Voyage au Centre de la Terre
sur Les Ludopathes
Contient : idées (13)(...) Je pensai que mon air défait, ma pâleur, mes yeux rougis par l'insomnie allaient produire leur effet sur Graüben et changer sesidées. « Ah ! mon cher Axel, me dit-elle, je vois que tu te portes mieux et que la nuit t'a calmé. - Calmé ! (...)
L'hôte nous servit une soupe au lichen et point désagréable, puis une énorme portion de poisson sec nageant dans du beurre aigri depuis vingt ans, et par conséquent bien préférable au beurre frais, d'après lesidéesgastronomiques de l'Islande. Il y avait avec cela du « skyr », sorte de lait caillé, accompagné de biscuit et relevé par du jus de baies de genièvre ; enfin, pour boisson, du petit lait mêlé d'eau, nommé « blanda » dans le pays. (...)
De mauvais desseins l'eussent entraîné en haut, non en bas. Ce raisonnement me calma un peu, et je revins à un autre d'ordre d'idées. Hans, cet homme paisible, un motif grave avait pu seul l'arracher à son repos. Allait-il donc à la découverte ? (...)
XXIII Pendant une heure j'imaginai dans mon cerveau en délire toutes les raisons qui avaient pu faire agir le tranquille chasseur. Lesidéesles plus absurdes s'enchevêtrèrent dans ma tête. Je crus que j'allais devenir fou ! Mais enfin un bruit de pas se produisit dans les profondeurs du gouffre. (...)
Pourquoi un homme convaincu comme mon oncle ne réussirait-il pas, avec un guide industrieux comme Hans, et un neveu « déterminé » comme moi ? Voilà les bellesidéesqui se glissaient dans mon cerveau ! On m'eût proposé de remonter à la cime du Sneffels que j'aurais refusé avec indignation. (...)
Les objets extérieurs ont une action réelle sur le cerveau. Qui s'enferme entre quatre murs finit par perdre la faculté d'associer lesidéeset les mots. Que de prisonniers cellulaires devenus imbéciles, sinon fous, par le défaut d'exercice des facultés pensantes. (...)
» Je répétai ces derniers mots comme un homme qui n'est pas convaincu. D'ailleurs, pour associer cesidéessi simples, et les réunir sous forme de raisonnement, je dus employer un temps fort long. Un doute me prit alors. (...)
Ces trente lieues d'écorce terrestre pesaient sur mes épaules d'un poids épouvantable ! Je me sentais écrasé. J'essayai de ramener mesidéesaux choses de la terre. C'est à peine si je pus y parvenir. Hambourg, la maison de Königstrasse, ma pauvre Graüben, tout ce monde sous lequel je m'égarais, passa rapidement devant mon souvenir effaré. (...)
» J'écoutai, j'épiai dans l'ombre une réponse, un cri, un soupir. Rien ne se fit entendre. Quelques minutes se passèrent. Tout un monde d'idéesavait éclos dans mon esprit. Je pensai que ma voix affaiblie ne pouvait arriver jusqu'à mes compagnons. (...)
Je crains de voir s'élancer l'un de ces habitants des cavernes sous-marines. Je suppose que le professeur Lidenbrock partage mesidées, sinon mes craintes, car, après avoir examiné le pic, il parcourt l'océan du regard. 9 Mers de la période secondaire qui ont formé les terrains dont se composent les montagnes du Jura. (...)
- Heureusement le vent, qui souffle avec force, nous a permis de fuir rapidement le théâtre du combat. Hans est toujours au gouvernail. Mon oncle, tiré de ses absorbantesidéespar les incidents de ce combat, retombe dans son impatiente contemplation de la mer. Le voyage reprend sa monotone uniformité, que je ne tiens pas à rompre au prix des dangers d'hier. (...)
C'était, à n'en pas douter, le chemin de Saknussemm ; mais, au lieu de le descendre seul, nous avions, par notre imprudence, entraîné toute une mer avec nous. Cesidées, on le comprend, se présentèrent à mon esprit sous une forme vague et obscure. Je les associais difficilement pendant cette course vertigineuse quiressemblait à une chute. (...)
- Oui, répondit le professeur en me regardant par-dessus ses lunettes, car c'est la seule chance que nous ayons de revenir à la surface de la terre ! » Je passe rapidement sur les milleidéesqui se croisèrent dans mon cerveau. Mon oncle avait raison, absolument raison, et jamais il ne me parut ni plus audacieux ni plus convaincu qu'en ce moment, où il attendait et supputait avec calme les chances d'une éruption. (...)Jules Verne. Édition du groupe « Ebooks libres et gratuits ». I - Le 24 mai 1863, un dimanche, mon oncle, le professeur Lidenbrock, revint précipitamment vers sa petite maison située au numéro 19 de Königstrasse, l'une des plus anciennes rues du vieux quartier de Hambourg. La bonne Marthe dut se croire fort en retard, car le dîner commençait à peine à chanter sur le fourneau de la cuisine. « Bon, me dis-je, s'il a faim, mon oncle, qui est le plus impatient des ...