La Fae et le Rat
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Contient : anton (42)La Fae et le Rat La forêt étalait ses nuances automnales à perte de vue, et le déclin du soleil faisait miroiter les feuilles mortes comme autant de joyaux.AntonMaren oubliait de temps à autre que cette féérie chatoyante renfermait tant de dangers. Il s'abîmait alors dans des rêveries que peu d'hommes d'armes impériaux auraient comprises. (...)
Leur cliente actuelle était une femme mystérieuse qui les avait engagés à Pfeildorf pour l'escorter dans le sud, par-delà les montagnes Noires. C'était un long voyage etAntondoutait que deux gardes du corps suffisent pour une telle équipée, mais Rogur avait insisté pour prendre le contrat. (...)
Il prétendait bien connaître ces montagnes. Elles étaient soi-disant sûres, mais cela n'enlevait pas de la tête d'Antonles histoires de hordes de peauxvertes attendant leur heure dans leurs sinistres contreforts. Pourtant les montagnes étaient encore loin, et la campagne du Wissenland se faisait de plus en plus sauvage à mesure qu'ils s'enfonçaient dans l'automne. (...)
- Bah moi je suis sûr d'avoir vu quelque chose. Une paire d'yeux bien sournois qui ne cessaient de nous épier. - Sur le bord de la route ?Antonchercha son arbalète du bout des doigts, espérant que ça l'aiderait à paraître concerné par les soupçons incessants de son collègue. (...)
Il manquerait plus qu'il se mette à brailler, on voit que tu n'as jamais eu d'enfant. - J'en ai jamais abandonné non plus, répliqua le nain, sur la défensive.Antonhaussa les épaules. Facile de critiquer sans savoir ce que Natacha lui avait fait endurer à l'époque. (...)
Le nain soupira de dépit et ne prononça plus un mot jusqu'à ce qu'ils s'arrêtent pour la nuit. Le camp fut monté dans le silence également. Contre toute attente, Rogur ne protesta pas quandAntonprépara un feu de camp, mais il renifla bruyamment quand la dame s'excusa pour aller manger à l'abri du froid dans le carrosse. (...)
Son repas avalé, Rogur se leva derechef et sortit sa hache de son étui. - Mets un peu de vin à chauffer, je reviens, dit-il, laissantAntonfinir seul le sachet de fruits secs. Le nain s'enfonça dans l'obscurité sans la moindre hésitation. Quelques minutes plus tard,Antonsaupoudrait le vin brûlant d'une poignée d'épices prélevée dans une pochette de son sac. Il goûta et sourit de la douceur du breuvage. (...)
Elle marqua une pause, inquiète d'entendre une branche craquer dans les fourrés alentours. « N'ayez crainte, la rassuraAntonen bougeant les pieds comme s'il venait s'arriver, ça doit être Rogur qui chasse ». - Vous m'écoutiez ? (...)
La porte du carrosse s'entrouvrit, laissant apparaître un bout du voile sombre qui recouvrait le visage de la passagère. - Vraiment ? fit-elle d'une voix mutine, et quel est votre avis ?Antonn'eut jamais l'occasion de répondre, car Rogur choisit cet instant précis pour surgir des fourrés dans un vacarme de branches écrasées et de halètements rauques. (...)
Le nain ne répondit pas, mais se tournant vers le carrosse, il hurla « Vous êtes une elfe, c'est ça ? ». Seuls des pleurs étouffés lui répondirent dans un premier temps, puisAntonentendit distinctement la réponse de l'étrange dame. «... pas une elfe. Non, pas une elfe. Une fée ». ****Antonn'en avait rien dit à Rogur. Le nain serait encore plus inquiet de savoir que leur employeuse était vraiment dérangée. (...)
Il dormait de moins en moins chaque nuit, prétendant entendre des bruits dans les taillis. Il n'avait pas trouvé d'autres rats pourtant.Antonn'avait pas non plus réussi à refaire parler la dame. Elle s'était enfermée dans un mutisme complet suite à ses pleurs de l'autre nuit. (...)
Ils étaient trempés jusqu'aux os malgré leurs capes huilées. Repoussant une mèche ruisselante de ses yeux,Antonlut sur les panneaux des noms de villages qui ne lui disaient rien. Le nain émit un grognement et regardant par-dessus l'épaule d'Anton. Un gros chêne était l'hôte d'une demi-douzaine de pendus qui ruisselaient en finissant de pourrir. (...)
Une figure méfiante de vieille femme apparut à la lueur des lanternes du carrosse. - Bonsoir madame... commençaAntonsur un ton poli. - C'est pas une auberge ici. Passez votre chemin. - Nous ne sommes pas des vagabonds non plus, nous avons de quoi payer. (...)
- Trois, mon collègue et moi escortons une noble dame... - J'ai juste de la soupe et du pain d'hier. Il faudra vous contenter de l'abri près de la grange, je veux personne à l'intérieur.Antonse retourna pour voir ce que Rogur en pensait. Le nain haussa les épaules, le regard sombre sous son capuchon trempé. (...)
Elle ne cessait de scruter le ciel dans la crainte d'y voir Morrslieb. Elle leur servit une soupe trop claire sans répondre aux questions polies d'Antonà propos de la région, puis tendit vers lui une main ridée. - Pour la soupe, l'abri et le service, ça vous fera dix pistoles. (...)
La vieille empocha l'argent puis se replia derrière sa porte sans un regard en arrière. Rogur jura à propos du sens de l'hospitalité des humains. Pour une foisAntonne trouva rien à redire. Ils mangèrent en silence sans quitter des yeux les volutes de fumée qui s'échappaient de la cheminée, proche et inaccessible à la fois. La fumée semblait se mêler aux nappes de brume qui s'élevaient de la forêt alentour.Antonpensa que c'était beau, puis il s'endormit. **** Une claque au visage le tira de sa torpeur. La nuit était noire et il était allongé dans la boue, ses braies mouillées de soupe renversée. Une forme sombre était penchée sur lui. Se frottant les yeux,Antonvit que c'était une très jeune femme au doux visage encadré par d'interminables cheveux mauves qui luisaient à la lueur des braises du feu de camp. (...)
- Pas une elfe, une fée, chuchota la jeune femme aux yeux que la folie gagnait. - Plus tard, soufflaAnton. La soupe était droguée. La vieille nous a piégés. Dame... - Myrhafae. Hâtez-vous s'il vous plait, faites quelque chose, je vous en conjure. (...)
Le nain courut vers la ferme et ouvrit la porte d'un coup de pied. Il s'élança à l'intérieur alors qu'Antonparvenait seulement à se lever pour le suivre. L'intérieur était en ruine et la poussière s'amassait sur les restes des meubles. (...)
- Peut-être, mais ceux qui ont fait ça sont sans doute pas les mêmes qui nous ont drogués ce soir. Ils nous auraient tués sinon. - Ouais, ditAntonen se penchant pour examiner le cadavre, une main devant la bouche. Et puis je vois mal qui serait assez cinglé pour rester en compagnie de cadavres. (...)
Cette fille n'est pas claire, on nous attendait ici pour nous tendre un piège. Foutue elfe, on aurait pu y rester !Antonne trouva rien à répliquer. « Elle est plutôt jolie dans le genre demoiselle en détresse dérangée » n'était décidément pas un argument recevable auprès de son collègue nain. (...)
- Retrouve leurs traces, l'humain, la vieille n'était pas seule, mais elle doit pas se déplacer bien vite à son âge. - Merci Rogur. Je veux dire, pour rester de la partie. - J'ai donné ma parole, ça s'arrête làAnton. Mais bonne barbe, je le regrette. C'est surement du suicide de suivre ces types dans la forêt en pleine nuit. (...)
Elle avait ôté son encombrante cape et ne portait plus qu'une robe légère faite de dizaines de morceaux de tissus colorés, cousus ensemble sans logique apparente. - Elle dit vrai, fitAnton, les traces s'enfoncent dans la forêt. Je pense qu'ils étaient au moins trois, plus sûrement cinq ou sept. **** La piste serpentait à travers la forêt.Antonla suivait sans peine à la lueur de sa lanterne, la boue de l'automne qu'ils avaient maudite les jours passés lui étant d'une grande aide. (...)
Les traces conduisaient à une colline boisée parsemée de ruines parmi les arbres et les fougères. De la lumière brillait au sommet etAntonpouvait d'ores et déjà y apercevoir de sombres silhouettes. Il aveugla sa lanterne et attendit que les autres le rejoignent. (...)
Leurs premiers pas firent craquer nombre de branches, puis ils semblèrent progresser sur un tapis de mousse. Seul le vent se faisait encore entendre.Antonse retourna pour voir la dame nimbée par la lueur de la lune. Elle chuchotait des paroles qu'il n'entendait qu'à moitié. (...)
Il trouva fort joli le froncement de ses sourcils et se reprocha de telles pensées alors qu'ils s'apprêtaient sans doute à risquer leurs peaux. Rogur avait presque atteint le sommet quand la pluie reprit.Antondégaina son épée et s'assura que ses dagues étaient prêtes dans leur baudrier. Un ultime coup d'oeil à l'arrière lui montra que Myrhafae aussi avait tiré une épée à fine lame. (...)
Les ravisseurs s'étaient réunis au centre d'une structure en ruine, faiblement éclairés par la lune et une lanterne vacillante. Ils étaient disposés en ronde autour d'un bloc de pierre. Une demidouzaine estimaAnton, portant toges sombres et capuchons. L'un d'eux psalmodiait d'une voix gutturale et un autre se penchait sur l'autel de fortune, au-dessus d'un paquet qui devait être l'enfant de Myrhafae. Rogur n'était pas en vue.Antonne pouvait pas attendre que le nain sorte de sa cachette. Deux contre sept, c'était du suicide, mais il fallait agir avant qu'ils tuent le petit. (...)
Aucun ennemi ne se retourna pour l'accueillir. Puis une des silhouettes s'affaissa, un lourd carreau d'arbalète fiché dans son dos.Antonlança sa dague au même instant, neutralisant un second adversaire. Rogur apparut alors à ses côtés, hache brandie. (...)
Le plus rapide fut fauché comme blé mûr par la hache de Rogur. Les deux suivants joignirent leurs efforts contre le nain enragé et un autre s'avança versAnton, marteau en main, suivi de près par la vieille qui leur avait servi la soupe.Antonvit Rogur, en mauvaise posture, éloigner ses adversaires d'un large moulinet, puis son propre adversaire leva haut son marteau dans l'intention de lui défoncer le crâne. Il dévia le coup avec difficulté. L'homme était puissant mais lent.Antonévita un revers rageur et en profita pour pénétrer la garde adverse. Il se fendit et embrocha son adversaire qui s'écroula dans un gargouillis. C'est alors qu'Antonremarqua la vieille qui lui plantait un poignard dans la cuisse. Une douleur terrible l'envahit tandis que sa jambe cédait sous son poids. (...)
Puis l'air crépita et la main de la vieille relâcha sa prise. Du coin de l'oeil, il vit un éclair bleu venir la percuter et la carboniser sur pied.Antonse releva tant bien que mal. « Je vous avais bien dit que j'étais une fée » déclara Myrhafae, les doigts encore chargés d'énergie. (...)
Rogur aussi en avait terminé ; il était blessé à l'épaule mais en avait vu d'autres. - C'était des humains,Anton, dit-il en écartant la capuche d'un cadavre.Antonremarqua alors le pendentif qui brillait au cou de sa propre victime. Une comète à deux queues. (...)
- Je vous en supplie, laissez-moi vous expliquer. - C'est tout expliqué, gronda Rogur. La jeune femme recula d'un pas vers la forêt.Antonremarqua qu'il pouvait voir les arbres à travers elle. Elle avait entièrement disparu avant que Rogur porte un premier coup de hache. (...)La forêt étalait ses nuances automnales à perte de vue, et le déclin du soleil faisait miroiter les feuilles mortes comme autant de joyaux. Anton Maren oubliait de temps à autre que cette féérie chatoyante renfermait tant de dangers. Il s'abîmait alors dans des rêveries que peu d'hommes d'armes impériaux auraient comprises. Tant de teintes et ce parfum entêtant d'humus accentué par la bruine du soir faisaient de l'automne sa saison favorite. C'était en automne que les meilleures choses ...