Quelques mots sur la médecine légale
Contient : docteur (14)(...) Parmi les ouvrages majeurs, citons le Précis de médecine légale, paru en 1886 (année de création des Annales d'anthropologie criminelle), dont l'auteur est l'éminentdocteurVibert, chef des travaux d'anatomie pathologique au laboratoire de médecine légale de Paris. Mais le best-seller reste incontestablement le Vade-mecum du célébrissimedocteurLacassagne dont la première édition remonte à 1892 ; ce guide pratique s'adressait autant aux médecins qu'aux magistrats [3]. (...)
Triple homicide à Varagnat : A titre d'exemple, nous vous proposons la lecture d'un rapport d'autopsie rédigé en juin 1906 par ledocteurChassaing, médecin à Ambert, concernant un triple homicide commis à Varagnat, paisible hameau de la commune de Medeyrolles, dans le Puy-de-Dôme. LedocteurChassaing n'est pas médecin légiste au sens du décret de 1893 ; cependant, l'ordonnance du juge d'instruction précise qu'il est requis « en l'absence de M. leDocteurSabatier, 1er médecin légiste, et tous les autres médecins légistes et vu l'urgence ». Ladite ordonnance, ainsi que la prestation de serment, est datée du jour même de la découverte du crime (22 juin 1906) et précise que ledocteurChassaing devra « procéder en notre présence à l'examen et à l'autopsie des cadavres ». L'autopsie s'est donc tenue sur les lieux mêmes du crime et, à en croire les photographies glissées dans le dossier des assises, sur la table de la cuisine, transformée pour l'occasion en table d'autopsie. (...)
Dans notre affaire, le médecin a attendu jusqu'au lendemain matin avant d'être autorisé à officier : le juge d'instruction tenait absolument à faire réaliser des photographies de la scène, et il ne fut pas possible de trouver un photographe avant la tombée de la nuit. Le rapport dudocteurChassaing, daté du 6 juillet (soit quasiment deux semaines après l'autopsie), se présente sous la forme d'un cahier d'une quinzaine de feuilles manuscrites recto verso, reliées à une couverture du même papier par une simple ficelle dans le coin inférieur gauche. (...)
La chose est étonnante compte tenu que tous les traités de médecine légale conseillent aux praticiens de faire une copie du rapport ; ledocteurChassaing se sera certainement contenté de ses notes au cours de l'audience aux assises. Il est difficile de savoir à quoi pouvaient ressembler ces notes. Tentons quelques conjectures. Il est probable que ledocteurChassaing ait eu entre les mains le fameux Vade-mecum dudocteurLacassagne. Dans celui-ci, on trouve des tableaux décrivant l'ordre dans lequel les constatations doivent être faites en fonction de l'origine supposée de la mort : dans notre cas, chacune des victimes ayant reçu une vingtaine de coups de hache, le doute n'est pas permis ! La plupart des manuels de médecine légale, justement, recommandent de prendre note des observations dans des tableaux préalablement établis. (...)
On trouve dans le dossier d'assises une photographie de la maison des victimes devant laquelle posent des personnages : quatre gendarmes (soit environ la moitié de l'effectif d'une brigade, l'affaire est grave), cinq paysans dont deux femmes (sans doute les témoins) et trois bourgeois. On peut supposer que se trouvent parmi ceux-ci ledocteurChassaing, le juge d'instruction et son greffier. Compte tenu du fait que nous savons que le juge d'instruction a assisté à l'autopsie, on peut émettre l'hypothèse que le praticien ait pu demander au greffier du magistrat de prendre note de ses constatations sous la dictée. (...)
), a tenté de s'enfuir avant d'être achevée par l'assassin sur le plancher de la pièce. En commençant l'autopsie par le corps de la jeune fille, ledocteurChassaing a sans doute voulu très logiquement débarrasser la chambre pour pouvoir plus facilement y circuler. (...)
Puis ce fut le tour des deux autres victimes, les époux Chelles, retrouvées mortes dans le lit conjugal. Dans les trois cas, le plan dudocteurChassaing est le même : observations générales (vêtements, position du corps, environnement, aspect général) ; énumération et description des blessures (tête, poitrine, dos, membres supérieurs, membres inférieurs) ; ouverture du corps (tête, poumons, coeur, système digestif, dans un ordre variable). (...)
Dernier détail avant de vous laisser découvrir le texte de ce rapport : par souci d'authenticité (et par déformation professionnelle), nous reproduisons le texte intégral dans sa forme d'origine en conservant les erreurs de langue et de ponctuation, les sauts de page, ainsi que les ratures et surcharges. Ne voulant pas vous faire languir davantage, nous vous laissons pénétrer en compagnie dudocteurChassaing dans la cuisine de la ferme des époux Chelles. Rapport d'autopsieTriple homicide à Varagnat. (...)Combien de cadavres semés dans les scénarios de Maléfices ? Il est vrai que la mort, comme l'estimait Mozart, est le but ultime de la vie. Mais quand la viande refroidit prématurément, intervient un personnage bien connu des séries policières : le médecin légiste. Les experts du crime : La Belle Époque est celle des experts du crime récemment étudiés par Frédéric Chauvaud [1]. Dans les vingt dernières années du XIXe siècle, en effet, une abondante littérature fait la synthèse des apports considérables ...