Ulhail le magnifique
Au travers des fougères au côté des chênes centenaires, cheminant à pas de loup l'oeil aux aguets, Ambix, chef du village des Trois Chants paraissait poursuivre quelques proies tapies sous les frondaisons. Nul ne semblait remarquer la présence de l'intrus ; les éperviers poursuivaient avec entrain leurs chants matinaux sous la douce caresse d'un vent espiègle et taquin. L'homme, un colosse de près de deux mètres de haut, était vêtu de braies de lin malodorantes, d'une épaisse tunique de laine défraîchie ...Contient : fille (8)(...) Le gaillard était loin d'être un novice dans l'art de la traque. Il avait décidé ce jour là d'amener safilleVevina dont le pas est plus léger que celui d'une biche et son esclave Ulhail. Après avoir cheminé sur un pierrier où il devait faire attention à chaque pas à ne pas trébucher sur la pierraille instable, Ambix suivait à présent et depuis le petit jour, un dénivellement particulièrement pentu. (...)
» Mais il sentait au fond de lui que c'était bien pire que cela. « Vevina, rapproche-toi de moi ! » lança-t-il d'une voix mal assurée. La jeunefillese plaça dos à son père. De son coté, le jeune esclave était comme tétanisé. Lui aussi ressentait de plein fouet le sourd danger qui planait au-dessus de leurs têtes, mais il n'avait l'expérience de son chef. (...)
Il aspira à pleins poumons tout l'air alentour, cherchant à récupérer au plus vite pour agir. L'esprit encore embrouillé il porta son attention sur safillequi n'avait pas esquissé le moindre geste, puis vers Ulhail. Le visage de l'esclave était méconnaissable, ses yeux atteints d'une rougeur malsaine. (...)
Homme courageux, guerrier aguerri, il ne craignait pas la mort mais il s'était toujours imaginé mourant les armes à la main au combat sur un champ de bataille ou face à une meute de loups, pas comme ça et surtout pas contre un adversaire défiant tout ce à quoi il avait toujours crû. Il chercha safilledu regard, et vit alors l'ombre faire un geste rapide et trois chênes qui se trouvaient derrière elle s'animer et se rassembler pour se confondre et ne plus former qu'une masse imposante et compacte, la forme d'un énorme auroch aux naseaux fumants. (...)
L'auroch gratta alors le sol de son puissant antérieur gauche et pointa ses cornes vers Venina. « Cours ! Cours mafille» voulu hurler Ambix, mais aucun son ne pouvait sortir de sa bouche. Les yeux rivés sur safille, impuissant, il vit l'animal prendre son élan et charger la jeune chasseresse et alors que celui ci allait la faire passer dans l'autre monde de manière certaine, il vit Ulhail au prix d'un effort surhumain se jeter sur elle et la projeter au sol, hors de porter de la bête furieuse. Emportée par sa course celle-ci percuta de plein fouet la source sombre de tous leurs ennuis, qui explosa en une multitude d'ombres qui s'éparpillèrent dans la forêt avant de se dissiper. (...)
Les éperviers reprirent avec entrain leurs chants, une douce brise souleva un tapis de feuilles. Se relevant péniblement, Ambix alla voir safille. « N'ais crainte père, je n'ai rien » lui murmura Vevina. Rassuré, le chef du village des Trois Chants se retourna alors vers son esclave et lui saisit la main de sa poigne imposante et l'aida à se relever. (...)
Pour te montrer ma gratitude je fais ce jour, trois serments que je respecterai, que les dieux m'en soient témoins : Plus jamais tu ne seras dans le besoin car je te donne toutes mes richesses. Plus jamais je ne te ferai de remontrance car mafilleest désormais ta femme. Plus jamais tu ne seras esclave car je t'affranchis Ulhail le magnifique ! (...)