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J'ai retiré deux choses de ces minutes que la Réalité transforma en éternité de souffrances : La première est que rien ne différencie un océan Réel d'un océan d'Ombre ; la seconde que l'éternité a pour les Ambriens une fin que notre Réalité n'offre pas. Ou plutôt si, elle l'offre. A plusieurs reprises même, selon les dires de ma mère. Comment ne pas la croire, elle qui par son sang est responsable de ce que j'ai coutume d'appeler de manière fort égocentrique ma malédiction. Je suis de ces ...Contient : amour (9)(...) Et comme un naïf qui ne sait pas que l'on se trouve véritablement déniaisé, non pas à la suite du premier accouplement fébrile, mais seulement passé le cap du premier et véritable chagrin d'amour. J'avais de bonnes raisons de considérer ces clichés comme inapplicables à ma petite personne. (...)
J'ai beau être relativement jeune et pondéré, je pense être affecté comme chacun d'entre Nous d'une dose raisonnable d'orgueil, d'égoïsme et de leurs satellites... L'autre raison qui me poussait à ignorer ces représentations préconçues était, et est toujours ma conception de l'Amour. Je ne me reconnais à ce sujet plus aucune modération. Il doit être Unique, Absolu, et baigner dans autant de Certitude qu'il y a d'eau à Wenrebma. (...)
Je la rencontrai bien plus tôt que je m'y étais attendu, vérifiant déjà un premier cliché au goût aujourd'hui amer sur l'amour... Elle était, ce qu'appellent aujourd'hui avec une détestable vulgarité les ethnologues et autres biologistes, une femelle dominante. (...)
En feignant d'ignorer à son tour que j'étais le fils de Llewella, Reine et Exarque de Wenrebma, elle nous libérait de toute entrave à notreamour. Nous fûmes fous. Et bientôt assurés de vivre ensemble, en rien gênés par mes obligations princières dont mon anonymat et ma mère nous protégeaient. (...)
Sorti de son contexte et vu par un observateur extérieur, par exemple un quelconque membre de la confrérie des 'revenus-de-tout', notre touchant et banal pacte d'amourfaisait aussi caricatural et mélodramatique que toute histoire d'amourentre adolescents prépubères...Mais c'était le Nôtre, et il était droit et vrai. Et nous nous moquions bien des regards vitreux et apathiques des mérous de basse fosse lorsque nous batifolions dans les champs alguaires de la côte. (...)
Ma mère était la seule à pouvoir accomplir ce prodige : ' Galaak, mon enfant, tu découvres grâce à l'amourde cette jeune Cétacé la manière dont ton corps et ton âme sont aspectés. Mais tu n'es pas seulement corps et âme. (...)
Etait-elle encore persuadée après des années d'oubli que jamais je ne l'abandonnerai ? On peut abandonner, mais pas oublier. Même, s'il ne faut pas, si l'Amourest trop souvent mémoire. Comme s'il était éphémère. Mais je donnerai ma vie pour la grâce de l'oubli. (...)
Seul devant l'abîme, l'esprit confus, je calculai qu'il me faudrait plus de deux minutes trente et moins d'environ soixante ans pour que l'anoxie et les surpressions m'entraînent plus sûrement que les ténèbres et les fumées noires soufrées exhalées depuis la dorsale océanique. A l'instar de l'Amour, la mort n'est bonne que si elle est partagée. Je n'ai même pas envisagé d'y sombrer, inutile de se mentir. (...)