Leçon de choses
La première invention de la vie fut la mort. Quelque soit la forme de vie considérée, elle est destinée à mourir. Les Finalistes diraient que l'on naît pour mourir. Même si l'histoire récente a poussé le peuple du Chaos, mon peuple, à refuser certes à contre-coeur la mort. Notre Guilde chaotique des Concepteurs s'est toujours appliquée de mon temps à rappeler les plus âgés et les moins méritants d'entre nous. Les évènements récents ; la création d'Ambre a condamné les miens à la stagnation puis à ...Contient : amour (13)(...) Kasumi, ma dernière et j'espère encore actuelle élève me soutiendrait sans doute que la force qui a poussé les cellules à coopérer et qui nous pousse chaque jour à la symbiose, va au delà de l'intérêt mutuel de la symbiose. Il s'agit d'amour. Enfin, je caricature peut-être malgré moi, mais c'est ce que j'ai compris. Quoique cela soit encore beaucoup plus compliqué, dans sa tête du moins. Cela apparaît si compliqué que je me demande parfois si elle a déjà vu cetamourréaliser les miracles dont elle le soupçonne. Une idée floue est toujours difficile à énoncer clairement. Deux hypothèses : · - soit elle et moi sommes deux apprenants de l'amour. Certes pas au même stade de l'apprentissage et pas contaminé par les mêmes représentations initiales ou idées préconçues · - soit je suis déjà trop vieux pour encore évoluer, auquel cas je devrais moi-même aller m'infliger le traitement Abyssal anti-stagnation. Dans le premier cas, il nous faut d'urgence dénicher un spécialiste de l'amour. Je laisse de côté le second tant je me sens jeune et capable, et tant je me suis récemment parfaitement adapté à la Réalité, ce lieu étrange et figé qu'ils appellent Ambre. Reste une troisième possibilité : l'amourn'existe pas. Je saurais sinon le soutenir, au moins l'argumenter. L'amourn'est qu'un moyen retenu par la sélection naturelle pour pérenniser les êtres qu'elle a voulus mortels pour les raisons évoquées précédemment. Le passage à la postérité permis par la reproduction n'est pas forcément intuitif chez toutes les formes de vie éphémères dites 'animales' à support physique. (...)
Une véritable allégorie publicitaire ! Pour vendre la reproduction, la nature a appelé l'attirance viscérale pour le sexe opposé 'amour'. Tout en continuant à stimuler les mêmes zones cérébrales inhérentes à ce phénomène que celles responsables de l'attirance pour un bout de viande grillée...On a dû complexifier le rituel pour arriver aux mêmes fins. (...)
Il semble que le rituel créé soit trop compliqué à gérer pour les individus eux-mêmes. Et quand l'on se suicide au nom d' unamourque l'on croit non partagé, on ne peut pas parler d'un succès de stratégie reproductrice. A trop cérébraliser et l'on en oublie les impératifs du corps nécessaires à la reproduction. (...)
Le mal amoureux devrait être éradiqué à la racine telle la mauvaise herbe. Voici en effet une autre thèse : l'amourest une maladie à l'échelle de la population, une véritable pandémie auto-immune ! ! ! Cette éventualité serait au moins moralement défendable, et défendue par tous les épargnés, les désabusés, et les trahis de l'amour...Guérir de l'amourou passer à côté de lui est un malheur qui menace de vous abîmer dans le vide de votre propre coeur. Et je me trouve encore là, une fois de plus, au bord de l'abîme, de dos à notre nouveau Logrus, succédané de Marelle aquatique et de bonnes vieilles recettes ophidiennes. (...)
C'est pourquoi je pense que le dernier épisode de mon existence passera donc vraisemblablement par l'Abysse. Quelle place, sinon celle d'une pitoyable demande de sursis, aurait donc l' 'amour' dans la vie de Céraïste de Tufton ? Kasumi serait encore outrée, de me voir ainsi condamner la force qui la pousse à faire les plus belles bêtises de sa jeune existence...Et elle aurait raison. (...)
Démonter ainsi le mal amoureux avec une telle recherche, une telle violence dans l'argumentaire et un tel parti pris dans l'interprétation montre que je suis moi-même atteint de cécité mentale. De ne point vouloir admettre que ce virus de l'amourest si délicieusement contagieux. De ne point vouloir admettre que je l'aime.