Voyage au Centre de la Terre
sur Les Ludopathes
Contient : poussière (9)(...) Que de fois, au lieu de muser avec des garçons de mon âge, je m'étais plu à épousseter ces graphites, ces anthracites, ces houilles, ces lignites, ces tourbes ! Et les bitumes, les résines, les sels organiques qu'il fallait préserver du moindre atome depoussière! Et ces métaux, depuis le fer jusqu'à l'or, dont la valeur relative disparaissait devant l'égalité absolue des spécimens scientifiques ! (...)
Je portai mes regards vers la plaine ; une immense colonne de pierre ponce pulvérisée, de sable et depoussières'élevait en tournoyant comme une trombe ; le vent la rabattait sur le flanc du Sneffels, auquel nous étions accrochés ; ce rideau opaque étendu devant le soleil produisait une grande ombre jetée sur la montagne. (...)
Nous étions, heureusement, sur le versant opposé et à l'abri de tout danger ; sans la précaution du guide, nos corps déchiquetés, réduits enpoussière, fussent retombés au loin comme le produit de quelque météore inconnu. Cependant Hans ne jugea pas prudent de passer la nuit sur les flancs du cône. (...)
Cela devait être, car, à l'époque silurienne, les mers renfermaient plus de quinze cents espèces végétales ou animales. Mes pieds, habitués au sol dur des laves, foulèrent tout à coup unepoussièrefaite de débris de plantes et de coquille. Sur les parois se voyaient distinctement des empreintes de fucus et de lycopodes ; le professeur Lidenbrock ne pouvait s'y tromper ; mais il fermait les yeux, j'imagine, et continuait son chemin d'un pas invariable. (...)
- Tu dis bien, mon garçon, c'est une serre ; mais tu dirais mieux encore en ajoutant que c'est peut-être une ménagerie. - Une ménagerie ! - Oui, sans doute. Vois cettepoussièreque nous foulons aux pieds, ces ossements épars sur le sol. - Des ossements ! m'écriai-je. (...)
Nous avancions difficilement sur ces cassures de granit, mélangées de silex, de quartz et de dépôts alluvionnaires, lorsqu'un champ, plus qu'un champ, une plaine d'ossements apparut à nos regards. On eût dit un cimetière immense, où les générations de vingt siècles confondaient leur éternellepoussière. De hautes extumescences de débris s'étageaient au loin. Elles ondulaient jusqu'aux limites de l'horizon et s'y perdaient dans une brume fondante. (...)
Tel était mon oncle le professeur Lidenbrock. Mais ce fut un bien autre émerveillement, quand, courant à travers cettepoussièrevolcanique, il saisit un crâne dénudé, et s'écria d'une voix frémissante : « Axel ! Axel ! (...)
Ce corps fossilisé n'était pas le seul de l'immense ossuaire. D'autres corps se rencontraient à chaque pas que nous faisions dans cettepoussière, et mon oncle pouvait choisir le plus merveilleux de ces échantillons pour convaincre les incrédules. (...)
Ces êtres animés avaient-ils glissé par une convulsion du sol vers les rivages de la mer Lidenbrock, alors qu'ils étaient déjà réduits enpoussière? Ou plutôt vécurent-ils ici, dans ce monde souterrain, sous ce ciel factice, naissant et mourant comme les habitants de la terre ? (...)Jules Verne. Édition du groupe « Ebooks libres et gratuits ». I - Le 24 mai 1863, un dimanche, mon oncle, le professeur Lidenbrock, revint précipitamment vers sa petite maison située au numéro 19 de Königstrasse, l'une des plus anciennes rues du vieux quartier de Hambourg. La bonne Marthe dut se croire fort en retard, car le dîner commençait à peine à chanter sur le fourneau de la cuisine. « Bon, me dis-je, s'il a faim, mon oncle, qui est le plus impatient des ...