howard en particulier. Agnès la Noire : Robert E. Howard est surtout célèbre pour ses héros masculins ; il est même régulièrement taxé de machisme ou de sexisme, les comics de Conan le Barbare ayant popularisé l'image du surhomme viril ...