Chapitre IX – La Bataille Oubliée
sur Pénombre au format (34 Ko)
A mon retour des terres du Clan du Crabe, Mariko-san a insisté pour que nous achetions une demeure digne de mon rang dans la magistrature. A franchement parler, je trouve cette nouvelle maison un peu trop grande. Il y a des chambres pour les invités, pour ma fille et même pour les domestiques. Le petit jardin shintao est magnifique et proche de mon bureau. Car j'ai maintenant un bureau. Et un salon. Et même un dojo ou Mariko-san a demandé à ce que l'on installe des calligraphies reproduisant ...Contient : arbre (28)(...) Dans sa lettre, il nous félicitait pour nos actes héroïques passés et nous avertissait de jours sombres à venir. Il nous recommandait de nous souvenir de la Bataille de l'Arbrede Vie quand ces jours viendraient. Comme de juste, personne dans la forteresse du Champion d'Emeraude ne put me dire quoi que ce soit sur cette bataille. Ni sur cet 'arbrede vie' d'ailleurs. A une exception près. Un vieux maitre de go aveugle me suggéra à l'issue d'une partie de me rendre au château de la famille Ikoma. (...)
L'un d'eux suggéra même que je me rende dans un village proche ou 'l'on se soucie de discourir de choses qui n'ont jamais existé' car son impression était que la bataille de l'arbrede vie n'était qu'un conte ou même une mauvaise plaisanterie. Comme je n'étais pas sûr des intentions de Megumi kamisama et de la teneur réelle de notre quête, j'ai jugé préférable de ne pas reprendre l'homme qui avait après tout passé la nuit à faire de vaines recherches pour moi. (...)
L'histoire qu'il nous conta était d'ailleurs fort intéressante elle aussi. Selon lui, il existait effectivement unArbrede Vie et il était tout proche de son village. Depuis cinq cent ans, un sorcier maléfique souhaitait s'en emparer et chaque siècle, il lançait ses forces à l'assaut de l'arbre. Cinq fois déjà par le passé, de courageux samurai appartenant en majorité au Clan du Lion s'étaient opposés au sorcier corrompu. Ils avaient pu l'empécher de s'emparer de l'Arbremais aucun d'eux n'avait jamais survécu et leurs cadavres étaient venus grossir les rangs de l'armée maudite. CetArbre, nous expliqua Ikoma Yasuhiko, devait assurément avoir un rôle surnaturel primordial car d'après ce que ses ancêtres lui avaient transmis, chaque siècle la fortune Megumi choisissait de nouveaux champions pour combattre le sorcier. S'ils parvenaient à empécher la victoire des armées maudites du crépuscule jusqu'à l'aube, l'arbreétait sauvé. Mais cela ne suffisait pas. Tant que les champions de Megumi ne parviendraient pas à écraser l'armée ennemie, personne ne se souviendrait de ces évènements en dehors des habitants du village. Pour l'empire tout entier, il n'y a jamais eu d'Arbrede Vie et tous les samurai qui sont morts en s'opposant au sorcier n'ont jamais existé. Leurs parents ont oublié jusqu'à leur existence, leurs enfants ignorent leurs origines... comme si un kami était parvenu à effacer toute trace de leur présence. (...)
En ce qui nous concerne la suite coulait de source, n'est ce pas ? Nous avons accompagné Tadashiro, le fils d'Ikoma Yasuhiko jusqu'à l'arbre, à quelques heures de marche. Dans l'intervalle, son père allait rassembler les quelques rouleaux entreposés dans un petit bâtiment de pierre tout proche. (...)
Sachant qui était impliqué dans cette affaire et comment nous étions arrivés là, nous avions notre petite idée sur cette question, bien sûr... L'Arbrede Vie méritait bien son nom. Le simple fait que cetarbreau beau milieu des terres du Lion n'ait jamais attiré l'attention était en soi significatif. Il faisait plus de deux cent pas de hauteur et vingt hommes se tenant à bout de bras en auraient à peine fait le tour. (...)
Le jeune homme n'avait plus rien à voir avec le jeune samurai campagnard et reclus qui nous avait guidé jusqu'à l'arbrede vie quelques heures plus tôt. J'avoue que j'étais inquiet car sans ces rouleaux, nos chances de gagner la bataille à venir étaient bien minces. (...)
Que cette plaine et le château en son centre n'apparaissent sur aucune carte démontrait clairement qu'elle aussi était liée au mystérieux pouvoir qui s'attache à la destinée de l'Arbrede Vie. Car si la petite vallée abritant l'arbreétait blottie dans les contreforts de la Chaîne du Toit du Monde, l'étrange plaine désertique et sa sinistre forteresse se trouvaient quant à eux bel et bien au coeur des territoires du Lion. Des dizaines de générations de soldats en patrouille étaient passés dans les environs et aucun d'eux n'avait même remarqué ce qui se trouvait sous leurs yeux. (...)
L'attention des ronins comme celle des oni difformes était toute entière à l'allocution du sorcier. Celui ci se vantait d'arriver bientôt à enfin s'emparer de l'Arbrede Vie, ce qui permettrait à la horde d'oni de se déverser sur les terres de l'Empire. Il se vantait aussi de nous avoir vaincu puisqu'il nous avait volé les parchemins retraçant les cinq précédentes batailles. (...)
Les oni avaient cessé de nous poursuivre, probablement encore limités dans leurs mouvements par l'influence de l'Arbre. Mais le sorcier n'était pas un novice et disposait de séides bien vivants. Nous avons donc rapidement quitté sa demeure maléfique. (...)
Deux milles combattants, près des deux tiers étant de simples ashigaru, se rendraient à l'endroit ou nous prétendions que se trouvait l'Arbrede Vie. Grâce à la générosité des Ikoma qui nous fournirent des montures, nous sommes allés ensuite à Shiro Akodo à bride abattue pendant que Ikoma Ujiaki prévenait son seigneur de clan de notre venue par pigeon voyageur. (...)
J'en porte les cicatrices. Après qu'Akodo Toturi nous ait confirmé qu'il enverrait deux mille cinq cent de ses samurai à l'Arbrede Vie, nous avons fait route jusqu'au château des Kitsu, le Château de la Voie du Sabre que j'avais déjà visité alors que nous tentions de régler le problème des Légats. (...)
Hida Shironage-san est un homme véritablement surprenant. Cinq cent shugenja reçurent l'ordre de nous retrouver à l'Arbre. Pour terminer, nous nous sommes rendus jusqu'au château des Matsu. Matsu Tsuko nous reçut de manière très froide même si elle se dérida un peu lorsque je requis la permission d'aller me recueillir près de la statue d'Akodo Arasou. (...)
Sa destinée n'était pas de trouver la mort face à Matsu Tsuko. Elle promit cependant d'honorer son courage et le notre en envoyant deux mille hommes à l'Arbrede Vie, dont plus de cinq cent cavaliers accomplis. Il ne nous restait que deux jours avant le début de la bataille séculaire. (...)
Heureusement, on nous prêta de nouvelles montures pour remplacer celles des Ikoma qui avaient presque volé pour nous transporter jusqu'aux autres palais du Lion. Nous nous sommes mis en route pour l'Arbreet en chemin nous fûmes rejoints par Mirumoto Akira. Bien qu'encore blessé, il insista pour nous accompagner. Les armées du Lion nous attendaient bel et bien à proximité de l'arbregigantesque et leurs commandants se placèrent sous notre autorité, preuve de confiance s'il en est. (...)
Les armées du sorcier maudit apparaîtraient rassemblées en une masse compacte à peu de distance de l'Arbre. Cependant, Hida Shironage-san préféra établir plusieurs lignes de défenses en carré autour de l'Arbre. Au cas ou l'ennemi décide pour une fois d'innover sa tactique. Des unités d'élite formaient les coins de nos carrés défensifs et au coeur de notre dispositif, la cavalerie se tenait prêtes à galoper là ou l'ennemi menacerait d'enfoncer nos lignes. (...)
Et Ikoma Tadashiro périt lors d'une percée de l'ennemi, faisant rempart de son corps avec une poignée de courageux samurai face à un ennemi dix fois supérieur en nombre. Ils les empêchèrent d'approcher l'Arbreassez longtemps pour que notre cavalerie les taille en pièces. J'atteste qu'Ikoma Tadashiro est mort en samurai. (...)
Il a accompli la tâche à laquelle ses ancêtres s'étaient voués car c'est gràce à lui que la Bataille de l'Arbrede Vie ne sera plus jamais oubliée. J'honore aussi sa mémoire. Le sorcier maléfique n'a jamais combattu en personne et s'est enfui comme un lâche lorsqu'il devint clair que ses dernières troupes allaient enfin rejoindre la paix de la tombe. (...)
Alors, pour autant que je sache, je suis le seul homme vivant à avoir survécu à son propre seppuku parce que son honneur fut reconnu par l'homme même qui lui avait demandé de prouver sa valeur. Je n'ai pas revu Akodo Toturi avant notre départ pour la Bataille de l'Arbrede Vie mais lorsque nous nous sommes salués pour la dernière fois, j'ai vu que le respect brillait encore dans son regard. (...)