Le Mémorial
sur Pénombre au format (11 Ko)
Au bord de la route qui traverse la vallée de Kintani pour se rendre vers le château Hotei, il y a un petit mémorial de pierre mal taillée. Dépourvu de fioritures, déjà rongé par les intempéries, à moitié dissimulé lorsque les herbes sont hautes, il demeure patiemment au bord du chemin, à peine entrevu et aussitôt oublié par presque tous les voyageurs qui passent devant lui. C'est ici, très précisément ici, que Sadako et Ohiro sont morts. Côté à côte. Unis dans la bataille comme ils avaient ...Contient : ronin (6)(...) Ceux qui ont connu Sadako savent qu'elle n'était pas aux côtés de son seigneur lorsqu'il fut destitué et devintronin. Mais tous deux, Ohiro comme Sadako, n'eurent d'autre choix que de prendre la route. De temps en temps, un voyageur un peu plus pieux ou un peu plus humble que les autres s'arrète un instant devant ce petit mémorial grossier. (...)
Il poursuit son chemin et passe sans le savoir près des endroits ou les compagnons de Sadako et Ohiro sont morts. Eux aussi étaient desronin. Certains l'étaient de naissance, comme le gros Taka qui a été piétiné par les onikage juste devant ce vieux sapin malade. (...)
Plus loin parmi les sapins, le voyageur ne sait pas que sous les aiguilles et la mousse gisent les corps des deux jumeaux taciturnes.Ronineux aussi, ils sont tombés ensemble comme ils ont vécu ensemble. Sans dire un mot. Les éta n'ont jamais trouvé leurs corps et pour tout dire, ils n'ont guère fait d'efforts en ce sens. (...)
Il était déjà terrible de devoir s'occuper des deux dépouilles corrompues, les deux seuls damnés que la petite bande deronina pu réclamer comme prix de sa défaite. Les éta n'ont jamais su quels étaient les rèves de ces hommes et ce qu'ils faisaient là lorsque la mort les a fauchés. Et de toute manière, qui se soucie des vertus ou de l'honneur d'unronin? Ils ne savaient pas, pas plus que les voyageurs qui empruntent cette route, que Sadako et Ohiro avaient trouvé une raison de combattre ensemble alors que tout aurait du les pousser à s'affronter. (...)
Ensuite, ils sont repartis comme ils étaient venus et leur passage a laissé encore moins de traces que le combat desroninoubliés. Seuls les kami qui chuchotent parmi les arbres, qui murmurent parmi les herbes se souviennent. (...)