Tempête
Contient : roulotte (7)(...) Sans détourner la tête, et sans avoir besoin de demander son chemin à qui que ce soit, il se dirigea directement vers laroulottedu Veneur qui, depuis quelques jours, installait régulièrement son attelage à l'écart des autres voitures de la Caravane. J'étais encore sous le coup de l'étonnement, lorsque je vis le Veneur sortir de saroulottesans la moindre manifestation de surprise, s'approcher de l'inconnu, planter son regard dans le sien, saisir ses bras puissants, et le serrer un court instant contre son coeur. (...)
Qui pouvait bien être cet homme, pour déclencher ainsi, chez notre guide une telle extériorisation de sentiments qui, aussi modérée fût-elle, n'aurait jusqu'alors pu être soupçonnée, même par les plus anciens des bateleurs ? Au bout de quelques instants, les deux silhouettes sombres disparurent dans laroulottedu Veneur. Trois jours avant, nous avions essuyé une violente tempête. Les éclairs mêlés aux rafales de vent, s'acharnant sur nos frêles abris de nomades, avaient fait planer sur la Caravane un parfum de fin du monde. (...)
Quelle tempête intérieure faisait vaciller ce chêne millénaire ? Aucun bateleur n'avait osé le lui demander. Même l'Initié avait dû se résoudre à regagner saroulotteaprès avoir essuyé un vague geste de refus de sa part. Bon nombre d'entre nous se sentaient affectés par cette situation. (...)
Cela faisait déjà un grand moment que les deux hommes s'entretenaient en privé, à l'abri des yeux et des oreilles de chacun. Je surveillais de loin laroulottedu Veneur, étayant diverses hypothèses plus ou moins réalistes. J'étais de toute façon trop préoccupé par la situation de la Caravane, pour me consacrer à la moindre activité. Les deux hommes sortirent de laroulotte. Ils restèrent quelques instants debout à côté d'elle. Puis le Veneur posa une main complice sur le bras du guerrier, et de l'autre, lui montra le campement d'un large geste circulaire. (...)
Je savais qu'il le savait, et qu'il nous faisait suffisamment confiance pour ne point nous en prévenir. Au pied de saroulotte, il était là, assis, pensif... Mais déjà une langue de brume automnale venait de se lever, me masquant soudainement ses yeux rivés sur l'horizon, et au fond desquels brillait cette flamme singulière. (...)Une nappe de brume automnale venait de se dissiper, me dévoilant soudainement ses yeux, rivés sur l'horizon, et au fond desquels brillait une flamme singulière. L'homme qui s'avançait avait l'étrange regard des gens que rien ne peut arrêter, sûr de lui, plein de savoir et de certitudes. Ce regard énigmatique et dur, qui forçait le respect des hommes et aurait glacé le sang de plus d'un animal sauvage, du grand aigle maître des cimes, au plus puissant des chevaliers loups de nos forêts. Impassible ...