Le Mystère de l'abbaye
sur Arnheim
Contient : abbaye (19)Le Mystère de l'abbayeEn cette veille de Noël 1226, la neige était tombée en abondance sur Inverness et s'était accumulée sur les toits de l'abbayede Saint André. Depuis deux bons mois, les moines avaient troqué leurs traditionnelles sandales contre des chausses rembourrées de laine, bien plus confortables et surtout bien plus chaudes. (...)
Et dire que tout cela était parti d'une légende, d'une histoire que les gens se contaient à la veillée... Trois moines disparus, durant trois veilles de Noël au cours du siècle dernier, dans cette mêmeabbaye... Voilà qui était certes intrigant. L'histoire de ces frères bénédictins qui s'étaient volatilisés un soir de Noël sans que personne ne les ait vu quitter l'abbayeavait passionné Torradan depuis des années. Vivre dans un lieu baigné de mystère n'était certes pas pour lui déplaire, lui qui avait toujours adoré les complications de la logique antique et avait toujours appliqué une rigueur mathématique à tous ses raisonnements. Cette belle énigme lui avait été révélée lors de son arrivée dans l'abbayede Saint André, et depuis qu'il en était le bibliothécaire, il avait consacré son temps à tenter de résoudre ce mystère insoluble aux dires de certains. (...)
Les abbés qui s'étaient succédés à la tête de la communauté avaient souvent essayé de couper court aux rumeurs mais les paysans de la contrée, qui raffolaient des histoires dans ce genre-là, s'étaient transmis l'anecdote de génération en génération, conférant à l'abbayeune réputation inquiétante collant assez mal à l'image habituelle d'un lieu consacré. A force de recherches, frère Torradan avait retrouvé les noms des trois moines et les dates de leurs disparitions. (...)
Torradan n'était pas un expert de la langue hellène, et il avait dû en premier lieu améliorer ses connaissances en prenant des leçons auprès du traducteur officiel de l'abbaye. Après quelques mois de travail intensif, il avait fini par atteindre un niveau satisfaisant pour percer le sens des lignes de caractères qui lui cachaient la solution depuis le début. (...)
Des anciens documents, Torradan n'avait trouvé aucune trace, mais les notes de son prédécesseur étaient suffisamment claires pour retracer ce qu'ils contenaient. Sous l'abbayese trouvait un lieu fabuleux et divin, un endroit extraordinaire auquel seuls les initiés qui avaient pu percer son secret pouvaient accéder. Sous l'abbayese trouvait l'une des portes du Paradis. Torradan était un sceptique, tout comme Eadan. Il était loin du mysticisme des foules et s'il croyait évidemment en Dieu, il se gardait bien des superstitions qu'entretenaient les plus ignorants des hommes tout au long des siècles. Mais une chose était sûre : même si les portes du Paradis ne s'ouvraient pas sous l'abbaye, il se trouvait au moins quelque chose. Le bibliothécaire se devait de percer ce mystère. Les notes d'Eadan l'avaient conduit à une impasse. (...)
En suivant les plans et les indications laissées par le traducteur, Torradan était descendu dans les caves humides et froides de l'abbaye, là où l'on entreposait parfois quelques tonneaux de vin. Personne n'aimait se rendre dans cet endroit sombre auquel on accédait par un long escalier étroit aux marches glissantes. (...)
La neige fondue par les allées et retours des moines et des serviteurs dégoulinait en une eau noirâtre vers les profondeurs de l'abbaye, et Torradan était forcé d'avancer prudemment malgré sa hâte à atteindre la cave. La lueur de sa chandelle n'était pas suffisante pour éclairer bien plus loin que ses pieds. Lorsqu'il déboucha enfin dans la vaste cave de l'abbaye, son excitation était à son comble. Il était presque minuit, et selon toute vraisemblance l'heure de l'ouverture du passage n'allait pas tarder à sonner. (...)
La messe de minuit était bien avancée maintenant, et le cérémonial se poursuivait avec l'exacte rigueur qui avait toujours prévalu depuis la création de l'abbaye. Après les chants viendraient les rites habituels, puis le sermon de l'évêque, et enfin, la bénédiction finale. (...)
Sitôt la dernière syllabe prononcée, la dalle noire s'était ouverte en son milieu, séparant en deux le symbole gravé dans la pierre. Toutes ces recherches, tous ces efforts n'avaient finalement pas été en vain : le secret de l'abbayese tenait devant le moine triomphant. Il ne lui manquait plus que de faire quelques pas pour connaître la vérité. (...)
Quatre grands piliers de pierre soutenaient la voûte, et quand ses yeux se furent un peu habitué à l'obscurité, Torradan s'aperçut qu'ils étaient gravés de bas-reliefs grotesques représentant des scènes étranges d'inspiration païenne. Ce lieu, sans aucun doute, était bien plus ancien que l'abbayequi le coiffait. Lentement, la capuche rabattue en arrière afin de mieux distinguer ce décor irréel, Torradan progressa pas à pas dans la pénombre de la grande salle. (...)
Le bibliothécaire lut bon nombre de passages en diagonale, sentant des sueurs froides lui couler le long de l'échine. Ce livre n'avait sa place nulle part, pas même dans les enfers d'une bibliothèque d'abbaye. Ce livre n'avait sa place qu'au centre d'un bûcher, et Torradan n'était pas loin de croire que son auteur aussi aurait mérité d'y finir. (...)
Mais il gardait tout de même espoir. Un passage attira tout particulièrement l'attention de Torradan. Il y était question de l'abbayed'Inverness, et de sa construction qui datait de trois siècles. Les moines d'alors, soucieux de lutter contre les anciennes croyances, avaient bâti leur nouvelle église sur les ruines d'un temple païen. (...)
Il s'était alors lancé dans de longues recherches, en solitaire, pour retrouver l'un des plus fameux lieux de culte des sectes immondes des païens et ses recherches avaient abouti à l'abbayede Saint André. Il y était entré comme simple moine, et avait, après quelques mois, découvert l'entrée de la crypte païenne. (...)En cette veille de Noël 1226, la neige était tombée en abondance sur Inverness et s'était accumulée sur les toits de l'abbaye de Saint André. Depuis deux bons mois, les moines avaient troqué leurs traditionnelles sandales contre des chausses rembourrées de laine, bien plus confortables et surtout bien plus chaudes. Les heures passées dans le scriptorium ou dans le froid de l'église, sans bouger de son siège, étaient assez éprouvantes et malgré l'approche de la grande messe de minuit, les esprits ...